samedi 31 janvier 2015

Un projet fou à la Gaudi

Connaissez-vous Laurent Bouvet ? Non ? Nous sommes deux ! Enfin jusqu'à hier. Figurez-vous que ce monsieur a l'intention de se construire un château aux portes de Paris, château que lui offrirait son propre jus de crâne. Cela m'a intrigué tout de suite, car si j'en ai connu des capitaines d'industrie capables de tout réussir, je n'en avais encore jamais croisé d'aussi gonflés. Alors j'ai parcouru son projet, copieux projet, fort documenté, bien vendu et j'ai finalement compris qu'il fallait que je vous en parle. Avant de continuer, je dois vous avouer que pour lui le royalisme est poussiéreux, donc ce billet n'est pas un coup de main entre cousins. Il se justifie par la seule pertinence du projet. On y arrive.

Jusqu'en 1870, il y avait à l'ouest de Paris en passant la Seine un château que tout le monde aimait. Et d'abord nos souverains. Dressé sur les hauteurs du méandre, on y goûtait le bon air pour se changer de la puanteur parisienne. Le parc était vaste avec de belles allées cavalières et ses ombrages descendaient en terrasses vers le fleuve. Il existe toujours, c'est le parc de Saint-Cloud. Le château était magnifique, lors du Siège de Paris les canons français du Mont Valérien l'ont bombardé, les Prussiens l'ont pillé. Il en reste les fondations (comme aux Tuileries), les plans détaillés, des gravures d'époque et les photos de ruines majestueuses qu'il a fallu raser en 1891. Sauf l'argent, il ne manquerait rien pour le reconstruire. Mais l'argent n'est pas un problème et comme le pétrole, on peut le pallier par de bonnes idées. C'est le noeud de la question.

Le distingué lectorat de Royal-Artillerie, qui a depuis longtemps jeté ses perruques aux enchères, connaît le crowdfunding. M. Bouvet sans doute aussi. Vous blindez sur un projet juteux et vous récupérez quelque chose d'augmenté plus tard. La souscription intéressée, voilà l'invention. Le château doit se financer par son propre usage, billetterie touristique de visite des salles régaliennes remeublées, salle de conférences, chambres de palace, restaurant gastronomique, slow food, fast food... J'ai d'autres idées mais nous digresserions. Vu sa situation de proximité de la ville la plus visitée au monde (enfin je le crois) et sa position dominante, je pense le projet réalisable. Avant d'en suggérer les étapes, nous allons regarder une vidéo très courte (2:33) en 3D :



La difficulté est toujours d'amorcer. Supposons l'équipe de réalisation constituée, le ver dans le fruit extirpé, l'association écologique de contrariété déboutée, le dossier achevé et le chemin de croix administratif terminé (après 2017), il faut ouvrir le chantier. Le mécénat privé est incontournable pour signer les premiers contrats d'architecture et de gros oeuvre. Puis la chose s'érigeant, il est plus facile de convaincre les indécis au fur et à mesure de l'avancement des travaux si la promotion de la vente est bien faite. Elle le sera. D'autres que nous pensent l'affaire jouable, ce qui nous rassure. Ce lien donne accès à la presse. Nous recommandons l'entretien accordé à Royauté-News le 2 février 2013.

Reste à trouver l'esprit du projet dans ses finalités.
La dimension patrimoniale de régimes disparus, si elle parle à quelques notabilités vieillissantes, ne déclenchera pas la ruée des porteurs de parts. Aucun contemporain (au sens rare d'avoir connu soi-même celui qui vit l'homme qui vit l'ours) n'a vu ni le château dans son éclat, ni ses ruines. L'angle d'attaque du grand complexe touristique sur l'axe Paris-Ouest-Versailles nous semble plus rémunérateur en termes de souscriptions, même si mon appréhension naturelle de la démocratie me ferait pencher pour un mécénat total international. Il y a énormément d'argent en circulation qui cherche à s'arrêter sur de bons projets avec une dose raisonnable de prestige. Quoi de mieux que le nouveau château de Saint-Cloud ! Mais c'est imprononçable en chinois.

Il est une question que les promoteurs de la reconstruction n'abordent pas encore, celle de la propriété de l'ouvrage achevé. Si l'emprise peut être donnée à bail emphytéotique par l'Etat aux promoteurs immobiliers, l'ouvrage achevé pourrait appartenir à la masse des souscripteurs qui en ont financé l'érection, à moins qu'ils ne préfèrent une autre récompense. Au fait, de combien d'argent parle-t-on ? Si c'est en haut du mur qu'on voit le maçon et pas au pied, moins de deux cent millions d'euros d'aujourd'hui ; soit donc dans le domaine du possible à l'aune des capitalisations boursières de la nouvelle économie.

Le site de référence s'appelle Reconstruisons Saint Cloud. Complet et très bien fait, vous saurez tout, même ce que vous n'oseriez par ignorance demander : son histoire qui commence en 1577, ses agrandissements, embellissements, ses hôtes, ses drames, la tragédie hunnique qui l'acheva. Nous vous recommandons à la fin de la visite le volet "Adhésion". Puis cliquez sur le plan des Domaines du Parc de Saint-Cloud pour vous faire une idée où vont aller vos sous.

S'il n'y a plus de duels dans la brume du parc au petit matin, sauf devant la caméra, les activités en tous genres y sont déjà nombreuses et le château reconstruit devrait les multiplier. Le site donne plusieurs pistes. Ailleurs, on parle même de promouvoir un trail de course à pied à travers trois zones vertes contiguës, le parc de Saint Cloud, le bois de Fausses-Reposes et la forêt de Meudon. Les amateurs d'exploit sont chaque année plus nombreux à venir du monde entier et ce serait une alternative écologique exceptionnelle aux marathons urbains internationaux où l'on respire de la suie. Par ses accès nombreux et variés en périphérie immédiate de Paris, l'utilité du château de Saint-Cloud tombe sous le sens si on développe celle du parc.

A bientôt donc, au son des pelles mécaniques !





Reconstruisons Saint-Cloud !
33 bis Boulevard du Château
92200 Neuilly-sur-Seine
↪ Le site de l'association

Autres sites utiles :

↪ Chronologie du Siège de Paris
↪ Musée des Avelines
↪ L'histoire de Saint Cloud
↪ CyberArchi - Saint Cloud

jeudi 29 janvier 2015

Houellebecq tel qu'en lui-même

Dans l'entretien qu'il a accordé chez Flammarion à Ruth Elkrief pour son dernier roman Soumission, Michel Houellebecq nous fait partager ses convergences avec notre propre sentiment de fin de cycle pour ce pays. Ce court billet n'est pas une critique du bouquin. Au delà de la mécanique électorale qui porterait l'islam au pouvoir, il constate la perte de valeurs du modèle faisant place à des valeurs nouvelles. La République maçonne est à bout de souffle, son athéisme essentiel, sa laïcité grotesque rencontrent de moins en moins d'écho chez les générations montantes qui ne reconnaissent aucune autorité morale à ceux qui les dispensent.

Nous partageons sa déconsidération d'une classe politique usée par le système représentatif où l'on fait carrière jusqu'à l'inamovibilité. Et quand il nous dit que ce modèle imposé n'est pas unique, quand il nous fait comprendre que les ruines créées ne seront pas relevées par le régime qui nous les laisse, nous pensons tout de suite à substituer au désordre actuel un système monarchique éprouvé en haut protégeant le foisonnement des libertés publiques en bas, foisonnement réglé par la démocratie directe. Et justement il y vient aussi dans cet entretien en parlant de la fulgurante ascension de Podemos en Espagne qui peut renverser la table.

Ce pays, la France, est bien plus vieux que la République en cours, envahie aujourd'hui de métèques (à l'antique) qui s'y sont fait la courte échelle pour y établir leur fortune. Que ne vendront-ils pas au vainqueur de demain pour conserver l'ordinaire de leur position sociale dans des couverts d'argent sans lesquels ils ne s'imaginent pas vivre. Houellebecq est assez gonflé pour avouer à Ruth Elkrief (qu'il faut remercier pour la bonne tenue de l'exercice) qu'il pourrait vivre sous l'Ancien régime, voire au Royaume chérifien mais pas en Arabie séoudite. En France, vivre devient dangereux : «Si, monsieur Valls, la France c'est l'intolérance, la haine et la peur». Il se dit cible de quelqu'un et sans doute ne restera-t-il pas longtemps, la promotion du roman tiré à trois cent mille exemplaires¹ étant quasiment terminée.

Et, coup de grâce à mes doutes, il me convainc parfaitement quand il dénonce la conscription, la levée en masse prélude aux massacres de masse, vecteur du scandale de la guerre de 14, allant jusqu'à murmurer que "les rois n'auraient jamais accepté ça", à croire qu'il a lu Kuehnelt-Leddihn² ou, petite vanité, un article que nous avions laissé à l'Alliance géostratégique disparue depuis, sur L'Orgie des levées en masse (16.04.2010).

Voici les liens de l'entretien diffusé en deux parties le 28 janvier 2015 sur BFMTV:

A.- Première partie 13:33
B.- Seconde partie 13:59
(la prise de son n'est pas fameuse)

Note (1): plus 270.000 exemplaires en allemand
Note (2): billet KL du 14.10.2006

lundi 26 janvier 2015

Bas Empire, le retour

Sou de Theodoricus
Je viens de refermer La Fin de l'Empire d'Occident* d'Amédée Thierry (Paris, 1860) que m'avait recommandé sur son site Jean-Gilles Malliarakis. L'affaire fut pliée de manière irrévocable en trente ans. Les causes en étaient certes anciennes et déjà connues des auteurs de l'époque que les historiens modernes ont compilé - je pense à Edouard Gibbon (1737-1794), Gibbon le magnifique disait Churchill - mais si la mèche était longue, la tragédie détruisant le concept d'empire universel ne fut jouée pas plus longtemps qu'un tiers de siècle, une génération à l'aune du temps, de 461 (assassinat de Majorien) à 493 (assassinat d'Odoacre) ! S'ouvre alors le règne de Théodoric le Grand, roi d'Italie à Ravenne, et trente-trois années de paix gothique pour la Péninsule. Douze siècles d'empire étaient consumés. Il en resta des lois, des codes, le christianisme, et le mode d'emploi d'un Etat. S'ouvrira ensuite l'ère de la féodalité avec la fortification des cadastres et le pullulement des seigneurs jusqu'à l'aimantation carolingienne qui donnera un sens à toute cette limaille barbare pour achever la construction de la charpente féodale.

Le nouveau roi d'Italie, éduqué à la cour de Constantinople, qui laissait combattre en lui-même le sang impétueux de l'Alaman sauvage et la raison romaine du gouvernement des hommes, reprit l'attirail césarien d'un empire étriqué pour en revêtir l'autorité rémanente. Il parviendra à la gloire par l'édification d'un communautarisme avant la lettre cloisonnant les deux peuples résidents, le goth et le romain. Au premier le législatif, la force et la guerre, au second l'administration du territoire. Mariage interdits, religions séparées, le roi comme son peuple était arien, les souchiens catholiques.

Faut-il faire un rapprochement avec la fiction houellebecquienne d'une France islamique, laissant cohabiter plusieurs communautés d'abord retranchées sur leurs principes, coutumes et loi spécifiques, puis normalisées à la loi du plus fort ? « Il fallait se rendre à l'évidence : parvenue à un degré de décomposition répugnant, l'Europe occidentale n'était plus en état de se sauver elle-même - pas davantage que ne l'avait été la Rome antique au Vè siècle de notre ère » (Soumission, p.206). Peut-on penser qu'à la fin de la période de déclin décrite par Eric Zemmour - et ce n'est pas une fiction pour le coup - la France retrouverait un jour le chemin de l'ordre moral en n'étant plus française comme l'Italie de jadis perdit sa romanité ? C'est une grave question qu'il faut bien comprendre pour en combattre les prémices mais en sachant aussi qu'il y a entre ces nouveaux Goths et nous des convergences dangereuses qui peuvent attendrir des esprits désorientés par l'affaissement moral et psychique du pays :

- interdiction de l'avortement, de l'euthanasie, valorisation de la famille traditionnelle, protection particulière des épouses, éducation contrôlée des enfants, primat du patriarcat, tempérance sexuelle contre le vagabondage, interdits religieux, prééminence de la foi et des lois divines sur les lois séculières, stigmates homosexuels et sidéens, répression de l'usure et bien d'autres détails transversaux de la vie en société que l'on découvrirait si on voulait bien creuser la grave question.

Michel Houellebecq
Exorciser l'avènement en 2022 du président Mohammed Ben Abbes et de son premier ministre Bayrou (qu'est-ce qu'il prend en pleine poire dans le roman !) passe par la restauration d'un ordre moral, tant dans la sphère privée que publique, et les mesures, s'il en faut pour y parvenir, ne sont pas des plus faciles à décider dans un pays aujourd'hui à vau-l'eau. Je vous laisse les imaginer dans votre propre environnement, pour vous-même d'abord, mais j'en suggère une dans la sphère publique pour commencer : être intraitable avec la classe politique au plan judiciaire - cesser le sursis - et séquestrer les biens des élus le temps de leur mandat. Vous ne pouvez savoir tout ce qui alors changerait, à commencer par l'élimination des arrivistes au petit pied de bouc, pourrisseurs habiles de nos mœurs, gnomes insatiables de pouvoir qui vendraient leur mère pour une prébende juteuse. Rien que cela renforcerait comme par enchantement le camp du "Servir" en ouvrant la voie aux hommes intègres, instruits, responsables, d'Etat quoi ! S'il en fallait une seconde, je pense que pour l'exemple on devrait s'attaquer aux privilèges exorbitants du Sénat qui sont une insulte inexpiable au peuple français. Voir à ce sujet la vidéo que nous recommande Charles-Philippe d'Orléans :





Le poisson pourrit par la tête, il faut s'occuper du régime politique d'abord et maintenant.


Note (*): Reprint Editions du Trident, Paris 2008

lundi 19 janvier 2015

La Houle se creuse, nous sommes à sec !

C'est un billet spécial, à mâcher lentement.

- Hanuman roi des singes -
Au douteux privilège de l'âge, il me souvient qu'en mai 68, ne restait d'exécutif à Paris que le Préfet de police Grimaud et le Premier Ministre Pompidou, entourés l'un et l'autre de leur état-major de crise. Toute la volaille gaulliste, qui d'ordinaire marchait torse bombé et fesses cambrées, avait calté. Les plus courageux allaient dormir chez leur mère, un peu comme le Général d'ailleurs qui dormait, lui, à Trianon. Baden Baden étant fermé, on ne savait plus où se terrer ! Et pourtant il ne s'était rien passé de très grave, physiquement. J'en témoigne, les lanternes ne portaient personne, les sectionnaires n'allaient chercher personne. La Maison de la radio était défendue et la hache était prête à couper les câbles vers la Sarre et le Luxembourg. On était dans un grand happening mais sans doute que les souvenirs historiques glaçaient d'effroi une classe politique arrogante qui redoutait déjà qu'un lacet puisse la prendre au col. C'est mentalement que les gens étaient devenus incontrôlables. Tout "pouvait" arriver car tout était "acceptable", on jugerait a posteriori en laissant faire déjà.

L'occasion manquée

Mais la révolte étudiante restait une révolte étudiante parce qu'au delà de la sympathie générale pour ce grand bordel et la grève générale par tout le pays, la coagulation souhaitée avec les bataillons organisés d'une classe ouvrière qui existait encore, ne s'était pas faite ; au grand dam des intellectuels dont le schéma de "libération contrôlée" s'effritait chaque jour un peu. Le bon sens syndical avait prévalu à la grille de Billancourt, convaincus qu'ils étaient dans les fédérations qu'on obtiendrait plus des ministères que des tribunaux mao-spontex peuplés de cheveux longs. A l'évidence, on n'avait tué aucun poulet*, sauf quelques statues et soixante voitures rue Gay-Lussac, que les singes étaient montés aux arbres. Dans la banque où je travaillais, rue d'Antin, les compteurs tournaient sans aucune émotion ou précaution. Quel contraste avec la panique générale de la classe politique qui était déjà "à Bordeaux" !

La grande émeute aura bientôt un demi-siècle. Il ne me semble pas que la classe politique en cour ait amélioré sa résilience à la crue populaire, peut-être sa vitesse d'accrobranche, et on peut penser que l'eau passant la digue un jour prochain ne trouvera plus grand monde à noyer sous les ors des palais, des huissiers à chaîne peut-être, perdus là comme des hallebardiers d'opérette. Ce vide ne le restera pas longtemps, la nature en a horreur, dit la sagesse des nations. Mais cet intervalle, ou ce calme précaire dans l'oeil du cyclone, sera la "fenêtre d'opportunité" pour tous les mouvements à vocation régalienne. Il y en a peu. Les royalistes en sont-ils ? Vous vous demandiez pourquoi ce titre ? J'y reviens plus loin.

11 mai 1968 - rue Gay-Lussac

La houle se creuse à nouveau

Le Défenseur des droits, un amateur de musique militaire pourtant, vient de reprocher au Ministère de l'Intérieur d'avoir voulu tuer le poulet pour avertir le singe en matant les manifestants qui s'opposèrent au mariage homosexuel à Paris (clic). M. Toubon marque le coup pour signaler sa prise de fonction, mais ce qui est intéressant pour une fois, c'est d'observer que la mèche lente fuse encore. La répression imbécile s'est heurtée, si l'on peut dire, à la résistance de l'édredon. Le mouvement contestataire existe toujours, avec quelques scories dérangeantes pour l'Autorité comme les #Veilleurs de Vendôme ou le #Hollande-démission. Ce coup-ci le dicton chinois n'a pas marché. Il s'en est suivi - et je raccorde volontairement ces faits - un réveil des silencieux, ceux qui ont acheté (et pas tous lu) le bouquin de Zemmour, et qui vont sans doute acheter celui de Houellebecq, les deux instruisant à charge la responsabilité des pouvoirs en place depuis vingt ou trente ans dans notre déclin. Apparaissent logiquement les prémices d'une révolte populaire, et les poulets ne servent plus à rien, la brutalité du contrôle des foules a seulement tué la peur. Bien malin qui saura prévoir l'élément déclenchant. Au moins faudrait-il s'y attendre !

Ce brûlot anarchiste a poussé le Système au ridicule sous la présidence Sarkozy


Les royalistes ?

Le peu de renforts que les structures offensives ont reçu après le succès de La Manif pour Tous laisse croire que l'énergie n'a pas été canalisée. Il y en a quatre à ce jour : l'Action française, ramassée sur ses deux noyaux derrière les deux princes d'Orléans ; les légitimites actifs, dénoncés comme libéraux par les contemplatifs, orthodoxes, eux ; l'Alliance royale constituée en parti politique classique, souhaitant évacuer la querelle dynastique ; le cénacle empathique de M. Renouvin. La première est bien vivante mais ne croît pas ; elle ne produit plus de concepts en propre, elle répète ses classiques et forme le cercle de chariots en attendant quelque chose d'indéfinissable. La deuxième vient de se voir retirer son agrément princier, le prince de Bourbon ayant décidé de se cantonner à l'exaltation du patrimoine et aux messes à travers un institut éprouvé** pour son impassibilité dans la contemplation de l'âge d'or. La troisième n'a pas obtenu le centième des résultats escomptés et se maintient avec difficulté, je me demande bien pour faire quoi, n'ayant aucun organe de masse à sa disposition pour vendre son organisation des pouvoirs, aussi remarquable fut-elle. La quatrième a demandé l'asile politique à l'ambassade de Russie.

Le royalisme français passe-t-il à côté du grand mouvement d'opinion qui peut changer de paradigme ? La rénovation du pays est-elle possible, probable ? Tout le laisse penser. Nous partîmes quatre mille et quatre mille furent comptés en arrivant au port. Chou blanc ! L'offre royaliste est multiple, contradictoire et inaudible parce que déconnectée du réel. Freud ou Carl Jung - je ne sais plus - disait que les mots désignent au départ des choses, désignent ensuite des choses qui ne sont pas là et c'est ce qu'on appelle un symbole, et finissent au bout du bout par ne plus rien désigner de réel. A ce moment là, on soumet sa réflexion à un slogan. C'est l'effondrement de la dialectique royaliste qui par exemple veut opposer "pays réel" et "pays légal" en emplissant ces locutions de réalités disparues depuis longtemps que l'interlocuteur d'aujourd'hui ne peut reconnaître. Sans parler de remugles fâcheux comme "la fortune anonyme et vagabonde" qui décrivit longtemps les banques israélites dans les milieux antisémites. On peut citer aussi le corporatisme contre lequel toute la société moderne se bat, la centralisation qui étouffe les initiatives locales tout en promouvant le folklore et le bavardage stérile des provinces, etc. Sauf à être tombé dans la marmite petit, chacun a du mal à passer de l'épure au terrain tant la différence de perceptions est grande. L'aggiornamento tarde trop pour que l'affaire ne nous passe pas sous le nez une fois encore. D'autant qu'elle n'intéresse pas les bénéficiaires.

Les princes

Les princes disent peu et ne demandent rien de plus que des manifestations d'affection. Ils n'ont aucune envie de compromettre leur statut social et leurs décorations par des extravagances qui n'ont aucune garantie de succès. Quelle révolution en aura jamais ? Charles Maurras écrivait dans Anthinea : « Aucune origine n'est belle. La beauté véritable est au terme des choses ». Le terme peut-il arriver sans eux ? Sans nous ? Probablement. L'intemporalité du beau discours académique que le prince Louis Alphonse de Bourbon a prononcé samedi dernier à Paris après la messe expiatoire pour Louis XVI nous le laisse croire. Une semaine auparavant, près de quatre millions de Français (de souche à 99,9%) sont descendus dans la rue pour manifester contre la barbarie islamiste et pour la liberté d'expression, sans que ce sursaut imprévu de la majorité silencieuse ne fasse dévier d'un iota l'exercice rhétorique convenu.
Le jeune prétendant d'Orléans ne communique de nouvelles que familiales et met en scène ses enfants d'une semaine l'autre ; son père nous a donné ses voeux 2015 d'un tweet ! Seul, depuis son duché portugais, Charles-Philippe d'Orléans a publié son exécration du fanzine satirique décapité par al-Qaïda ; moins pressé, Charles de Boubon Parme vient de livrer un billet d'enfoncement de portes ouvertes chez Vexilla Galliae. Voilà passée la revue des renforts !


- Clin d'oeil à Rodolphe C. -

En attendant l'embellie, allez à la messe pour le roi mort cette semaine - il y en a partout - non pour vous y montrer ou pour voir les vedettes de la commémoration, mais pour vous recueillir intérieurement sur le destin tragique d'un homme bon et pieux que les Lois fondamentales avaient désigné comme bouc émissaire d'une nation en grand désordre moral. Ce sera utile pour la suite.

Notes (*): 把雞殺了警告猴 (tuer le poulet pour avertir le singe)
(**) Institut de la Maison de Bourbon (et de Bauffremont réunies)


lundi 12 janvier 2015

Au-delà de l'étreinte à la gorge

- Lassana Bathily, héros? -
Les manifestations républicaines exorcisant le "vivre-ensemble", après la séquence terroriste du 7 au 9 janvier, ont convoqué trois millions de personnes en France ce week-end. C'est du jamais vu. On ne chipotera pas sur l'usage immodéré de l'adjectif "républicain" par le pouvoir pour simplement dire "liberté". Les personnalités d'envergure mondiale présentes à la République ont pu mesurer le sursaut citoyen du peuple de France, et cela nous servira indubitablement dans les enceintes internationales. Reconnaissons à M. Hollande d'avoir bien détecté l'ouverture qui menait aux poteaux. L'essai a été marqué.
A l'évidence le peuple, convoqué tant à Paris qu'en province, est moins bigarré qu'on ne le dit dans les amphithéâtres de sociologie. Peut-être qu'une partie de la population plus impliquée a préféré rester sur son quant-à-soi à fumer la chicha. Cela est une autre histoire mais les Français ne sont pas dupes de l'acquiescement tacite des musulmans de base à la punition divine des blasphémateurs, suivant en cela leurs hiérarques d'hier, même s'il y a d'heureuses et rares exceptions d'intelligence dans la communauté musulmane.

What next ?

On peut bien sûr virer le Dr Dalil Boubaker du rectorat de la Mosquée de Paris pour incompétence et double langage, bien qu'il soit le grand ami du prince Henri d'Orléans, exiger un "concile" refondateur de l'islam pour remplacer le Coran de Médine par celui de la Mecque suivant les recommandations du professeur Al-Deeb¹, mais il est des mesures à prendre sans attendre dans la foulée de cette émotion nationale :

Expulser de France les imams salafistes ou simplement non francophones, purger les associations des zélateurs douteux et cesser les subventions au motif de subversion, vider par tous moyens même légaux les caves des cités de leur armement, contrer avec la brutalité légale nécessaire les contre-manifestations en soutien du Califat terroriste et d'al-Qaïda, se saisir des prédicateurs de l'UOIF au moindre dérapage, et ce même s'il y a urgence ailleurs, au Nigeria et en Syrie-Irak sur notre zone d'effort. Commençons par nettoyer chez nous toute la crasse islamiste, sans attendre, c'est maintenant ou jamais.

Nous devrons aussi ouvrir un débat à un certain niveau sur les limites nécessaires à la liberté d'expression pour qu'elle s'exprime en plénitude et refonder pour ce faire nos codes qui sont flous et déséquilibrés permettant au pouvoir de les instrumentaliser au profit de sa propagande. C'est devenu insupportable, même en dehors des tonneaux d'injures qu'un Charlie-Hebdo déversait sous les acclamations d'une coterie irresponsable. Qu'on laisse la bride lâche jusqu'à la mort à de vieux potaches complètement allumés a de quoi faire réfléchir sur l'hypocrisie ou l'inconscience des régulateurs de notre société.



Pochette du Premier albanais à Paris


(1) cette lettre est reproduite ci-dessous sans les intertitres au cas où le site MEMRI (Middle East Media Research Institute) serait attaqué.

Cher Dr Dalil Boubakeur, Imam de la Mosquée de Paris,

J’ai visionné plusieurs vidéos dans lesquelles vous condamnez l’attentat contre le magazine Charlie Hebdo, qui a coûté la vie à un certain nombre de journalistes. Vous avez tenté de disculper l’islam de ce qui est arrivé. Vous avez même pleuré sur les musulmans au lieu de pleurer sur les victimes, en affirmant que ce qui s’est passé est un coup porté à l’ensemble des musulmans et que l’islam sanctifie la vie. Vous démontrez ainsi que vous vous moquez de la vie des journalistes assassinés et que votre seule préoccupation consiste à éviter que l’on accuse l’islam et des musulmans de ce qui s’est passé. Vous vous êtes contredit et vous avez prouvé que vous n’avez pas la moindre empathie pour les victimes. Vous avez perdu votre humanité par ces déclarations.

Mais soyons honnêtes, absolument honnêtes. Ne dit-on pas, en arabe, que de la franchise naît la tranquillité ? Parlons en termes médicaux, puisque vous êtes médecin de profession. Vous savez qu’un diagnostic erroné peut entraîner la mort du patient. Si vous considérez un cancer comme un simple mal passager, vous donnez l’occasion au cancer de croître et de détruire la vie du patient. Je pense que vous êtes d’accord avec moi sur ce point. Et il va de soi que le médecin, après le diagnostic, doit suggérer le médicament adéquat au patient afin de le guérir.

Permettez-moi de vous dire que votre diagnostic sur les événements d’hier à Paris ne saurait convaincre que les idiots et les hypocrites. Si vous n’êtes pas conscient de votre erreur, c’est un signe de votre ignorance. Et si vous savez que votre diagnostic est erroné, cela signifie que vous êtes malhonnête, pour ne pas dire un menteur.

Ce qui est arrivé à Paris est entièrement conforme à l’enseignement de l’islam tel qu’il ressort du Coran, de la Sunna de Mahomet et de tous les ouvrages reconnus de droit musulman. Est-il nécessaire de vous rappeler comment Mahomet s’est vengé de ceux qui l’ont critiqué ? Ne savez-vous pas ce que Mahomet a fait à Um Qarfa? Ne savez-vous pas comment le Coran stigmatise les poètes dans le chapitre qui leur est consacré et qui porte le titre «Les poètes»? Jamais Mahomet n’a admis la moindre critique à son égard ; il n’acceptait que ceux qui chantaient ses louanges, comme le font les rois et les chefs des pays arabes et musulmans aujourd’hui.

Pouvez-vous m’indiquer un seul pays arabe ou musulman qui permet de toucher à Mahomet ? Bien sûr que non. Où donc est la sanctification de la vie dont vous parlez ? La liberté d’expression et la vie des humains n’ont aucune valeur dès qu’on touche à l’islam, au Coran ou à Mahomet. Et je vous défie de me présenter la moindre preuve de l’inexactitude de mes propos. À moins que vous n’indiquiez des critiques contre Mahomet de la période mecquoise, quand il n’avait pas d’épée. Mais après avoir joint le pouvoir à la prophétie, il n’a plus toléré aucune critique contre lui-même ou le Coran. Et cela est encore vrai aujourd’hui.

Revenons-en à ce qui s’est passé à Paris. Vous avez certainement appris que lorsque les terroristes ont assassiné les journalistes, ils ont crié « Dieu est grand, le prophète Mahomet a été vengé». Ils se considéraient comme les exécutants de la loi islamique contre ceux qui critiquent Mahomet. Et ce qu’ils ont fait est conforme aux dispositions de la loi islamique. La question se pose : où l’ont-ils appris? Ne serait-ce pas dans des livres dont regorgent les bibliothèques des mosquées en France? Ne serait-ce pas dans les prêches des imams de ces mosquées?

En France, tout le monde a le droit de critiquer le judaïsme, le christianisme, le communisme, ainsi que leurs symboles et leurs ouvrages. Et les journalistes qui ont été assassinés ne s’en sont pas privés, sans tenir compte des susceptibilités des juifs, des chrétiens ou des communistes. Ce droit est garanti par la loi française. En refusant toute critique de l’islam, de Mahomet et du Coran même en France, les musulmans voudraient tout simplement y appliquer la loi islamique et brider la liberté d’expression. Tant que de telles idées dominent la mentalité des musulmans, ce qui est arrivé à Paris avec Charlie Hebdo pourra se répéter, avec le même magazine et d’autres. Ainsi, sous la menace de la mort, les musulmans veulent faire taire des intellectuels, des journalistes, des universitaires, des politiciens et touts ceux qui seraient tentés de critiquer l’islam et ses symboles. Ils veulent tout simplement établir en France une dictature islamique brutale, interdisant la liberté de pensée et d’expression.

Je vous invite à un moment de franchise avec vous-même. Vous dites vouloir le vivre-ensemble en France. Comment pouvez-vous imaginer la cohabitation entre musulmans et non-musulmans en France avec de telles idées? Ne voyez-vous pas que la société française est menacée par la guerre civile dont les musulmans seront les premiers perdants? Soyons honnêtes. Ne pensez-vous pas que de nombreux adeptes de votre religion en France, ou certains d’entre eux au moins, ont applaudi l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo comme ils ont applaudi les crimes de Mohamed Merah?

C’est le diagnostic que les personnes informées ne sauraiten mettre en doute. Ceci étant dit, il faut en déduire la nécessité de revoir l’ensemble des enseignements islamiques. On doit lever la sainteté du Coran, de Mahomet et de l’islam et permettre leur critique comme on le fait avec le judaïsme, le christianisme et le communisme. Les imams des mosquées de France doivent reconnaître la liberté d’expression prévue par la loi française et demander aux musulmans qui ne l’accepteraient pas de quitter la France. Et ce pour éviter la guerre civile entre musulmans et non-musulmans en France.

En ce qui concerne les mosquées, il faut surveiller ce qui y est dit et ce qui y est enseigné afin qu’elles ne deviennent pas des nids de terrorisme et d’extrémisme. Pour cela, je suggère que les mosquées soient ouvertes à tous, que les prêches soient prononcés en français, que les imams étrangers ne soient pas autorisés à y officier, et je propose de soumettre les imams actuels à des mesures administratives et éducatives. Vous savez sans doute qu’en Egypte les prêches sont distribués aux imams par les autorités étatiques, qui contrôlent la stricte observance de leur contenu. Tous les prêches des mosquées de France doivent être soumis à l’approbation préalable des autorités françaises ; ces prêches doivent être enregistrés et les contrevenants doivent être sanctionnés (…) Et ce, encore une fois, pour éviter la guerre civile entre musulmans et non-musulmans en France.

Il a été pendu sur instigation de l’Azhar. Ce penseur estimait qu’il fallait impérativement laisser de côté le Coran médinois, qui viole les droits de l’homme, et ne retenir que le Coran mecquois. Cela nécessite l’interdiction en France du Coran sous sa forme actuelle. Il faut exiger que tous les exemplaires du Coran, y compris ceux qui se trouvent dans les mosquées, soient dans l’ordre chronologique, en indiquant clairement que le Coran médinois est caduc en raison de ses incitations à violer les droits de l’homme. Les responsables de la religion musulmane doivent en outre reconnaître la liberté religieuse, y compris la liberté de changer de religion, de quitter l’islam. Les autorités françaises doivent imposer cette exigence sous peine de retrait de la nationalité française et de renvoi dans le pays d’origine.

Ce sont là des mesures que vous devez prendre en tant qu’imam de la Mosquée de Paris, et que doivent prendre les autorités françaises le plus rapidement possible afin de permettre le vivre-ensemble en France.

Veuillez agréer, Monsieur l’imam de la Mosquée de Paris, l’expression de ma haute considération.

Sami Aldeeb, Dr en droit, professeur des universités
Directeur du Centre de droit arabe et musulman


Et Philippe Tesson tel qu'en lui-même, protégé par son grand âge (dans sa 87ème année):

lundi 5 janvier 2015

Désagrégation d'une nation

Libres propos laissés au Lien légitimiste, qui sont publiés dans sa 60è livraison de novembre-décembre 2014. Ce numéro, sorti à la Noël, marque les dix ans du journal relancé par Gérard de Villèle en continuation du lien légitimiste de Touraine. A la fin de cette lecture, on pourra jeter un coup d'œil sur la brève notice Sed Lex publiée avant-hier sur Steppique Express.
On s'abonne pour six numéros par an à prix cadeau à l'édition électronique en envoyant son chèque de dix euros (10€) au Lien Légitimiste - 2, Le Petit-Prix - 37240 La Chapelle-Blanche-Saint-Martin. Edition papier à 24 euros, c'est celle que je prends, plus facile à laisser traîner ci et là.

- cliché de Ferdinand Mulnier -
Ernest Renan écrit : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis.»

Les jeunes Français qui abandonnent la Patrie pour accomplir l'établissement du Califat sur les rives de l'Euphrate, se retranchent définitivement de la Nation. Ils n'en sentent plus ni l'esprit d'unité ni la chaleur intrinsèque. Ils rompent un lien qu'ils ne voient pas. On pourrait disserter ainsi sur l'existence de ces deux caractères au sein d'une société clivée par un régime politique qui par essence ne prospère que sur l'affrontement de deux camps, obsédés l'un et l'autre par l'écrasement des antagonistes. Dans la lutte des classes qui ouvre les portes d'un déclin inéluctable, l'unité est un artifice de tribune ; quant à la chaleur de la Patrie, elle est depuis longtemps éteinte par la honte officielle à évoquer notre identité nationale comme si elle était le ressort des pires heures de notre histoire. Qu'en pensent-ils, eux ?

Les experts leur dénient de penser. De gros cerveaux expliquent le voyage en islam de jeunes Français de souche convertis, comme une réaction psychologique à un environnement très réducteur asséchant tous liens sociaux, environnement qui bloque le développement de la personnalité et conduit certains à s'épanouir dans une communauté étrangère à la Nation, substituant au moi individuel un moi collectif (c'est de Freud). Cette communauté de rechange a tous les attributs d'une nation. Elle est bien la somme d'une grande famille avec laquelle on se sent uni pour la vie et à la mort, tant par une prédisposition naturelle augmentée de cet environnement déficient, que par consentement. L'ultime avatar de cette renaissance est d'accepter le sacrifice de sa vie pour conquérir l'espace nécessaire à l'établissement de cette nation, afin qu'elle dispose d'un Etat qui la représentera à l'extérieur et l'administrera à l'intérieur ! Y sacrifier sa vie, même s'il ne s'agit que de hâter une fin inéluctable, revient à obéir aux devoirs impérieux qu'exigerait une Patrie de ses enfants. Finalement c'est grave !

La déconstruction du sentiment national lancée depuis les années trente aboutit ainsi au quasi-décès de la Nation. Si l'on considère que les brigades djihadistes françaises ne sont qu'un urticaire personnel circonscrit à des populations mentalement affaiblies – c'est la nouvelle doxa qui tend à hospitaliser les rescapés revenant à la maison – on évite de prendre la mesure de l'étendue des dommages. Et cela arrange bien la classe politique qui fait ou laisse faire depuis si longtemps la manœuvre d'étouffement de la fierté française. Ces désertions en sont le marqueur, le signal de fin de course ; nous sommes au taquet, face au mur !

La Rue des Saussaies peut bien amasser des sacs de sable en digue pour retenir le flot des retours prévisibles qu'elle ne traitera que les effets, les métastases du cancer central. La République semble bien incapable d'aller au fond des choses jusqu'à remettre en cause les principes destructeurs qu'elle diffuse, même si dans l'urgence d'attaques meurtrières elle saura contrer, voire prévenir le chaos par une éradication externalisée de la menace. La société aux dépens de laquelle elle vit n'en restera pas moins inquiète, fragmentée et quelque part inhospitalière aux pauvres en esprit des Béatitudes. Il lui manque l'âme. Elle l'a depuis longtemps vendue aux dieux qu'elle a créés pour remplacer Celui qui l'empêchait de rompre les chaînes d'une transcendance. Le plus formidable de ces nouveaux dieux, Mammon, est de tous les discours, de tous les instants, la jauge universelle ; son service, une hémorragie permanente de substance nationale, la perte de la morale publique, l'abandon de l'éthique du pouvoir. Lendemains tout à fric, lendemains passionnants ! A tel point qu'un quart de la classe d'âge instruite veut partir à l'étranger, quitter le plus beau pays du monde, pour se réaliser ailleurs. Tous n'y parviennent certes pas, mais les contingents d'expatriés n'ont jamais été aussi nombreux. Le français est devenu la deuxième langue de la City de Londres ! Nous pullulons jusqu'aux antipodes comme les Chinois de la Grande Famine des derniers Tsings.

Qui va relever les ruines ? Le syndrome gaulois de l'homme fort privilégie la personnalisation du sursaut ; le césarisme fut de tous temps un régime accepté en France. L'apport exogène de populations méridionales imprégnées du culte du chef renforce cette prédisposition à déléguer les soucis à une Providence incarnée qui se chargera du faix, quelles qu'en soient les contreparties qu'elle exigera. Ceci croise à angle droit les principes d'une démocratie à la mode de Westminster, en principe capable d'expression collective du Bien commun. C'est ainsi que la République française n'a jamais pu avancer vers un meilleur arbitrage des choix populaires au point de trafiquer les modes de scrutin pour y gagner des majorités de gouvernement, même au niveau local, un comble ! Le corps électoral est immature par éducation, incapable d'élever sa conscience citoyenne, il se laisse imposer la règle de fer d'une oligarchie qui tranche et coupe à sa place, dans tous les domaines même les plus triviaux ; à voir l'enthousiasme que suscite en France le système post-soviétique russe de substitution d'une police politique au débat démocratique, on n'en peut douter. Heil ! le Csar !

Cette prédisposition a-démocratique de l'Opinion française est naturellement favorable à l'instauration d'une monarchie. Si le modèle ancien, éprouvé sur huit siècles, est intellectuellement séduisant – les démonstrations de Jean Bodin, pour ne prendre que lui, sont définitives - il est aujourd'hui dépassé. Non pas tant dans la réunion des pouvoirs qui est couramment exercée de nos jours par nos monarques républicains que par l'image désastreuse du triple effondrement du concept. La monarchie autonome (ou absolue pour les puristes) du XVIII° siècle bâtie sur une charpente féodale vermoulue, fut battue par la guerre civile de 1789 et ne put jamais se relever ; ses versions modernisées dans un souci d'ordre public le furent à leur tour, au bénéfice final de la Forge et de la Banque, implacables ennemis de tout contempteur de l'Argent-roi, parfaitement aptes à diviser pour régner. Et nous en sommes là !

Pour changer de paradigme et ramener une éthique de gouvernement au pouvoir, n'est crédible aujourd'hui que le modèle septentrional : une monarchie constitutionnelle incarnant l'Etat protecteur de la Nation et que les Français pourraient ajuster aux contours du domaine régalien qui est le plus endommagé et qui, nonobstant le régime retenu, nécessite de toute façon une restauration de fond en comble. Elle prendra sur elle une promesse d'excellence dans l'exercice des seuls pouvoirs régaliens, actuellement abandonnés aux caprices des majorités successives. Pour éviter, comme à chaque fois, la captation du changement de paradigme par la bourgeoisie affairée, il n'y aura que la démocratie directe aux étages subalternes capable de résister. Peut-on rappeler que les princes prétendant accéder sont tous sur une ligne constitutionnelle ? Par contre sur la démocratie à la suisse, sous toute réserve, ils n'ont rien dit.

Que le cœur de l'Etat soit un jour administré de manière intègre, honnête, et la société rassurée recommencera à s'organiser en nation dans le foisonnement libérateur de ses occupations. L'Etat revenu sous sa forme monarchique, ramassé sur des pouvoirs régaliens exclusifs et strictement borné, ne devrait avoir de mission que celle d'une morale exemplaire dans le gouvernement des hommes, loin du tumulte des idées aux plans économiques et sociaux que la Nation devra se réapproprier. Sous la surveillance voire la conduite du roi en ses conseils, formule consacrée qui interdit l'autocrate, l'Etat exemplaire au-dessus de la mêlée démocratique laissera renaître une certaine fierté d'être Français et peut-être aussi le consentement de résidants étrangers à vivre selon nos mœurs et sous nos justes lois, annulant autant qu'il est possible la tentation d'utiliser sa vie à la propagation d'une barbarie aussi terrible que celle de l'Etat islamique en Syrie et au Levant. Il faut y croire.



Notes de lectures récentes :
. Jean-Luc Vannier, psychanalyste et chargé de cours à l'université de Nice Sophia-Antipolis, « Dans la tête d'un djihadiste » chez Causeur
. Joseph Macé-Scaron, Directeur de Marianne, « La Panique identitaire » (Grasset)
. Maurice La Chatre, Dictionnaire universel (1856), entrée : Patrie : s.f. […] au point de vue philosophique, la patrie est le cercle dans lequel nous avons enfermé nos affections. Où est notre cœur, là est la patrie...

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