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Onze-septembre et 10 ans

Des centaines de milliers de blogues parlent cette semaine du Onze-Septembre et pour une fois Royal-Artillerie ne fera pas bande à part. Pas de révélations, un retour sur images et quelques réflexions post-mortem.

Evacuons mon témoignage insignifiant qui fait partie de la règle du genre. Onze septembre 2001, début d'après-midi, je travaille sur une cotation de composants électronique obsolètes en écoutant distraitement RFI sur mon transistor de poche. Flash-info : un avion de ligne a percuté une des tours de Manhattan à New-York. Je pense à une avarie de moteurs, une erreur du contrôle aérien, pas une seconde à l'erreur de pilotage. Les images arrivent et je me souviens d'avoir pensé qu'ils avaient eu du pot car l'avion avait tapé en haut de la tour ; "ils", les occupants de l'immeuble. Et je retourne à mon travail fastidieux, la radio toujours allumée.
Un quart d'heure plus tard, RFI qui avait embrayé sur une émission spéciale, annonce la percussion d'un second avion sur la tour jumelle de la première, et cette fois à mi-hauteur. Je comprends alors que c'est un attentat. La suite, chacun la connaît sur terre. J'en étais effaré mais pas complètement surpris, je ne saurais dire pourquoi. Après plus de trois mille morts, il reste de ce drame un bon millier de cadavres en morceaux enchevêtrés dans les ruines profondes des deux tours. L'espace au sol ne peut être rebâti.
Que cherchait à faire al-Qaïda ? Dans son délire de restauration du Califat avant la Conquête du monde, le Mahommet-Nouveau-est-arrivé avait compris que l'obstacle majeur était les Yankees qui barraient partout le passage. Le fameux théologien sunnite Abdullah Yusuf Azzam, mentor¹ d'Oussama et de milliers de moudjahidine n'avait-il pas déclaré : « Après l’Afghanistan, rien dans le monde ne nous est impossible. Il n’y a plus de superpuissance qui puisse s’opposer à Dieu ». Complètement intoxiqués par leur propre propagande, les chefs de La Base (al-Q.) avaient donc choisi de rejouer en Afghanistan la pièce russe qui leur avait si bien réussi, pièce dans laquelle Oussama Ben Laden avait tenu un petit rôle contrôlé par la CIA. La queue de trajectoire de ce projet échevelé obligeait à faire venir l'infanterie américaine au sol pour l'humilier et la battre, et le plus sûr moyen d'y parvenir était l'outrage inexpiable à New-York. Sans doute encouragés par l'issue de la guerre au Vietnam en plus de la retraite afghane des armées de Brejnev, l'état-major terroriste a cru pouvoir plier l'hyperpuissance avec des compagnies de freux chauffés à blanc. Hélas pour eux, ils n'avaient pas le pied marin et avaient négligé la guerre du Pacifique. On peut battre les Etats-Unis sur des théâtres d'opérations extérieurs, comme à Pearl Harbor, voire à Mogadiscio en petit format, mais on ne peut "vaincre" les Américains qu'aux Etats-Unis, et jusqu'ici cela ne s'est pas produit ! Même avec ces diables de Hessois de Georges III.

Qu'importe ! Le premier attentat contre le World Trade Center du 26 février 1993 avait démontré que détonner une grosse charge en pied d'immeuble n'était pas suffisant pour le faire s'effondrer, mais que l'émoi provoqué par l'ébranlement et la mesure de cet audace était considérable. Il suffisait (?!) de monter en gamme, et ça leur a pris huit ans. On connaît la suite dont nous livrons un déroulé en pied de post pour les lecteurs martiens. Welcom to Real Artileri !
Les administrations américaines successives ont eu à coeur de venger 3333 compatriotes en éradiquant sans procès tous les responsables et leurs légataires. L'affaire est en cours. Elle ira à terme quelque soit l'environnement politique ou diplomatique du moment.
Atiyah Abd al-Rahman, de nationalité libyenne, commandant en second de La Base au Warziristan, a été tué par un drone le 22 août. On notera que depuis la saisie des disques durs dans la maison de Ben Laden, l'interrogatoire des chefs, comme celui-là ou comme Ayman al-Zawahiri l'Egyptien, est devenu superfétatoire. L'élimination ciblée est efficace et économise temps et débours.

Reste la question des franchises. Cette nouvelle génération de moudjahidine est qualifiée du préfixe "auto-". Elle est auto-radicalisée, autonome du leadership d'Al-Qaïda-canal historique, auto-financée, auto-didacte, et moins efficace que l'ancienne. Sans connexions vers l'état-major central, ces franchises ne sont pas filtrées et agrègent le pire (le kamikaze incandescent) et le mauvais (le bandit de grand chemin). Livrées à elles-mêmes et cultivant les trafics en tous genres, elles sont actives au Sahel, en Somalie et dans l'Hadramout yéménite, et à bien regarder, dans des zones déjà de non-droit ou abandonnées par leurs gouvernements, soit par négligence, soit par défaut de moyens, soit par imbécillité ou corruption des états-majors. C'est pour cela qu'il est peu probable de voir prospérer des franchises al-Qaïda en Libye ou en Egypte et même au Pakistan. A noter aussi que les franchises non-arabes sont peu persévérantes, peut-être parce qu'elles sont d'une certaine façon snobées par les patrons arabes qui les labélisent avec dédain. Quoiqu'il en soit et même si le monde est réputé n'être jamais parfait, il n'est pas prudent de laisser enfler ces poches qui peuvent blinder leurs positions et devenir les nouveaux furoncles du terrorisme si des camps d'entraînement de type afghan y sont établis. Ne s'agit-il dès lors que de les casser militairement ? Oui, si l'on pouvait traiter l'infection en 48 heures et basta ! Mais nous savons que le plus fort des tonnerres comme à Tora Bora n'est parfois qu'une excoriation. Il faut conjuguer la force et l'esprit.

Aussi doit-on simultanément réfléchir aux causes du recrutement apparemment facile de moujahidine par cette chaîne Bricorama du terrorisme afin de les supprimer chez nous (les causes), et de forcer quelques autres à les supprimer chez eux. Le réveil citoyen des révoltes arabes montrent qu'un état d'esprit a changé et qu'il est fort peu probable que les gens échangent le joug qu'ils affrontent aujourd'hui dans la rue pour celui du fondamentalisme dont ils ont des exemples précis chez eux ou chez leurs voisins. Quoiqu'en disent les défenseurs de l'Ordre pour l'Ordre à n'importe quel prix, autant que les collatéraux en sont payés par les autres, la chute des tyrans ou autres despotes n'est pas l'amorce du chaos, même si les sociétés sont mises en désordre le temps que la lie se redépose au fond ! Et plus la distance sera prise avec les religions, mieux ça ira pour tout le monde, y compris pour les dévots de tous bords. Les Arabes veulent vivre normalement, comme nous, mais chez eux. Quel scoop ! Est-ce un effet heureux de la globalisation ?
Sans doute aucun ! Vive les réseaux sociaux transfrontières.

Note (1): on ne comprend rien à al-Qaïda si on ignore l'influence décisive d'Abdullah Azzam qui a prêché et publié considérablement sur la lutte à mort des Musulmans contre tout ce qui ne l'est pas. La Wikipedia a fait une très bonne notice qu'il est inutile de refaire en moins bien. Cliquer là. Voir aussi le court article de Chris Suellentrop par ici.

Déroulé succint du 9-11:
9.09.2001 Assassinat du Commandant Massoud au Takhar par deux Tunisiens d'al-Qaïda. Détruire la cohésion de l'Alliance du Nord favoriserait l'intervention américaine au sol, ceux-ci n'ayant plus de supplétifs faisant le travail de déstabilisation du gouvernement taliban de Kaboul.
11.09.2001 - 8:46 NYC : Un 767 percute la Tour Nord du World Trade Center de New York.
11.09.2001 - 9:02 : Un second 767 percute la Tour Sud du WTC.
11.09.2001 - 9:37 WDC : Un 757 percute une aile du Pentagone à Washington.
11.09.2001 - 10:03 : Un 757 ciblant la Maison Blanche est crashé au sol par les passagers révoltés au sud de Pittsburgh.
13.09.2001 - L'Alliance du Nord survit à l'assassinat de Massoud et ses brigades se confédèrent militairement : Mohammed Fahim Khan (tadjik) + émir Ismail Khan + Gulbuddin Hekmatyar (pachtoune) + général Dostom (ouzbek) + Karim Khalili (hazara).
14.09.2001 - Les pays de l'OTAN se déclarent solidaires des Etats-Unis au titre de l'article 5 de la Charte atlantique.
15.09.2001 - les Forces spéciales américaines arrivent chez l'Alliance pour coordonner les bombardements.
20.09.2001 - Les Etats-Unis commencent les vols de reconnaissance en Afghanistan.
22.09.2001 - L'Alliance du Nord attaque le front taliban partout.
7.10.2001 - La campagne anlo-américaine de bombardement commence.
Octobre 2001 - Dans une longue interview à Al-Jaezira, Ben Laden justifie l'attaque comme une rétorsion pour les souffrances palestiniennes (clic CNN) mais n'en revendique pas l'instigation.
2.11.2001 - L'Alliance du Nord et les Américains attaquent ensemble et prennent en tenaille Mazar-e-Charif qui tombe le 9.
14.11.2001 - Chute de Kaboul, prise par les Tadjiks contre l'avis de Zaher Shah.
12.12.2001 - Début du pilonnage de Tora Bora où est présumé se cacher Oussama Ben Laden. 80% des effectifs d'al-Qaïda sont tués et les 2/3 des cadres.
27.12.2001 - Ben Laden en fuite félicite les "19 martyrs" du Onze-Septembre et laisse planer le doute sur son implication.
2004 - Dans une vidéo non datée, Ben Laden revendique l'organisation des attentats du Onze-Septembre. D'aucuns disent qu'il se vante.
2.05.2011 - Oussama ben Laden est tué par les SEALs à Abbottabad (Pakistan).

Commentaires

  1. Philippe de Casabianca8 septembre 2011 à 11:10

    Dans le Onze Septembre, il y a du réchauffé et du traditionnel comme le montre bien cet article. Américains et Ben Laden, cela n'est pas nouveau ont été victimes de leur isolationnisme cf aussi http://www.suite101.fr/content/onze-septembre-et-dix-ans-seuls-a31140

    Mais ce qui demeure nouveau, c'est l'agression sur le sol américain et en prenant la population comme objet dans de telles proportions. C'est une sorte d'Auschwitz sur Atlantique cf http://www.suite101.fr/content/11-septembre---auschwitz-sur-atlantique-a31109

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  2. Auschwitz-Birkenau c'est 1100000 morts ! On est au-delà des limites de l'exploit industriel. Je crois que ce nom retenu dans votre billet est excessif même si j'en comprends l'intention. Les Etats-Unis sont à part depuis le début, d'abord pour avoir pris systématiquement le contrepied des politiques coloniales européennes ; quand ils nous prenaient un territoire comme les Philippines espanoles ou Porto Rico c'était pour le "sauver". Quand nous avancions en Chine avec des bataillons, ils avançaient avec des missions. Ils ont exporté partout leur way of life faite de libertés débridées, de mysticisme et de vulgarité.
    Par réaction les autres peuples du monde les ont à leur tour mis à part. Et ils s'y sentent bien. Mais ils sont complètement incapables intellectuellement (je ne parle pas des Joe-6-pack) d'aider à la promotion d'un autre modèle que le leur, même s'il est prouvé qu'il soit supérieur pour les populations concernées. Par exemple ils ont installé en Afghanistan et en Irak des démocraties du type Westminster qui tournent au cirque Gruss, ces pays étant inadaptés à la démocratie parlementaire classique, même si leurs populations aspirent à la paix, sécurité et liberté. Mais ils n'en démordent pas. On va voir en Libye.

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  3. Je me rappelle, le 11 septembre, je patrouillais avec des collègues lorsqu'un flash radio a annoncé la 1ère collision, puis la seconde. J'étais partagé entre l'incrédulité et la rage. Puis, le soir, de retour chez moi, j'ai pleuré comme un gosse devant les images des tours en flammes, des hommes et des femmes qui se jetaient dans le vide. J'ai pleuré parce que je suis longtemps allé à N-Y, que j'avais lié connaissance avec des collègues de NYPD et que j'avais la trouille de retrouver leurs noms dans la liste des victimes. J'ai pleuré lorsque les premiers récits sur le courage insensé des pompiers et des flics ont été publiés.

    Pour le reste, je suis d'accord avec vous, je ne crois pas que la démocratie telle que l'entendent les occidentaux modernes soit exportable partout. Je pense même qu'elle peut se révéler dangereuse dans certaines contrées.

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