vendredi 23 octobre 2020

Du blasphème...

 

« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres »
(John Stuart Mill)



Il y a une trentaine d'années, l'archevêque de Paris Lustiger faisait une déclaration relayée par les télévisions dénonçant une caricature salace du Christ en croix. Il se disait habitué, lui et tout le clergé, aux caricatures de la presse anti-cléricale mais l'exercice avait cette fois grimpé d'un étage puisqu'on ne caricaturait plus le prêtre dans sa condition de pécheur mais Dieu lui-même, une première. Et l'opinion acquiescait que le bouchon avait été lancé trop loin cette fois. Les choses ont bien changé dans les cercles d'influence mais peut-être pas autant qu'ils le voudraient dans l'opinion. On notera à la décharge des caricaturistes de Charlie Hebdo comme à celle de leurs confrères danois qu'ils dessinent bien plus souvent le Prophète qu'Allah son Dieu.

La question se pose de savoir pourquoi les communautés musulmanes en France mais partout ailleurs ont une réaction épidermique instantanée à l'annonce d'une énième caricature de Mohammed ? J'ai relu le Dinet et El Hadj Sliman Ben Ibrahim avant de venir. Le prophète d'Allah n'est pas un clerc ni le gourou d'une religion nouvelle, mais un "messie". Les écritures le font naître « net de toute souillure, circoncis naturellement, et son cordon ombilical coupé par l'ange Gabriel (Djebraïl) » Il ne fera pas de miracles comme Jésus de Nazareth mais sa vie sera elle-même un miracle, dès sa plus tendre enfance. A preuve, cette séquence entre autres :

Il était parti un matin avec son frère de lait pour mener au pâturage les troupeaux de ses parents nourriciers. Tout à coup vers le milieu du jour, le petit camarade de Mohammed revint seul, et d'une voix entrecoupée de hoquets de frayeur, cria à son père et à sa mère : "accourez vite, mon frère le Qoraïche s'étant écarté de nous suivant sa coutume, deux hommes vêtus de blanc se sont emparés de lui, l'ont jeté à terre et lui ont fendu la poitrine !" Affolée, la pauvre Halima suivie de son mari, courut de toute la vitesse de ses jambes dans la direction indiquée par le jeune berger...etc. On retrouvera l'enfant intact que deux anges avaient opéré d'un caillot noir dans la poitrine. Puis vint le temps de la Révélation et des prédications. On peut comprendre que dans l'esprit des musulmans de notre temps, le Prophète soit plus que l'annonciateur d'une morale nouvelle, sans doute ce que les Grecs anciens reclassaient au-dessus des mortels juste au-dessous des dieux. A tel point que lorsque le Prophète mourut à la mosquée à 62 ans, la foule des croyants envahit l'édifice ne voulant croire à l'impossible ; certains criaient de ne surtout pas l'enterrer car il n'était qu'en voyage comme leur disait Omar le calife : « Non, le Prophète n'est pas mort ! Il est allé visiter Son Seigneur comme le fit Moïse qui, après une absence de quarante jours, reparut chez les siens. De même, il reviendra parmi nous. Ceux qui prétendent qu'Il est mort sont des traîtres. Qu'on leur coupe les mains et les pieds !»

On doit donc comprendre que Mahomet n'est pas un prophète ordinaire dans l'image mentale des musulmans. Face à cette image, la satire française ne doit pas tourner à l'obligation du sarcasme et de la caricature pour la caricature, si tant est que l'on veuille préserver la paix sociale (c'est aussi une question). La sanctification du Prophète est irréfragable ! On a envie de dire aux pouvoirs publics : "faites avec !". Mais quel est cet impérieux besoin de se foutre du monde partout et tout le temps ? La liberté de faire chier autrui ? un sport national ? L'esprit français, qui fut loué et imité par tout le monde civilisé, était d'une autre finesse que les dessins grotesques de Hara Kiri & Suite qui pataugent dans le pipi-caca de cours préparatoire et en défense desquels il faut s'enorguellir d'une formidable liberté d'expression scatologique. Qu'on essaie un peu de croquer dans des postures sordides d'enculage animalier les éditocrates qui font la pluie et le beau temps sur les plateaux télé, et on verra vite les limites qu'ils consentent à la liberté d'expression. On nous sortira certainement l'immunité journalistique parce qu'il y a des limites à tout ! Reste maintenant à discuter des Musulmans.


Arrivé jusqu'ici, chacun de nous doit avoir compris que la coprophagie du grotesque libertaire est une injure douloureuse faite au croyant. Et celui-ci doit comprendre qu'il est venu dans une République fondée à l'origine sur la haine, la dérision et l'exclusion. Bonjour ! A son tour à lui de "faire avec !" Les lois françaises ne mettant pas les dieux et les clercs à l'abri du blasphème - ce qui n'est pas le cas partout en Europe ni même en Alsace Moselle - le citoyen imprégné de religion doit détourner son regard et pour certains, laisser pisser le mérinos, pour ne pas croiser une offense insoutenable pour lui, mais à aucun moment s'aviser de conquérir l'espace public pour y imposer ses propres limites à la liberté d'expression. Vous souvenez-vous de l'exposition "PissChrist" en Avignon, cité des papes ? La bronca catholique fut nourrie ! Dans le cas particulier de l'islam, cette démarche de non-voyance est perturbée par le prosélytisme politique d'une fraction d'intégristes radicaux qui entendent soumettre toute la société à leurs lois. Ainsi, toute réaction à l'affichage de caricatures injurieuses sera traduite par une volonté de subversion islamique, ce qui est en partie vrai, mais en petite partie seulement tant que le tigre dort. Aux musulmans de faire le ménage en leur sein et puisqu'on sait que c'est très difficile pour des raisons tenant aux diverses origines et obédiences prospérant chez nous dans une anarchie cléricale entretenue par les ambitieux, c'est à l'Etat français de les aider à faire le ménage, avec la vigueur nécessaire et suffisante pour éradiquer le doute. A défaut de quoi nous révoquerons l'édit de Nantes.

L'actualité tragique offre une possibilité de nettoyage par tous moyens, bien sûr légaux (sic), et moins il prendra de temps, plus longs seront ses effets. Restera ensuite à ne pas retomber dans les erreurs accommodantes du passé, en retirant les zélateurs des canaux de propagande et subventions publiques. Si, par miracle, la France et les Français avaient une image assez précise de ce que doit être le plus beau pays du monde, nous aurions bien avancé dans la préservation de nos mœurs et coutumes, alliées à la liberté de croire et de penser ce que souhaite chacun. Mais nous en sommes loin avec les pouvoirs de rencontre que nous désignons régulièrement au sommet de l'Etat à l'issue d'un protocole perverti dans le clientélisme démocratique, le mafiatage partisan et le trucage des scrutins. A quoi s'agrège un quatrième pouvoir fortement corrompu, aux mains du Capital et qui pis est, stipendié par l'Exécutif ! Que le blasphème ne soit pas puni est une chose qui pour autant ne le rend pas obligatoire. La projection des caricatures de Charlie Hebdo sur les façades des édifices régionaux le soir de l'hommage à la Sorbone, est une faute morale plus stupide que grave, mais une faute quand même ! Pourquoi offenser tous nos compatriotes musulmans à propos de l'horrible assassinat du professeur d'histoire Samuel Paty, qui n'a certes pas promu les caricatures mais s'en est servi tout simplement pour illustrer un cours sur la liberté d'expression au moment historique du procès des assassins de Charlie Hebdo ? Il faut convertir patiemment les musulmans au libéralisme et à la séparation des domaines public et privé, quitte à les y forcer un peu au début, en supprimant les prières de rue par exemple. C'est faisable mais nul aux affaires n'a jamais essayé en vrai ! Comme disait Zemmour à Eric Naulleau récemment, les Français musulmans n'ont jamais posé de problèmes dans l'espace public jusqu'à l'importation de musulmans étrangers venus d'horizons où priment les interprétations littérales des hadiths et versets coraniques, interprétations frappées au coin d'un archaïsme redoutable qui coupe à angle droit tous les édits et codes de notre société civile. Si ces communautés veulent se tailler des fiefs inexpugnables dans l'espace français, il faut les sortir tout simplement du jeu social, en coupant les fils de la solidarité nationale et plus si affinités.

Voilà. Pour conclusion, finissons ce billet avec le cardinal Lustiger qui disait dans un de ses ouvrages : « L'une des erreurs d'optique où se porte le désir spirituel est de projeter sur le présent de l'Eglise une eschatologie réalisée au rabais. Cette erreur défigure l'espérance chrétienne. Elle transforme la vie chrétienne en un mythe ou, à l'inverse, en une insupportable tyrannie. On essaiera, par des moyens humains, de faire de la société chrétienne une figure du Royaume des cieux, alors qu'elle n'en est que la caricature souvent infernale.» (Cardinal Lustiger in La Promesse, éditions Parole & Silence, Paris 2002). Réécrivez ces quatre vérités en y mettant l'islam wahhabite et tout colle.


cul-de-lampe de Martin van Mæle 1872

mercredi 21 octobre 2020

La République en danger !

La République, passe encore ; mais la république, ça fait mal ! La république c'est notre bien commun, la chose à tous, notre espace physique et mental organisé pour vivre ensemble : aussi une définition de l'Etat. C'est l'Etat lui-même qui est en danger, plus que le régime politique qui l'a si fortement entamé en l'insinuant partout, jusqu'à le faire enfler de la gangrène gazeuse du clientélisme démocratique. Mais c'est une autre histoire ! Comme le blasphème sur lequel on reviendra.

Même si nous ne profitons pas d'un "Premier Amendement" à notre constitution, ce qui nous oblige à parler entre les rails du politiquement correct, il faut dire de quoi il retourne aujourd'hui en des termes que le distingué lectorat de Royal-Artillerie saura décrypter puisqu'il est par choix, intelligent et instruit. On comprend sans creuser très profond qu'il serait une victoire facile pour les forces de désagrégation de compenser un peu la répression des idées salafistes ou indigénistes par quelques coups donnés à la fachosphère, même si votre blogue favori a depuis longtemps disparu des écrans-radars de l'Ecole de journalisme de Lille.


La république est en danger d'abord par la primauté du droit sur la politique régalienne, qui crée un rempart inversé protégeant la subversion ; ensuite - et c'est fini - par l'appel d'air d'une immigration incontrôlée provoqué par des allocations sociales extravagantes dans le monde entier. Nous ne traiterons que de ces deux défauts... sauf à faire un livre de deux cents pages qui outrepasse notre courage. Disons-le tout net, le corpus législatif augmentant les droits de l'homme en continu depuis quarante ans, a crée le plus sûr abri juridique pour les promoteurs de la charia nationale, que l'on pourrait appeler aussi les conquérants de la revanche de Poitiers. Ce n'est pas forcer le trait de revenir à 732 quand on entend Idriss Sihamedi de l'ONG BarakaCity déclarer : « Vous avez la montre, nous avons le temps !». L'islamisation du pays est la queue de trajectoire de toutes les officines, associations, organisations humanitaires, agences et instituts islamiques établis en France. Ils y mettront le temps qu'il faudra, en usant du défaut de la cuirasse démocratique par la démographie. Ce n'est pas le petit piéton du roi qui le dit, mais Boualem Sansal dans une citation célèbre :

« L'islamisation est en marche et connaît une accélération notable. Chacun peut l'observer. Aujourd'hui, l'islamisation est l'affaire de professionnels de la prédication, de la manipulation et des médias, dont Internet. Elle a des buts politiques offensifs. La masse critique qui déclenchera la réaction en chaîne n'est pas loin d'être atteinte. Elle posera d'énormes et insolubles problèmes en Europe.» Et pour comprendre la réaction en chaîne évoquée, il faut se souvenir que le musulman modéré pratiquant régulier n'est qu'un salafiste quiétiste endormi, à qui sera donné l'ordre un jour de se lever pour renforcer les salafistes du djihad, ses "frères". Les imams modérés ne résisteront pas longtemps à l'assaut si tant est qu'ils en voient les effets avant de passer ! Ce qui change chez l'islam des autres prosélytismes que nous devons supporter, c'est leur détermination quasiment aveugle et incassable. Alors quoi ?

Il faut renverser le rempart déjà évoqué. C'est possible si le pouvoir exécutif peut convaincre intelligemment les juges de premier échelon de ne pas annihiler l'effort de police, en dépit de la sacro-sainte hypocrisie qu'est la séparation des pouvoirs. Et secondement, il faut tarir la ressource : stopper les subventions publiques aux structures douteuses sans attendre aucun jugement au fond, couper les allocations familiales aux baïonnettes d'Erdogan, bloquer l'invasion provenant de "pays à risques" en mettant le mouchoir sur l'asile prétendûment politique. Inutile de se disperser en plantant des fourches dans les meules de foin, aller à l'essentiel... jusqu'au bout, en se méfiant d'abord de tous ces amis qui nous veulent du bien vivre ensemble, à commencer par les éditocrates écumant les plateaux et les politiciens avides de suffrages !

Le professeur Samuel Paty n'est pas le premier décapité du djihad. Le premier fut Hervé Cornara, chef d'entreprise à Saint-Quentin Fallavier ; le deuxième aurait pu être le père Hamel à Saint-Etienne du Rouvray si le couteau avait été meilleur ; le troisième n'est pas le dernier. On terminera ce triste billet par une vidéo de Jean-Marie Le Pen qui a circulé cette semaine sur les réseaux sociaux et qui décrivait très bien la menace ; avant que le prophète borgne et breton ne perde son temps à rallumer les fours d'une extermination terrible comme pour se prémunir de toute victoire électorale qui l'aurait obligé à gouverner. Reste sa lucidité :

dimanche 18 octobre 2020

La mort annoncée du "China Dream"

Sur le site Question Chine, le sinologue François Danjou (Danjou, vous savez ? la main de bois du capitaine !) titre prudemment "Vents Contraires" à propos des réactions à la dérive autocratique du président Xi Jinping, mais le résultat est le même : le Rêve recule. L'hubris du fils de prince à revenir sur les marches de l'empire, moins éloignées toutefois que celles du roman national comme nous le montre la carte française des 18 Provinces de 1906 ci-dessous, a levé une hostilité régionale palpable, capable de coaliser ses voisins contre elle, à l'image du QUAD (Inde, Japon, Australie, Etats-Unis) qui manoeuvre en escadre dans l'Océan indien et le Pacifique nord avec la Chine pour plastron. Seuls deux pays mendiants acceptent la colonisation chinoise, le Laos et le Cambodge qui n'ont que le tort de disposer des capacités hydroélectriques sous-exploitées du Mékong. Revenons un moment sur ce nouvel empereur communiste dont l'architecture mentale se rapproche de plus en plus de celle des Kim nord-coréens.
"Fils de prince" ou "Princeling", Xi Jinping fait partie d'une caste privilégiée remontant à la Longue Marche. Après de sérieux déboires dus à la Révolution culturelle qui forgera son caractère et une opiniâtreté caractérisée - il soumettra huit fois sa candidature au Parti communiste - le jeune Xi entamera dès la réhabilitation de son père une carrière grise d'apparatchik, en commençant par la Commission centrale militaire où il fera office de secrétaire particulier du futur ministre de la Défense (source The Star). Puis il gravira les échelons, sagement, sans rien faire de spectaculaire, à la différence de son cousin Bo Xilai qui revampera complètement la ville portuaire de Dalian avant d'aller gouverner avec succès la métropole de Chongqing. L'un comme l'autre, bourgeois déviés, furent rééduqués en profondeur puisqu'ils n'eurent de cesse de vouloir plus tard compenser la dérive capitalistique de Deng Xiaoping par une exaltation des valeurs marxistes-léninistes : le fameux "Red GNP" (PNB rouge) qui associe le développement fulgurant né de l'enrichissement possible des individualités à l'égalitarisme communiste. Quelle contorsion ! Il ne fallait pas être grand clerc pour deviner qu'ils étaient l'un et l'autre sur une route de collision, comme on dit en mer. Bo Xilai fut éliminé à l'issue d'un complot finement réglé où fut mouillé sa femme. Il purge sa condamnation à perpétuité au quartier VIP de la centrale pénintentiaire de Qincheng, mais annonce chaque jour pair son retour aux affaires.

La Wikipedia donne le parcours de Xi Jinping. Nous vous y adressons. Si la marche au limes de l'empire défunt fut jugée sans grand intérêt par les officines de surveillance étrangère (c'était l'accomplissement plus ou moins paisible du China Dream de Liu Mingfu), le césarisme exacerbé du titulaire des fonctions suprêmes de la République populaire éclata à la face du monde quand la commémoration des vingt ans du retour de Hong Kong à la mère-patrie se traduisit par un défilé militaire "nord-coréen" dans l'enclave, le chef de l'Etat paradant en command-car sous les vivats des troupes alignées au millimètre. Puis vite apparurent les portraits géants, la constitutionnalisation de la pensée du président, le dynamitage du nombre de mandats, les premières grosses erreurs tant à l'intérieur où la lutte anti-corruption menée par Wang Qishan apparut comme le plus sûr moyen d'éliminer l'opposition au sein du Parti, qu'à l'extérieur, où l'accroissement spectaculaire du tonnnage de la flotte visait explicitement tous les riverains de la Mer de Chine méridionale et le Japon !

La répression collective des Ouighours dans le plus pur style de la Révolution culturelle, la transfusion démographique du Tibet permise par le train du Toit du Monde, la mise au pas de l'enclave hongkongaise malgré son statut international, et demain matin la naturalisation forcée de la Mongolie intérieure (avant l'autre) ont convaincu les chancelleries que le président-empereur Xi avait pété les plombs. Il est temps de lire maintenant la synthèse remarquable de François Danjou parue sur Question Chine.net sous le titre Vents Contraires (clic).
François Danjou a fait Langues O' à Paris avant de passer quinze ans en Chine. Il contribue à de nombreuses revues de géopolitique mais principalement au site Question Chine. S'il faut lui faire un petit reproche, mais cela tient à ce qu'il connaît bien la Chine intérieure pour y avoir vécu, c'est de minimiser les réactions étrangères à cette marche au limes que nous évoquions plus faut.


Pour apporter un éclairage différent au sujet, je rapprocherais la démarche de la clique Xi à vouloir affronter les Etats-Unis dans le Pacifique-nord et dans ce qu'elle considère comme ses eaux territoriales (le Détroit) de celle ayant saisi la clique impériale prussienne qui, à la Belle Epoque, alors que l'Allemagne régnait sur le monde des sciences et techniques, mit en action le pangermanisme et défia les empires coloniaux anglais et français pour faire comme eux des parades navales et rapporter des bananes et du café à leurs mères. Le Deuxième Reich, eut-il été paisible comme le lui avait recommandé Bismarck, allait régner sur toute l'Europe occidentale et orientale par ses usines, ses instituts de recherche, ses universités. La liste des inventions allemandes est longue comme un jour sans pain, qui fut interrompue par la déflagration de 1914. Les communistes chinois la voient-ils cette déflagration ?

Outre l'influence chinoise en Mer de Chine qui vire au détestable à mesure des accaparements d'îlots, l'hégémon impérial va considérablement restreindre la portée des "routes de la soie" comme nous le rappelle le site d'analyse géopolitique Foreign Policy. En anglais, la "One Belt One Road". Les pays de destination sortant de l'épure originelle vont ressentir sans tarder le serrement de gorge appliqué à travers les investissements programmés et les échéances des crédits, quand ce n'est pas le chantage à confier au gentil panda des activités plus utiles à la Chine qu'au pays extracteur. Les Africains sont bien placés pour savourer la nouvelle colonisation par des gens qui les prennent pour des singes. Ceux-ci n'auront qu'une réplique, celle d'ouvrir la chasse aux Chinks pour expulser les néo-colons en gardant pour eux les actifs chinois de développment. Le capital de confiance passe déjà dans les doigts comme de l'eau, quelle que soit leur couleur. L'érection mentale des nouvelles générations de loups chinois provoque un échec monumental après trente années d'investissements amicaux, culturels, diplomatiques (et immobiliers) ajoutés au patient captage des technologies avancées. Même les instituts Confucius sont devenus suspects ! Pour que l'Union européenne prenne des mesures de sauvegarde après avoir décrété la Chine populaire comme son "rival systémique", il faut vraiment que les dirigeants chinois actuels aient fait très fort dans le déni, l'espionnage, les menaces, le pillage des brevets et marques, comme nous le confirme le ton comminatoire de l'ambassadeur de Chine à Paris répondant à Raphaël Glucksmann sur l'affaire du Xinjiang, quoiqu'on pense d'ailleurs de l'intellectuel en cause. En langue crue : "nous tuons chez nous qui nous voulons. Ta gueule!" :

Ambassade de Chine en France
@AmbassadeChine
Compte gouvernemental, Chine · 14 oct.
« Arrêtez de semer des troubles sur les questions liées au Xinjiang qui relèvent entièrement des affaires intérieures de la Chine. Aucun pays ni aucune force n'a le droit d'y interférer, et toutes les tentatives contre la Chine sont vouées à l'échec. twitter.com/rglucks1/statu… »



On ne sait pas en Occident, du moins chez les gens peu informés sur la Chine, que la dérive totalitaire actuelle lève une opposition interne au Parti chez ceux qui anticipent la ruine du modèle par ses excès. Tout le travail de la Clique (dont le Premier ministre Li Keqiang ne fait pas partie) est d'étouffer cette opposition, par tous moyens si possible légaux ; mais la majorité silencieuse des entrepreneurs pris en tenaille entre le caporalisme anachronique des commissaires politiques revenus et les relations publiques et commerciales avec l'étranger, sera un renfort non négligeable pour toute coterie capable de renverser les fondamentalistes déments qui sèment la haine en continu autour d'eux et qui paradent en ville le menton haut et les fesses cambrées, jamais loin de la limousine blindée.
Le Parti communiste chinois fut fondé Rue Chapsal (ou Hangpi Lu) dans la maison de Li Hanju le 23 juillet 1921 à Changhaï. La République populaire de Chine fut proclamée par Mao Tsé-tung depuis le balcon de la Porte de la Paix céleste sur la place Tian´anmen le 1er octobre 1949. Deux centenaires à commémorer, l'un l'an prochain, l'autre dans 29 ans - c'est bientôt. Quoi de plus épatant qu'une grande victoire internationale pour fêter l'évènement ! L'écrasement de Taïwan, la reprise d'Oulan Bator, le retrait des Etats-Unis de leur base d'Okinawa ? A vot'bon cœur !

vendredi 9 octobre 2020

Double-Dix à Taïwan

La fête nationale de la grande île tombe ce samedi 10 octobre. On commémore l'insurrection armée de Huguang qui le 10 octobre 1911 captura le vice-roi mandchou de Wuhan et tua cinq cents soldats impériaux. La république était en marche contre l'empire des Grands Tsings. Elle sera proclamée à Pékin le 1er janvier 1912 sous le nom de République de Chine (ROC en anglais). A cette époque l'île de Formose (Taïwan) n'était plus sous domination chinoise depuis que l'Empire l'avait perdue en 1895 au traité de Shimonoseki imposé par le Japon. L'île avait été conquise relativement récemment par les Chinois et il est utile d'en dire plus aujourd'hui sur les souverainetés successives qui s'y exercèrent.
carte de Taiwan
Carte de l'administration nippone de 1901

Bref d'histoire

La situation géographique de l'île de Formose est particulière en ce qu'elle barre sur 370 kilomètres la Mer de Chine méridionale de l'Océan pacifique par un mur de 3000m d'altitude (culminant à presque 4000m au Yushan). Elle est la continuation de l'archipel nippon, d'où l'intérêt que lui a toujours porté l'Empire du soleil levant. A noter dès à présent que les Chinois ne s'intéressèrent à Formose que tardivement à l'époque moderne.

Les chroniques attribuent aux Portugais la découverte des communautés austronésiennes de cette grande île sur la route du Japon, et c'est eux qui lui donnèrent son nom, Formosa, la belle. Puis la compétition des empires y amènera des Espagnols des Philippines puis des Hollandais d'Indonésie. Ce sont eux qui prirent les choses en main sérieusement vers 1624 avec des plans de développement agricole et l'importation de coolies chinois pour renforcer la main d'œuvre. La naissance d'une civilisation attira le pirate chinois Koxinga arguant de lettres de créances de la vieille dynastie Ming, qui chassa les Hollandais et se mit à son compte en doublant la population. S'il avait pu traverser le dangereux détroit, d'autres que lui s'y engagèrent : une escadre chinoise vint planter la bannière mandchoue en 1683 et conquit tout le pays. L'île attendra deux cents ans sous colonisation mandchoue un statut de province impériale avec un projet sérieux de développement (chemin de fer, mines, fortifications). Hélas, dix ans plus tard les deux empires s'affrontent sur la péninsule coréenne et la Chine a le dessous. Le Japon continue son projet maritime au-delà des Ryu-Kyu en récupérant pour l'éternité l'île de Taïwan au traité de Shimonoseki.

Bien que l'occupation n'ait jamais été un long fleuve tranquille, les Japonais développeront l'île au même rythme qu'ils le feront chez eux et imprègneront durablement la société taïwanaise de leur culture. Soixante ans plus tard, les japonais perdent la Guerre du Pacifique et les Américains les forcent à restituer Taïwan à la République de Chine. La République populaire (communiste) de Chine n'existe pas encore. La guerre civile chinoise verra la défaite des nationalistes et l'exil de l'administration et des armées de la République de Chine à Taïwan où le général-président Tchang Kaï-chek (1887-1975) formera des plans de reconquête de la Chine continentale, au flanc de laquelle il conservera quelques îles, le chapelet de Quemoy, Matsu et Daqiu, toujours dépendantes de Taïwan aujourd'hui.

La reconquête devenant illusoire par le développement exponentiel de la Chine populaire, le parti de l'indépendance taïwanaise retrouva des couleurs dans les années 80 et bien que le Kuomintang demeure le favori des pieds noirs nationalistes qui rêvent d'une réunion des deux rives du détroit, la classe politique aux manettes actuellement est clairement sur l'axe de souveraineté. Pour terminer ce bref sur une note diplomatique, précisons que le 1er décembre 1943, les alliés anglais, américains et chinois publièrent la Déclaration du Caire qui précisait notamment que Formose et les Pescadores faisaient partie des territoires sous occupation japonaise à restituer à la République de Chine. Ce qui fut confirmé au Traité de San Francisco et fait explicitement par le traité de paix sino-japonais du 28 avril 1952 signé à Taïpei (ROC). La République populaire de Chine, proclamée en 1949 sur le continent par Mao Tsé-tung n'avait pas d'existence diplomatique.

Aujourd'hui

De l'eau a coulé sous les ponts et le miracle économique du premier dragon asiatique lui a donné beaucoup d'assurance, au grand dam du Parti communiste chinois qui peine à convaincre ses compatriotes des bénéfices extraordinaires qu'il leur dispense. Une grande opération d'annexion serait la bienvenue pour exalter le chauvinisme han, mais le durcissement des capacités coercitives du Parti communiste chinois au Tibet, au Xinkiang, à Hong-Kong et en Mongolie intérieure bientôt, a conduit presque toute la classe politique insulaire dans le camp de l'indépendance.
Il reste encore des partisans de l'Anchluss. On les trouve chez des familles ayant occupé de hautes fonctions militaires ou civiles dans le Kuomintang historique ; et dans les milieux d'affaires chez ceux qui ont construit des usines dans le Guandong ou le Foukien et qui ne veulent voir que leur compte en banque de Singapour. Pour l'anecdote, au mausolée de Cihu, le sarcophage de Tchang Kaï-chek est présenté hors-sol dans l'attente de son inhumation au Zhejiang sur le continent.

Qu'attendrait le peuple taïwanais d'une normalisation ?

* Sur le plan économique, en termes de richesses, rien !
* Le débarquement d'une gestapo chinoise (ses espions sont déjà nombreux sur l'île), et l'envahissement d'unités anti-émeutes destinées à suppléer le flicage numérique de la société avec carnet civique individuel.
* L'écrasement de l'idiome hokkien au bénéfice du mandarin (qui est déjà la langue administrative) et la refonte des programes scolaires comme à Hong Kong.
* La récupération des Pescadores à l'entrée de la Mer de Chine méridionale entraînant l'élévation des menaces chinoises envers les Philippines et déstabilisant la sous-région.
* La bunkérisation de la côte orientale pour en faire un balcon militaire sur le Pacifique.
* L'élévation des menaces dans le nord de l'île pour récupérer les Senkaku japonaises.
* L'insupportable parade des cancres communistes débarqués en vainqueurs chez un peuple doux et affairé.

Aujourd'hui on ne peut que souhaiter l'indépendance de l'île de Taïwan qui est parfaitement distincte de la Chine populaire agressive, déviée par l'hubris de Xi Jinping et sa clique (heureusement mortelle). En trois lignes, cette indépendance est fondée sur les points suivants :

Taïwan et les Pescadores prises à l'Empire Tsing furent rendues à la République de Chine (ROC) et à elle-seule. La République de Chine déposa l'Empire Tsing en 1912 et s'y substitua complètement. La République populaire de Chine n'est pas le légataire universel de l'Empire Tsing, mais la République de Chine si, qui existe encore !

La revendication du Parti communiste chinois est une supercherie à laquelle se sont prêtées les puissances occidentales à des motifs mercantiles qui ne les honorent pas. Il n'est que temps de réparer l'outrage et de signifier à la Chine ses limites raisonnables.

Vive Taïwan libre !





Taïwan de profil pour fixer les idées :

- Formose et dépendances : superficie dépassant celle de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur
- Largeur du détroit : cent milles nautiques sur une mer souvent démontée
- Population : 24 millions d'habitants
- PIB : 20% du PIB français
- PIB par habitant en parts de pouvoir d'achat : 19% de plus que le PIB français

jeudi 8 octobre 2020

L'Homme au chien de prairie mort sur la tête

Resurrexit ! La Com'Team de la Maison Blanche n'a pas osé envoyer l'hymne de l'Empire Strikes Back sur les images du retour de Dark Vador depuis l'hôpital militaire. Et pourtant chacun l'aura fredonné en visionnant la vidéo. Il reste trois semaines utiles avant le vote crucial et ce n'est pas s'avancer beaucoup que de prédire que tout peut arriver de ce côté-ci du Potomac si le gap Biden-Trump ne se resserre pas. Mais sans doute pas la provocation irrémédiable dont rêvent ses ennemis, l'acteur connaît les limites de la téléréalité.

Si Donald Trump perd sa réélection, il le devra à son immaturité dans l'appréhension de la pandémie du coronavirus chinois, qu'il n'a saisie qu'à travers un prisme politique : où étaient les démocrates, il fallait les déconsidérer à tout prix et prendre leur contrepied ! Sans voir pour cette fois les réalités de terrain qui n'obéissaient pas aux éructations du golfeur intrépide. Après trois belles années de succès, l'Homme au chien de prairie mort sur la tête s'est vautré. J'allais dire... bêtement.

Si nul ne l'a jamais pris pour un génie - parlez-en au chef français de Mar-a-Lago sinon à John Bolton dans son nouveau bouquin - Trump montre une constance dans ses certitudes de comptoir, aussi triviales puissent-elles être tant qu'elles se fondent sur le bon sens. S'il a réussi dans l'économie domestique et l'emploi industriel, c'est en politique étrangère qu'il a déployé au plus large ses simplifications, avec des résultats heureux. Pourquoi par exemple tenir la balance égale entre deux thèses irréconciliables au nom du droit international et de la moralité, quand il est possible d'arrêter un conflit en choisissant le meilleur au moment pour écraser l'autre ? Puisqu'il faut être deux pour se battre, tuons l'un d'eux et l'aurore de la paix se lève! Si dans les détails il n'a rien compris au fond de l'affaire - son gendre Kushner s'en est chargé pour lui - c'est exactement ce qu'il vient de se passer au Proche Orient dans le conflit israélo-palestinien qui avait métastasé par tout le monde arabe. On notera qu'en Syrie, ce que l'on prend pour des divagations américaines n'est que le résultat d'un constat quotidien : quiconque aujourd'hui tient la dragée haute aux forces coalisées autour de Bachar el Assad est notre allié du moment ; ça peut changer d'une semaine à l'autre. Au résultat, il a divisé le corps expéditionnaire américain de moitié entre l'Euphrate et le Tigre, sans bouleverser l'épure. Il n'y a pas de trajectoire stratégique pour une raison bien simple : ça ne marche jamais au Proche Orient, l'histoire l'a démontré. Il en va de même en Afghanistan où sans rien connaître à l'histoire de l'Empire des Indes, Donald Genius a compris que l'affaire était un bâton merdeux plus facile à prendre qu'à lâcher. Il le lâche, et d'ici la Noël on dénouera partout les yellow ribbons round the ole oak tree.

Il a eu la même attitude, faite de constats simplistes, à l'endroit des alliés européens des Etats Unis qui "profitent" d'un parapluie nucléaire et conventionnel bon marché pour distraire le prix d'une défense crédible dans des schémas de pensions à la générosité inavouable sur fond de clientélisme démocratique. De même avec la Chine populaire, le double standard dialectique communiste et la surenchère hégémonique qu'elle dissimule (mal) ne l'ont pas impressionné. Il leur a mis des droits de douane pénalisants et des entraves de toute sorte à leur développement. Aucune finesse, tout à la masse d'arme (comme à Poitiers), mais ça marche ! On l'insulte dans les chancelleries de l'ambassadrice, mais jusqu'ici à voix basse ! Ce salaud a réussi dans d'autres domaines où les diplomaties occidentales se cassaient les dents (bien limées), comme la Corée du Nord dont la nomenklatura a été inséminée au doute capitaliste ; comme la quadrilatérale navale Inde-Japon-Australie-Etats Unis (The Quad) qui manoeuvre en escadre dans les eaux du Pacifique Nord et de l'Océan indien avec la Chine de Pékin pour plastron. Comme à son habitude, la France a refusé de rejoindre pour ne pas offusquer la Chine, mais a ouvert une collaboration avec l'Inde et l'Australie pour notre ZEE, croyant n'en tirer que le bénéfice sans la peine ! Ils ne comptent pas sur nous (c'est un secret). « Tout ce que touche Macron devient de la merde !» (sic Trump)

Terminons ! Statistiquement il y a peu de chance de Trump batte le tandem Biden-Harris - c'est elle qui va sauver le mandat du gâtisme - mais quoiqu'il advienne, Donald Trump commandera le pays jusqu'au 19 janvier 2021. Après les résultats de l'élection, il lui restera soixante-quinze jours pour nous surprendre : on n'est pas un animateur de télé pour rien !



- 1973 -

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