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La Pax europaea en question


Europe attend le toro
Soixante-dix ans de paix ont si bien ramolli les nerfs des Européens, surtout les occidentaux, que la prophétie raspalienne du Camp des saints commence à se réaliser sous nos yeux. Dans ma jeunesse, quand on parlait de désarmement général, de mauvais coucheurs prédisaient qu'alors les Chinois viendraient nous mater à coups de bâton ! A quoi les experts du Harrys'Bar répondaient qu'ils les avaient trop petites pour se reproduire beaucoup chez nous. On importe aujourd'hui des bâtons plus gros, c'est plus sûr... et loin de moi de penser qu'il y aurait un échauffement énamouré chez les hétaïres politiques de ce beau pays qui s'ennuie, bien que les déclarations d'accueil de certaines gourdes s'approchent beaucoup de la dinde qui glougloute ! Finalement ce sont aussi des wagons de braquemards reconnaissants qui montent vers le Nord.

Ce ramollissement des peuples excite les provocations de tous ordres et d'aucuns voient dans la paix continentale les ferments de l'agressivité des envieux tout autour, lui opposant la guerre froide, la guerre technique sans haine, la guerre et ses histoires chevaleresques et sa magnanimité. On ne tranchera pas ici mais croyons bien que le Tiers-Monde nous imagine et nous découvre ensuite comme une "société de consommation", gavée, égoïste, cholestérolisée, en attente de pontages coronariens ! Une proie à sa merci ! Et nous les payons de honte pour nous repentir de l'écart obtenu sur tous ses rivaux par le génie universel de l'Occident d'autrefois. Nous provoquons et, désarmés par un tas de raisons généreuses, laissons venir la guerre que nous demanderons à d'autres de faire pour nous, comme la dernière fois. C'est ballot.

Une réponse pour muscler l'Europe nouvelle aurait pu être de revenir à l'empire, quelque sorte d'Étazuni d'Europe occidentale assénant sa stratégie au monde et déployant sa diplomatie et ses armées sur ses marches et ses mers. Il faut dire que le Saint Empire revenu avec Otto de Habsbourg à sa tête aurait eu plus de gueule à l'Assemblée générale des Nations unies que tout ce que nous avons vu défiler jusqu'ici, y compris même le "setter fou" de Chirac. Mais on ne peut abrutir un peuple à l'assistance publique et au principe de précaution pendant un demi-siècle sans qu'il soit modifié profondément dans ses gènes. Le mental des Européens s'est effondré ! A l'exception de quelques résistants, le plus souvent à l'Est, nul ne veut plus se battre ici. Le risque n'est pas même imaginable. L'apathie des témoins de violences dans l'espace public en dit long sur la castration de l'espèce. Il nous reste parfois des anglo-saxons dans les trains pour agir en hommes. L'Union actuelle coagule cette couardise européenne, on sent bien qu'elle va plier, qu'elle va se coucher après les incantations d'usage. Quel soulagement avant les vacances au ski !

Europe de Fernando Botero
Les consensus les plus adroitement recherchés à Bruxelles n'ont abouti qu'à l'émergence d'une Europe pour de rire que l'on nomme "Soft Power". C'est une moquerie, il n'existe nulle part ailleurs de "soft power". Ses représentants furent lamentablement ridicules dans le concert des nations, que l'on pense à Jacques Santer, Manuel Marin, Jose Manuel Barroso, Catherine Ashton et Herman Van Rompuy... mais on ne va pas loin non plus en continuant avec Jean-Claude Juncker, Federica Mogherini, ni même avec Donald Tusk qui reste propre sur lui et ne commande à rien !

Devant cette politique européenne de l'édredon, certains pays s'estimant capables de contrer la subversion mondialiste, imaginent pouvoir extraire leur laine de l'écheveau. C'est un leurre. L'imbrication des économies est achevée, et bien au-delà de l'espace européen. Les secousses se répercutent immédiatement dans toute la zone, que l'on soit partie prenante ou partie sortante. La chimie de l'amalgame a saisi toutes les économies ouvertes. On le voit dans le contrechoc de crises exotiques comme l'explosion de la bulle boursière chinoise ou l'effondrement relatif des émergents de deuxième division comme le Brésil ou la RSA. Le souverainisme est un loisir d'ancien combattant, une occupation sans risque, les interdépendances sont inextricables. Que le Brexit nous fasse mentir, on ne souhaite que ça !

L'Edit de Caracalla de Régis Debray anticipait la crise de l'Occident et la parait par la yankisation des citoyens du monde libre¹. C'est un roman à relire. Quelques années plus tard sortait le Choc des civilisations de Samuel Huntington dont le titre dit tout². Nous avons été prévenus. Il m'apparaît infaisable que des pays moyens comme les pays européens même dits-grands s'en sortent seuls en organisant des compromis successifs entre eux pour agir. La férule bruxelloise est une baguette de tambour qui n'a pas de force. Le président de la Commission n'est que l'adjudant-major du régiment, quelque sorte de secrétaire général ne gouvernant que la production de dossiers que vomissent en continu ses bureaux. La survie de l'Occident, si tant est qu'elle soit vraiment recherchée par nos élites, passe par le défi polémologique qui dissuadera les nations hégémoniques autour de lui, ou matera simplement les nations agressives. Réarmer et taper fort ! Qui y croit ? L'Europe est devenue une immense Gaule du chacun pour soi. Et chacun est dramatiquement petit.


A défaut, les Etats-Unis d'Amérique ont la capacité d'imposer ce défi quand ils le lancent et de le relever quand ils le reçoivent. Il ne s'agirait dès lors que de leur faire accepter la pertinence des analyses géostratégiques de la vieille Europe qui accumule beaucoup plus d'expérience qu'ils n'en auront jamais en ce domaine et qui éviterait bien des contre-performances³. A cette condition - c'est important - l'Alliance atlantique pourrait être renforcée et former le Sénat d'Occident investi des pouvoirs nécessaires à imposer nos intérêts contre ceux de nos contempteurs. Nous aurions et le mental et le marteau ! Le reste est dérisoire. L'UE est dérisoire. L'Eurocorps est dérisoire. M. Hollande est dérisoire.




Epilogue

Et le roi dans tout ça ? Ah oui, le roi ! Mais c'est bien sûr. Ben...... c'est son problème de roi ! Carolingiens et Capétiens n'ont pas attendu l'acclamation, ils la provoquèrent et pour la conserver se montrèrent adaptables aux circonstances du temps ; sauf le dernier peut-être qui n'avait rien compris au film ! Quoique ! Il avait parfaitement intellectualisé l'évolution des mœurs et lu l'Encyclopédie, mais n'avait pas le caractère révolutionnaire qui l'aurait poussé à tirer lui-même le char du changement. Rayé des cadres ! On ne peut se mettre impunément perpendiculaire au sens d'évolution des peuples. Un roi marche devant, c'est lui qui donne le "sens". Qu'en pensent les princes vautrés dans le chariot royal tiré par des bœufs ?




(1) Critique de Bernard Cassen [extrait] dans le Monde diplomatique (source):
Dans sa postface, dans laquelle il retrace la carrière hors normes de Xavier de C***, Régis Debray affirme qu’il « pose avec de longues mesures d’avance la question-clé du siècle à venir, une fois dissipées les euphories du “leurre” européen ». On pardonnera volontiers à l’auteur cette autocongratulation, véritable défi lancé à une Europe qui doit encore prouver qu’elle entend être européenne...

(2) Critique de Mehdi lazar [extrait] pour La Revue Géopolitique (source) :
Selon Samuel Huntington, les civilisations auraient vocation à s’affronter car : (i) elles sont différentes, (ii) le monde devient plus petit, (iii) les changements économiques et sociaux recomposent les identités qui sont de moins en moins locales, (iv) la prises de conscience du rôle des civilisations est mis en exergue par le rôle de «l’Ouest», (v) les caractéristiques culturelles changent moins facilement que celles économiques et politiques.

(3) Les contre-performances des Etats-Unis, soutenus par leurs plus proches alliés du Commonwealth blanc, commencent à la guerre du Vietnam puis resurgissent dans la seconde guerre d'Irak qui laissa le pays sans Etat, véritable trou noir du terrorisme. On ne peut pas leur reprocher les opérations d'Afghanistan où ils appliquèrent à la lettre les trois buts énoncés par Joe Biden : tuer Ben Laden, sécuriser les bombes atomiques pakistanaises, casser du taliban partout ; ni leur réserve dans l'affaire syrienne bien trop compliquée pour le Département d'Etat.

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