lundi 26 octobre 2015

Du gouvernement des princes, de celui des bureaux


Il est des ministres bons et mauvais, et dans le régime de l'éphémère il est difficile de prédire leur comportement s'ils n'ont jamais exercé. Le pouvoir qui les choisit en démocratie recherche parfois la compétence, mais plus souvent une harmonie des "courants" et la non-concurrence lors des prochaines courses de haies. Ce qui ne garantit rien, ni l'accomplissement de la mission, ni la fidélité. Mais il arrive aussi qu'un maroquin échoie à une personne de qualité, au-dessus des contingences politiciennes. A quoi distingue-t-on un bon d'un mauvais ministre ? Le science-fictionniste Herbert exprimait son jus de crâne en ces termes :

«La différence entre un bon administrateur et un mauvais tient à quelques cheveux. Les bons administrateurs sont ceux qui font des choix immédiats [...] Un mauvais administrateur, par contre, hésite, discutaille, réclame des réunions, des rapports, des commissions d'enquête. En fin de compte, par son comportement, il risque de créer de sérieux problèmes [...] Le mauvais administrateur s'occupe davantage des rapports que des décisions. Il cherche à se constituer le dossier impeccable qu'il pourra exhiber comme excuse à ses erreurs. Le bon administrateur se contente de donner des instructions verbales. Il ne cache pas ce qu'il a fait si, à la suite de ses ordres, des problèmes surgissent. Il s'entoure de gens capables d'agir avec discernement sur la base de simples instructions verbales. Souvent, l'information la plus importante, c'est qu'il y a une difficulté quelque part. Le mauvais administrateur dissimule sa faute jusqu'au moment où il n'est plus possible de redresser la barre.»

La prestigieuse Ecole nationale d'administration française et sa succursale de division 2, Sciences-Po, produisent des employés de "bureaux", livrés parfaitement rodés au jet continu de la production de rapports, normes, projets de loi et décrets, adroits également pour déplacer les responsabilités qui leur incombent sur les têtes subalternes (le protocole du lampiste). Sans texte, éléments de langage, lexique de langue de bois, prompteurs pour les plus haut placés, ils sont vite perdus. Leur pensée doit être couchée. Mais l'enseignement de la carrière que prodigue l'ENA se déroule aussi sous les auspices du célèbre aphorisme : la fin justifie les moyens.

A voir tourner le manège, on sait qu'il est monté par des gens sans aveu, prêts à tout pour s'ancrer soi-même et les siens au rocher de l'Establishment, par tous moyens pourvu qu'ils soient rapides et sûrs. La course aux honneurs en période d'impermanence comme aujourd'hui montre qu'il n'est ni honneur, ni morale à ce niveau ; d'ailleurs cette caste ne démissionne jamais quels que soient les motifs qui le demanderaient ; on les chasse comme valet indélicat. Et de voir partir la queue basse les Alain Carignon (Lyonnaise des Eaux), Gérard Longuet (financement PR), Michel Roussin (HLM de Paris), Strauss-Kahn (MNEF), Donnedieu de Vabres (blanchiment), Pierre Bédier (corruption marchés publics Yvelines), Christian Blanc (cigares), Alain Joyandet (abus de jets), Alliot-Marie (Ben Ali), Tron (fétichisme des orteils), Cahuzac (fraude fiscale), Yamina Benguigui (fraude), Aquilino Morelle (cireur de pompes), Thévenoud (phobie administrative), Kader Arif (népotisme)... Et il y en eut beaucoup d'autres avant eux, sans compter les suicidés à deux balles.


Pour ce qui les concerne, les monarchies exécutives sont génétiquement pyramidales et réduisent la taille de la bureaucratie administrative à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie. Le responsable suprême ne peut gouverner à des centaines de pions, mais se cantonne à l'excellence des ministres peu nombreux du Conseil qui partagent avec lui l'efficacité du commandement des hommes à la voix. Peu de papiers, des idées claires, une autorité naturelle sans arrogance et une tonne de bon sens.
Les monarchies ont aussi une prédisposition naturelle (quasiment féodale) à classer les hommes et les postes qu'ils occupent dans une hiérarchie visible et sue de tous où chacun connaît sa propre position et toutes celles de son environnement professionnel, l'espérant temporaire bien sûr. C'est le meilleur système d'ascenseur politique et social puisque les degrés d'élévation sont publics et ouverts. Les ministres de nos vieux rois vinrent si souvent de la roture qu'il est inutile de le prouver, la plupart furent par après anoblis. Mais il y eut aussi des ministres convoqués dans la noblesse qui ne déméritèrent pas non plus. Sauf rare exception - dans des périodes troublées - c'est la compétence qui dictait le choix du souverain, au vif déplaisir parfois de la Cour. Ces gens débattaient en Conseil au même étage d'intelligence, on décidait, on écrivait peu, sauf des ordres !


A contrario, la pléthore de ministres et sous-ministres des gouvernements de nos Républiques est encore aggravée par l'inflation des cabinets ministériels qui doublent le staff permanent, quand ce n'est pas un gouvernement parallèle qui est recrée au niveau du président comme s'il s'agissait de se méfier continûment du gouvernement régulier. Il n'y a plus de hiérarchie, mais un panier de crabes qui se battent à coups de tweets et de projets démagogiques.
En dessous d'eux, les "bureaux" prospèrent sur leur production réglementaire dont le but le plus évident est leur propre perpétuation. D'où ce cancer de la complication recherchée pour réduire la visibilité des effets induits par l'action politique et dérouter les administrés.


La France, pays de droit écrit, est devenue championne du monde de la diarrhée législative, son code du travail, par exemple, est une arme mortelle pour aucun crâne sur lequel on l'assène puisqu'il pèse trois kilos ! Mais s'il est le plus emblématique, il n'est peut-être pas le plus lourd : les codes électoral, pénal, des impôts, et de la consommation ont vu leur poids augmenter encore plus vite que celui du code du travail. La bureaucratie spécialisée se nourrit de cette inflation qui rend impossible toute réforme puisque la production plumitive ne cesse jamais. Réformer c'est surtout écrire la réforme dans tous ses détails d'application, on n'en sort jamais. Sauf à ruiner l'ouvrage jusqu'aux fondations et rebâtir tout en neuf, on ne réformera pas. C'est ce qui nous attend. On fera autrement, et nous sauverons ce qui reste de chantiers navals français !




(Cycle d'Arrakeen 2015)

lundi 19 octobre 2015

Les contes de la Crypte

Dans le journal électronique Vexilla Galliae, j'ai lu la énième mise au point sur la légitimité du duc d'Anjou à s'asseoir sur le trône de France, ce qui ne laisse de m'étonner tant on y revient souvent, à croire que ce n'est pas sûr. C'est un communiqué du prince Sixte-Henri de Bourbon Parme, duc d'Aranjuez, qui a déclenché la bronca de la crypte légitimiste, communiqué dans lequel il disait en quelques mots tout le mal qu'il pensait de la lignée isabélitaine espagnole, d'une totale usurpation par rapport à la loi salique de Bourbon et donc à la lignée carliste qu'il représente. Avant d'aller plus loin, nous convions le lecteur à passer quelques minutes sur deux anciens articles de Royal-Artillerie et un autre sur la généalogie des Bourbons d'Espagne :

- L'énigme Godoy ou le soupçon de régénération du sang de Bourbon
- Le parti de l'Honneur (une lettre de Brasillach sur le carlisme)
- De la paternité dynastique des Bourbons d'Espagne

En réfutation des allégations carlistes et des commentaires œcuméniques de certains (dont le piéton du Roi), deux articles ont été produits récemment sur Vexilla Galliae, l'un du professeur Bouscau qui démontre, s'il en était encore besoin (et il en est apparemment besoin), la parfaite légitimité du prince Louis ; l'autre de l'historien Daniel de Montplaisir apportant son renfort à la même thèse. Par courtoisie, mais aussi parce que nous partageons certains de leurs arguments, nous lions ces deux articles ci-dessous :

- Communiqué du Groupement universitaire pour l'étude des institutions publiques de la Monarchie française
- Mise au point sur le droit royal

Disons-le carrément : il est horripilant de voir capter la monarchie par un royalisme tutélaire hors duquel point de salut. La Cour suprême royaliste proclame le château fièrement dressé pour l'éternité sur ses fondations entourées de douves, et nul ne veut voir que, franchi le rempart, il est complètement ruiné. Le royaume qu'il était succomba trois fois sous le poids de la monarchie d'alors (1789/92 - 1830 - 1848), monarchie qui fut battue par la guerre civile en quatre rois. La dynastie vaincue ne peut même pas invoquer la défaite d'une guerre étrangère envahissant le territoire comme pourrait s'en prévaloir l'histoire napoléonienne. En 1789, la monarchie séculaire s'est effondrée sur elle-même ; rétablie par le Congrès de Vienne (donc par l'étranger) en 1814, cette monarchie rénovée subit le rejet du greffon en 1830 ; et la solution miracle du roi bourgeois anglicisé proche des gens ne fit pas plus longtemps illusion, qui dut détaler comme un péteux en 1848. Se fonder sur de pareils antécédents est très osé, d'aucun camp ! Pense-t-on attirer ainsi l'intérêt de l'Opinion sur une nouvelle offre politique (presque) inédite ? La balle au centre ! On repart à zéro.

Le principe monarchique prime le prince. Il n'est plus possible d'en démontrer ses bienfaits sur Royal-Artillerie qui depuis dix ans les rabâche. Mais la monarchie française ne peut être "encagée" par la dernière dynastie régnante, chassée depuis cinq générations (167 ans). Certes, les surgeons de la maison de Bourbon peuvent se régir par les lois fondamentales du royaume de France s'ils le décident ainsi, mais ils ne peuvent pas y être contraints par les "docteurs de la Loi" édictant voies et moyens au nom d'un royaume disparu. A quel titre professeurs et marquis poudrés dicteraient-ils leurs conclusions aux princes pour les imposer lors d'une restauration ? Les ancêtres de nos princes firent les lois qui les arrangeaient. Même s'ils ne sont plus en capacité de légiférer (pas plus que les docteurs d'ailleurs), leurs descendants actuels sont tout aussi libres de réfléchir aux conditions et circonstances d'une accession. Philippe V a importé ses lois en Espagne, ce qui n'était ni nécessaire, ni très rusé (ils avaient les Partidas d'Alfonso el Sabio) mais bon... le tempérament espagnol a renoué plus tard avec ses origines et va sans doute abandonner totalement ce qui reste des lois de Bourbon pour assurer la succession des filles de Felipe VI. Un roi Bourbon revenu chez nous pourrait très bien éditer un corpus doctrinal différent des lois fondamentales qui conviendrait mieux à la situation politique du moment. Un roi non-Bourbon aussi !

Que la monarchie revenue de cette façon déplaise aux thuriféraires de l'Ancien régime n'a que peu d'intérêt pour la suite. Que les déçus repartent d'où ils viennent, dans les livres d'histoire. L'important est le meilleur futur possible de ce magnifique pays mis à l'encan par la loi démocratique de l'envie, et surtout celui des gens qui l'habitent, et certainement pas le confort des émotions royalistes. C'est la monarchie qui nous sauvera et la monarchie est d'abord un principe de gouvernement des hommes avant que d'être un régime successoral.

Nos princes sont libres. Aussi libres que les sujets appelés aujourd'hui citoyens qui cherchent à revenir en monarchie pour les bienfaits et avantages propres à ce régime. Quand Jack Lang admet qu'un roi améliorerait les institutions en sauvant la pointe de pyramide de la dispute démagogique ; quand Jacques Attali déplore que le gouvernement démocratique soit incapable de gérer le temps long et s'épuise à des querelles sans intérêt ; quand Emmanuel Macron met en scène l'absence du père de la Nation à la tête de l'Etat depuis qu'on a coupé notre roi en deux ; quand de plus en plus d'hommes politiques observent le pourrissement quasiment irrémédiable des institutions républicaines gangrenées par les syndicats et le secteur protégé ; on peut s'autoriser à penser que l'option monarchique revient sur la table.




Au sein de cette option, Bourbon est une option, au milieu d'autres options dont l'ex-nihilo n'est pas la moindre. L'affection que nous portons naturellement à nos princes ne les dispense pas de se préparer sérieusement à la fonction de roi, régent, lieutenant-général, que sais-je, surtout pour ceux d'entre eux qui aspirent à nous gouverner. Il est important que ce souci d'être au-dessus du lot soit partagé publiquement avec les militants et les cotisants. Pure justice. Que le meilleur gagne, mais pour cela il lui faudra passer le rapport supérieur de la boîte à vitesses car aucun de ceux que nous connaissons n'est prêt. Qui avait parlé du Mérovingien caché ? C'est pour finir sur un sourire.


lundi 12 octobre 2015

Vers la Loi du Fort*

(*) The Castle Doctrine (clic)
Ce billet sera sans images, exceptionnellement. Vous allez comprendre pourquoi.

Vous connaissez Dubois, Lachèvre, Lion, Ledoux, Marcuna, Debêche, Debrenne, Damiens, Godin, Maillet et Roure. Non ? Mais plus sûrement Ieng Sary, Son Sen, Khieu Samphâng, Hu Yuon, Hu Nim, Nuon Chea, Ta Mok ? Oui, vous y êtes, ce sont des Khmers rouges, pour certains, enseignants ! Les premiers étaient charron, serrurier, limonadier, cordonnier, menuisier, bijoutier, orfèvre, vinaigrier, boucher, gardiens de la paix. Ils ne valaient pas mieux que les communistes exotiques que vous avez reconnus au premier coup d'oeil. L'histoire les a notés dans les massacres de Septembre 1792 quand de "braves" citoyens partirent tuer les ennemis du peuple, des prêtres et beaucoup de Suisses à l'Abbaye, une centaine de prêtres aux Carmes, deux cents droits communs à La Force avec la belle Lamballe en prime, des gens en nombre à la Conciergerie et au Grand Châtelet. Puis la tuerie augmente le lendemain, des filles de joie à La Salpêtrière après les avoir connues, et beaucoup d'enfants à Bicêtre, les plus durs à finir, raconte un des héros de la journée. Et ça continue le lendemain... Travail harassant qui mérite salaire. Ils ont demandé à être payés !

L'histoire regorge d'horreurs et la française autant sinon plus qu'une autre, qu'on pense aux guerres de religion (relire Montluc), aux dévastations allemandes causées par le Roi-soleil (on apprit ensuite que la vengeance était un plat qui se mangeait froid), aux atrocités des guerres vendéennes, à la Commune de Paris, et dans l'histoire à tout le monde, aux deux guerres mondiales avec l'apothéose des incinérations aériennes de villes entières et à la terrible guerre sino-japonaise qui vit à Nankin l'ultime accomplissement du bushido, rare perversion de la chevalerie nippone. Il s'en oublie !

Le Dr Robert Lascaux qui, après la Grande Guerre, étudia longtemps la bête humaine dans les années 30, substituait au "Tu ne tueras point" du Décalogue une règle plus complexe qu'il exprimait ainsi :
« Tu ne tueras point si le respect de la vie de ton prochain est favorable à l'expansion de ta race (ndlr: ou de tes convictions) ; dans le cas contraire, tu dois tuer

C'est la base de l'engagement des recrues pour l'armée. Tuer sur ordre ou sans ordre si risque. Au cessez-le-feu, nos braves conscrits ont posé la baïonnette essuyée et le couteau de tranchée ébréché pour la faux, sans remords... d'autant qu'ils n'avaient rien demandé. Aujourd'hui on voit s'exercer la règle d'extermination dans les rangs de l'Organisation état islamique, constituée principalement de volontaires, dans la plus parfaite sérénité à ce qu'en montre leur propagande. Les décapitations en ligne (et doublement) n'innovent en rien sauf dans leur publicité universelle, les sections de guerre psychologique procèdent ainsi depuis la nuit des temps pour impressionner l'ennemi. Tamerlan balisait ses routes avec des piles de crânes. Chez nous, on laissait mûrir les vaincus aux remparts du Moyen-Âge. Les carnets de marche régimentaires sont emplis de crimes de guerre pour l'exemple. Lors de son éclatement post-soviétique, la Yougoslavie avait fait très fort dans le domaine de l'indicible.

Qu'est-ce à dire finalement ? Que le bon sauvage éduqué dans le pacte social est une construction intellectuelle. A la moindre occasion, la bête qui affleure sous le cuir chevelu peut se déchaîner. Les gardiens des camps de concentration nazis était des fonctionnaires paisibles, bien contents d'échapper à la létalité du front russe. Ce constat de bestialité intérieure ruine toute la charpente morale et judiciaire de nos sociétés occidentales qui approchent lentement du chaos. Chaque semaine chez nous, nous avons le complet exemple d'une descente aux enfers avec le terrorisme islamiste qui s'affranchit de toutes les mesures de contention. De plus en plus la bête tient la rue, commande à la rue, dicte en un sens la politique pénale quand ce n'est pas le protocole de police. Contrer l'assassin se fait dans des règles de pure urbanité car le moindre faux-pas éveille un risque d'annulation. Il est ahurissant de voir comment les politiciens moulent leurs convictions sur l'excuse et sur les conditions d'existence de la lie de la société. A ne citer qu'une énormité, nous choisissons l'abrogation de la double peine par Nicolas Sarkozy. Une culture dans le droit fil de la thérapeutique judiciaire qui borne le Bas-Empire revenu.

Le bon sens le plus élémentaire devient chaque jour une cible depuis le donjon des principes gouvernant une société utopique dont on force le "bonheur". On combat le droit naturel dans tous ses chapitres et d'abord dans celui des mœurs. Les sentiments patriotiques les plus sains sont piétinés avec entrain puisque nous sommes devenus tous frères globalisés. On prend des gants avec les ennemis déclarés de notre société qui se transforment en assassins, assassins auxquels on cherche des excuses comme à un singe des poux. Nous sommes envahis de "déséquilibrés" et de malheureux "radicalisés". Radicalisés en prison, dans "nos" prisons, c'est de notre faute, bien sûr. La Justice, laissée aux mains de politiciens de rencontre, est en perpétuelle refonte sans que l'on comprenne bien ce qui la conduit si ce n'est sa misère budgétaire et la faillite du système carcéral¹ ; quant à la Sûreté publique, elle fut trop longtemps laissée à la direction de braillards² de tréteaux gouvernant l'émotion pour qu'elle agisse avec la sévérité nécessaire, empêtrée dans les règles d'engagement et les profils de carrière. Sauf sursaut rapidement - on pense à Mai 2017 - le peuple va commencer à rêver au Deuxième Amendement de la constitution américaine qui suppléerait à la liquéfaction de la puissance publique pour assurer la sécurité quotidienne des gens.

Nous devons renouer avec une société d'ordre, fondée sur le droit naturel et le bien commun, avec le soupçon de charité chrétienne qui va bien. Quoi de plus réac, fachiste, moranien ! Mais comment contenir autrement l'abominable homme des villes caché dans les replis cérébraux du genre humain ? Sans ordre rétabli, nous allons vers une paix armée, nécessairement, pour palier l'inconséquence des élus et l'arrogance de la haute fonction publique qui ensemble verrouillent tout. Protégeons-nous, et de nous-mêmes aussi, ne sachant pas quel démon sommeille encore en nous, attendant l'appel de son maître !



(1) Relire le dernier quart de l'ouvrage Surveiller et punir de Michel Foucault (bon courage).
(2) Les deux chefs de la Police, Sarkozy (avec Cécilia dans l'emploi de directeur de cabinet !) et le mussolinien du menton Valls, furent surtout des déclamateurs, faibles avec les forts, forts avec les faibles. On accordera à monsieur Cazeneuve un peu plus de retenue, même s'il court les micros au premier mort.

Postscriptum du mardi : Plusieurs lecteurs (plusieurs commence à 2) se sont émus de n'avoir pas compris d'emblée l'intention de cet article privé d'image, à quoi le Piéton du roi tient à répondre que l'intention était une mise en scène croisée de la nature humaine et d'un état de crise sociale. C'est-y-plus clair ? L'homme est foncièrement pourri, ce que le Darwinisme, qui n'est pas la science de l'évolution mais celle de l'éradication continue, explique très bien : les salauds les plus forts et les plus rusés ont nettoyé en permanence tout autour d'eux. Or les périodes de désordre réveillent la bête, et il va falloir s'en protéger à défaut de pouvoir compter sur les pouvoirs publics. Pour illustrer ce propos nous signalons que le titre de l'article est cliquable...

lundi 5 octobre 2015

Spécialités du pentagone du prince

Dans un premier article [Le Pentagone du prince] nous nous sommes permis d'énoncer quelques spécialités utiles à la formation d'un prince accédant. Certains parmi nos lecteurs ayant demandé des éclaircissements, ces cinq spécialités sont aujourd'hui un peu plus développées ci-dessous :





* Finances internationales immergées, marchés denrées et matières

#1. Les finances immergées et les marchés denrées-matières sont des spécialités dont la compréhension n'est accessible que par les back-offices des banques ou par les salles de marché des maisons de trading. Leur influence est considérable sur les paramètres politiques, certains disent que l'essentiel du pouvoir y gît.

A s'en tenir aux finances immergées, signalons que les "finances au noir" brassent soixante-dix trillions (mille milliards) de dollars par an (fourchette de l'estimation de ses acteurs : 65-75). Les produits financiers dérivés capturent sept cents trillions de dollars, soit le PIB mondial puissance 10. Côté titres, la bourse en chambre noire de compensation absorbe environ un sixième des transactions (ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on compense avant bourse comme les pêcheurs font la "criée" en mer avant de débarquer le poisson). Ces transactions sont par définitions "préalables", elles induisent des effets sur les marchés de plein vent ! Ceux qui veulent creuser la question en français peuvent cliquer ici sur le shadow banking de Henri Lepage.

Les exécutifs des grands pays connaissent ces données sans toujours les comprendre à l'exception de Cameron, Xi Jinping et Obama. Un prince incapable de participer à ces mécanismes (même s'il n'en joue pas) est un prince d'opérette. Il semblerait que les lois de la génétique nous en aient préservé un.

Les marchés denrées et matières sont plus compliqués et bien plus dangereux puisque ce sont des marchés de leviers. Passer quelques semaines au London Metal Exchange ou à Chicago n'est pas perdre son temps.
Un exécutif "étanche" aux futures est à la merci d'explicateurs intéressés et ne verra venir ni la disette intentionnelle ni l'inondation dirigée. Vladimir Poutine s'en mord les doigts qui mesurait sa puissance à l'immensité d'un Etat-continent en oubliant qu'il n'est maître d'aucun prix des productions de l'empire ! Tout ce qu'extraient les Russes est "valorisé" à l'étranger. Au Congo, c'est pareil.
La plupart des dirigeants arabes cherchent encore où fut mise l'allumette des "printemps". Et pourtant la manipulation des cours des produits alimentaires n'est pas chose nouvelle, manipulation dont ils étaient chez eux coutumiers pour rétablir les équilibres sociaux.





* Droit international appliqué

#2. Sauf à passer par un cursus juridique classique de droit public, la connaissance des réalités pratiques du droit de force inter-nations est indispensable. Il est aujourd'hui des cours internationales qui brassent ces problèmes quotidiennement.

Depuis l'aube du monde les nations s'affrontent à bon droit. S'il n'y suffit, on convoque les puissances célestes ! Nous avions cru en être revenu alors que la moitié du bassin méditerranéen se gouverne désormais du Ciel ! Il n'y a rien à opposer au Croyant que la force, sa propre force parfois. En ce sens les jugements des cours internationales ont peu d'effet sur les théocraties prétendues, et le prince accédant sera bien avisé d'outiller sa diplomatie selon des lignes de force fondées sur la jusrisprudence et l'histoire plutôt que sur des principes généreux. C'est pure manipulation dans un champ d'hypocrisie sans frontière qu'il faut labourer dans la pestilence des remords.

Pour les royalistes, la plus célèbre fut l'exhumation de la vieille loi franque des successions patrimoniales en 1358 qui fondait enfin sur quelque chose d'écrit la masculinité souhaitée du légataire universel au bénéfice du royal champion. Tout l'art fut ensuite d'en faire une loi fondamentale du royaume de France, affublant l'usurpation réussie du pouvoir légal qui le menaçait. Facile, l'Université de Paris jadis s'imposait à tous.

Il en va de même aujourd'hui avec la sacralisation de la démocratie de Westminster qui gouverne (ou gouvernait jusqu'à hier) les "jugements" des enceintes internationales, séparant le bon grain de l'ivraie, donnant et reprenant les crédits de développement, séquestrant et libérant les avoirs bancaires, canalisant le commerce et l'alimentation. Ces supercheries ne sont tenables qu'étayées par un corpus doctrinal. Pour la démocratie il est de grand poids et grossit sans cesse. Il faudra au prince pénétrer les arcanes du droit des Etats pour n'être jamais subjugué par les diktats que lui présentera la Faculté et garder le recul nécessaire qu'apporte la connaissance des "dessous" avant l'expérience à venir, sans oublier, comme le dit Herbert dans les archives du Bene Gesserit (T.v-XOX232), que la loi choisit toujours son camp en fonction des modalités exécutives ; la moralité et les finasseries juridiques ont peu de chose à voir avec elle dès lors que la véritable question qui se pose est : "Qui tient le manche du fouet ?".
Bismarck avait compris qu'un prince dit le droit avant de le lire ! C'est une formation spéciale de l'esprit.






* Infra-stratégies, art de la guerre

#3. Pour la stratégie, on a envie de pousser à l'étude des Sun Tzu et Clausewitz - ce qui ne serait aucunement perdre son temps - mais ce sont les infra-stratégies actuelles qui comptent dans le débat et leur approche n'est pas si aisée. Peu de cénacles s'en occupent et les pénétrer demande beaucoup d'habileté... ou de relations. Avec les secondes cela reste possible.

La seule stratégie qui soit porteuse des diplomaties des Etats-continents est la globalisation : c'est la stratégie infrastructurelle, d'aucuns pensent (comme nous) qu'elle est unique et que toute alternative y est un leurre. L'entropie générale des mœurs de l'espèce humaine déclenchée par la colonisation globale européenne puis par la mondialisation anglo-saxonne dérive vers un empire planétaire fini dont les instruments de pouvoir sont à ce jour inconnus mais cherchés avec avidité. On disait auparavant impérialisme ou hégémonisme. Le concept s'est mercantilisé mais la queue de trajectoire est la même : Imperat !
La démarche américaine visant à équilibrer le TAFTA d'un traité identique à son occident¹ participe de cette marche à l'empire dans laquelle son seul contempteur est la Chine qui a déclaré son propre projet impérial sur sa tranche de pamplemousse.

Toute diplomatie - et c'est un domaine réservé d'excellence pour un prince accédant - doit être définie et conduite dans cet environnement quelque peu éloigné des déclarations fraternelles des enceintes de communication internationale que sont celles de l'ONU pour ne citer qu'elle entre dix. Ne pas oublier que le droit international et la morale internationale sont deux grilles d'analyse parfaitement étrangère l'une à l'autre. Trouver entre les deux l'intérêt stratégique d'un pays moyen et démunis comme le nôtre est un exploit. Nous l'attendrions du prince, sinon à quoi bon, nous nous contenterons d'un Vergennes-Védrine dans l'emploi.

Pour ce qui est de notre zone de chalandise, on conviendra que nous assistons à l'effondrement du bassin méditerranéen, comme si le fond de la mer s'était ouvert sur les abysses et emportait tout dans un trou noir. S'opposent deux mondes, l'un scientifique mais désarticulé, l'autre perdu dans les incantations et le désordre. A la charnière de cet affrontement on trouve deux Etats religieux stables dont l'un au moins ne laisse d'inquiéter : le Maroc à l'ouest, la Turquie à l'est. L'Europe a perdu cinquante ans à bricoler des relations douteuses avec la rive africaine et les Échelles du Levant. Il n'y eut aucune autre politique occidentale que celle de contenir les richesses minières de la région en période d'instabilité et de laisser aux politiciens la libre pratique de tous les trafics rémunérateurs.
Une collaboration des deux rives s'avère aujourd'hui l'échappatoire obligée pour contrer une guerre qui menace, et la France y conserve du crédit.

Dans sa conférence pour Vexilla Galliae, Jean-Claude Martinez suggérait de concrétiser l'Union pour la Méditerranée en une Haute Autorité indépendante des Etats (Royal-Artillerie reviendra s'il y a lieu sur ce nouveau concept à quatre agences exécutives) et Gérard de Villèle promouvait la candidature du prince aîné de Bourbon à sa présidence (ndlr: il est déjà Bailli Grand-croix d’honneur et dévotion de l’Ordre de Malte et s'installerait à La Valette). Ce serait à tout le moins un stage instructif. Comme au paragraphe #5 ci-dessous, le prince serait bien avisé de réfléchir à une infra-stratégie méditerranéenne pour son pays.

En attendant, on prendrait le pouls d'Hubert Védrine que ce ne serait pas non plus du temps perdu : clic !




* Physique sociale du comportement des masses

#4. La sociologie des foules est une base d'apprentissage politique qui fut travaillée par de grands penseurs, mais la nouvelle société de communication actuelle en demande la révision complète pour ne pas dire la reconstruction totale. Les foules réagissent au smartphone. Le meilleur stage ne peut être fait ailleurs que dans un grand service de sûreté nationale.

C'est de la gestion de la démocratie qu'il s'agit donc. Les libertés individuelles avec lesquelles on la confond souvent pour en exporter le modèle chez des peuples asservis, entrent en collision avec la philosophie de l'État lorsqu'on parvient au seuil de l'anarchie chez les peuples romanesques comme le français, l'italien ou le russe. Ces outre-libertés sont néfastes au plan national dès lors que, s'en réclamant, des contre-pouvoirs s'organisent en empiétant sur le domaine régalien, contre-pouvoirs qui bétonnent leurs positions par des lois d'opportunités... On pense généralement aux syndicats professionnels organisés sur les métiers et qui ont accédé à la strate politique pour renforcer le modèle social de chacun de leur sponsor. Par chance ils sont divisés, vénaux et se détestent. L'autre pouvoir usurpé est la presse qui s'érige en cour suprême des opinions et se fait fort de la "faire". Sans suggérer à l'impétrant un stage chez un gouvernement à poigne, nous le pensons très fort :) et il n'aurait aucun mal à s'y faire admettre es qualité.

Droit au but : le flicage généralisé du troupeau est en marche, à preuve les faibles remontrances contre l'espionnage réciproque inter-allié. Le terrorisme se banalise à grande vitesse. Les tueries universitaires aux Etats-Unis participent de cette sociopathie exacerbée par le bombardement informatif quotidien et la seule réponse connue à ce jour - après une période d'angélisme - reste la surveillance.
Michel Foucault a creusé la question jusqu'au roc dans son ouvrage Surveiller et punir de 1975 ; voir son étude du Panoptikon de Bentham. La surveillance est en progression partout sous forme de ruses ou de coercition et ses méthodes appliquées sont complètement documentées et disponibles. Un livre de chevet pour tout prétendant sérieux.

La reconstruction d'une sûreté nationale est devenue primordiale à l'heure du Village Global et les réglages en sont très fins. Il y a plusieurs modèles (parfois français d'ailleurs qui fut appliqué ci et là dans l'empire) mais la certitude de leur accomplissement nous annonce le retour de la Stasi-light, du NKVD-diet, de la Securitate-soft et peut-être à la fin, de la Gestapo-second chance !

Quel exécutif prendrait ces choses par dessus la jambe ?
Un prince détaché de ces contingences en sera la victime rapidement. Il lui serait avantageux d'assimiler quelque cynisme à l'antique et de développer aussi une philosophie du soupçon pour affronter l'encerclement de son pouvoir. Tout pouvoir sécrète son propre encerclement. Etabli, il doit former le cercle de chariots. Les techniques de police ne sont pas un sujet secondaire ; il est des officines expérimentées capables d'enseigner la matière. Même en France ; inutile de demander un stage chez Academi à Moyok en Caroline du nord.






* Géographie humaine de l'Afrique noire

#5. Pourquoi l'Afrique noire ? Parce que c'est notre premier défi européen. Nous en économisons ici la description que chacun anticipe déjà. Le prince en formation ne pourra faire autrement que de passer du temps dans plusieurs ONG mouillées sur le terrain.

Cette acquisition de connaissances sur l'Afrique, et plus particulièrement l'Afrique noire, ne vise pas pas à meubler de longues soirées d'hiver où l'on ne parlerait que de migrations. Il ne s'agit rien moins que de définir pays par pays quel est le hiatus de développement acceptable par les indigènes qui annulerait les inconvénients de l'émigration. S'arracher aux siens, à sa patrie (sauf l'enfer sur terre) exige de grands sacrifices. Le décalage attendu signale-t-il un progrès dans l'espérance d'un futur meilleur, cette "idée" en vaut-elle le coup ?

Il y a deux moteurs puissants de l'émigration, la misère endémique et le mirage européen. Si la guerre au sous-développement n'est pas déclenchée par les empires responsables du monde, on va au K.O. de l'Occident. L'Afrique comme souci n'est pas un jeu ! Quels qu'en soient les motifs mercantiles, l'implication de la Chine dans la construction ex-nihilo d'une grande ville comme Kilamba nous fait comprendre qu'on peut forcer le développement s'il l'on s'attache au concret avant de nourrir les administrations. A cet égard, la double grille africaine dont le principe est calqué sur le développement des piémonts himalayens chinois rencontre l'intérêt de politiques intelligents comme Jean-Louis Borloo qui en viennent aujourd'hui à prioriser l'électrification générale des pays. C'est du développement lourd, le seul qui franchira le siècle. En attendant les champs de force de la double grille, le défi exige de mettre déjà une forte pression sur les structures de pouvoir existantes afin de développer au moins l'illusion d'un progrès pour enrayer la misère.

A titre d'exemple, les pays du Sahel sont un laboratoire : en Centrafrique, une femme a cinq enfants viables en moyenne. Quel taux de développement serait nécessaire pour "absorber" ce flux démographique quand on sait les ressources modestes de ce pays perdu ? Aucune croissance normale n'est possible avec les moyens classiques. Il s'agit d'inventer quelque chose d'autre...

Quant au mirage européen, le propre des mirages est de ne point exister. Aussi est-il vain de vouloir le casser par une confrontation aux réalités. D'expérience ça ne marche pas. L'espoir porté par l'imagination sera toujours plus fort.

Sans doute aucun, faire accompagner le prince en "stage" par un spécialiste des questions africaines serait un must, et il en est plusieurs qui seront flattés de se voir convoqués à un travail utile, concrétisant leurs recherches. Suivez mon regard : clac !



Le billet précédent sur le même sujet se terminait par les synthèses qui achèvent la période de formation. Nous y renvoyons le lecteur intéressé s'il veut bien cliquer ici.







Note d'ordre

Ce billet n'a d'autre but que de nourrir le débat sur la question de la formation des princes en situation d'accession. On connaît bien l'éducation des rois, on ne sait pas grand chose de celle des princes qui ne règnent pas (pas encore). Qui prendrait ces propos pour une manifestation d'arrogance se tromperait mais pour une critique de l'existant, un peu moins. Les princes en vue sont pour le moment sous-calibrés rapport à l'emploi possible. Il ne sert à rien de faire semblant et ce begnin neglect doit être abandonné pour les générations montantes qui, elles, devront se former aux tempêtes du siècle.


(1) le TPPA (Trans-Pacific Partnership Agreement) vient d'être signé aujourd'hui 5 octobre à Atlanta. Le TAFTA va suivre.

(Cycle d'Arrakeen 2015)

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