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Mort des rois

L'office public de la pensée conforme a beau faire à jet continu la promotion des valeurs républicaines, sans jamais souligner ce qu'elles ont de spécifiquement républicain, l'intérêt que portent les gens à la vie des familles royales devrait le faire douter de la pertinence de son combat. D'ailleurs au niveau zéro de l'analyse sociologique le micro-trottoir révélerait l'incapacité de la plupart des piétons à citer pour valeurs plus que la devise aux frontons des bâtiments : liberté, égalité, fraternité.

Au vu de la marche du monde dans ce pays, il serait petit jeu de se foutre royalement de ces valeurs, incompatibles et bafouées en permanence par l'Etat français ; ce n'est pas non plus l'objet de ce billet. Par contre on reconnaît la ferveur populaire dans la joie et l'affliction qui marquent une certaine fraternité nationale. Les obsèques surmédiatisées d'un roi du rock cramé à la nicotine mais populaire en diable, ont précipité une forme de cohésion inattendue entre un monde d'en-haut qui pense celui d'en-bas et les foules qui le méprisent. Outre la masse immobile d'un million de gens, le plus étonnant fut le silence général pour écouter la retransmission de la cérémonie religieuse à l'extérieur de l'église de La Madeleine. Sans le froid de décembre, on aurait pu entendre à la Concorde une mouche voler.


A l'autre bout de l'Europe, jeudi dernier, le peuple était si nombreux à Bucarest à vouloir entrer au palais pour saluer le cercueil du roi Michel Ier de Roumanie que les portes qui devaient fermer à 22 heures ont été maintenues ouvertes toute la nuit. Les funérailles sont nationales même si le roi ne règne plus parce que tout simplement, il règne dans le cœur des Roumains. Le sens politique des dirigeants a parfaitement capté la puissance de l'affect populaire puisque le roi et sa famille ont été chargés en diverses occasions de représenter le pays. Leurs biens immobiliers leur furent rendus pour assurer ce service. Les funérailles de samedi furent grandioses (une photo ci-dessous).

On en attend autant sinon plus quand le Csar des Bougres Simeon II disparaîtra. Sa position est semblable à celle de Michel Ier à la différence près qu'il gouverna effectivement à son retour d'exil, comme premier ministre, et travailla à faire adhérer son pays à la Communauté européenne, un pays aussi mafieux jadis que l'Ukraine aujourd'hui. Les Bulgares lui doivent beaucoup, le savent-ils vraiment ? On verra ça le temps venu.


La fraternité est la plus sûre des valeurs sociales. Convoquant les sentiments et l'émotion de leur expression, elle aplanit tout, répare tout. Elle est spontanée, n'a besoin d'aucune directive, ni recommandation ou inscription dans la pierre des frontons. La seule condition qui maximise ses effets est la cohésion nationale, le plébiscite quotidien d'Ernest Renan, une situation de plus en plus difficile à trouver dans les pays de brassage démographique comme le nôtre. La fonction d'incarnation d'une histoire et d'un destin assurée par une famille royale est amoindrie par l'importation de nationalités étrangères chez qui ne se déclenche pas naturellement l'affectio. La pointe de pyramide est déstabilisée si la base est en désordre et c'est toute l'organisation de la société qui en pâtit. On pourrait dramatiser et promettre la ruine, mais d'autres le font mieux que nous.

Il faut absolument propager dans nos discussions la chance qu'ont certains pays de vivre en monarchie. Les royautés du Nord ou d'Espagne projettent l'image vivante d'un peuple à la face du monde en même temps qu'elles lui servent de miroir, à telle enseigne que des républiques comme la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie et peut-être le Monténégro et l'Albanie bientôt, se servent de ces familles comme atout diplomatique mais aussi comme liant national. C'est donc bien qu'il s'y trouve un avantage ! En France, la fonction est vacante, comme le constatait Emmanuel Macron en campagne qui, comme des millions d'autres, ne se sentait pas représenté par M. Hollande, amusant bonhomme de peu de poids. La fonction est toujours vacante de par le clivage du pays entretenu par les partis politiques qui sinon mourraient et leurs prébendes avec ; même si un dynamitage des séparations partisanes est en cours. Macron est un habile, Macron n'est pas un "roi".


Si vous avez un peu de temps, (re)lisez sur ce blogue un article de février 2007 qui explique les fonctions actuelles du monarque anglais : Changing The Guard (clic). Vous y verrez entre autre que le système de gouvernement monarchique tire sa force de ce qu'il sépare les devoirs officiels du chef d'Etat de la vie tumultueuse des partis politiques. La stabilité institutionnelle est assurée par la pérennité incarnée dans son roi (ou reine) qui préside au carrousel des cabinets démocratiques. Ou encore sur la subtilité de la mécanique royale de précision : Les rois du Nord sont plus "puissants" que ne l'imaginent les Français. En cause chez nous le substrat national de violence, qui en temps de guerre s'épanouissait dans la furia francese, et qui conduit à déconsidérer ici tout pouvoir qui ne s'appuie pas sur la force. Et on vous explique pourquoi et comment... (clac)

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