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Chrétiens perdus par l'Empire

Gérard Leclerc réclame dans la France Catholique de cette semaine le sursum corda sur la question liturgique que devrait trancher une fois pour toutes le motu proprio du souverain pontife. On sait les réticences de la conférence épiscopale, sans trop les comprendre à l’aune des enjeux qui les dépassent tant ailleurs, non sur le plan relativement subalterne du mode d’adoration le plus adapté à l’envergure théologique de notre temps – que Sa Sainteté soit bénie pour le souci qu’elle met dans ces questions -, mais par les dévastations les plus graves qu’endurent les communautés chrétiennes sur les terres de la Bible, du fait de la fureur animale de sectateurs aveuglés de haine contre le genre humain.

patriarche Emmanuel III DellyC’est dans ce numéro de la France Catholique que l’on déniche un article sur les malheurs des Chrétiens d’Orient. J’allais ajouter, les vrais ! L’article sur la tragédie des Chrétiens d’Irak se consulte en cliquant sur son titre.
Ce sont près d’un demi million de personnes qui ont dû fuir la nouvelle république irakienne, principalement (mais pas seulement) du fait de leur appartenance chrétienne. Les « stratèges » climatisés de Washington étudieraient le regroupement des restes dans la province de Ninive. C’est dans l’air du temps, on sépare tout le monde, sans doute pour que cesse la guerre civile aveugle, afin que se déchaîne la guerre classique, les yeux grand ouverts. Combien de temps tiendrait l’île chrétienne de Ninive dans l’océan de l’Oumma intégriste ? Sans doute au moins jusqu’au terme du second mandat de M. le président GW Bush.

Après moi le Déluge ! Justement, ça s’est déjà passé là ! Tout s’est passé là. Le jardin d’Eden, l’arche de Noé et de Spielberg, le patriarche Abraham, le sacrifice du mouton, la tour de Babel, les chaînes de Babylone, et pas si loin s’est poursuivi le pèlerinage mystique de l’homme vers son seul dieu, les Tables de la Loi, la Terre Promise, les Prophètes, les Rois, jusqu’au saint Sauveur ! Que suivit l’inondation chrétienne de toute l’Asie Mineure avant que de noyer le reste de l’Empire romain !

S’il est une terre d’ancrage biblique et forcément chrétienne c’est bien la Mésopotamie, et l’Asie Mineure (désolé pour les antiturcs) !

La guerre de religions qui détruit le Moyen Orient ne pouvait épargner les communautés chrétiennes d’Irak. Elles n’ont jamais été considérées comme des aliens dans la région, mais parfaitement intégrées au socle civilisateur, jusqu’à ce que les couples dominants-dominés traditionnels explosent dans le reclassement des alliances pour ou contre Israël, pour ou contre les Etats-Unis, pour ou contre Téhéran, pour ou contre Damas. Les Chrétiens furent souvent du bon côté du manche, mais impossible de ne pas choisir.
Les Chrétiens du Liban ont choisi d’abord le parti Baas syrien (fondé par le chrétien Michel Aflaq) quand les phalanges ont appelé Hafez el Assad au secours, après la déroute du général Aoun ; les Chrétiens d’Irak, assyro-chaldéens en majorité, ont choisi le Baas de Saddam Hussein, et s’en trouvèrent récompensés par les hautes fonctions confiées à Tarek Aziz.

Au Liban, les Chrétiens se sont partagés ensuite - un peu comme le font les Corses - au motif d’une illusoire indépendance du pays à leur bénéfice pour les uns, à la préservation de positions acquises avec les Syriens pour les autres, ou pour survivre sur l’estrade politique dans une alliance contre-nature ainsi que l’a contractée Michel Aoun avec le Hezbollah ! Que les communautés chrétiennes trinquent dans une nouvelle période de grande effervescence ne peut surprendre. Au passage, chacun se demande que fait la France dans ce désordre, sauf à être là à temps et à contretemps, comme si elle habitait ce pays depuis toujours et y promenait son chien !

En Irak, la question est bien différente. Sans doute par le « Rendez à César … » les Chrétiens furent toujours de loyaux sujets puis citoyens, sans arrière-pensées car, établis là depuis toujours, ils n’avaient aucun agenda politique. C’est ce qui les a enrichis, au point de faire envie aux communautés musulmanes les moins favorisées, les Chiites. Dans leur fureur d’imposer la stricte application des rites – cette religion ne serait-elle finalement qu’un catalogue de rites médiévaux élémentaires ? – ces derniers s’en prirent ainsi aux Chrétiens à double titre, la violation des rites de la charia (alcool, vêture, moeurs) et la loyauté au dictateur déchu qui les avait méprisés et écrasés. Capturer à Ankawa le recteur du Babel College de Bagdad participe quand même d’une volonté manifeste d’éteindre tous les chandeliers, définitivement.

Comme on ne voit pas de quelle façon les communautés chrétiennes fortement minoritaires auraient pu échapper à cette vindicte hystérique, il eut été prudent de la part des Anglo-saxons de peaufiner leurs réflexions dès après la première guerre du Golfe avec en tête ce souci de pérenniser la souche biblique, chose qui devait quand même les intéresser, surtout au moment de l’accession au pouvoir des néo-conservateurs évangéliques !!! Il me revient cette réflexion de la Mère supérieure d’un couvent catholique de Bagdad à qui l’on demandait son sentiment sur l’imminence de la guerre américaine en février 2003, répondre qu’elle redoutait bien plus que les bombes, la rupture des « digues » de Saddam City, le faubourg misérable chiite de la capitale. On sait mieux aujourd’hui de quoi voulait-elle parler.

Aucun compte ne fut tenu au Pentagone de l’exposition hyper dangereuse de ces communautés à la Revanche, puisque celle-ci - la revanche - n’était pas dans les programmes. Ces programmes américains d’après-guerre étaient d’ailleurs vides de toutes analyses. On en a eu la preuve maintes fois et en continu ! Il n’est que de citer les noms des proconsuls de rencontre qui se sont succédés à Bagdad pour écouter les ordres téléphoniques de Washington sans rien comprendre à rien ! Jay Garner, général de l’intendance à la retraite complètement déconnecté de la réalité politique du pays, Paul Bremer, administrateur civil qui géra la situation à la petite semaine par décrets et vetos, liquéfia l’armée nationale, pour terminer dans la fumée d’une gigantesque opération de corruption irakienne sur laquelle il ferma les yeux pour s’acheter des amis, ou la paix (dit-il) !

Ce qui ressort de l’affaire, c’est la médiocrité du haut commandement, et surtout celle du Commander in Chief ! Qu’attendre d’un président incapable de ramasser ses idées à la lecture d’une lettre de plus d’une page ! C’est bien à ce niveau qu’est Le Problème.

Georges W. Bush fut élu (mal élu) sur sa bonne mine et sur la facilité de compréhension de ses thèmes de campagne par l’électorat. Les débuts de son mandat ne révélèrent rien d’extraordinaire sauf à proclamer qu’il était devenu abstinent en lisant la Bible ; jusqu’à ce que les Saoudiens d’al Qaïda percutent les Twin Towers. A partir de là s’est joué un film de guerre, tourné par des faucons mouillés comme les dénonce la Gazette du New Hampshire testant des théories académiques inédites !
Il fut élu pour le second mandat parce qu’on ne change pas de cheval au milieu du gué, en pleine guerre, et aussi parce que son concurrent, WASP bostonien un tantinet méprisant, n’a pas convaincu les classes populaires.

La démocratie américaine qui a souvent produit des présidents d’envergure, a cette fois sorti du chapeau le lapin sot ! Parfaitement instrumentalisé par une coterie avide de pouvoir qui s’essayait au modelage démocratique du monde sur des analyses insuffisantes et des schémas inapplicables hors de la sphère occidentale, le président des Etats-Unis a rejoué la fable de l’Ours et l’Amateur des Jardins de Jean de la Fontaine. Et la lourde pierre a tout fracassé !

Mossoul messe syriaque aout 2005
La question nous est posée du pouvoir régalien.
Si dans un régime présidentiel équilibré comme celui des Etats-Unis l’insuffisance du chef de l’Etat conduit à de pareils désastres, quel serait notre argument pour lui substituer chez nous un chef permanent, souverain successible automatiquement ?

Certes les dommages causés le sont sur les théâtres extérieurs de par la position dominante de l’empire, et n’ont pas touché le pays lui-même ; sauf les familles des soldats morts ! Et sans doute que sur un plan domestique il n’aurait jamais pu continuer pareille aventure, les procédures de destitution l’auraient vite stoppé. Néanmoins il faut réfléchir à cette extravagance : une démocratie parmi les plus abouties, a sorti quelque sorte de tyran niais ! Heureusement qu’il était limité à huit ans !

Commentaires

  1. C'est le propre de la Démocratie de verser dans la Démagogie et de produire in fine une Tyrannie.
    Ce sont les Antiquaires grecs qui ont trouvé ça tout seuls !
    Ne soyez pas étonné de l'avatar démocratique Bush junior !
    Que le tyran soit un âne n'ajoute rien.

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  2. Il n'empêche que le bigot président qui ne décide rien tant que la Voix ne lui a pas dicté sa conduite, est en train d'éradiquer 2000 ans de christianisme en Mésopotamie, "à l'insu de son plein gré".
    Ca me met en colère !

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