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Hollande, un pont trop loin !

Les salons bruissent de l'assassinat de Boris Nemtsov à Moscou ce tantôt. Et chacun de brandir son acquit de douane : "la preuve, ce n'est pas moi !". Je note deux choses, que le flicage généralisé de la Sainte Russie a clivé la société entre bons patriotes et horribles traîtres jusqu'à ce que des éboueurs se lèvent pour nettoyer la rue de toute opposition au camp officiel du Bien. La seconde, que depuis l'avènement d'un régime parlementaire, tous les assassinés se comptent du côté des dissidents ou journalistes d'opposition¹. Leurs déséquilibrés ne se trompent jamais, viendraient-ils de Grozny !
Bonus : comment se couvrir de ridicule en signalant des sondages très enthousiastes pour Vladimir Poutine quand on sait qu'ils sont récoltés par téléphone : « Allo bonjour ? C'est pour l'Institut d'opinion Machin. Une seule question : "Êtes-vous pour ou contre le président Vladimir Poutine ?" - Contre, bien sûr ! - OK, on a noté votre numéro de téléphone.» Et il y a des imbéciles en France jusque dans le milieu royaliste qui s'appuient sur cette manipulation pour confirmer la popularité de leur héros !

A ce moment, on peut se poser la question du pourquoi d'une réaction de l'Elysée. Boris Nemtsov n'était pas si lié à la France, ni son aura si éblouissante qu'on en fasse déjà ici le martyr d'une cause... à définir en plus. Le Kremlin infesté d'anciens kagébistes a d'autres adversaires plus dangereux, à moins que le pouvoir n'ait pratiqué le dicton chinois du poulet et du singe. Tuer l'un pour effrayer l'autre ; on zigouille l'opposant de deuxième division pour avertir ceux de première division.
Le crime est typiquement une affaire interne à la Russie. Pour qui se prend-on dans la cellule communication du Château ? Il vaudrait mieux que les tapettes en soupentes se recentrent sur les actrices et les rappeurs, et laissent la diplomatie aux professionnels. Mais au bout du bout, la question est posée de la pertinence de notre souci russe. Que nous chalent heurs et malheurs de la sphère soviétique ? Participons activement au développement de cette steppe immense pour le plus grand bénéfice de nos groupes industriels grands et moyens, accompagnons le renouveau culturel de l'ancien empire des tsars puisque nos rois y laissèrent des traces, et gardons-nous d'interférer dans des histoires qui ne nous concernent en rien, si déjà nous les comprenons. Pourquoi ?

Parce que la France, contrairement à l'Allemagne qui fut toujours l'empire au contact, ne doit pas franchir la limite de sa zone d'influence historique qui, s'il faut la tracer, suit le cours du Danube². Nous y serions des amateurs pas éclairés du tout. La Russie est par contre un gros souci allemand pour au moins trois raisons :
- La RFA est le pays-hôte de la mobilisation des unités américaines reversées au commandement OTAN ;
- Son approvisionnement énergétique est très dépendant de la Russie, ce d'autant plus que les centrales nucléaires allemandes seront fermées progressivement ;
- Le grand marché slave est le débouché naturel de l'industrie teutonnique qui y soustraite aussi toutes, absolument toutes ses fabrications basiques.
Soutenir l'Allemagne dans son combat à l'exportation est pure camaraderie de la part de la France, ce qui n'a pas lieu d'être dans le gouvernement de nations en danger comme les nations d'Europe occidentale. Concentrons-nous sur les moyens exigés par le renversement de notre propre déclin et cessons de parader partout comme des coqs déplumés ! A force de péter plus haut que son cul, on dépose le bilan avec un trou dans le slip !

Incidente décorative : Bismarck le Terrible avait prévenu ses successeurs de ne pas prendre fait et cause pour l'empire austro-hongrois, véritable patchwork à problèmes, afin de ne pas être entraîné dans des conflits où l'Allemagne n'avait finalement aucun intérêt décisif. Ils ne l'écoutèrent pas. On sait ce qu'il advint de la construction poméranienne. Pourquoi la France d'aujourd'hui s'investit-elle autant à contrer le Capo di tutti capi Poutine en sa mafia d'espions ? Regardons nos intérêts propres et laissons la grande Allemagne se dépatouiller de ses contradictions. Finalement, en 1990 ils ne s'en sont pas si mal tiré que ça ! A nos frais aussi, c'est vrai, grâce à M. Bérégovoy !

Nous voilà maintenant mouillés dans une histoire de sanctions corne-cul voulant privilégier la Camorra de Kiev à Cosa Nostra de Moscou ! Mais à la décharge des pouvoirs actuels, avouons que c'est notre président survolté Sarkozy qui nous a mis dans ce bain d'électrolyse en croyant qu'il s'entendrait mieux avec un csar aussi peu haut que lui-même ! Et de vouloir faire le pacificateur en Géorgie contre un transfert de savoir-faire, les Mistral. Sauf que l'autre est intelligent et que les nôtres ne le sont pas. Nos présidents marchent au sonar, ne regardent que la hauteur d'eau sous la coque et ne voient rien au loin. Quelle est notre axe diplomatique en Turquie, au Proche et Moyen Orient, en Mer Noire ? On me dit dans l'oreillette que le Quai d'Orsay n'a toujours pas demandé de conseils à Royal-Artillerie sur la conduite à tenir désormais au-delà du Danube. En foi de quoi, nous clôturons ce billet, inutile donc.

(1) Extrait d'une plus longue liste en forme de monument aux morts :

☦ 1998 Galina Starovoitova
☦ 2000 Igor Domnikov
☦ 2000 Sergey Novikov
☪ 2000 Iskandar Khatloni
☦ 2000 Sergey Ivanov
☪ 2000 Adam Tepsurgayev
☦ 2003 Sergei Yushenkov
☦ 2003 Yuri Shchekochikhin
☦ 2004 Nikolai Girenko
☦ 2004 Paul Klebnikov
☦ 2006 Andrei Kozlov
☦ 2006 Alexandre Litvinenko
☦ 2006 Anna Politkovskaïa
☦ 2009 Natalia Estemirova
☦ 2009 Stanislas Markelov
☦ 2009 Anastassia Babourova
✡ 2013 Boris Berezovsky
☦ 2013 Sergueï Iouchenkov
☦ 2015 Boris Nemtsov
......
(2) Le Danube est le fleuve germano-slave par excellence comme le Rhin est le limes germano-gaulois.
Aller faire le coquet sur le Dniepr (frontière probable de l'Ukraine demain) n'a aucun sens pour la France.

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