mardi 17 mars 2009

Que d'eau !

tubS'est ouvert hier à Istanbul le V° Forum mondial de l'Eau. Quinze mille responsables passeront dans les travées pour exprimer leur inquiétude, dénoncer le gaspillage et le pillage, montrer du doigt des hyper-consommateurs que sont les nord-américains, et pour beaucoup, trouver ou consolider leur job. Le prince Charles-Philippe d'Orléans qui n'est pas rationnaire d'une ONG hydraulique, est très en pointe sur la question de l'eau et nous vous adressons à son blogue pour vous en convaincre et profiter de ses synthèses très bien faites, en cliquant ici et .
C'est une obsession louable qu'il partage avec Jacques Chirac dont le discours du 13 novembre dernier à l'UNESCO résonne encore à nos oreilles :...

« Il faut consacrer l’accès à l’eau comme un droit humain universel. Il faut que chaque homme, chaque femme, chaque enfant, se voie effectivement reconnu dans son droit imprescriptible à pouvoir boire et à pouvoir se laver sans risquer sa vie. En 2008, la dignité la plus fondamentale de la personne humaine est ainsi toujours niée, en silence, sans bruit, car il est malséant d’en parler : en Afrique, un enfant peut encore mourir d’une simple diarrhée. »

le bain de Bridgman
Iront-il chez les Turcs bras dessus bras dessous ? Ils ne nous en ont pas prévenus. Une question géopolitique qui leur plairait de débattre publiquement sera très certainement soulevée lors de ce forum : Quand sera donc créée l'agence régionale de bassin qui gouvernera les deux fleuves majeurs de Mésopotamie, le Tigre et l'Euphrate ? Cent dix millions de gens sont tributaires des ressources hydriques anatoliennes, la Turquie d'Asie, la Syrie et l'Irak.
L'unité de bassin a été brisée par la dissolution de l'Empire ottoman au profit des puissances occidentales qui ont déstabilisé toute la zone en laissant s'affronter les nouveaux gouvernements consommateurs en compétition démographique forte sur une ressource limitée.

Quand fut déclenchée la deuxième guerre d'Irak par la coalition anglo-américaine, tous les occidentaux y virent l'intrusion de TEXACO sur les champs de naphte, quand tous les Arabes y virent eux, l'intrusion des infidèles au pays de l'eau douce. Car si tous leurs pays ont du pétrole (ou des phosphates), à l'exception de l'Egypte seul¹ l'Irak a de l'eau, turque d'accord, mais de l'eau douce, abondante... jadis.
Remarquons en passant qu'Israël n'a ni pétrole ni eau en propre depuis que le Jourdain n'atteint plus la Mer morte, ce qui explique bien des choses à commencer par la frontière zigzagante entre l'Etat hébreu et les Palestiniens, ou sa résistance à évacuer le réservoir du Golan.

la mare de l'oasis
Mieux organisée, L'ancienne puissance tutélaire sut valoriser son capital hydrique anatolien dans les années 70 en développant barrages hydroélectriques et irrigation agricole, au détriment des pays en aval. Si la puissance militaire turque exclut du schéma polémique un conflit ouvert, il est de tradition dans ces contrées de passer par d'autres voies pour marquer son irritation, et la question kurde est aussi une histoire d'eau.
La Turquie comme l'Irak ne veulent d'aucune indépendance d'un Sud-Kurdistan revanchard qui tient les eaux de fonte indispensables pour compenser la salinisation du Tigre.
L'Irak est par contre en dispute ouverte avec la Syrie qui par son grand barrage (Taqba) sur l'Euphrate la prive d'une ressource essentielle.
La carte ci-dessous en dit plus long qu'un paragraphe :

carte hydrologique du Moyen Orient
Si le forum d'Istanbul faisait progresser la question mésopotamienne, ce serait un signal fort pour les autres conflits hydrologiques dans le monde, bassin nilotique, Syr-Daria, mer d'Aral, Lac du siècle d'or au Turkménistan, Cachemire, rio Paraná etc... Jusqu'ici, l'eau était un paramètre polémique accessoire d'une guerre potentielle. Bientôt l'eau deviendra un risque majeur de guerre. Après la guerre du feu, la guerre de l'eau ?
Notre corps est fait à 86% d'eau. C'est un souci essentiel de temps long qui va bien aux monarchies. Saurons-nous l'accaparer ?

PS : On ne peut évoquer l'or bleu sans citer les monstres asiatiques que sont d'une part la canalisation du terrible Yang Tsé Kiang en Chine (barrage des 3 Gorges) et la connexion des deux fleuves chinois, et d'autre part l'interconnexion des fleuves himalayens de la péninsule indienne, un projet gigantesque de 120 milliards de dollars exigé du gouvernement par la Cour suprême de New Delhi. Ces projets heurtent les projections écologiques dans leur hiérarchisation des espèces.


Note (1): l'autre château d'eau, plus modeste, est le Liban, d'où l'intérêt soutenu que lui porte la Syrie déficitaire.



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