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Resurrexit !

Dans la famille Kadhafi, je demande la fille.
Au jeu des sept familles¹ catapultées de leurs palais de plastique doré au tourbillon du jasmin arabe, le clan libyen fait la preuve d'une résilience qui en remontre à beaucoup, assis, couchés, au premier coup de canon, fut-il radiophonique.
Et cette capacité toute londonienne à surmonter dans la joie les bombardements du Reich atlantique va bien finir par arracher de la sympathie aux masses arabes délaborisées et pubères en voie de démocracisation. Qui sont-ils ?

Honneur aux dames. Maître Aïcha Kadhafi, avocat international, est la fille unique du Guide. Elle a 35 ans et de qui tenir. Elle demeure à Tripoli et apparaît épisodiquement en public pour soutenir les partisans de son père qui ne sont à ses yeux que de fervents nationalistes anti-américains. Elle a fait partie de la batterie d'avocats qui défendit le raïs irakien. Elle en sait l'issue. Elle se bat donc.
Belle, on l'appelle la Claudia Schiffer du Désert. Les garçons, eux, sont un peu la nichée de freux.

Le docteur Mootassem Kadhafi, 35 ans, est peut-être le plus retors, à tel point que son père chercha à l'user dans des confrontations avec son frère Seif et avec l'appareil d'Etat dont le ministre des affaires étrangères en fuite et condamné au couteau Moussa Koussa. On le disait ami des Américains, même que Hillary Clinton avait déroulé le tapis rouge lors de sa venue à Washington quand il était chef du Conseil national de sécurité libyen. Il commande aujourd'hui sa propre brigade avec des galons de colonel. Il sera le concurrent éventuel de son frère Seif.
Le plus jeune, Khamis Khadafi, 28 ans, est diplômé de l'Académie militaire de Frounzé en Russie. Poursuivant ses études à Madrid, il a été viré de l'Instituto de Empresa en mars dernier pour être le fils de son père ! Après avoir mené des opération de police dans l'Est, il commande la 32° brigade spéciale en guerre à Misrata. Ce n'est pas un manche et il a survécu au drone.

Seif el-Islam, docteur en philo de la London School of Economics, 38 ans, était le successeur "naturel" du Guide libyen dans l'esprit des Occidentaux qui lui trouvaient toutes les qualités. N'avait-il pas démantelé la filière atomique ? Sa Fondation Kadhafi était un acteur reconnu dans le charity bizness et dans la consultance aux Etats africains dépassés par leurs problèmes. Stupeur dans les chancelleries, le prodige international part en guerre dès les premiers pétards et annonce un fleuve de sang ! Réaction normale de celui qui se ressent profondément héritier d'une propriété familiale, pour ne pas dire son légataire universel, et qui voit "son" bien attaqué, entamé, en situation d'être ruiné. Son bien c'est la Libye. Réflexe presque royaliste dirait Hans-Hermann Hoppe.

Les moins doués pour la comédie sont trois :
Saadi Kadhafi, 37 ans, modeste joueur professionnel de football en Italie, combat présentement dans une unité d'élite. Il serait toujours à la colle avec "Alice", égérie du fournisseur d'accès Web éponyme. Au moins a-t-il du goût !
Seif el-Arab, 30 ans, était il y a peu étudiant à Munich et connu surtout par sa Ferrari 430 qui l'amenait à la fac. La propagande iranienne a fait courir la rumeur d'un ralliement aux rebelles de Benghazi, mais la ficelle est un peu grosse.
Mohamed Kadhafi, 41 ans est le fils aîné (premier mariage). Il est patron des Télécoms libyennes cellulaires et satellitaires. On ne le dit pas impliqué dans la guerre au sol, mais les télécommunications sont un noeud sensible dans une guerre moderne contre les Américains.

Reste Hannibal, 34 ans. Les Suisses connaissent Hannibal. Il leur a coûté une des plus longues affaires d'otages de leur histoire. Quoique médecin militaire formé et bien noté en Egypte, c'est la crapule plaquée or, le puant à la Porsche, le tabasseur de femmes, le mouton noir de l'album, celui que l'on n'aime pas. Se bat-il en Tripolitaine ? On l'ignore. Peut-être interroge-t-il les prisonniers ? Directeur de la compagnie maritime GNMTC, il a un paquebot en construction aux STX de Saint-Nazaire et le deuxième acompte semble tarder depuis le gel universel des avoirs libyens. Le paquebot sera-t-il revendu ? Les chantiers assurent que le contrat reste valide pour le moment. C'est l'un des rares contrats concrétisés après la visite du Cheikh à Paris.

Et le père dans tout ça ?
Il se la pète ! Le voir traverser Tripoli fou de joie en décapotable, les bras levés sous un "pie hat" à la Gene Hackman, laisse mesurer la résurrection du raïs qui apparaissait verdâtre et cramé dans sa première allocution du 22 février. Le psychopathe imprévisible, comediante, tragediante, adoré par Berlusconi, un connaisseur, s'est arraché au sarcophage de l'ingérence béhachélienne. Damned ! S'il a apparemment le soutien de la Tripolitaine il doit bien y avoir une raison cachée ! Nul âne n'a encore oser botter le vieux lion, sauf la nomenklatura mercenaire qui se cherche meilleures positions dans le futur.

Un jeune dans la trentaine qui était interrogé sur un ton badin l'été dernier dans un reportage inoffensif répondait qu'il ne se plaignait de rien en Libye, sauf à voir partout les mêmes têtes depuis sa naissance. Le Ubu Kadhafi Jazz Band a quarante ans de scène et la claque est lasse. Mais le bilan de la Libye n'est pas si mauvais que cela, intra muros. Orbi, c'est beaucoup de sang, ne l'oublions pas.
Dans son Livre Vert qui pourrait se titrer "Mon Combat", l'ancien capitaine des Transmissions constitutionnalise sa pensée à la manière de Oui-Oui, et à sa lecture, bien des maurrassiens tomberaient d'accord avec ces visions, d'autant que l'anti-américanisme y affleure partout. La Wikipedia nous donne l'essentiel de la Troisième Théorie Universelle :

I. Démocratie
La démocratie est la dictature de la majorité ; la représentation est une imposture, car la démocratie suppose le pouvoir du peuple et non le pouvoir de son substitut.
Le parti ne représente que les intérêts d'une fraction de la population, il est donc de fait un « appareil de gouvernement dictatorial ». Le multipartisme entraîne une lutte pour le pouvoir peu soucieuse de l'intérêt général.
La classe est un groupe de personnes partageant les mêmes intérêts. La domination d'une classe est donc contraire à l'intérêt général, et s'assimile à une dictature.
Le référendum est une illusion car il ne pose qu'une question fermée (oui ou non) ce qui en fait un moyen de museler la volonté populaire.


Ce constat étant fait, il construit une démocratie populaire helvétique sur le papier (cf. Wiki). Et laisse ce trait d'humour contre les constitutions : elle ne peut pas servir de loi à une société car elle découle exclusivement des humeurs des dirigeants. Les bricolages intempestifs, nous connaissons très bien en France.

II. Système économique
C'est la troisième voie, celle de la "loi naturelle", le socialisme naturel. A lire le programme il y a de l'essénien là. Extraits :
La dépendance vis-à-vis d'autrui pour assurer ses besoins entraîne un asservissement et est une source éternelle de conflits. Ce qui relève des besoins fondamentaux, comme le logement, le revenu, le transport, doit être la propriété de l'individu et toute location doit être prohibée.
C'est le caractère indispensable de chaque agent de la production qui lui confère une égalité naturelle à la redistribution
(les fainéants ne mangent pas ?). Chaque travailleur possédant son instrument de travail produit pour son compte empêchant ainsi toute exploitation. Cette forme nouvelle de propriété privée coexiste avec la « propriété socialiste » dans laquelle les producteurs sont associés à parts égales avec les approvisionnements et l'outil de travail.
Il ne doit pas y avoir de place pour le profit.


III. Fondements sociaux
Cette partie promeut la société en poupées russes chère aux royalistes :
La famille est la structure la plus forte et la plus naturelle. La tribu est une sorte de famille élargie qui organise la transmission des valeurs et des traditions, tout en garantissant une protection sociale pour ses membres. La Nation est une famille encore plus vaste. Elle est une structure sociale vitale pour l'homme.
Mais il est tout à fait bien ce Kadhafi !
Qui plus est, il proclame l'égalité des hommes et des femmes mais sans tomber dans l'indifférenciation occidentale qui les veut interchangeables.
L'éducation et le sport foisonnent dans la plus belle anarchie, les tribunes des stades devraient être rasées et tout le monde courir sur la pelouse car tout le monde a droit au jeu !

Mais l'application du Livre Vert sur le pays réel n'a pas conservé l'ingénuité de ses réflexions. Le pays a viré à la dictature arabe du même type que celles du parti Baas ou de l'Egypte, sans parler bien sûr de l'Arabie obscure.

Au résultat, la Jamahiriya Arabe Libyenne est néanmoins assez bien classée : Si le PIB par tête très élevé ne veut rien dire car il n'est pas sûr que chaque tête en recoive sa juste part, on notera un niveau général d'éducation enviable en Afrique du Nord avec 82% de la population apte à lire, écrire et compter (Maroc 52%). L'école est gratuite et obligatoire pour tous jusqu'à 16 ans.
La condition des femmes n'a rien à voir avec celle des autres pays arabo-musulmans, scolarisation mixte obligatoire, interdiction des mariages avant 20 ans ; les filles sont majoritaires à l'université. L'emblème de la réforme fut la création du corps d'amazones de la Garde qui fit jaser dans les alcôves ministérielles.

Contrairement à l'impression donnée par un survol rapide de la carte de Libye, c'est un pays métropolitain, 86% des gens vivent en ville. D'où les fermentations intellectuelles propres à la citadinité, l'accès aux réseaux sociaux internétiques et l'ouverture au monde malgré tous les efforts d'une saine autarcie. La tente bédouine du Guide, ça ne le fait plus.

La Cyrénaïque traditionnellement rétive a voulu entrer de plein pied dans le film de l'époque moderne dont elle avait la bande-annonce et la musique. A suivre, mais ce n'est pas gagné à voir l'entrain que manifeste le clan Kadhafi à se défendre ! Quoiqu'il advienne, restera le souvenir d'attentats atroces perpétrés contre des civils à des fins diplomatiques, une vraie instrumentalisation de la terreur gore.


Note (1): Le jeu comprend les Chérif du Maroc, Ben Ali-Trabelsi de Tunisie, Khadafi de Libye, Moubarak d'Egypte, Al Khalifa de Bahrein, Talal de Jordanie, Al Assad de Syrie.

Commentaires

  1. Kadhafi est plutôt quelqu'un de sympathique qui aime son pays et son peuple.
    Quant à la coalition, ça pue mondialisé de chez 21ème siècle, ça tue le mauvais peuple libyen pour sauver de la mort le bon peuple libyen.

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  2. Je viens de découvrir votre site par hasard et j'ai envie de vous salué pour votre article qui même s'il est loin d'être objectif nous donne un regard peu répandu sur ce pays et ce qu'il s'y passe. Merci.

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  3. Etre objectif sur la Libye exige d'y avoir vécu car la mosaïque tribale n'est pas simple et surtout pas vraiment circonscrite sur le territoire. Je n'y ai pas vécu, mais je connais.
    Comprendre le CNT de Benghazi est aussi assez compliqué, une junte pourrait bien en chasser une autre.
    Kadhafi est un psychopathe sympa, mais il faut bien lui faire payer Lockerbie et le Ténéré, c'est dans la règle du jeu international.

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