Un forumeur du Renouveau Français (ça vient de sortir, je crois) passait cette semaine le message ci-dessous chez Vive Le Roy.
"Une pub' du Gouvernement a attiré mon attention tout à l'heure en écoutant les infos. C'est celle dans laquelle une charmante dame demande à ce que les citoyens fassent appliquer la loi sur le handicap, favorisant une plus grande accessibilité.
C'est un très louable projet, mais également un signe patent de l'incapacité du régime à faire appliquer une loi ! Les citoyens élisent des représentants, leur déléguant des pouvoirs, et ces mêmes représentants chargent les citoyens de faire un boulot qu'ils leur ont délégué...."
Il est donc temps de mettre sur la nappe le pâté d'alouette-au-cheval de la démocratie française qui comme on le comprend, fonctionne avec un zeste de démocratie représentative dans un océan de démocratie populaire. Les pères de la démocratie lumineuse du XVIIIè doutant que le peuple réunisse ses intérêts particuliers en intérêt général, se sont échinés à construire une démocratie à étages, privilégiant justice et raison. Las ! Le gouvernement doit en appeler à la rue pour faire appliquer les lois promulguées par lui-même. A chacun son tour, l'Opposition en appelle aussi à la rue pour contrer les mesures gouvernementales qu'elle ne peut combattre au parlement. Légalité, légitimité sont devenus chez nous des mots creux. Le peuple est souverain. Manifeste-t-il un comportement de lemmings ? Qu'importe ! il est souverain !
A quoi servent dès lors les parlements, chambre de débat ici, de réflexion là, et de choix politiques toujours ? A rien ou peu de choses, nous diraient les Suisses qui lui confient le goudronnage de routes, l'encaustiquage des planchers de la confédération ou le graissage des téléskis, mais jamais rien d'essentiel. Les députés s'occupent ce matin de la castration des molosses.
Dès que l'on fait dans le sérieux, l'Helvète choisit lui-même. C'est la démocratie directe !
Il vient de saisir le taureau par les c...... cornes pour tempérer le tsunami migratoire, en se payant à l'unanimité des cantons, deux lois populaires simples d'application. En énoncer les termes ne dévoile aucun génie politique sauf celui d'une mise en application aisée, ce qui manque le plus à nos cabinets énarchiques.
Du pays, qui en mille ans d'histoire a inventé le chocolat et le coucou, on pouvait attendre une thèse sur la fraternité universelle régulée par les places libres à la cantine nationale. C'est exactement ça :
Grosso modo la loi sur les étrangers fait la différence entre européens et non européens et durcit les possibilités de regroupement familial pour ces derniers ; elle scrute les mariages mixtes, limite l'entrée des «cerveaux» extra-européens, et simplifie les contraintes à l'expulsion des récalcitrants par leur détention.
La seconde loi traite des requérants d'asile. L'administration devient inaccessible aux personnes démunies de pièces d'identité (élémentaire, mon cher Watson), et elle est autorisée à prendre langue avec le pays d'origine des immigrants. L'aide sociale est coupée aux personnes dont l'entrée sur le territoire a été refusée par les autorités. C'est du brutal.
Le peuple le plus confiné d'Europe a oublié un peu vite que son confort est aussi le fruit du travail de petites mains dociles venues d'ailleurs, sans parler des mandats Western Union que les gardes pontificaux adressent à leurs familles chaque mois !
La loi suisse d'asile n'est pas "eurocompatible" déclare Bruxelles, mais comme la Confédération ne fait pas partie de l'Union, elle a le droit de n'en faire qu'à sa tête ! La leçon populaire helvétique est-elle transposable en France ? A priori non. C'est un pays riche, enclavé et bien défendu, capable d'assouplir ses moeurs pour profiter du grand marché européen, jusqu'à la limite non franchie de son "helvécité". La Suisse nous montre comment pourrait réagir chaque pays européen au sein d'une confédération des nations. Finalement nous ne profiterons pas de l'exemple, l'Etat jacobin européen est lancé sur ses rails et a acquis sa vitesse propre. Il remet une constitution sur le métier (il a droit à 99 fois !), et vient d'agréger la Roumanie et la Bulgarie à l'escadre, ce qui ajoute un peu au camp des mendiants et diminue celui des clandestins.
Mais le sujet était la démocratie populaire.
Le virus est profondément incrusté dans les cellules politiques, quelque soit le bord. A gauche Ségolène Royal crée un programme présidentiel par osmose des avis de blogueurs sur son site dédié à la campagne. Les élus verts revendiquent la légitimité des saccages anti-OGM par la désobéissance civique. A droite, le ministre-candidat Iznogoud réfute les critiques sur la séparation constitutionnelle des pouvoirs par l'assentiment tacite à son égard qu'il a décelé chez les Français. Et c'est donc très normalement que l'Etat en appelle au peuple pour faire plier les élus sur les rampes publiques où pourront rouler les décapotables des handicapés. C'est une définition du contre-emploi en politique.
Non content de partager la Nation entre adversaires plus ou moins irréconciliables même dans les décisions de bon sens, la démocratie représentative d'étage national avoue que sa légitimité est entamée par l'exercice de la démocratie spontanée, et que finalement tout cela doit se régler en conciliabules d'arrières-salles comme on l'a vu pour le défunt Contrat Pour l'Emploi. Plus récemment les exagérations parlementaires (137000 amendements sur GDF-Suez) ont été réglés non par une quelconque procédure de sauvegarde du sérieux de l'institution, mais par tractations personnelles entre le président de l'Assemblée nationale et le chef du groupe socialiste qui finit par mesurer le discrédit politique qu'il avait déclenché dans l'opinion.
Finalement a-t-on besoin de deux démocraties concurrentes ? La représentative et la populaire ? Le Suisses ont répondu à leur manière en hiérarchisant par l'usage les domaines de compétence. A nous d'en faire autant mais pas forcément de même, en privilégiant la démocratie locale qui est complètement confisquée au-delà des municipalités, et en divisant l'étage national entre un exécutif de pouvoirs régaliens limités et complets comme en dispose la coutume de la Vè République, et un parlement dédié aux conseils, voeux, remontrances et approbation périodique de la charge fiscale. On y verrait plus clair.
Il faut une règle du jeu d'acception générale entre les acteurs politiques et la Nation. Sinon l'Etat sonne creux.
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