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Quelque chose d'incrusté dans nos échecs

une Delage D8 de 1939, motorisation Delahaye
Les résultats 2012 de nos trois constructeurs nationaux sont réputés désastreux, tant sur le Marché commun qu'au niveau mondial. Quand on les décortique, on en trouve assez vite des raisons expliquant chaque segment de l'analyse. Par exemple, Peugeot a subi un déficit de 300.000 CKD en Iran (450000 en année pleine) pour cause d'embargo américain ; le marché espagnol favorable à Citroën s'est complètement retourné (je signale en passant qu'on y trouve des Camaro IV°génération pour une bouchée de pain) ; le marché de prédilection pour Renault, la France à moins 14%, est malade de l'imbécillité de ses dirigeants qui contrent partout la voiture et asphyxient tout enthousiasme dans ce pays, et ce n'est pas le scoop de l'année, l'équipe précédente était plus arrogante encore et pas moins déconnectée du réel. Ainsi observons-nous ces chiffres qui font honte à la patrie de l'automobile :
  • marché français de Renault : -24,7%
  • marché français de Peugeot : -17,4%
  • marché français de Citroën : -17,5%
  • (tous les détails par ici)
  • marché mondial de Renault : -6,3% (2,55Mv)
  • marché mondial de PSA : -16,5% (2,96Mv)

Retour sur le futur chez l'agence Bloomberg

General Motors a mangé sa soupe sur la tête de Volkswagen l'an dernier en Chine continentale menant le train des étrangers grâce à ses mini-vans Wuling qui se sont vendus comme des petits pains ! Par contre au niveau mondial, c'est Toyota Motor qui redevient le boss avec 9,7Mv (+22%) devant le Lazare des constructeurs, GM qui n'a vendu "que" 9,2Mv (+2,9%). Si l'on s'en tient aux Européens, Volkswagen a crevé le plafond de ses records globalement avec 9,07Mv (+11%). Sur le marché chinois qui a dépassé cette année les 20 millions de véhicules vendus, les progressions sont presque ahurissantes :
  • marché chinois de General Motors (Chevrolet, Buick, Wuling) : +11% (2,84Mv)
  • marché chinois de Volkswagen (VW, Audi, Porsche) : +24% (2,81Mv)
  • marché chinois de PSA (Peugeot, Citroën) : +9% (0,44Mv seulement) (et contre les japonaises/Diaoyu)

L'amorce d'un déclin

La RCZ Peugeot en Chine
Tous ces chiffres nous indiquent que l'industrie automobile française ne joue plus dans la cour des grands. La contraction de ses marchés et la diminution de ses marges, s'il en reste, vont entraver durablement la recherche et développement, seul moteur de croissance. Si la spirale prend des tours, on sait comment cela finit : Simca, Panhard, Citroën, pour ne remonter qu'aux années soixante. PSA annonce une production chinoise de 450.000 véhicules en... 2015. Ils sont au seuil du hors-jeu.
Les surcapacités des constructeurs généralistes français ne sont pas correctement prises en compte ; à se demander si l'extinction des fabrications françaises n'est pas au programme en déroulant de mauvais résultats. Il est évident que les marchés d'Europe occidentale sont au-delà de la saturation et que les marges qui permettent de s'y battre doivent provenir d'ailleurs. Ailleurs les français y sont depuis longtemps, mais pas assez pour faire l'écart en Europe occidentale et globalement.
La soviétisation résiduelle du modèle social national les handicape certes, mais plus généralement, l'industrie automobile française subit le syndrome de l'industrie française : sous-capitalisation, banques timorées, foisonnement des règles et codes en constante "amélioration", immixtion indirecte et continue de l'Etat dans les discussions paritaires fermées, lois du travail obsolètes. Aucun de ces problèmes n'est en voie de réforme, même si le début d'un commencement annonce l'aube d'une remise en cause réciproque des partenaires sociaux. Mais à la fin sera-t-il trop tard ? Il sera intéressant de noter la réaction des patrons de la General Motors aux succès comparés de leurs marques (PSA avec), pour obtenir une vision plus globale de notre avenir. Le bruit a couru qu'ils voulaient donner Opel à PSA, la pierre autour du cou ? Détruire Peugeot c'est aussi faire un appel d'air sur des marchés exotiques que la GM peut servir !

Le Dacia Duster Delsey
Du côté de Renault, il semble que la direction s'embarrasse moins de déclarations apaisantes et que l'avenir soit carrément au-delà des frontières, les sites français ayant vocation à devenir à terme des usines de montage de pièces et sous-ensembles fabriqués ailleurs. On peut douter aussi de la sincérité du patriotisme de Carlos Ghosn qui trouve beaucoup plus de satisfactions dans la direction de Nissan au Japon que dans celle de Renault. Et on traitera une autre fois du parti-pris "Diesel" des constructeurs français aidés par une fiscalité anti-économique, qui se fracasse aujourd'hui sur la pureté de l'air !
Si ce destin d'activité tiers-mondiste devait se concrétiser - le conditionnel est mis pour être sympa - il s'agirait d'activer les meilleures conditions possibles de production en espérant conserver à côté des usines de la recherche appliquée et tout le savoir-faire de la construction de lignes de production, activité qui induit derrière elle la fabrication des robots, progiciels, machines-outils et maints ancillaires. Maître Montebourg comprend-il cette exigence ?

C'est la semaine franco-allemande

Guangzhou-Peugeot 504 Truck
Peugeot et Volkswagen sont allés en Chine à la même époque, en 1984. Ils étaient des précurseurs et avaient les mêmes atouts, des soutiens politiques du même ordre. L'un a mis de l'argent sur de bonnes idées puisqu'il en avait (des deux) ; l'autre, à niveau technique comparable et avec de meilleurs châssis¹, fut toujours handicapé par un partenaire local imposé, plus faux qu'un jeton de Macao ! A faire une connerie, "faites la vite", dit-on dans l'arme blindée-cavalerie ; l'agonie cantonaise de Peugeot dura douze ans. Avec les autorités chinoises la relation de l'un fut hypocritement attentive et efficace, celle de l'autre paradoxalement naïve, arrogante et peu réactive. Certes l'expérience acquise permit à PSA de se replacer ailleurs avec des constructeurs fiables, mais le nerf de la guerre fait toujours défaut, à chercher les dix cents qui manquent au dollar ! Ce pourquoi il faudrait arrêter l'hémorragie financière en France. Son concurrent d'outre-Rhin dégage plus de vingt milliards d'euros de résultat net au niveau groupe en 2012, de quoi creuser l'écart avec tout les autres. Deux mondes désormais.



(1) Peugeot-Canton assemblait des pick-up 504 (en photo) et des breaks 505 qu'il destinait à un usage professionnel, en ratant d'entrée le marché des taxis qui demandait des berlines à coffre, comme la VW Santana brésilienne ! Malgré l'introduction de berlines 505 sur la chaîne, l'usine GPAC de Canton a fermé ses portes en 1997 pour de multiples raisons inextricables. Peugeot reformera une joint venture avec un partenaire plus fiable à Wuhan sur un site Citroën, mais là encore avec un "vieux" modèle, la ZX. Les choses s'arrangent depuis qu'ils ont ouvert un gros bureau d'ingénierie à Shanghaï qui conçoit "chinois".

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