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Hydrographie politique


Intéressons-nous au détroit d'Ormuz. Les rugissements du Rat de Perse qui veut mettre l'Occident à genoux en coupant l'étroit détroit doivent être pris au sérieux, non pas qu'ils représentent intrinsèquement une menace de blocage plus longue que trois jours, mais parce que l'embrasement probable arrangerait bien du monde. Une géopolitique exhaustive du détroit fait 400 pages que nous ne vous infligerons pas, en commençant par le Periplus Maris Erythraei (circa 50) qui donne les premières instructions nautiques remarquablement précises sur la région, jusqu'aux travaux indispensables de l'Amirauté britannique qui fut longtemps en charge de la Côte des Pirates (rive sud du Golfe persique) et en affina la bathymétrie. Le Golfe est un effondrement peu profond (50m) de mille kilomètres de long, abondé par les fleuves d'Irak et brassé dans sa partie orientale par le courant océanique remontant l'hiver de la Mer d'Oman. Contrairement au détroit de Gibraltar, les eaux du Golfe ne se déversent pas dans l'Océan indien qui plonge rapidement au large d'Oman. Elles s'évaporent. Il n'est pas inutile de signaler que les accès du détroit, côté Golfe, sont encombrés d'un archipel comme le montre la carte ci-dessous, archipel que les voisins continentaux se disputent bien sûr. Depuis 1988, à l'époque de la guerre Iran-Irak, le détroit d'Ormuz a été bloqué trois fois.
Il est vrai que bloquer le détroit est simple comme de boire un verre d'eau, dit le proverbe persan, à la réserve près qu'aujourd'hui le buveur d'eau risque de se voir forcé de manger aussi le verre pilé. La V° Flotte, épaulée par les chasseurs de mines anglais et français, a les moyens d'ouvrir un chenal désinfecté de toutes mines dans le détroit en trois jours et pour faire bonne mesure de détruire toutes installations suspectes ou pas sur l'île longue de Qeshm, et sur toute la rive nord tant qu'à y être. Puis d'élargir la carbonisation du territoire par cercles concentriques jusqu'à ruiner pour plusieurs années l'industrie pétrolière iranienne du Golfe, raser le port de Bandar Abbas, et plus si affinité.
Il n'est pas dit que l'US Navy ne subisse pas de pertes, si la marine iranienne jette tous ses missiles et torpilleurs dans la bagarre en une fois, mais quoi demain ? La ressource navale des Etats-Unis est inépuisable ; la 7ème Flotte est à portée. Les Américains ne débarqueront pas massivement, il sera donc impossible de les piéger comme en Irak. Après quelques coups de main des Forces Spéciales sur des cibles pointées - le Bataan est déjà sur place - ils se satisferont de la contemplation de l'économie en ruine de la République islamique, se préparant à contrer sa revanche terroriste. Il ne fera pas bon alors, où que ce soit dans le monde, d'afficher des références chiites. Mais nos cités pourraient vite devenir un enfer;

En quoi la mise à genou de l'Iran stoppera-t-elle la course à la bombe chiite ? En rien, si les installations nucléaires ne sont pas pulvérisées. C'est donc bien à l'occasion du grand vacarme d'Ormuz que cette opération pourrait être lancée. Elle passerait alors pour un "détail" de l'affaire. Mais il est peu probable que l'effondrement économique entraîne l'effondrement du régime qui se repliera sur le modèle nord-coréen et se vengera de ses déboires sur son propre peuple. Une autre hypothèse est celle de la galvanisation du peuple iranien "injustement" attaqué. Les analyses sont contradictoires. Quelles sont les forces en présence ?
Sans compter le corps amphibie des canots-torpilleurs des Gardiens de la révolution islamique (GRI) et ses batteries côtières à longue portée, la marine iranienne dont l'escadre océanique est confinée en Mer d'Oman, aligne des navires de combat d'un tonnage suffisant à ses ambitions régionales : - 3 sous-marins diesel-électriques russes de la classe Kilo (4000T) - 1 quinzaine de sous-marins de poche (classe Gahdir 120T) - 1 sous-marin furtif (classe Nahang 400T) - 3 frégates anglaises rééquipées de missiles Noor (200km) - 2 frégates iraniennes copiées sur les anglaises - 2 corvettes américaines anciennes rééquipées de missiles Noor - 14 patrouilleurs (torpilleurs) français "Combattante" bien équipés Ils disposent aussi des navires de soutien d'escadre nécessaires. De là à attaquer les Etats-Unis, c'est un pas vite franchi par les mollahs planqués à Téhéran et les pasdarans chauffés à blanc dans les canots pneumatiques ! En face, c'est la V° Flotte US de Manama, Bahreïn. Bahreïn, ça ne vous dit rien ? Les émeutes chiites du printemps bahreïni réprimées par les chars séoudiens ? De leur flotte, ce sont les Américains qui en parlent le mieux (clic) Autant dire que le détroit d'Ormuz est si étriqué qu'il ne permet pas de l'y déployer toute. Elle obtiendra pourtant le renfort des navires alliés présents dans les CTF (Combined Task Force) sur zone au moment critique.

Y va-t-on ou pas ? Le régime iranien est partagé entre l'ayatollah Khamenei, successeur de Khomeini, et le président élu Ahmadinejad, le Chavez chiite du Golfe. Il n'est pas certain que leurs actions soient coordonnées d'autant que le Guide dispose de la puissante milice des GRI. L'un ou l'autre peut s'appuyer sur le réflexe national du peuple qui soutient complètement la course à la bombe au motif très simple que, d'expérience, c'est la seule assurance tous-risques dans un monde dangereux. Les bombes pakistanaises, indiennes et nord-coréennes ont sanctuarisé ces territoires. Pourquoi le vieil empire de Cyrus n'y aurait-il pas droit ? Parce qu'il n'y a plus d'empereur sensé à la tête de la Perse. Cette garantie légitime est lue comme une menace létale par tous les régimes sunnites et Israël, et sa concrétisation signerait le glas de l'influence américaine au Moyen-Orient, région indispensable à l'Occident et au Japon, car riche en pétrole pour quelques décennies encore. Les Iraniens n'arrêteront pas leur programme - ils y sont poussés par la Chine et la Russie, voire même par la Turquie dépitée du mépris qu'attira de la part de la troïka sa démarche de médiateur décidée avec le Brésil de Lula. Tous y lisent un défi majeur aux Américains - et les Etats-Unis ont besoin de pétrole. S'il y avait matière à s'arranger, cela ne pourrait se faire que sur le dos d'Israël. Qui sacrifiera Israël ? Son meilleur ami, peut-être.



Postscriptum du 16/7/12 :
Dimanche 15 juillet, les Emirats arabes unis ont exporté leur première cargaison de pétrole par l'oléoduc évitant le détroit d'Ormuz, selon l'agence officielle Wam. La cargaison a pris la route du Pakistan au terminal d' Al Fujayrah (voir la carte ci-dessus) sur la mer d'Oman. Le 3 juillet, un responsable pétrolier des Emirats arabes unis avait indiqué que l'oléoduc transporterait du pétrole de "manière régulière" à partir d'août. L'oléoduc de 360 km de long permet aux Emirats, pays membre de l'Opep produisant environ 2,5 mbj, d'échapper aux menaces répétées de l'Iran de fermer le détroit d'Ormuz en cas de sanctions contre ses exportations pétrolières.

Commentaires

  1. Mise à jour du 6.1.12
    A peine les manoeuvres nautiques de la Marine (impériale) iranienne en Mer d'Oman sont-elles terminées (sans casse) que le Corps des Gardiens de la Révolution islamique annonce maintenant les siennes côté Golfe, du 21 janvier au 19 février: 7e série des Manoeuvres du Grand Prophète.
    La surenchère est évidente, à preuve la proposition d'un parlementaire de Téhéran d'exiger maintenant de tout navire de guerre un visa iranien de transit pour franchir le détroit d'Ormuz. A preuve plus, la "défense" faite par le commandant en chef de l'armée iranienne, le général Salehi, à l'Etat-major de la V°Flotte US, de ne pas faire rentrer le porte-avions Stennis dans le Golfe persique.
    Si la crise économique et sociale éclate en Iran du fait des sanctions internationales et de la gabegie endémique de l'Etat islamique, il y a de plus en plus de chances pour que le pouvoir dépassé cherche à sauver les meubles en se portant au seuil de la guerre ouverte.

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  2. The USS Abraham Lincoln on Sunday passed through the Strait of Hormuz -- the first time a US aircraft carrier has been through the strategic waterway since Iran threatened to close it earlier this month.
    Le porte-avions était accompagné d'un croiseur lance-missiles, de deux destroyers, d'une frégate anglaise et d'un bâtiment français.
    Le Golfe étant plein à ras bord avec la V° Flotte de Manama (Bahreïn), on n'attend plus que le souffleur prenne place dans son trou pour que la pièce commence.

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