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De la curatelle des incapables

C'est une grave question que François Marcilhac soulève dans l'AF2000 du 21 avril sous un titre assez "soft" : Le budget soumis aux juges. Il ne s'agit pas moins que de la mise sous tutelle du pays pour gabegie avérée. Nos comptes publics parlent d'eux-mêmes, n'y revenons pas encore. Si nous partageons le constat, nous divergeons sur les conséquences anticipées et un peu également sur les motifs.
Par chance pour ceux qui ont loupé le n° 2815 de l'Action Française, une version très proche de cet article est accessible sur le site du CRAF. Nous vous engageons à lire d'abord ce billet en cliquant ici.


Vous revoilà ! Marcilhac explique donc très bien que la tutelle de la Commission européenne, exécutif du Conseil, va s'exercer à travers une lettre semestrielle de cadrage budétaire que l'on appelle déjà du terme abscons de "semestre européen". Le curateur en sera le Conseil constitutionnel, staffé jusqu'à présent par les gérontes de la dépense, qui cassera le budget s'il enfreint le pacte allemand de stabilité (permanent) et le cadrage européen (annuel).

Le dispositif en débat est humiliant pour le ministre du Budget qui écrasait déjà le parlement de ses choix préalables et surtout défaisait selon son bon plaisir les dispositions votées qui lui déplaisaient, par leur décret d'application ou par leur non-application, voire l'assèchement des crédits de paiement par transfert entre chapitres. Si ce pouvoir de caprice régalien demeurera, il n'en ira pas de même de ses propres cadrages et de la mise en musique de la politique présidentielle. Oui, il y aura tutelle. Il y a tutelle.
Quant aux parlementaires, déjà bloqués sur plus de 90% du budget par les "services votés", il leur restera à entériner un budget étranger pour justifier la prébende et à claquer des pupitres pour passer à la télévision. C'est fini. Tant mieux. Royal-Artillerie est contre les bavardages et l'obésité des rationnaires de la République. Economisons déjà le Sénat.

Pourquoi tout ça ?
Marcilhac accepte le retour à l'équilibre de nos finances publiques mais dénonce la pré-éminence des "juges", objectivement fondés de pouvoir d'instances supranationales. Comment faire autrement dans une république ravagée par la social-démocratie aggravée d'un clientélisme pagnolesque¹ ?
S'il est impossible de faire accepter les contraintes de l'intérieur, il faut bien les imposer de l'extérieur, car le péril de destruction d'un système social est plus menaçant pour la population que le faux concept d'indépendance et l'illusion de souveraineté nationale qui va avec.

Les pays actuellement contraints montrent bien que la condition de souffrance des peuples assujétis au FMI pour le redressement des comptes nationaux est bien plus draconienne que l'effacement de ce qui n'est au fond qu'une idée². Dans notre monde imbriqué, l'indépendance n'est même plus un voeu pieux mais la seule optimisation de nos dépendances. Par exemple dans le domaine énergétique, choisir une ressource domestique ou nationale libère une dépendance qui peut être recombinée ailleurs. Mais au final, en ce domaine aussi l'autarcie est impossible.

Dans un article paru dans Les Echos du 21 avril (Turgot clic), Jacques Delpla décrit et promeut la pénible guérison des pays-cigales sous tutelle du FMI, de l'ESM (European Stability Mechanism) et de la BCE, qui prendra vingt ans au moins, et il entre concrètement dans le débat crucial du Défaut sur dette souveraine. Il termine sur un doute quant à la France : c’est la France qui est la plus préoccupante : la plupart des hommes politiques, de gauche et de droite, n’ont toujours pas pris en compte dans leur analyse et dans leurs promesses la nécessité de revenir à l’équilibre budgétaire d’ici la fin de la décennie.
Il faut donc bien que quelqu'un les y force puisque le peuple aux bras coupés par l'Etat-providence ne sait pas les mettre à la lanterne ! Finalement, c'est la vertu cachée de l'euro que de nous contraindre au sérieux.


Il faut donc redresser ce pays dare dare avant que les agences de notation ne nous y obligent par des taux de refinancement hors d'atteinte, favorisés par le doute quant à notre volonté d'assainir les comptes publics.
Mais nous ne pourrons nous en contenter car il faudra assainir et relancer le pays en même temps. S'il faut choisir un axe d'effort national où mettre le paquet, nous privilégions toujours, jusqu'au rabâchage, la recherche de la puissance économique, par tous moyens, voies et détours, car elle dicte tout le reste jusque et y compris par exemple la vigueur de la francophonie dont on parle souvent chez les royalistes, et nos capacités de défense militaire dont nous risquons d'avoir un jour prochain grand besoin.
Aboutir exige un changement des mentalités (qui commence à pointer), et la libération des énergies créatives et d'investissement par la destruction inlassable de la bureaucratie léguée par le modèle en défaut.
Aboutir commence aussi par bien assimiler que les incitations étatiques peuvent aider certes mais en aucun cas tirer le char du renouveau, car les arbitrages budgétaires de Bercy ne sont jamais soumis au rendement économique qu'on en attendrait, mais obéissent aux mécanismes du marché politique.
Serait-il plus simple de tout raser ? ça s'étudie !
Pour une course de côte, on allège la voiture jusqu'aux pare-chocs et on gonfle le moteur. Réduire l'Etat a minima est incontournable pour libérer la création.
L'enthousiasme est à la base de tout progrès (Henry Ford). L'enthousiasme des Bureaux n'existe pas.
A mort la Norme !


Note (1): un exemple entre cent, l'application territoriale du Livre Blanc de la Défense par Hervé Morin est un must dans le copinage.
Note (2): l'attribut va faire hurler mais j'attend un exemple concret actuel d'exercice de cette souveraineté qui traduise notre indépendance au sens strict.

Commentaires

  1. Je ne sais quelle mouche a piqué François Marcilhac mais apparemment, dans son éditorial du 5 mai de l'AF2000, il a en travers de la gorge ce billet. Ne pouvant le démonter il le raille. Je lui réponds ici, gentiment :

    Je ne suis pas omnibulé par le déficit. J'en vois le danger majeur et j'ose croire que l'exemple des pays latins (ou grec) mis en tutelle permet à d'autres de voir aussi le péril en la demeure.

    Je ne me réjouis pas que notre pays perde sa souveraineté en matière budgétaire. Mais quand après la tempête il faut réparer le toit, soit vous savez faire, soit vous faites faire. Dans la réduction des déficits il est notoire dans le milieu économique que nous ne savons pas faire !

    Quelle précipitation de soutenir que la France n'est plus libre de son budget. Elle est complètement libre de voter un budget à l'équilibre - on lui concède même 3% de méthadone comme à un drogué - car c'est une monstruosité de voter un déficit avec des comptes publics aussi dégradés que les nôtres.

    J'ajoute, car c'est en filigrane d'autres articles parus sur la question, que ce n'est pas parce que l'Allemagne a constitutionnalisé son équilibre budgétaire qu'il faut diaboliser cette sage précaution et s'abandonner à des amalgames douteux et infondés.

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  2. Aymeric de C.8 mai 2011 à 22:42

    La monarchie est le régime du bon sens. M'est avis que certains royalistes en maquent. Le déficit est criminel, les députés devront être jugés.

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  3. Gérard Delplat a présenté sa règle budgétaire en commission parlementaire. L'idée de contraindre les pouvoirs à la vertu fait son chemin.
    On lira son article ici.

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