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Fin de l'état-nation ?

Les médias nous parlent peu du traité européen simplifié, dit modificatif depuis qu'il compte 256 pages. L'électeur n'étant pas convoqué, ce dont il se moque comme de sa première chemise au grand dam des souverainistes, les chaînes d'images qui forment l'Opinion sont revenues au goutte-à-goutte perfusant du Coca-Cola dans le cerveau prêt-à-croire de l'auditrice de moins de 40 ans, guichetière à la SNCF, la dernière à avoir encore du disponible pour les fêtes.

Ceux qui malgré tout veulent savoir, même si ça ne les aidera en rien de concret, doivent consulter le tableau mis en ligne par le site Europe politique. Epuré et clair. Rassurez-vous donc, il n'y a rien de changé par rapport au traité constitutionnel de Valéry Giscard d'Estaing. Après la décision du peuple souverain de rejeter cette pseudo-constitution supranationale en 2005, il y a donc forfaiture de la part des pouvoirs républicains, exécutif et législatif - dès lors que tout le parlement abonde à l'idée de passer outre, autrement. Et après ? ...

C'est la seule réponse à attendre de l'Elysée : et après !
Et après ? L'histoire glorieuse de la République, intransigeante avec ses principes fondateurs, convoque-t-elle le peuple à l'insurrection ? Et les palais dorés, les limousines à cocardes, les sous-préfectures, de brûler ; les CRS mitraillés par les chasseurs de bécasses en colère ; le Charles-De-Gaulle coulé en rade de Toulon par le thon rouge, l'anchois et la daurade réunis ; et Tintin-Besancenot de grimper à pleines mains la colonne de la Bastille pour embrasser son génie sous l'oeil humide de la caméra de CNN ! La France refait sa Révolution ! Venez voir l'éclipse, elle ne se produit que tous les deux siècles.

A peine exalté, j'ouvre mes volets. C'est dimanche. Dans la rue, un clochard de souche fouille ma poubelle et retourne deux vieilles bouteilles de pinard pour une hypothétique rincette. Passe complètement gelée la chef en retraite des facteurs de Passy, à petits pas ; elle va chercher sa baguette chez le boulanger fermé. Et du 17 en face, sort une famille nombreuse qui se charge dans un 4X4 coréen pour un tour à la mer sans doute. La Révolution devra attendre les jours ouvrables.

Aux clients que je connais mieux, j'ai posé la question du traité simplifié. A 99% ils sont devenus monarchistes. J'entends par là qu'ils ont élu Sarkozy pour relever le pays qu'ils jugent effondré sur lui-même sans aucune cause extérieure. Le professionnel qu'il est doit par définition disposer de tous les éléments nécessaires à ses choix qui, en conséquence de la dévolution de souveraineté de mai 2007, sont les bons. Sinon mes bourgeois devraient se remettre eux-mêmes en cause pour avoir choisi un faisan. Les décisions régaliennes sont au roi. Point barre ! Ça me fait chaud au coeur.
La forfaiture ? ils sont habitués : le droit constitutionnel, c'est un peu comme la justice publique, c'est fait pour les pauvres et les profs ...

... et les blogues : Du dispositif constitutionnel européen remis en jeu par le caprice du prince, nous extrayons aujourd'hui la Charte des droits fondamentaux, dont le Royaume Uni s'est exonéré. Nos amis souverainistes s'attachent aux frontières et aux insignes de la fédération que sont la présidence et le haut représentant de l'Union aux affaires étrangères et à la sécurité. Il n'y a rien là de dangereux, car ce ne sont que des hommes dont on peut barrer les ambitions, des services que l'on peut éventuellement brider, piéger, corrompre. La Charte est plus insidieuse car elle est instrumentalisée par le membre le plus puissant de l'Union, qui a de longtemps mis en place les outils de sa reconquête, grassement financés par lui à travers certains länder. Mais sautons déjà à la conclusion.
Par une progression en échelle de perroquet, la Charte doit aboutir à la consolidation de régions ethniques homogènes découpées selon les contours linguistiques, régions vouées à devenir plus tard des sous-états, fédérés dans le nouvel état européen. C'est Yvonne Bollmann, universitaire germaniste de talent, qui a le mieux démonté la procédure allemande, allumée comme une mèche lente.

L'outil principal est la puissante FUEV (Föderalistische Union Europäischer Volksgruppen), directement issue des « Congrès des nationalités » créés en 1925 afin de regrouper dans un reich grand-allemand les minorités allemandes que le traité de Versailles avaient enlevées au Deuxième Reich et à l'Autriche-Hongrie.
Ceux qui ont le temps doivent lire deux contributions mises en ligne par l'Observatoire du communautarisme. Tout y est pour fonder le refus de la Charte des droits fondamentaux, en substitution du vacarme souverainiste, peu audible :

- La FUEV par Lionel Boissou (c'est en pdf) ;
- Ce que veut l'Allemagne par Yvonne Bollmann.

Pour vous simplifier l'analyse, la queue de trajectoire est un saint empire germanique non impérial. L'empêcheur de tourner en rond n'a pas changé. C'est l'état-nation de 550000 km² planté en plein milieu, et qui plus est, distille partout l'universalité de l'homme irréductible au sujet-citoyen communautarisé. L'autre contempteur est le Royaume Uni, mais comme il est à l'extérieur des marches de l'empire nouveau, il ne compte pas, et son absence de la Charte est sans effet. Alors donc, les Huns voudraient raser la Nation française en la brisant selon les cheveux de faïence de ses particularismes régionaux, afin d'en fusionner les morceaux dans des régions transfrontières ou périmétriques, le solde non digéré formant quelque chose qui pourrait toujours s'appeler la France.

Parenthèse : il est assez étonnant de constater le nombre de points de désaccord actuel entre les gouvernements français et allemand, à se demander même si le contre-pied n'est pas systématique à Berlin. La chancelière n'entend pas peser sur la BCE, ce qui par ricochet va délocaliser une partie de la production d'EADS en Europe de l'Est, donc sous sa surveillance, ou en zone dollar à portée de griffes de la Deutschland AG. Elle instrumentalise les droits de l'homme en Chine sachant que la France financièrement à l'agonie, n'a plus cette latitude ; elle en ramasse le flambeau pour relancer son siège permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU. Elle favorise partout ses pays clients en arguant de l'incapacité française à faire plus que dire. En réalité, l'axe franco-allemand est devenu une barre à mine allemande plantée chez nous. Mais avec le sourire, beaucoup de sourires.

A divers motifs dont la légitimité de la diversité n'est pas le moindre, on parle déjà de nations concurrentes chez un même pays-hôte ; le pays-hôte ici est appelé : la France qui tombe.
" L'exemple catalan représente la forme la plus aboutie de ce nouveau nationalisme. En effet, le mouvement catalaniste français (ndlr) s'appuie sur le rattachement avec une nation quasi-existante. Il s'agit d'une sorte d'irrédentisme affirmé des deux côtés de la frontière. Le Pays-Basque, une fois le problème du terrorisme résolu, devrait pouvoir prendre la même voie " (Olivier Amiel, université de Perpignan). Au fait, la région administrative Alsace a remplacé le 9 mai dernier son nom de domaine .fr en .eu, www.region-alsace.eu.

Un monde sans Etats ? C'est l'ESA qui a fait cadeau de cette assemblage de photos satellites évidemment sans frontières aux Nations Unies :

mapemonde ESA sans frontières
Alors pour sauver "nos" Etats, fait-on chauffer la poix et monte-t-on au créneau ? On selle, on bride, prêt à partir pour l'Ost et exploser l'empire multi-ethnique ?
Avant de revêtir l'armure et de boucler la ceinture de notre bien-aimée, deux questions :

(1) Après un siècle et plus de ravages nationalitaristes, la nation française est-elle capable de réagir en se constituant une fois de plus en corps ? Va-t-elle affronter alors ses nations concurrentes réveillées ?

(2) Le bonheur du peuple au sens large est-il mieux assuré dans un état-nation jacobin, ou dans les provinces libres d'un empire distant, provinces disposant des mêmes attributs de souveraineté - ramenés au pantographe fédéral - que les états-nations actuels ?

Malgré la force de l'empirisme organisateur et celle du Serment de Strasbourg, nous parlons d'un monde futur fondé sur des données inédites.
Je ramasse les copies dans une heure :).


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Commentaires

  1. Vous posez indirectement la question de l'Europe des nations revendiquée par tous les nationalistes d'Europe. Ces nations effectivement ne sont pas toutes des états, et certains états abritent plusieurs nations.
    La cas de la France, par la superficie de son territoire, est de chaque côté du problème.
    Les nations subordonnées sont bien connues car Le révélateur linguistique marche assez bien. C'est pour ça aussi que la république s'est acharnée sur les patois :
    - flandres
    - alsace
    - savoie
    - nice
    - provence
    - corse
    - bas-languedoc
    - catalogne
    - euzkadi
    - bretagne
    - auvergne

    Celles qui sont "en frontière" sont très susceptibles de s'agréger à leurs soeurs étrangères, et à la fin on aura bien une "Europe des nations". cqfd.

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  2. Quelle est la source de votre carte, SVP ?

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  3. Il y en a plusieurs. Le mot-clé est "stateless nations map".
    Vous pouvez cliquer ici.

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  4. Merci ! Il est quand même affligeant que cette carte résulte d'un travail en 1997 d'un parti proche des Verts : le PDPE-ALE ! Les ennemis de l'Etat ou de la nation, ou de l'Etat-nation sont même près à encourager l'ethnicisme ! Drôles d'"antiracistes" !

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  5. Pour le moment les "régionalistes" qui rêvent d'une Europe des länder (la France en formerait plusieurs) se limitent aux clivages linguistiques.
    Mais en Yougoslavie, la sécession du Kosovo va franchir un pas vers l'homogénéité ethnique, justifiant a posteriori le terrible nettoyage ethnique.
    En contrepartie la Serbie devrait s'agrandir les cantons "kosovars" du nord et de la république sprska bosniaque.
    L'Allemagne pousse ici à la roue. En fait, ils ont, eux, une politique étrangère.

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  6. A signaler une conférence sur ce sujet mardi 18 décembre au Cercle de Flore à Paris.
    Toutes indications sur le blog de l'Action française étudiante.

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