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Union méditerranéenne

2000
L'appel de Rome du 20 décembre 2007, lancé par l'Italie, l'Espagne et la France, invite l'ensemble des chefs d'états et de gouvernements des pays riverains de la Méditerranée et des pays de l'Union européenne, à se réunir les 13 et 14 juillet 2008 à Paris. Il vient d'être approuvé par l'Allemagne à Hanovre. Ce sommet permettra de définir leur vision commune et les contours des projets qui seront mis en œuvre dans l'espace méditerranéen sous l'égide de l'Union Pour la Méditerranée.

M. Sarkozy, présidentAu départ, le "candidat" Sarkozy évoquait une "Union méditerranéenne" sur le modèle de l'Union européenne, dont la vocation subliminale était de désamorcer l'amertume de la Turquie repoussée derrière le Bosphore. L'UM aurait eu un conseil décisionnel, le "Conseil de la Méditerranée" et un système de sécurité collective qui, selon le ministre-candidat, "lui permettrait de garantir la paix autrement que par la course aux armements et l'intimidation", sans oublier une "Banque méditerranéenne d'investissement" à l’image de la BCE, qui financerait les projets communs à tous les pays membres de cette nouvelle Union. Elle serait basée sur trois piliers politiques : une politique commune d'immigration choisie, une stratégie écologique avec une gestion commune de l'eau et enfin une politique commune de co-développement. Et pour bien cerner l'épure, il était convenu que seuls les pays mouillés par Mare Nostrum participeraient.
Et le ministre-candidat, qui devait dormir pendant les cours d'histoire-géo au collège, de nous enfoncer cette porte ouverte : "L'avenir de l'Europe est au Sud. Nous avons trop longtemps tourné le dos à la Méditerranée".
Hors de son parrainage tout avait échoué, tout était à refaire. Nicolas Schuman Sarkozy sonne de l'olifant, ce qui les gonfle beaucoup à nos cousins germains qui y voient une de ces grandes lubies gaulliennes ressurgie du tombeau de notre banqueroute ! Ils n'ont pas fini de s'agacer car il ne reste que ces vessies à souffler pour la présidence française de l'UE qui approche, avec celles de la défense européenne dans laquelle nul ne veut mettre un cent.

Cette Union méditerranéenne entamait le périmètre de l'Union européenne (et de l'Allemagne), sans l'implication du Conseil européen (dont l'Allemagne) mais était subventionnée bien sûr par l'UE (l'Allemagne). Autant dire que le coq impécunieux avait levé son regard vers l'Aigle noir, et qu'il était urgent de se raccomoder avant le 14 juillet 2008. On le fit à Hanovre le 3 mars dernier. Après la rencontre entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, la présidence française a publié un communiqué du style faux-cul masquant son triomphe tout en le brandissant. La chancellerie s'est contentée du service minimum de bon voisinage, l'UPM ne l'intéresse pas, mais elle ne le dit pas. D'autant qu'elle a compris qu'elle devrait assurer l'ordinaire du projet.
MerkelMerkel est fille du Brandebourg et ses idées de vacances seraient plutôt Gothenburg, Kristiansand, Bergen, Copenhague ou Amsterdam plutôt que Bénidorm, Marrakech ou Louxor, à cause des mouches. Que veut-dire maintenant cette convocation au projet de l'ensemble des pays de l'UE et d'autres pays excentrés s'il ne s'agit pas de délayer l'influence française ? Foin des soupçons, Il est content.
Que le Processus de Barcelone ait avorté ne freine aucun enthousiasme à Paris. Nos deux partenaires latins gardent le sourire, l'air convenu, pour ne pas être débarqués du projet si d'aventure il s'amorçait favorablement pour les appels d'offres à leur industrie. Voyons de plus près.

L'Espagne est très présente en Algérie et au Maroc. Bien que les problèmes s'agravent avec le royaume chérifien, celui-ci se débat dans un sous-développement chronique sans reconnaître sa qualité de mendiant pour accepter les réformes de structure indispensables au moins à sa fierté. L'Espagne reçoit le premier choc provoqué par l'incurie. Elle perçoit, comme en Algérie d'ailleurs, les besoins à satisfaire et les trouvent énormes rapportés aux prévisions démographiques et au niveau de pression migratoire. Au-delà des mots, comment faire face, sans maîtriser la gabegie, la corruption et sans affronter aussi l'islamisme ? Placée au front, elle redoute qu'on n'exige d'elle des contributions importantes qui lui feront défaut ailleurs, quand le miracle espagnol s'évanouira ; c'est pour très bientôt. L'intérêt de toute l'Union européenne à financer le projet sarkozien ne semblant pas déclaré pour le moment, l'Espagne attend et repêche les pauvres hères.

CavourL'Italie est un partenaire important de la Tunisie, de la Libye et de l'Egypte. Elle écoute sourdre en elle une vocation mercantile sur tout le bassin oriental de la Méditerranée où elle n'a pour concurrent que la Turquie. Lors de la dernière affaire libanaise, elle a su placer ses billes pour la fournitture de troupes onusiennes en tampon - jusqu'à vexer Chirac qui lui refusa l'armée - laissant comprendre à tous que, disposant déjà sur zone des facilités de la VI° flotte de l'US Navy et du commandement OTAN associé, le bassin oriental devenait sa zone naturelle d'influence. C'est du pur Mussolini. La France - qui se proclame l'ami du Liban et se conduit comme son tuteur cacochyme - a pris le visage de Kouchner le ludion et ne fait pas "sérieux". On pouffe ! Nous ne pourrons donc pas entamer les positions acquises par l'Italie qui laisse croire habilement qu'elle dispose de la Force. Elle attendra pour voir, comme le fait l'Espagne, mais considérera l'UPM favorable à l'affirmation de son influence, car elle sera soumissionnaire sur tous les projets de développement du Sud.

Sautons les Balkans et la Grèce qui ont d'autres soucis au moment, et arrivons à la Turquie : sépia AtaturkSi les Turcs ne sont pas des Européens, ils n'aspirent qu'à le devenir ; et bien plus qu'en entrant seulement dans les institutions de l'Union. Leur marche vers le couchant commença au VIè siècle dans la poussière de la grande steppe, elle s'interrompit devant Vienne en 1683, mais le moteur ne s'est jamais éteint, il pousse encore. L'Europe occidentale est leur Terre Promise ; peut-être atteindront-ils un jour la mer en remontant le Rhin. La partie bronzée de l'Empire ottoman fut le résultat de circonstances mais jamais un axe d'expansion. L'Afrique du Nord ne fut jamais une obsession turque ; ils la colonisèrent pour le tribut non pour la développer, pour la mépriser aussi.
Leurs "impatiences" furent toujours tournées vers «l'Europe au-delà des Balkans» qu'ils avaient phagocytées.
Quand la Communauté européenne prit forme, ils furent parmi les tout premiers à venir à Bruxelles poser leur candidature. Pour faire court, les Turcs ne se sentent aucune attache morale et même religieuse avec le Moyen-Orient arabe, ni avec la Méditerranée arabe, c'est un peuple d'origine steppique, une cavalerie et une infanterie, pas une marine phénicienne. Pour cette raison, l'UPM ne les intéresse pas, surtout si elle leur est présentée comme un lot de consolation, français qui pis est. Vivre avec les Arabiaques, non merci ! Il est sûr maintenant que M. Sarkozy dormait aux cours d'histoire-géo.

al AtassiEn dessous de la Turquie, dans son ombre, à portée de ses armées, viennent les Echelles du Levant. Il faut une foi de Titan pour penser une seconde agréger dans des projets communs l'orgueilleuse Syrie baathiste, les Libans qui se consument à feu doux, l'intrus historique juif et ses anticorps palestiniens, en cherchant en plus le renfort de la Jordanie qui se méfie de tous car multi-ethnique et enclavée. Mais rien ne semble dissuader M. Sarkozy d'avancer sur cette route désertée par tous les gouvernements sensés de la planète. Vous allez voir ce que vous allez voir ! Posture gaullienne sans la stature ni le képi. Je doute que beaucoup de pays européens viennent sur le coup et qu'Israël en veuille autant que lui. L'UPM ne sera pas non plus "la" solution à ce conflit local qui tourne à la guerre de cent ans et auquel nous nous sommes complètement habitués, comme la Rue arabe d'ailleurs.

ZaghloulL'Egypte par contre sera intéressée, parce qu'elle a vocation, grâce au canal de Suez, à faire le lien entre l'Asie du Sud et Sud-est et le bassin méditerranéen, et qu'elle dispose d'une industrie qui tournerait mieux sur un marché solvable plus large. Elle est d'ailleurs dans la même attente douanière que la Turquie.
A l'ouest de l'Egypte, quatre pays forment le grand Maghreb, un désert pétrolifère (Libye) et les trois pays de l'ex-AFN dont le plus intéressant est la Tunisie, car le moins complexé et le mieux administré. Ces quatre pays, avec le renfort de la Mauritanie ferrugineuse, ont déjà formé l'UMA en 1989, Union du Maghreb Arabe. C'est une coquille vide qui a le mérite d'exemplifier le déni de toute coopération volontaire entre ces pays arabes (et maures).

Croit-on à Paris pouvoir les forcer dans une structure plus grande ? Ils n'attendent du projet UPM que le débondage de crédits sur lesquels ils grefferont leur nomenklatura comme du lierre. Tout le monde sera bien sûr plus riche dans quinze ans avec de l'immobilier à Dubaï, Macao ou Brisbane ; et vive donc ce projet gigantesque de l'excellent monsieur Sarkozy.

L'intention, comme chaque fois, est louable mais se berce d'illusions. Réveille-toi Guaino ! L'avenir de l'Europe n'est pas au Sud plus qu'ailleurs, mais le danger vient du Sud. Est-il avisé de vouloir fédérer la rive sud de la Méditerranée ? A me lire, sans crainte aucune, puisque les antagonismes ruineront le volet politique du projet. Mais qui commande au futur ? Pourquoi ne se lèverait pas un jour un Abd-el-Kader capable de précipiter une partie du monde arabe dans une structure de pouvoir cohérent ?
Si je ne crois pas à la pérennité de la conquête islamique que certains agitent comme un épouvantail jusqu'à chercher des mosquées dans les placards à balais, je ne peux faire l'impasse sur une conjugaison religieuse d'un hypothétique pouvoir émergeant. Le despotisme chérifien, la clique mafieuse algérienne, le cabinet prussien de Tunisie, les campeurs de Libye, ne sont pas prêts à s'entendre, pas même sur notre dos. Abdel KaderMais leurs enfants, s'ils ne sont pas gâtés par les loukoums et les Rolex, risquent peut-être de converger. C'est ça aussi la Globalisation. Ne précipitons rien, laissons-leur le temps, fournissons-leur des équipements pour se développer contre des matières premières , mais ne poussons pas les feux, au motif de non-ingérence tout simplement.
Et dans la préparation d'une confrontation que nous ne souhaitons pas, mettons de l'ordre chez nous afin de retrouver les forces nécessaires à une figuration honorable dans le conflit que l'on dit ramper vers le "Nord". Sauf à téléphoner une fois de plus à Washington ! Trois fois en 100 ans ça peut faire beaucoup.


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