samedi 26 décembre 2009

Liu Xiaobo

Mister LiuLa Trêve des confiseurs est mise à profit par l'Empire céleste pour embastiller, ni vu ni connu, ses contempteurs. Gardé au chaud pendant un an mais "écroué" officiellement depuis six mois seulement, Liu Xiaobo a été expédié au Laogaï par un tribunal de Pékin. Il en prend pour onze ans. Motif : subversion.
Son crime ? "Ancien" de Tiananmen déjà emprisonné une fois, il a participé l'an dernier à la rédaction d'un manifeste politique reconnu dans le monde entier comme la Charte 08. Elle est à ce jour signée par 300 chinois, on ne peut plus courageux, eux qui ne traversent aux clous que quand le petit bonhomme est vert. La voici en français en cliquant ici (merci au Figaro).

Les réactions règlementaires sont arrivées du Monde Libre pour que la pièce soit jouée tout entière malgré les fêtes. On notera la déclaration corne-cul de la Commission européenne à Bruxelles qui déplore «le caractère disproportionné de la condamnation». Condamner pour des idées, c'est donc possible, si la peine est mesurée ! J'attend avec inquiétude la déclaration internationale de Mme Ségolène Royal, fervente admiratrice d'une justice prompte et d'équerre. Le pouvoir chinois, chez qui défilent les "explicateurs de texte", se marre.

Que veulent les "trois cents" ? La démocratie, mais dans le cadre de la Constitution de la République populaire de Chine. Il faut lire la Charte d'abord.
On ne souffle pas dans la gueule du tigre en disant qu'il pue de la gueule ! Hélas : « En 1997 et en 1998, le gouvernement chinois signait deux importantes conventions internationales relatives aux droits de l'homme. En 2004, il amendait sa constitution pour y enchâsser l'expression "respecter et protéger les droits de l'homme." Cette année, en 2008, il s’est engagé à articuler et à mettre en oeuvre un « Plan d’action national pour la protection des droits de l’homme. » Malheureusement, la plupart de ces progrès politiques sont pour l’instant restés lettre morte. La Chine possède bel et bien un cadre juridique, mais pas d’état de droit; la Chine a bien sa constitution, mais pas de régime constitutionnel : telle est bien la réalité politique chinoise, pour qui a des yeux pour voir. L'élite au pouvoir continue de s'accrocher à sa domination autoritaire, refusant tout changement politique, ce qui entraîne pour conséquence: une corruption officielle endémique; un état de droit qui n’arrive pas à s’établir; des droits de l'homme douteux; un effondrement de la moralité; une polarisation sociale; un développement économique asymétrique; de graves atteintes à l'environnement naturel et humain; les libertés civiles, le droit à la propriété et au bonheur n’arrivent pas à trouver de garantie institutionnelle; une accumulation croissante des contradictions sociales; une hausse constante des sentiments d’insatisfaction; et en particulier, ces derniers temps, un exacerbation des antagonismes entre fonctionnaires et citoyens et une forte poussée d’incidents impliquant des groupes de personnes. Tout cela démontre une nette tendance vers des dérapages catastrophiques; la désuétude des institutions et du régime actuels impose des changements urgents.»

Ce paragraphe est tellement vrai qu'il en devient terrible pour toute la pyramide de nomenklaturistes. Les principes proclamés ensuite sont très académiques et ne mériteraient qu'une année de rééducation en camp, s'il n'y avait pas ce qui précède.

Xian
Liberté ? Pourquoi ne pas aller au-delà de celle de s'enrichir de manière éhontée, mais inclure le "droit de grève et de manifestation" est meurtrier pour le pouvoir. Grèves et manifs, ils en ont déjà beaucoup dans les provinces pauvres, et savent que si le Dongbei industriel se soulève, ils disparaitront plus vite que l'étron sous la chasse.
Droits de l'homme ? Rien à dire, discours vaseux habituel.
Egalité ? Rien à dire non plus, sinon que donner l'égalité civile à des ethnies réputées légèrement inférieures à la grande nation han, ne réunira pas grand monde en Chine.
Républicanisme ? C'est nouveau. Il y est question de la séparation des pouvoirs. Cette séparation serait fatale au Parti Communiste Chinois qui se couperait de la machine judiciaire, vénale en plus. Exiger cela, c'est de la part des rédacteurs de la Charte tendre les doigts sous la règle.
Démocratie ? "Un véritable gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple". Le pouvoir étant le représentant unique et sacré des peuples de Chine, il ne peut qu'être d'accord tant la formule est creuse.
Régime constitutionnel ? La revendication est malheureuse, même si nous comprenons bien de quoi il retourne au fond, parce que la Chine est un Etat de droit écrit trimillénaire. Que l'application des lois soient biaisée par des fonctionnaires vénaux et des juges-caporaux aux ordres ne suffit pas à contester la légitimité constitutionnelle du pouvoir en place.

Si vous prenez la peine de lire la Charte jusqu'au bout, vous saurez que les réformes préconisées par les dissidents conduisent à une démocratie de type étasunien. Il n'est pas sûr que le modèle convienne aux spécificités d'un empire renaissant en richesse et puissance comme celui du Milieu. Qui peut se flatter de connaître le régime politique capable de gouverner un milliard trois cents millions d'hommes sous la même bannière ?

On observera simplement que malgré ses défauts - qui, vérifions-le, ne sont insupportables que pour les Chinois - le régime mixte de capitalisme-socialiste sauvage s'en sort plutôt moins mal que ne le prédisaient les acclamateurs de la pérestroïka. La gestion du despotisme central et la défense des contraintes sociales maintenues par les caciques communistes sont "vendues" contre une totale liberté d'entreprendre, qui colle parfaitement aux qualités de la race. Les consciences occidentales de nos gouvernements en conviennent.
Si les dissidents soviétiques trouvaient un certain écho dans le romantisme slave de leurs concitoyens, les dissidents chinois ne risquent pas de sortir du cercle universitaire qui les a vu naître, car le reste des gens n'a tout bonnement pas de temps à leur consacrer.

Mammon
Chaque matin, ce n'est pas le muezzin qui réveille la Chine, mais le rugissement gras de Mammon.
Liu Xiaobo et ses potes n'en sont que plus courageux. Qu'en pense M. Fillon de retour de Chine où il a reçu toutes assurances ?

Chapeau les fous !




Une faute d'orthographe, de grammaire, une erreur à signaler ? Contactez le piéton du roi à l'adresse donnée en bas de page et proposez votre correction en indiquant le titre ou l'url du billet incriminé. Si l'article vous a plu ou déplu, vous pouvez le faire suivre à un ami en cliquant sur la petite enveloppe ci-dessous :

2 commentaires:

  1. Le seul élément culturellement chinois de ce texte a consisté, dans le préambule, à qualifier de régime chinois le régime mandchou. Ses auteurs méritent d'être condamnés à lire trois ouvrages majeurs :
    - Confucius : les Analectes;
    - Machiavel : Le Prince:
    - Lénine : L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme.

    RépondreSupprimer
  2. Effectivement, le projet que la Charte 08 promeut fait "produit d'importation", ce qui est un grave défaut d'axe en Chine.

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.

Les plus consultés sur 12 mois