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Un Nobel de la paix bizarre

Du discours d'Herman Van Rompuy à Oslo aujourd'hui je n'ai retenu que cet aphorisme choc : « En paix, les fils enterrent leurs pères. En guerre, les pères enterrent leurs fils ! » Hérodote d'Halicarnasse (484-420). Tout le discours que j'ai suivi sur Euronews magnifiait la pacification européenne par ses institutions communes. L'exercice était un peu convenu en remerciement du prix Nobel de la Paix attribué à l'Union européenne. Disons en passant, que le discours était de haute tenue et que le président Van Rompuy le délivra sans lire ses notes, ce qui pour nous Français est un véritable exploit, habitué que nous sommes à regarder nos politiciens de rencontre lire leur papelard pour juste nous dire bonjour. Le dernier en date fut M. Fillon, infoutu de dire sa colère de mémoire à la sortie de la Cocohée ; laissons ces bafouilleurs ! Beaucoup ont découvert leur Rompuy ce lundi (Van Rompuy à Oslo en version intégrale).

R. Schuman
L'Union est-elle la paix par elle-même, ou bien fut-elle créée par la paix ? Celle des cimetières. La question mérite débat. On rappellera avec profit que la collaboration franco-allemande était dans les cartons dès l'entre-deux-guerres mais que la grande dépression et le revanchardisme allemand en vinrent vite à bout. D'où l'idée de Robert Schuman après-guerre de ne pas en avoir. Marcher avant de penser ; et on construisit la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier) qui ne se superposait pas aux offices mercantiles nationaux mais les remplaçait pour tout ce qui était commercialisation de ces produits, bases d'armement n'oublions pas. Génial, mais si quand même !
C'est aussi ce qui se passa au départ de De Gaulle en 1969, alors que la relation franco-allemande était quasiment évaporée dans nos rêves de grandeur (comme beaucoup de projets grandioses de l'époque) : Pompidou, l'auvergnat pragmatique, lança l'Airbus et un réseau de satellites de télécommunications européens laissant à d'autres plus tard les envolées lyriques. On notera d'expérience que plus on célèbre le "couple" franco-allemand moins on en fait. Nous sommes en phase de basse conjoncture, la RFA équilibre tous ses comptes publics à la fin de l'année quand la France des trois déficits entre en récession au même moment. Berlin rééquilibre donc la relation à son profit (EADS) avant de passer à autre chose...

Camp Bondsteel - huile sur toile de Céline Germès
Si la paix a créé l'Europe-institution, il est difficile de prétendre que celle-ci ait renvoyé l'ascenseur. La guerre de désintégration en Yougoslavie a démontré que le Soft Power tant vanté avait l'esprit très venté. A quoi nous servaient ces magnifiques corps d'armée couleur "vert et boue" si nous ne savions pas forcer la paix sur nos marches ? Nous sommes repartis comme en 1916 chercher les Sammies pour y mettre bon ordre, alors que nous avions tout sous la main... sauf la cohésion mentale. Et de nous plaindre ensuite qu'ils n'en aient fait qu'à leur tête, en dépeçant la Serbie pour sécuriser leur camp retranché Bondsteel au Kosovo. Cette pusillanimité bruxelloise et les antagonismes rémanents entre anciennes puissances, en dépit des grands principes proclamés à jet continu urbi et orbi, a conduit les nouveaux pays libérés à se jeter immédiatement dans le dépôt de candidature à l'Alliance atlantique, seule garantie sérieuse d'avenir à leur yeux. De bons esprits un peu seuls plaident pour une défense européenne dont aucun des nouveaux venus ne veut !

Si demain, pour une raison imprévisible, mais de celles qu'engendrent les états de forte tension sociale, la Grèce et la Turquie se prenaient à la gorge, on peut parier que l'Union européenne ne proposerait rien de plus qu'une séance de pré-conciliation, doublonnant (même pas) avec les discussions musclées qui auraient lieu au siège de l'Alliance à Bruxelles. L'Union ne "fabrique" pas la paix, désolé, Mister Président.




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