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Parade du Quatorze-Juillet

Gais et contents, nous marchions triomphants,
En allant à Longchamp le coeur à l’aise,
Sans hésiter, car nous allions fêter,
Voir et complimenter l’armée française

...... chantait Paulus et nos aïeux de la Belle Epoque en 1886 à l'Alcazar. Nous reconstruisions la meilleure armée du monde et nous en avions exporté les cadres et règlements jusqu'au Japon, faisant de cet extrême empire notre allié le plus sûr ; mais contre personne, la France n'ayant aucun contempteur plus grand dans la région que le royaume du Siam !
dessin tirailleur sénégalaisNous avancions partout, Marchand n'avait pas encore retraité de Fachoda jusqu'à St Roman de Codières, l'Afrique était soumise, l'Asie à notre main, et dans son roman primé par l'Académie Goncourt - Les Civilisés - Claude Farrère allait torpiller en 1905 un croiseur de Sa Gracieuse Majesté Edouard VII sur la rivière Saigon.
Cette époque de la Grande France est révolue. Le rédacteur-piéton en a connu l'avatar ultime qui se nommait Union Française, et tout petit, en était autant impressionné que fier, en y ajoutant ce qui à cet âge est naturel, une affection sincère pour tous les enfants de ce bel empire, de quelque race soient-ils. On donnait son obole au collecteur des Missions Etrangères de Paris ou des Pères Blancs pour l'instruction des petits cochinchinois, et mes soeurs coupaient leurs longs cheveux en offrande pour scolariser les congolaises, ce qui avait le don d'agacer ma mère. C'est ce contact précoce avec "ce monde à nous" qui m'a prévenu de tout racisme dans la relation à autrui. Sauf si vraiment l'autre en fait beaucoup, car je ne cours pas après la béatification du Saint-Siège !
Les traces dispersées de l'empire sont à la merci du premier corsaire venu, endogène ou exogène, et notre seule défense est apparemment de faire ami-ami avec tout le monde, le roi Abdallah d'Arabie séoudite est l'invité d'honneur à la tribune de la Concorde demain. Kouchner est le prototype inoxydable de la diplomatie de cocktail qui sait encaisser n'importe quelle avanie, le sourire aux lèvres. Nos positions rémanentes au Proche Orient sont contestées parfois violemment par nos "amis" de la région, avec qui nous ne saurions nous fâcher de peur qu'apparaisse aux yeux des champagnisants la nudité du Quai¹.
Encore un peu de champomy, votre émir ?

Demain sera un quatorze-juillet colonial
. La belle affaire ! Défileront des tirailleurs noirs affranchis de leur sujétion française depuis cinquante ans, nos spahis à cape et la Légion derrière son chapeau chinois, pales évocations d'un passé extérieur glorieux et révolu. Cette irisation du défilé masque le programme de contraction de nos forces et de leur allonge, qui est dans les tuyaux depuis que le plan de rigueur drastique nous est imposé par les marchés.
Pas d'argent, pas de suisses.
M. Morin n'en finit pas de détricoter son Livre Blanc pour en reprendre de la laine. Le contrat opérationnel entre les Armées et la Nation ne cesse de se réduire à mesure de la pénurie de crédits. Secret Défense fait un billet là-dessus que nous évitons de récrire. Lisez-le, c'est bon. Il en ressort que nous allons passer au format Bénélux. Reste à trouver les mots pour le vendre. La cellule "Com" en soupentes présidentielles s'y emploie avec un rare bonheur.
Quatorze-Juillet demain, parlons donc de l'armée !

largage de paras
Les contrats opérationnels entre l'exécutif, le parlement et l'état-major sentent un peu le vieux bidon d'essence. Quand le format chiraquien projetait cinquante mille hommes hors-métropole pour défendre nos ressortissants ou nos intérêts ultramarins, le test en vrai grandeur que fut l'opération Daguet dans la première guerre du Golfe dénonça l'impraticabilité du schéma. Nous avons peiné à sortir dix mille hommes et un escadron de chasseurs diurnes d'attaque au sol (Sepecat-Jaguar). Il avait fallu déshabiller pour cela les garnisons métropolitaines. Nous voyons aujourd'hui nos difficultés à faire rouler les effectifs dans les opérations d'Afghanistan, sans parler du retard à rattraper dans le soutien, l'appui et l'équipement de nos troupes.
Nous ne sommes plus la seconde armée du monde à pouvoir entrer en premier sur un théâtre d'opérations conventionnel, comme le proclament des généraux imbibés. Ou alors, s'il n'y a qu'un petit millier de va-nu-pieds en face !
Nous n'avons pas non plus d'autonomie logistique. Un retrait américain d'Afghanistan du modèle Saïgon-1975 nous laisserait sur le cul à Kaboul. Camerone II !

Le Livre Blanc prédisposait que nos armées devaient pouvoir projeter 15000 hommes sur un théâtre majeur, en même temps que 5000 autres sur un théâtre secondaire (Françafrique), tout en conservant 10000 hommes sur pied de guerre en métropole : total 30000. Impossible. Effectifs au niveau requis, taux de disponibilité des matériels, nous en empêchent.
le 2°REI ouvre la pisteNiveau requis :
Les opérations d'Afghanistan ont au moins l'avantage d'avoir mis le doigt sur l'insuffisance des formations d'infanterie et sur la désuétude des chaînes de commandement. Riposter sous le feu des affreux, derrière un mur de torchis attaqué à la mitrailleuse lourde, sur ordre exclusif de la salle d'ordinateurs de la rue Saint-Dominique à Paris, au motif que l'unité est au contact d'un village habité, est proprement surréaliste. L'officier au contact sait où est son devoir. La guerre en jeu-vidéo pour nos si nombreux généraux climatisés, est obscène, parce qu'il y a des morts qui se sentent pas, ne gémissent pas, ne pleurent pas.
Mais nous avons trop longtemps joué aux humanitaires pour que l'adaptation à la guerre soit facile. Le nouveau patron du Collège Interarmées de Défense ne réclame-t-il pas de revenir à la désignation initiale d'Ecole de Guerre. Il en aura fallu du temps pour se désinhiber !

Nous ne pouvons plus nous payer le luxe d'afficher un dispositif multi-rôle et d'une certaine manière de tromper nos alliés sur nos capacités. Allons à l'essentiel. Notre capital est notre terre. Cette terre est très grande, puisqu'au-delà d'un des plus beaux pays du monde - la France reste la première destination touristique - nous avons la deuxième zone économique exclusive maritime du monde. C'est notre capital. Le préserver pour nos enfants est notre devoir. Il mérite tous les sacrifices, à commencer par celui de l'existence de nos ennemis ! Qu'enfin sur nos marches nous n'ayons plus à subir les humiliations que d'aucuns s'autorisent à notre égard, testant notre volonté à rester si loin de nos bases.

La béance historique de notre frontière du nord-est étant dans les mains de l'Alliance atlantique, notre zone d'effort est désormais à la mer. Tout le reste en découle. Le prochain défilé du quatorze juillet devrait être une parade navale.

tir exocet
Note (1): se reporter à la charge de l'ambassadeur Rufin (viré de Dakar fin juin) contre l'inanité des services diplomatiques officiels, par exemple sur Libération
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Commentaires

  1. Les pensions des tirailleurs étrangers ont été alignées aujourd'hui sur celles des anciens combattants français par le président Sarkozy.
    Justice bien tardive, mais justice enfin.
    Seront-elles réversibles ?

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