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Senkaku/Diaoyu, le facteur américain

Note liminaire : Dans la série « Senkaku » nous abordons le paramètre américain, mais vu du côté chinois. Il a fallu compiler un peu les bons auteurs et deviner ceux qui sont de faux journalistes mais de vrais experts, parfois officiers généraux de l'Armée populaire de Libération. Ainsi le Major General Yin Zhuo, Directeur du Comité d'experts sur le renseignement naval, qui signerait d'un simple ZYH ses chroniques que l'on trouve ci et là (signalement Chinascope).

Billets précédents sur le sujet :

USS George-Washington
Peu de gens ont analysé le facteur américain dans la dispute sino-japonaise actuelle au prétexte de la neutralité affichée par le Pentagone et le Département d'Etat. C'est ne pas vouloir voir que depuis quelques temps la Chine ressent une certaine pression provoquée par le retour des Etats-Unis sur la zone Asie-Pacifique. Cette pression est citée explicitement dans plusieurs disputes territoriales, spécialement en Mer de Chine orientale et méridionale, et Pékin a toujours dénoncé la main invisible des Etats-Unis, ce qui n'est plus un artifice de propagande aujourd'hui. Le 3 août dernier, l'International Herald Leader a publié un commentaire titré Les Etats-Unis attisent le feu en Mer de Chine méridionale les accusant de semer la discorde dans la région. Et le rédacteur de préciser dans son poulet : « Nous sommes convaincus que la déclaration américaine sur la Mer de Chine méridionale envoie deux messages : l'un destiné aux Philippines et au Vietnam les assurant que les Etats-Unis sont en appui et qu'ils ne doivent pas avoir peur de se confronter à la Chine ; le second, suggère aux pays de l'ASEAN que sur le problème de Mer de Chine méridionale les Etats-Unis peuvent parler pour eux sans arrière-pensée et qu'ils ne doivent pas hésiter à faire bloc pour tenir tête à la Chine sans crainte ni inquiétude »(1).

La Chine ne s'est pas gênée pour dire à Hillary Clinton que la Mer de Chine méridionale n'était pas la Mer des Caraïbes(2). Quand Léon Panetta, Secrétaire à la Défense, fit sa dernière tournée au Japon et en Chine, les observateurs s'attendaient à ce qu'il offre ses bons offices pour résoudre les conflits entre ces deux pays, à quoi le gouvernement chinois répondit par avance dans un communiqué publié par l'agence Chine Nouvelle (Xin Hua) : « Les Etats-Unis ne sont pas qualifiés pour agir en médiateur parce que les Etats-Unis sont en partie responsables des causes de la dispute sur les îles Diaoyu »(3).

Le Liaoning chinois (sans avions)
Et les autorités chinoises de laisser courir dans des supports médiatiques officiels des analyses visant à révéler la conspiration yankee, jusqu'à « prouver » que la rétrocession des îles Senkaku au Japon lors du protocole de 1972 était un coin délibérément planté entre les deux empires. La « fabrication » de cette dispute ne viserait qu'à ancrer le Japon au flanc des Etats-Unis et empêcher tout rapprochement politique entre les deux acteurs majeurs du sous-continent. C'est faire bon marché du report à meilleure fortune de l'extraction de cette épine maritime ainsi qu'en avaient convenu les premiers ministres respectifs Kakuei Tanaka et Zhou Enlai quand ils avaient signé en 1972 les accords de rapprochement (en fait une perfusion financière de la Chine). L'affaire avait été remise sous le tapis par Deng Xiaoping en 1978, car il avait toujours autant besoin des Japonais pour, entre autres projets de développement, construire une flotte marchande en leasing. Ce qui en dit long sur la realpolitik locale.
Certes la Chine d'aujourd'hui n'a plus besoin de cette perfusion, ce qui lui délie les mains, mais une grande partie de son industrie tourne sous capitaux étrangers, donc nippons, et elle ne peut se permettre d'effrayer le singe en tuant le poulet.

Par ailleurs, il n'est pas politiquement correct d'avouer que le Dongbei chinois (ex-Mandchoukouo) est très ouvert aux investissements nippons quoiqu'il soit écrit d'horreurs dans les livres d'histoire. Un blocage de cette coopération serait très mal ressentie là-haut où l'effondrement de l'industrie lourde maoïste n'a pas été complètement compensé. Alors mourir pour trois cailloux inhabitables, jamais !

En Europe nous avons à peine sourcillé quand Barack Obama déclara au début de son premier mandat que l'avenir était à l'Ouest, mais les Chinois ont pigé très vite que les Américains, partis des Philippines en 1992, allaient revenir. Et de fait ils avaient capturé un avion-espion en 2001 qu'ils avaient posé à Haïnan, puis les choses s'étaient calmées. Mais depuis lors, les Etats-Unis ont fait des manœuvres militaires fréquentes avec le Japon, la Corée du Sud, les Philippines et le Vietnam, en Mer jaune, en Mer de Chine orientale et en Mer de Chine méridionale. Le syndrome de l'encerclement stratégique est à son comble dans les états-majors.

Global Times (Huan Qiu) rapporte une déclaration conjointe de dix major-généraux intitulée, « Se préparer à battre le Japon ! ». Dans la déclaration, Luo Yuan dit que « la dispute des îles Diaoyu touche non seulement le sentiment nationaliste des Chinois, mais aussi les intérêts stratégiques vitaux de la Chine ». Wang Haiyun a développé ensuite que « les escadres de la Mer du Nord, de la Mer de Chine orientale et de la Mer de Chine méridionale devaient être augmentées ; les ressources financières du pays doivent être dirigées au bon endroit »(4).


la flotte nippone d'auto-défense en manoeuvre
Brève synthèse :

On peut retenir trois choses des déclarations chinoises tant officielles que officieuses.

(I). Il est quasiment sûr qu'en prenant les Etats-Unis comme bouc émissaire, les officiers généraux chinois repoussent aux calendes toute confrontation directe avec l'Empire nippon parce qu'ils n'ont pas d'aéronavale. Le déplacement du Deuxième Corps d'Artillerie sur les côtes du Fujian, pour en menacer l'archipel des RiuKyu (Okinawa) au lieu de masser l'escadre, et l'appel à investir dans l'armée navale en font foi.

(II). Dans une Chine confrontée à de sérieuses difficultés économiques et sociales on peut comprendre que la dispute des Diaoyu-Senkaku soit un dérivatif populiste, mais pour les états-majors, il s'agit d'abord de conforter leur avenir au milieu des désordres possibles en renforçant leurs pouvoirs de contrainte et auto-protection, d'où l'appel à investir plus encore dans un flotte de classe océanique. Le syndrome de l'encerclement y est vivace, la Chine, immense empire, n'ayant aucun accès à l'océan (on l'oublie).

(III). Les Chinois négocieraient-ils les îles contre un renversement d'alliance des Japonais à leur bénéfice, expulsant les Etats-Unis de "leurs eaux" ? C'est ce qu'ils cherchent à faire accroire, mais les Japonais les connaissent de longtemps et ne prennent pas la posture pour argent comptant.


En conclusion, la dispute va revenir progressivement au niveau émotionnel zéro comme en avait convenu dans leur sagesse les anciens premiers ministres précités. Le phasage délicat entre la transition politique de cet hiver qui n'est pas de tout repos et le cycle économique dépressif (en dessous de 8% de croissance, la Chine connaît de gros problèmes sociaux) vont appeler les acteurs du parti à plus de mesure. Les mouches changeront d'âne.


le pont-cadeau de la ville d'Osaka à la ville de Dalian






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