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Faire évoluer la corrida


Demain c'est la feria de Saint-Gilles (salut André, mais je ne viendrai pas cette fois), l'occasion de revenir sur un débat sanglant qui eut lieu au mois de mai chez Newsring. Le piéton y a contribué dans les limites de son équanimité, à preuve la contribution rapportée ici et augmentée d'une proposition œcuménique (per un còp !):

« La façon dont les diverses cultures taurines prennent formes et significations les unes par rapport aux autres permet d’identifier, de délimiter et de différencier une aire culturelle sous influence hispanique. Cette approche s’inscrit pleinement dans une réflexion plus générale sur la territorialité » (Jean-Baptiste Maudet).

Sans aller jusqu'au Mexique, nous observons que le taureau est un marqueur puissant de territoires contigus allant du Rhône au Cap Saint-Vincent (Algarve). La décision de la Catalogne d'effacer cette empreinte ne brise pas l'arc taurin qui passe au-dessus par l'Aragon et la Navarre. Si ces "pays" ne peuvent être définis entièrement par leur participation à la tauromachie, ils s'y reconnaissent ensemble et cette occupation fait lien entre eux.
Le lobbying d'abolition des corridas y est perçu comme une intrusion dans leurs moeurs quelle que soit la pertinence ou l'ancienneté de leurs traditions. Et cette intrusion est partout celle du Nord. Sans remonter à la Croisade, on voit que la pression du Nord a été continue sur les modes de vie du Sud et les faiseurs d'opinion d'aujourd'hui parlent aux méridionaux comme à des enfants incorrigibles. Tout ce qui naît au Sud est risible, inconséquent, futile ou éphémère, d'ailleurs le Sud n'a pas de prix Nobel (ndlr: cette affirmation est un argument du lobby pour diminuer le niveau intellectuel de l'hispanité) !

Mais s'il plaît aux méridionaux de vivre tels qu'ils sont, à quel motif légitime des étrangers venus d'on se sait z'où, auraient compétence à réviser leurs moeurs pour leur dicter le bon comportement, leurs saines distractions, même leurs croyances acceptables ? Les abolitionnistes peuvent-ils comprendre qu'ils poussent le monde à l'uniformisation où toute différence culturelle finira écrasée par un Code moral universel. Qui montera au Sinaï le chercher ? Le peuple élu ?
La diversité n'est acceptable à leurs yeux que s'ils la contrôlent eux-mêmes.
Sur ce fil (ndlr: Newsring) nous observons la dictature des végétariens ! Et le Sud pouffe !
(fin de la contribution NWSRG)


Le jacobinisme à l'oeuvre chasse en meute, il suffit de s'intéresser cinq minutes à leurs blogues et réseaux sociaux caporalisés par deux ou trois grandes gueules pour le savoir. Il était inutile dès lors d'affronter sur Newsring les autistes de la bronca occitane Benchetrit-Szala-Altmeyer-Brocéliande (c'est une blague, il y a aussi Brizard, Rossi et Bassignani) et j'ai choisi de développer l'argument sur Royal-Artillerie, non pour soutenir l'afición qui se porte bien sans nous, mais pour explorer voies et moyens de vivre ensemble dans l'arc taurin. Peut-on vaincre la Mort sans tuer ? Telle est la question fondamentale.

Pour y parvenir il faut changer les codes et d'abord bien séparer les spectacles taurins participatifs comme la course landaise et les corridas professionnelles. C'est de celles-là dont nous parlons maintenant.
D'entrée, il n'y pas de demi-mesures ni de faux-fuyants, le combat reste un combat et l'animal doit être apte autant que le torero. Exit les corridas au rabais où, faute d'argent, on convoque des "amateurs" pour affronter des taurillons qui vont se faire littéralement massacrer. Quand une corne traverse l'un de ces gangsters, mon oeil brille d'intérêt. Un torero vise au surhomme, les miquets ne sont pas convoqués.
C'est d'abord la mise à mort qui hérisse les consciences progressistes et le sang versé à la pique. C'est aussi la confrontation terrible du cheval monté enfermé dans l'arène et du taureau quasi-sauvage qui fait plus que son poids.
Toute la beauté du combat est dans les passes de cape et la pose des banderilles. Ce n'est pas simplement une chorégraphie brillante et courageuse ; c'est une "lecture" de l'animal mais également de l'homme par les aficionados. Disons qu'il faut être formé pour y comprendre quelque chose, comme au criquet - un vrai sport de végétarien. Allons à la fin, à la faena. Quand le taureau est-il battu ? Lorsque il ne charge plus l'homme qui lui tourne le dos et s'éloigne en traînant la muleta derrière lui. Le combat est à mon sens terminé. La suite n'est pas utile même si le sacrifice participe du rituel, car elle convoque par moment des pulsions qu'on n'aime pas voir. Supprimons la mise à mort, après avoir supprimé le tercio de piques du début. Je pense qu'à ce compte un public averti pourra continuer à venir aux arènes sans exciter l'ire des défenseurs des animaux. Il y aura d'autres réglages à faire et une pédagogie de l'exercice à mettre en place. Les taureaux seront dans la force de l'âge provenant d'élevage réputés et les toreros certifiés d'expérience. Terminé les novilladas. Alors on aura transcendé le mythe en substituant à sa "réalisation" les signes du sacrifice, et seulement les signes.
Restera à éduquer les foules, en commençant à l'école primaire.
Les profs devront-ils avoir pratiqué ? C'est tout ce qui restera du débat.





- Il existe peu de littérature taurine ou tauromachique mais les Editions Verdier ont créé une collection spécialisée que vous pouvez découvrir en cliquant ici.
- Pour l'édification des adversaires de la tauromachie, le mot-clé "corrida" en moteur de recherche présente beaucoup de photos de toreros embrochés. Qu'ils soient rassurés, le Minotaure sait punir.
- Royal-Artillerie avait publié en 2010 un long article sur la tauromachie qui a été repris par extrait sur Newsring au mois de mai, déclenchant la fureur des végétariennes.

Commentaires

  1. La dispute autour de la corrida se termine aujourd'hui par la déclaration de constitutionnalité. Chacun peut démobiliser et passer à autre chose. C'est fi-ni !

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