jeudi 17 novembre 2011

Noblesse & Aristocratie


Dans un éditorial donné au bulletin de l'Association d'Entraide de la Noblesse Française du mois d'avril 2011, le comte de Villenoisy répondait à un questionnaire sur le sujet de la noblesse et de l’avenir de la noblesse. Noblesse et aristocratie, deux façons de désigner une même classe sociale ? Pas vraiment. La distinction est claire bien avant la conclusion de l'éditorial qui ouvre un chapitre à écrire : « En ces premières années du XXIème siècle, les nobles sont-ils encore, sont-ils toujours aristocrates ? ».
On peut ancrer la définition de la noblesse dans un édit du roi Louis XIV du mois de mai 1643 :
Louis par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, A tous présents et à venir, Salut. Voulant à l’exemple des Rois nos prédécesseurs reconnaître ceux de nos sujets, qui par leurs actions grandes et vertueuses se sont signalés dans les armées pour la défense de notre État, ou qui par d’autres actions louables & généreuses se sont rendus considérables, nous avons résolu de les élever par quelque marque d’honneur, au dessus du commun, en les décorant, eux et leur postérité du titre de noblesse, pour laisser à leurs successeurs une obligation perpétuelle de les imiter...

...édit qui ouvre le ban du conseil évoqué par Jean de La Varende : « Les portraits, il faut s’en méfier : ils sont bien plus vivants qu’on ne l’imagine. Ce n’est pas parce qu’ils sont encadrés qu’ils sont sans pouvoir. C’est un conseil de famille permanent. Il faut en porter, à la fois, et l’honneur et le poids ».

L'aristocratie est un régime de pouvoir, elle n'est pas un état. La noblesse est un état, indélébile et exigeant, mais pas la garantie de faire partie d'une élite , ni d'exercer un pouvoir. Il est des nobles chics et sots comme des manants mal mis et géniaux. Alors quoi ? C'est Monsieur de Villenoisy qui nous l'explique, après une introduction de circonstance qui est destinée d'abord aux sociétaires de l'ANF et que nous sauterons:

Qu’est-ce que l’élite ?
Le mot élite peut se placer derrière toutes les activités humaines : on est un médecin d’élite, un ouvrier d’élite etc… Cela veut dire que dans cette activité on est le meilleur ou parmi les meilleurs.

Qu’est-ce que l’aristocratie ?
L’origine grecque du mot se traduit par : gouvernement par les meilleurs.
D’où cela vient-il ? Cela vient d’une querelle entre les apôtres : les apôtres se querellant se tournent vers le Christ et lui disent : Seigneur, quel est le premier d’entre nous ? Le Christ leur répond : que celui qui sera le premier d’entre vous se fasse le serviteur des autres.
Le Christ posait par cette réponse les principes de l’aristocratie. L’aristocrate a reçu de Dieu un don qu’il a le devoir de mettre au service des autres et ce don est celui de la politique au sens le plus noble du terme : c’est le don de s’intéresser à l’organisation de la cité et à la raison d’être de l’homme politique : le bien commun.

Qu’est-ce que la noblesse :
La noblesse est l’institutionnalisation du principe aristocratique. La noblesse est donc un phénomène purement juridique. Nous sommes nobles parce que nous pouvons nous rattacher à un acte recognitif plus ou moins ancien. Mais la raison d’être est que la société pour pérenniser et reconnaître ce don d’aristocratie a institué une noblesse. On comprend donc qu’en soi, la noblesse n’est rien. Chacun d’entre nous a le devoir d’actualiser à chaque génération la qualité aristocratique qui est le fondement de la noblesse sans laquelle actualisation nous ne sommes plus rien. Nous perdons notre raison d’être.

[...]La version intégrale de cet éditorial est accessible ici.



La noblesse est-elle par essence consubstantielle au pouvoir ? Le fut-elle jamais ? Il est très rare de croiser dans l'histoire des villes des nobles nommés consuls (maires et maire-adjoint), même si tous , sauf les seigneurs justice, devaient contribuer aux charges municipales. Les rois prirent tôt l'habitude de pêcher leurs ministres dans la roture pour se défaire des liens féodaux qui les bridaient dans leur gouvernement. Ils donnaient la noblesse en sortie de programme, voire la consolidaient. Le fils du drapier Colbert entre au service de Mazarin comme intendant privé à l'âge de 32 ans et ne sera fait chevalier que bien plus tard. Mazarin est lui-même d'extraction roturière modeste. Necker est un banquier devenu grand mais parti de rien. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne fut jamais de grands ministres nobles. Vauban, Louvois, Turgot, Vergennes et Calonne n'étaient pas de basse extraction. Mais les deux derniers n'étaient pas de vieille noblesse non plus.

La qualité de noble d'ancien régime a des origines multiples et recouvre des situations diverses. Le seul vrai noble féodal était le possesseur d'une Seigneurie. La qualité de noble était polluée par la défiscalisation de cet état. Outre la gloire ou la vanité d'une généalogie classieuse, la roture courait aux armes à des motifs triviaux. Il n'était pas rare d'acquérir un domaine conférant la particule, fief ou même justice, et de s'exonérer soi-même ou sa postérité du droit de franc-fief (mutation) en acquérant préalablement une charge publique conférant anoblissement. L'ascenseur social fonctionnait à plein régime contrairement à l'image d'immobilisme que l'on colporte.

Les réformes fiscales tentées par les ministres des derniers rois de France furent bloquées par les deux ordres prédominants, et si les biens de l'Eglise étaient le capital des pauvres, il n'en allait pas de même pour ceux de la noblesse qui trafiquait des charges et emplois, et avait appris à spéculer sur valeurs et denrées comme des usuriers juifs. Des fortunes considérables se faisaient et se défaisaient et beaucoup d'argent circulait dans les sphères supérieures. Lorsque le régime vacilla, la noblesse constituée en état ne remplit pas le contrat millénaire qu'elle avait oublié et parfois manqua de donner l'exemple. La nuit du Quatre-Août marqua l'effondrement du régime féodal en pleine décrépitude par la faute d'un instinct de conservation qui aveugla les plus puissants. Place fut faite à une aristocratie du savoir sans considérations d'appartenance à un ordre, pour peu de temps, avant que vienne celui des ogres de la Révolution qui dévorèrent tout l'ouvrage de la réforme entamée.
Il est dit de temps en temps sur ce blogue que le roi doit tirer le char, à défaut de quoi il pèse sur le timon. C'est pareillement vrai de la noblesse qui doit mettre son génie propre à tirer la société vers un futur meilleur.

C'est si vrai que Monsieur de Villenoisy nous dit : "la vocation de la noblesse est de venir au secours d’un monde qui a perdu le nord en contestant ses dérives". On ne doit pas entendre un éloge de l'immobilité. Le noble utile est aristocrate au sens plein et s'il ne peut assumer de responsabilités de gouvernement, il doit garder l'esprit ouvert pour conduire ses concitoyens sur des chemins inexplorés dans le souci du bien commun. Le noble aristocrate détient une parcelle de l'inquiétude royale à l'endroit des peuples, et doit répondre du fruit de ses talents, ce que l'on peut contracter dans une formule : On enseigne au peuple ses droits quand le noble apprend ses devoirs.

Fidèle à sa "race" et au principe chevaleresque de subordination "je suis au roi", Patrick de Villenoisy participe donc à la promotion de la monarchie et de la royauté par sa déclaration de candidature à l'élection présidentielle de 2012. Son programme, puisqu'il en faut un, fut présenté devant le prince Charmes-Emmanuel de Bourbon-Parme chez Maxim's à Paris le 9 novembre, et on peut en lire les grands traits chez Christophe Paillard sous le titre La réconciliation des Français. On y reviendra sur Royal-Artillerie.

Haut les coeurs !



PS : Bonne définition de la noblesse chez le Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales du CNRS.

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