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Faillite annoncée

La reine de France détenait jadis les clefs des finances du royaume, qu'elle portait symboliquement à sa ceinture. Nous sommes bien marris de l'avoir un jour licenciée puisque les finances ont fini par disparaître, comme nous le confie le Premier des ministres nouveaux, et le confirme le président de la Banque centrale européenne.

Pour la première fois, la Cour des Comptes du président Séguin a chiffré en 2006 les actifs propres à l'Etat français: 550 milliards d'euros. Le chiffre est très théorique car cet actif ne sera jamais réalisé. On ne vendra pas l'Élysée, ni le Panthéon. Mais cette mesure est utile car elle étalonne l'ampleur de la Dette publique : 1.100 milliards d'euros, le double de cet actif théorique. Si l'on ajoute les engagements de retraites de la fonction publique on passe à 2000 milliards environ. Le pacte républicain virtuel est fortement menacé, surtout si aucun signal de réduction n'est émis par le pouvoir. Ce qui est malheureusement le cas !

Avant l'élection présidentielle, l'ancien président d'Elf-Aquitaine Jaffré avait commis un "roman" d'aventure très remarqué dans les milieux économiques, intitulé Le jour où la France a fait faillite.

« Mercredi 25 juillet 2012. Pékin, Peninsula Beijing Hotel, 7 h 12. - Désolé, monsieur, votre carte de crédit ne fonctionne pas. Auriez-vous des espèces, des chèques de voyage ou une autre carte ? Pierre Fournier regarde, incrédule, le réceptionniste. Il ignore encore que personne n'acceptera plus de sa part ni chèque ni carte de crédit. La France est en cessation de paiements. En faillite. Incapable d'honorer ses dettes ! Et personne, de New York à Hongkong ou Sidney, n'est prêt à lui faire crédit. »

Le scénario catastrophe imaginé par Philippe Jaffré et le journaliste Philippe Riès fait froid dans le dos. Nous sommes en 2012 et la République traverse une crise de trésorerie comme elle n'en a jamais connu. L'agence de notation internationale Standard & Poor's vient de rétrograder la dette de la France au rang des «junk bonds», ou obligations pourries. Notée «AAA» (triple A, dans le jargon financier) jusqu'à présent, à l'instar des Etats dits «respectables», la France est maintenant classée «BB +». Au niveau des cancres, en somme. Comble de la honte : elle est accusée d'avoir maquillé ses comptes pendant des années pour masquer l'ampleur du désastre de ses finances publiques, qui n'a cessé de s'aggraver, malgré les remontrances insistantes de Bruxelles !

Dans ce roman d'octobre 2006, la victoire de Ségolène Royal et de son ministre Strauss-Kahn en mai 2007 avait ouvert les bondes de la bienfaisance nationale pour la relance générale de l'économie par la dépense publique, conduisant en cinq ans le vieux pays à se saigner à blanc. Devait arriver ensuite le sauveur tant espéré ! Etc.

C'est ce "sauveur" que nous avons aujourd'hui, et c'est sous son magistère que le monde nous regarde avec intérêt et un brin d'angoisse. La raison en est très simple : tous les gouvernements démocratiques du monde libre profite des premiers mois de leur avènement pour mener les réformes les plus difficiles. Cette période, appelée "état de grâce" ou "cent jours" en France, ne fut pas utilisée par le ministre Raffarin en 2002 - il consultait et reconsultait ... - ce qui coula l'enthousiasme de l'élection latino-américaine de Jacques Chirac en 2002.
Mais pas plus apparemment de la nouvelle équipe 2007 qui a marqué le fracas de son arrivée par plusieurs semaines de pipolisation échevelée, et par le vote du bouclier fiscal d'abord ! Ne pouvait-on attendre dix-huit mois ou deux ans pour clientéliser les riches ?

Le ministre Fillon qui est là depuis quatre mois et demi et se croit autorisé à parler vrai, déclare le pays en faillite. Chacun sait bien que ce n'est pas le cas encore, mais la fébrilité des marchés et leur grande sensibilité à la panique n'ont pas été prises en compte dans cette déclaration irresponsable. Parce que rien ne semble sur les rails pour étouffer la prolifération des dépenses de fonctionnement d'un Etat convaincu de pachydermie aiguë, des défaisances nombreuses de titres d'Etat peuvent intervenir sur les marchés avant même que les agences de notation ne déclassent le crédit du pays. Les "souverainistes" rétorqueront qu'on s'en tape, puisque la politique ne se fait pas "à la Corbeille". Faisons-leur donc confiance, et passons de temps en temps aux distributeurs pour nous assurer qu'il y a des sous. Au fait, ce n'est pas en France que sont émises les clés d'autorisation des cartes Visa et autres !

M.Sarkozy chez les BushDans le même mouvement, la télévision nous fait vingt secondes sur l'entrée (ou la sortie) du président de la République française Sarkozy à la tour de verre de l'ONU à Manhattan. Stupeur : le chef de "l'Etat en faillite de la semaine" arrive débraillé, sans cravate, la veste dépareillée ouverte sur un blue-jean-mocassins, et comble du chic révolutionnaire, la rosette de Grand Croix de la Légion d'honneur à la boutonnière ! Je me demande si on va longtemps nous faire crédit dans cet accoutrement de Gainsbaryte! C'est le chic "maître-plouc" inauguré chez les Bush à Kennebunkport, faute de savoir s'habiller en "week-end". Dur, dur, les parvenus !

L'irresponsabilité et le cynisme ne sont ni de droite ni de gauche. Ils sont le fait d'hommes politiques de tous bords qui, par facilité ou par clientélisme, ne veulent pas imposer à leurs électeurs l'indispensable potion amère dont les effets bénéfiques profiteront à leurs successeurs. Alors, depuis trente ans, on truque, on tronque, on maquille, on manipule et on diffère : que les générations suivantes se débrouillent avec la facture de nos excès. Quelques-uns, adeptes de la dépense à tout va, poussent l'inconscience jusqu'à affirmer que la dette ne représente aucune menace sérieuse pour le pays. Au diable l'euro et ses contraintes ! Qu'importe le vieillissement de la population ! Silence sur l'archaïsme de notre administration ! Les contribuables, eux, ne sont pas dupes. Parce qu'ils savent qu'un jour la note leur sera présentée, ils économisent plus que leurs voisins européens, plombant par ricochet la croissance. A bout de souffle, le " modèle social français " se meurt. La classe politique fait l'autruche. Au risque qu'un jour, pas si lointain, la bombe de la dette explose... ! (Aphatie sur Rémi Godeau pour La France en faillite" chez Calmann-Lévy, fév.2006).

Aux frontons élevés de la République, il siérait d'inscrire plutôt :
APRES NOUS LE DELUGE !


Livre Le jour ou la france a fait faillitelivre la france en faillite

Commentaires

  1. Très bon article, j'ai aussi feuilleté le livre que vous présentez.

    Je suis tout particulièrement d'accord avec votre dernier paragraphe.

    Je voudrais cependant "préciser" la notion de "clientèlisme".

    Un des gros problèmes de la France, est que les hommes politiques tentent d'imiter les réformes des autres pays, sans pour autant réellement réformer.
    C'est ainsi que nous sont cités les exemples scandinaves et britannique, mais un peu comme les architectes amateurs, nos hommes politiques tentent de construire la maison sans édifier les fondations.

    En un sens, le bouclier fiscal à 50% n'est pas scandaleux puisqu'il s'agit de "redonner" confiance aux plus aisés, pas plus que l'exonération fiscale sur les heures supplémentaires. Seulement, c'est l'absence de limitation de la dépense publique qui est inquiétante puisque l'Etat veut satisfaire tout le monde tout de suite : les riches, les pauvres, les classes moyennes, etc ...

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  2. Vous avez raison, le bouclier fiscal aurait été crédible si dans le même temps on sabrait la dépense publique, ne serait-ce qu'en arrêtant les gaspillages dénoncés annuellement par la Cour des Comptes.
    Présenter derrière le bouclier fiscal un budget en déficit de 42 milliards, après avoir dénoncé la faillite, est irresponsable.

    Nous devrions envoyer nos dirigeants en stage en Allemagne.

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