dimanche 26 mars 2023

Gilets noirs

Les images de l'assaut de Sainte-Soline contre le mur de fer de la gendarmerie mobile m'ont bien fait rire. Quatre véhicules ont cramé et l'image pathétique de l'incendie a fait le tour du monde, chez ceux surtout qui ne nous aiment pas. Dans le protocole d'ouverture de parapluies de la chaîne de commandement des "forces de l'ordre", il sera difficile de trouver à quel échelon fonctionne le connard qui a décidé du dispositif. A moins que sa vulnérabilité n'ait été délibéremment voulue pour impressionner l'opinion générale collée au poste contre les hyènes hystériques de l'ultra-gauche. Peu d'échos cependant chez les masses laborieuses et démocratiques, c'est le premier week-end de printemps et chacun a dû partir ouvrir les volets de sa chaumière en Normandie et filtrer la piscine.

L'autre explication qui m'a traversé l'esprit, assis devant les flammes de BFM-TV, est qu'un l'échelon intermédiaire sur zone est resté l'arme au pied pour démontrer aux pouvoirs parisiens retranchés dans les ministères, combien est dangereuse la situation pour laquelle ils n'ont pas mobilisé en conséquence, non tant en hommes qu'en protection blindée. Les observateurs sur place ont noté la présence assez nombreuse d'élus en écharpe, vaquant d'une caméra à l'autre et faisant des selfies devant l'enfer de Macron-Dante. Les factieux sont bien là et notre Mini-Sarko à la timide moustache les a bien vus sur les écrans du bunker de la PP. Nulle remontrance ne leur sera faite, ils sont les nouveaux prêtres de la République. M. Darmanin a juré qu'aucune ZAD ne se monterait à Sainte-Soline. S'il avait repéré les lieux, il aurait vu que c'était de toute façon impossible ; ça manque de bois et les paysans sont hostiles. Qu'en pense Jupiter ?

porte-cochère de la mairie de Bordeaux en feu
Porte Charles III
Rien en détail. Il digère l'humiliation de la perfide Albion. Les conseillers en soupente ont pu penser que la magnificence des réceptions de Sa majesté Charles III et de la Fée Clochette feraient oublier le déni brutal de démocratie qui a permis de forcer une mauvaise loi au parlement. Lequel s'est vu replacé sous les ordres de l'Exécutif alors qu'il est en droit, souverain. Le vieux peuple gaulois a parfaitement décodé la manipulation : prendre le chemin d'un amendement au budget de la Sécurité sociale pour conserver la possibilité d'un recours à l'article 49.3 ; ne pas tenter de convaincre mais rester bloqué sur les dispositions primitives (après les avoir entamées pour obtenir le rallye d'un parti du marais républicain qui s'est défaussé à la fin); arguer de la constitutionnalité littérale des choix en piétinant l'esprit du texte fondateur ; détourner l'attention en poussant derrière un projet de loi aussi clivant que celui concernant l'immigration. Mais comme à Waterloo, le Gaulois a dit "merde". Et les émeutes nombreuses de jeudi dernier ont signalé fort et clair que les gilets jaunes sont en train de se transformer en gilets noirs. Ce ne sont plus les antifas pubères de SciencesPo qui sortent humer l'air irrespirable ! La porte cochère de la mairie de Bordeaux en témoigne. Monsieur le maire est choqué (sic), même si elle était faite d'arbres morts. Mais il est peut-être le seul, car tous les commerçants et riverains des parcours de l'insurrection populaire qui font le dos rond ne le sont plus. Ils savent que rien n'arrêtera le désordre, par défaut d'ordres, sauf la fatigue des émeutiers et l'éclosion des fleurs printanières sur les arbres qui appelle au rut!

Le champ de la politique intérieure est désormais miné pour M. Macron et ses affidés. Toutes ses apparitions - et la dernière fut pitoyable de complaisance et morgue à la fois - font monter la tension. L'ingouvernabilité du pays, plombé par des comptes partout en rouge-vif sans aucune perspective d'amélioration à court terme du moins, va pousser le fringant satrape en cajoleries hypocrites à se réfugier dans le déclamatoire de la politique extérieure où personne ne l'attend plus. Le désordre pré-insurrectionnel constaté par les capitales étrangères, ajouté aux déficits structurels provoqués par le clientélisme du régime français de parasélite, va reléguer son activisme de salon aux oubliettes de l'histoire maintenant que l'Europe a beaucoup à faire pour sauver ses acquis, et plus vraiment le temps d'écouter les marchands de vide qui se voudraient "en même temps" rationnels. L'Europe rieuse (opposé sur ce blogue à l'Europe sérieuse) ne va compter bientôt plus qu'un seul pays, le nôtre ! Mais la France encaissera une fois encore les quolibets étrangers provoqués par son impéritie gauloise.

lundi 20 mars 2023

Nos yeux grand ouverts sur la démocratie

Francis Fukuyama
La fin de l'Histoire de Francis Fukuyama (TNI 1989) n'en finit plus de reculer dans le temps. Le triomphe des démocraties sur l'Axe du mal, un peu tout ce qui n'était pas elles, avouons-le, n'aura pas duré plus longtemps que la guerre préventive d'Irak de 2003, aux motifs que l'on voudrait obscurs mais qui en réalité tiennent dans la seule main de Georges W. Bush. Avec des novateurs en conservatisme appelés "néocons", Donald Rumsfeld, Dick Cheney et surtout Paul Wolfowitz, le jeune président se crut chargé du fardeau de finir le travail commencé par son père au Moyen Orient. On sait ce qu'il en fut et comment les hommes forts du tiers-monde sentirent alors le vent du boulet leur frôler les moustaches, reconfirmés dans leurs craintes par la liquidation de Mouammar Kadhafi près de Syrte en 2011. Alors le monde commença à se partager en deux espaces civilisationnels, démocratique et autocratique ; mais raconter le comment du pourquoi n'est pas l'objectif de ce billet.

Sans en faire une thèse, plutôt une conversation au coin du feu, nous allons essayer de percer la légitimité de la revendication chinoise qui prétend faire le bonheur du peuple au terme d'un processus d'éducation contrainte. Pourquoi la Chine populaire ? Parce qu'elle est devenu le modèle à suivre, modèle qu'elle exporte très bien et facilement. Ses dirigeants actuels feignent d'ignorer les prétendues avancées démocratiques célébrées par les pays du G7 et s'en tiennent aux arcanes marxistes-léninistes du paradis accessible à terme, dans la discipline confucianiste mâtinée de Qi Gong. Allons au fond : quel est le but légitime à atteindre pour les dirigeants qui gouvernent les sociétés humaines ? Satisfaire les besoins du peuple dont ils ont la charge dans l'optique du meilleur bonheur possible. Comme le dit la formule, le droit du prince naît du besoin du peuple. Quel est-il ?
  • Se nourrir à satiété
  • Se reproduire
  • Vivre en sûreté (abrité et sécure)
  • Obtenir d'autrui sa considération
  • Vaquer sans encombres
Le bonheur dépasse ces fondamentaux :
  • Acquérir un espace en propre à gouverner
  • Pouvoir se projeter dans l'avenir
  • Savourer la plénitude d'une situation stable et sûre
  • Accomplir son rêve
  • Mourir dans la dignité sans souffrances
Le distingué lecteur voit bien qu'il y manque quelque chose, l'amour.
Mais l'amour est aussi rare que le génie et nous bornons notre philosophie de comptoir aux limites du zinc.

Sauf le "gouvernement" du petit lopin qu'il modère, le régime chinois ne retire rien de la liste. Il en rajoute même du côté de l'enrichissement personnel et de la capitalisation des aventures personnelles. Il émet une seule interdiction : ne pas faire l'empereur ! Le Chinois ne peut distraire des moyens personnels ou collectifs pour enchâsser un royaume à lui dans l'empire, le dit-royaume serait-il petit. Même s'il y a des voies de contournement, il n'est pas libre d'organiser comme bon lui semble ses échanges avec autrui, son interaction, sa liberté toute relative s'arrêtant où commence non pas celle de son voisin mais celle de l'Empire. En résumé, il est exclu du champ politique. Il n'est pas la particule élementaire autonome du demos, et ça fout par terre toute la construction mentale socio-politique de l'Occident global. Le pouvoir chinois et ses imitateurs nient l'existentialisme et, blasphème, la qualité de "citoyen". Le problème pour l'Occident, s'il veut continuer à se mêler de la marche du monde, est que le modèle de régime illibéral ou à liberté limitée est facile à expliquer, à comprendre et à mettre en œuvre, ce qui va hâter les conversions .

La supercherie de notre côté est d'amalgamer des valeurs propres à l'humanité, à l'espèce, au concept démocratique. Le bonheur individuel peut prospérer à l'ombre de sociétés à liberté limitée qui assurent tous les fondamentaux précités. Dans quel but l'empire chinois revenu au balcon du monde a-t-il édicté ce régime de liberté limitée ? La raison la plus évidente est celle de se reconstruire lui-même sans opposition intérieure dans ce qu'il considère être son périmètre naturel et historique. Nonobstant les débordements stratégiques visant à étendre son gouvernement à des terres qu'elle n'a jamais gouvernées (et l'empire des Tsings la précédant pas beaucoup plus), la Chine populaire ne mérite de recevoir aucune critique tant que son pouvoir se concentre sur l'objectif du bonheur, ce qui n'est manifestement pas le cas, ni au Tibet ni au Turkestan oriental. Il serait avisé que nos chefs d'Etat prennent la mesure du champ d'exercice de leurs critiques et soient plus tranchants sur les évidences d'un comportement déviant, laissant au génie propre de cet empire trimillénaire le mode d'organisation politique qu'il souhaite dans son aire d'intérêts. En plus court, ne pas donner de leçon mais contrer rationnellement où c'est nécessaire.

Action ? Promouvoir la libertad à la mexicaine... sans jamais la définir.

Personnellement, moins je vois d'Etat, mieux je me porte, quitte à limiter mes ambitions à la fertilité de mon alleu et son bornage ; en Cévennes, c'est atavique, l'Etat invasif donne de l'urticaire.
Garçon, remettez-nous ça !

samedi 18 mars 2023

Ça bouge dans le bon sens

Trois commentaires pour le prix d'un.

Macron à la glace
Le Château a l'impression de s'être fait mettre par le président Ciotti qui avait vendu le déplacement de la borne des 64 ans contre le vote du "bloc" LR. Après le 49.3 de secours déclenché par la Technocratie en mode panique, le même pizzaiolo jure sur la bible de Brice que pas un député sous ses ordres ne votera aucune des motions de censure déposées par l'opposition lundi 20. LR est un parti zombie en cours de division, même pas un syndicat de sortants. On ne peut mentir à tout le monde tout le temps. Quid de la suite ? Langue au chat. Soit les esprits refroidissent en voirie, car les appels au blocage de la République par les élus de la Nupes sont à compte d'autrui - eux ne perdront pas leur traitement - ; soit malgré l'inflation la chienlit se diffuse tant en province qu'à Paris et le chaos de l'économie appelle Foutriquet à réagir. C'est bien dommage pour lui, qui croit avoir de bons résultats en moyennes et une aura européenne intacte, alors que c'est tout l'inverse, comme le lui rappelle vicieusement Pierre Moscovici depuis la Cour des comptes. La France irréformable devient alors l'homme malade de l'Eurogroupe et l'attention de tous nos partenaires sera monopolisée par la sauvegarde de la monnaie unique que les Français n'ont pas su gérer.
Pestiféré à Bruxelles, il dissoudra à Paris ! Béante, la boîte de Pandore : soit une chambre rouge vif envoyée par... les abstentionnistes ; soit une chambre introuvable bleu-horizon libérée par le rallye en masse de la classe moyenne effrayée par la rupture d'approvisionnement des biens essentiels. Il en fait quoi le Miquet à la houppe ? Rien ; sa majesté n'est pas programmée pour les crises, et ne sait faire que du théâtre : marathon communal, convention citoyenne, allocutions vaseuses, allocations à crédit sur la tête des générations futures. Mais de gouvernement, point !

Vlada, fillette de Marioupol sous les bombes
L'autre bouffon est de l'autre côté de la table de huit mètres ! Poutine le rusé vient de se prendre le mandat d'arrêt international qui va bien, au juste et malin motif de la déportation d'enfants ukrainiens en Russie. Avec la masse non négligeable de soutiens gracieux ou stipendiés, il pouvait se permettre presque tout ; les excuses fusaient. Les HLM était bâtis près des centrales électriques ; les gares voyaient passer des convois de troupes ; les hôpitaux avaient des arsenaux en sous-sol ; même Butcha c'était un court-métrage. Mais les gosses, ça ne passe pas. Parce que même les explications les plus tordues ne sont pas présentables à la table de famille où parfois dînent des enfants. On ne déporte pas les gosses, ça fait "grosse saloperie". Bien sûr l'Intouchable du Kremlin pourra tourner dans toute la Fédération de Russie qui est immense, mais sollicitera un sauf-conduit dans tout autre déplacement hors-frontières, si tant est qu'il se trouve encore des dirigeants désireux de s'afficher avec un tricard recherché par Interpol ! Bien sûr il ne sera jamais traîné à La Haye sauf effondrement du régime et encore, la taïga est grande, mais il doit oublier désormais toute invitation dans les enceintes internationales (G20, ONU, OMC, OMS etc...) et tout cela sans attendre le rapport du Conseil des droits de l'homme des Nations unies qui va sortir à Genève sur les crimes de guerre du conflit russo-ukrainien. C'est l'effet kisscool !

Les opérateurs nous serinent que le marché du pétrole est plastique et universel. La guerre n'est pas un paramètre plus déterminant qu'un accord à l'OPEP+. C'est une information au milieu de cent autres. Par contre comme tout marché de denrées, il cote entre panique et hystérie, sans limites. Cette semaine le Brent est cédé à 72,47 USD le baril, le West Texas Intermediate à 66,34 soit un recul de plus de 7 dollars par rapport à la semaine passée. Motif, la faillite de la SVB, rachetée pour un dollar par la Hong Kong & Shanghai Bank, a métastasé jusqu'en Suisse et retour sur la Côte Est. Ceux qui, débutant dans l'emploi, ont organisé leur plan sur la crise pétrolière, en seront pour leur frais. Les compagnies russes qui sont tenues de discounter leur Crude Oil Urals aux Indiens et aux Chinois qui ont des frais, hein ?, doivent se demander s'ils ne sont pas quelque part les pigeons de la guerre du Kremlin. Nos idiots utiles avouent n'y rien comprendre à moins que les illuminatis satanistes n'aient investi les places de cotation. Mais de cela, on s'en fout.

vendredi 10 mars 2023

Notre fatigue démocratique

Du tumulte entretenu par les centrales syndicales pour préserver la rente des travailleurs protégés et faire régler par les générations montantes les pensions non financées, jaillit parfois de ces foules le cri du "déni de démocratie" ! A constater l'autisme des pouvoirs publics qui ignorent ce fameux "mécontentement populaire" qui, comme "le peuple", ne fut jamais défini, les porte-parole de la contestation en voirie dénoncent un piétinement méprisant des valeurs démocratiques par le président de la République et sa clique de technocrates. Nous abordons ces temps-ci aux rivages de la révolution, non pas avec la veuve et son tragique dégoulinant de sang, mais dans une contestation étroite et précise de la démocratie représentative qui pourrait bien - 89 ans après la ruée des ligues sur le pont de la Concorde - renvoyer nos chers et coûteux parlementaires à leurs études provinciales. Car la réforme des retraites sera votée, d'un coup d'un seul, au calibre 49.3, laissant les masses laborieuses et démocratiques se demander à quoi servent ces assemblées élues à grand frais et traitées à la crème chantilly, pendant que le labeur sue comme un mineur polonais pour son caddie hebdomadaire inflaté.

Ce n'est pas vaine anticipation ; le niveau record d'abstention aux élections législatives doit être compris comme l'expression d'un doute total sur l'utilité des chambres par plus de la moitié du corps électoral de base. Il n'est nul besoin d'être antiparlementaire primaire pour comprendre qu'elles ne servent pas à grand chose, déjà par le ruissellement continu de normes et directives européennes en tous domaines, mais surtout par l'ingénierie gouvernementale des voies de contournement de toute décision ou non-décision de l'Assemblée nationale. Or, constitutionnellement, c'est l'Assemblée nationale qui détient le pouvoir souverain en France. Mais nos députés le croient-ils vraiment ? Le peuple, lui, n'y croit plus. D'autant que les tenants du parlementarisme augmenté en 6ème République, viennent de se vautrer comme jamais dans la bauge qu'est devenu l'hémicycle du palais Bourbon, démonétisant la valeur morale de leur mandat. M. Mélenchon est un braillard talentueux mais sans doute un piètre stratège. Il vient de s'enterrer politiquement ; les chefs syndicaux y veillent déjà.

René de Maupeou, ministre de Louis XV
Ce régime est en péril du seul fait de ses acteurs. Il peut crever sans que l'émotion populaire ne dure plus longtemps qu'il n'y a d'espace entre le journal de 20 heures l'annonçant et les pubs meublant l'intervalle jusqu'au film du soir. Notre démocratie parlementaire dut-elle disparaître qu'elle n'emporterait avec elle que les règles des jeux de pouvoir et aucunement les valeurs abusivement attachées à cette forme de gouvernement. Ni les libertés individuelles, ni les droits de l'homme et de l'animal, ni l'égalité des salaires homme-femme, ni le droit au savoir, ni rien de ce qui garantit une vie paisible au citoyen éveillé ne disparaitra ! Neuf cent vingt-cinq députés ou sénateurs seront licenciés sans indemnités. Pour dire vrai, hormis les jardiniers, les assistants et les huissiers à chaîne, personne ne s'en apercevra ! Nos indécrottables jacobins nous annonceront-ils le chaos indescriptible laissant le pays affronter les heures les plus sombres de notre histoire et la bête dont le ventre est fécond ? Que nenni. Resteront en place une centaine de préfets adossés aux conseils départementaux, qui pourront gouverner le pays au quotidien, et une quinzaine de régions administratives capables de plannification, soit au total cinq mille huit cents conseillers, tous élus au suffrage universel. Sera venu le moment d'augmenter par décret les compétences de ces instances régionales et locales pour palier la suppression des chambres de Paris. Monsieur de Maupeou* applaudit dans sa boîte.

Et puisqu'il faudra quand même une instance qui votera le budget de l'Etat régalien, on pourra réfléchir à un Sénat des Cent, élu par les collectivités locales, qui dialoguera avec le Conseil économique, social et environnemental, lequel fonctionnera comme usine à penser à côté des grands corps régulateurs. Profiter surtout de cette période de relatif désordre pour couper toutes les subventions à toutes les associations et à débander toutes les sinécures, agences, instituts, commissariats, autorités, syndicats extérieurs aux services de l'Etat. Le budget dira merci !

Par quoi remplacer les institutions nationales de pouvoir actuelles ?
Si possible par rien, du moins y tendre.
Et le président de la République ?
Vous voulez rire ? La Théorie des Trois Ridicules ne vous aura pas suffi ?
Du chaos faire naître l'ordre. Ça c'est une vraie création ! A vos crânes, sortez le jus !

* René de Maupeou, très au fait du pouvoir de nuisance extravagant des parlements, débande le parlement de Paris le 20 janvier 1771

jeudi 2 mars 2023

Al prat dels cremats*

*Au champ des brûlés

Ruines de Montségur (Ariège)
Au mois de mars rouvre la saison des "pélerinages cathares": le 16 est la borne, Montségur, leur Chartres. Les ruines du château se dressent dans le ciel du Pays d'Olmes comme l'accusation éternelle de forfaiture et cruauté à l'endroit de la papauté qui déclencha une guerre civile au sein de la chrétienté pour rassurer sa puissance spirituelle et temporelle. Cette abomination n'a jamais éteint le feu de la contestation en Languedoc - la Réforme en sera l'avatar souterrain - parce qu'elle fut la matrice de police générale de la pensée pour tous les siècles à venir. Le Manuel de l'Inquisiteur de Bernard Gui (1261-1331) est au programme des écoles de criminologie.

Il y a sept cent soixante-dix neuf ans que furent brûlés deux cent cathares** aux ides de mars à Montségur. Une stèle commémore depuis 1960 leur acte de foi. Car ce qui étonna tous les gens présents à cette crémation fut de voir l'entrain avec lequel hommes et femmes sautèrent d'eux-mêmes dans le gigantesque brasier.
C'est le philosophe médiéviste René Nelli (1906-1982) qui a le mieux verbalisé ce détachement des parfaits quand il écrit : « la seule tâche morale qu'ils croyaient qu'il incombait à l'homme (était) de se déshabiller du néant dont il est com-posé, et qui pourtant par les prestiges de Satan, lui apparaît dans le Mirage, comme la part de lui-même à laquelle il est le plus attaché ». Le "corps, cette guenille" dont ils devaient se dévêtir !
Convaincus que des trois éléments de l'homme ternaire, l'âme animant le corps (amphore réceptacle du mal) avait été subjuguée par Satan, être et non-être émané du Mal principiel, afin de l'asservir et de la garder séparée de l'esprit qui l'attendait auprès du Père, ils croyaient que la destruction de l'œuvre maligne par le feu hâtait la recollection de l'ensemble dans la perspective d'une éternité en l'un des ciels d'Isaïe, dussent-ils endurer leur perfectionnement par la métempsycose avant que d'y atteindre.
Note**: cathare de καθαροί qui signifie "purs", terme savant du IVè siècle vulgarisé dans les années 50

Leur métaphysique était plus élaborée que celle de l'église romaine, en laquelle d'ailleurs ils savaient puiser des analogies pour leur thèse en lisant Augustin d'Hippone par exemple, qui était un dualiste tardif de la veine de Mani. Leur reconstruction religieuse était globale, complète et fermée et par cela puissante, au point de convertir des élites civiles et religieuses dans les pays où leur doctrine était enseignée. On a pu comprendre que la papauté se soit légitimement inquiétée de cette gnose capable d'une démonstration sans faille de ses thèses, à laquelle elle ne savait opposer que des clercs peu instruits et des prélats d'abord soucieux des privilèges mondains de leur charge. Il fallut attendre l'irruption dans la tragédie albigeoise de Dominique de Guzmán (fondateur des dominicains sous la règle de saint Augustin) pour que reprennent les études théologiques et que se contruise une critique sérieuse des thèses hérétiques. Jusque là, ni par le fer et le feu, ni par les accommodements, rien n'avait pu endiguer la prédication des Bons Hommes qui prêchaient à hauteur de fidèle et avaient réponse à tout. Ce mode d'action eut-il été choisi par le pape de préférence à la croisade sanglante en terre chrétienne qu'Innocent III n'aurait pas eu à vendre son âme au diable ! Il dut convenir sur le tard qu'il s'était fourvoyé.

Quelle était la charpente dualiste des cathares languedociens que les frêres prêcheurs durent combattre ?
René Nelli la résume en sept points :

  • Dieu est tout-puissant dans le bien et dans l'éternité (1) ;
  • il existe dans le temps une racine du mal qui vicie toute manifestation originellement bonne (2) ;
  • le principe du mal n'est en dernier ressort que nihil ou du moins un demi-être (être sans être) (3) ;
  • le mal ne peut se manifester que dans le Mélange* (4) ;
  • le vrai Dieu a tout créé de sa propre substance et non point du néant (5) ;
  • la création est co-éternelle au créateur (6) ;
  • la créature n'a pas de libre-arbitre (7).
Quelques explications :
(1) C'est Son domaine, Il y règne en maître absolu mais une autre force préexiste à l'extérieur de Lui, qui Le défie.
(2) A l'origine du Temps, existe un principe malin qui gâche toute la création y semant le désordre et le chaos moral (le monde que nous connaissons).
(3) Ce mal principiel dérive vers son néant dans lequel il engloutira son être et son non-être à la fin des temps.
(4) Le Mélange évoque le monde manichéen où luttent deux royaumes, celui de la lumière (et de l'ordre manifesté) et celui des ténèbres (et du chaos néantisé). Selon Heidegger, "le néant ne reste pas l'opposé indéterminé de l'existant, mais il se dévoile comme composant l'être de cet existant".
(5) La création est consubstantielle à Dieu Lui-même et non émanée du néant primordial (c'est la signification dualiste) . Elle est attaquée de l'extérieur (et non pas de l'intérieur comme dans le dogme romain qui convertit l'ange Lucifer à œuvrer pour le Mal).
(6) La création ne relève pas du temps (invention diabolique) mais de la substance divine vraie en toute éternité.
(7) Contrairement au catholicisme qui fonde la révélation satanique sur le libre-arbitre des anges et des hommes, les êtres conscients sont victimes d'une illusion en ce monde que leur âme ne peut combattre, séparée qu'elle est de l'esprit libre et sauvé en Dieu. Sa seule possibilité est le repentir que l'on suscite par le consolamentum.

Stèle cathare de Montségur (1960)


Des exégètes pétris d'érudition ont conclu que, si on montait le niveau d'examen de la philosophie cathare, le catharisme était partie intégrante du christianisme dans une diversité que l'œcuménisme actuel aurait pu accueillir. La brutalité de la réponse de Rome contre la purification extrême aux limites de l'idée de Dieu fut une forme de bestialité qui engendrera moins de trois siècles plus tard la protestation de Martin Luther. L'hérésie dualiste s'était éteinte en Languedoc, mais le feu de tourbe de la rancune continuait sous terre, et quand les protestants promurent le libre examen, ils proclamaient ce faisant, le règne de la libre pensée. Il ne fallut rien de plus pour que l'embrasement anti-catholique se manifestât : toutes les hérésies contenues au Moyen Âge se relevèrent en pleine fureur, soutenues par le glaive des grands et la dialectique des nouveaux docteurs de la foi. Après la Michelade de 1567 à Nîmes, la sénéchaussée de Nîmes et Beaucaire bascula du côté du parti huguenot. On sait la suite sanglante des guerres de religion qui, dans l'enthousiasme de l'extermination des mal-pensants, revêtirent les oripeaux de la croisade albigeoise avec les mêmes joyeusetés de la sainte Inquisition. Après la révocation de l'édit de Nantes, politique justifiée mais saccagée par les exactions des missionnaires de la Contre-Réforme encadrés de dragons, la persécution des réformés fut totale, et surtout contre ceux qui disposant de moins de biens, ne pouvaient s'exiler. Les nouveaux convertis du bout des lèvres passeront le mot à leur descendance afin que la revanche puisse être prise à la première occasion, ce fut la révolution française (clic). Finalement le feu ne s'éteindra qu'avec la déchristianisation !

L'église romaine a depuis lors abandonné la métaphysique et l'eschatologie au bénéfice de la charité ostensible dans un champ de compétences encombré de tous les bons et mauvais sentiments de la nature humaine, à se demander parfois si, au fin fond d'elle-même, elle croit vraiment encore en Dieu. Le désordre des idées et des mœurs n'y a jamais cessé, le Mal semble y avoir fait son lit. Les évolutions récentes de la papauté ramenées au message plébéien le plus facile à comprendre et diffuser, ne laissent pas augurer d'un sursaut moral suffisant quand le monde semble au seuil de la guerre. L'autoritarisme capricieux du pape en charge et la mièvrerie de l'universalisme catholique nous seront de peu de secours dans l'affrontement qui vient au sein de la chrétienté, car c'est bien de la guerre des patriarches qu'il va s'agir. Les âmes errantes des parfaits, marquées au feu de la persécution, ont-elles pu rejoindre l'Esprit ? Au moins seront-elles sauvées de l'apocalypse qui vient.


Biblio :
- RP. Antoine Dondaine, Durand de Huesca et la polémique anti-cathare, 1959
- Déodat Roché, Un traité cathare inédit du début du XIIIè siècle, 1961
- Christine Thouzellier, Livre des deux principes, Paris 1973
- René Nelli, Le phénomène cathare, Toulouse 1988
- Valérie Sottocasa, Protestants et catholiques face à la Révolution dans les montagnes du Languedoc, Annales 2009
- Sophie Poirey, La procédure d'inquisition... et (ctrl F) la bulle pontificale Si adversus vos (*), Caen 2012
- Jacques Chiffoleau, Bulle pontificale Vergentis in senium (*), Paris 2015

mercredi 1 mars 2023

La Françafrique a la peau dure

Dans son allocution préliminaire au voyage présidentiel dans le bassin du Congo, M. Macron a utilisé six fois le verbe "bâtir". Il a son plan, son programme, son intention affichée de défendre les intérêts français, ce que la Françafrique a toujours déployé. Le texte est accessible par ce lien. Nous eussions préféré qu'il revienne à Paris avec la liste des demandes récoltées auprès de ses quatre homologues, en nous donnant des pistes sur les voies et moyens d'y répondre. Non ! Il arrive en VRP pour fourguer ses produits. Vous ne voulez pas de mes aciers suédois ? prenez du belge ! Que voulons-nous à la fin ?

Il est difficile de démentir la propagande russe qui dresse des foules stipendiées contre notre paternalisme avéré quand nous venons apporter "nos" solutions à des pays dont nous avons sollicité une invitation. Car il m'étonnerait que Félix Tshisekedi, Denis Sassou Nguesso, Ali Bongo ou João Lourenço se soient dit un matin en se rasant dans la glace : et si j'invitais Emmanuel Macron ? Ils sont bien bons d'accepter la tournée du cirque ambulant, mais ils ont sans doute lu le brouillon de l'allocution de lundi, et apporté les corrections utiles si nécessaire.

Comme en campagne électorale, M. Macron a couvert tout le spectre des relations inter-étatiques allant de l'éducation jusqu'à la Culture bien sûr - on est en France - et au numérique - ce n'est pourtant qu'une question d'intelligence et pas d'argent ! Mais ce qui dans le texte prend le mieux la lumière c'est la refonte du dispositif de gendarmerie. Au jour d'aujourd'hui, la France maintient en Afrique du centre et de l'ouest, trois bases (Sénégal, Gabon et Côte d'Ivoire) et deux forts (Niger et Tchad). Sans trop solliciter les phrases de l'allocution, on peut comprendre que les forts sont adossés à l'insécurité régionale où ils servent d'appui et de centre d'instruction aux forces locales, et qu'ils n'ont pas vocation à perdurer, soit par extinction du djihad soit par l'acquisition de capacités autonomes suffisantes. Restent les trois bases, que M. Macron veut réduire et transformer en écoles tactiques pour les pays-hôtes. En fait, il s'agit chaque fois de conserver une drop-zone sûre pour intervenir au profit de communautés européennes menacées par d'éventuelles révoltes urbaines. On en revient à la stratégie des comptoirs du vieil empire des rois disparu. Où sont les bases anglaises, les bases portugaises, les bases allemandes... ?

Le volet des investissements privés n'est bien sûr pas oublié, même si les groupes internationaux français n'ont pas besoin de faire où M. Macron leur dit de faire. Vivent leur vie les Bolloré, CFAO, Nécotrans, Vinci, Total, Danone, Orange, Société Générale, Decaux, Carrefour, Pernod-Ricard et bien d'autres entreprises de taille moyenne qui n'attendent pas d'impulsion présidentielle pour prospérer, et qui ne vendent pas de "vacherie" aux Africains comme on a cru l'entendre dans le prononcé.

terminal conteneurs Dakar
Dubai Port World Dakar terminal

Dernière chose. La diplomatie française veut que la tournée présidentielle dans le bassin du Congo déborde largement sur tout le continent utile. De "l'Afrique" on en a plein la bouche. Est-il venu à l'esprit de quelqu'un qu'il était maladroit pour ne pas dire méprisable de parler de ces quatre visites sous le chapitre continental sans individualiser le message ? Ce que nous dirons à Luanda, sera bien différent de ce que nous dirons à Libreville, à Brazzaville ou à Kinshasa. Pourquoi globaliser à ce point ? Quand nous évoquons le Congo belge, nous oublions qu'il couvre 2,345 millions de km² et abrite cent millions d'habitants. Il possède des ressources minières importantes pour le marché international (cuivre, cobalt, diamants) et une agriculture d'exportation non négligeable (caoutchouc, café, bois d'œuvre). Ne mérite-t-il pas sa place entière dans l'allocution ?

Au final, on voit bien que le donneur de leçons que nous avions découvert à Ouagadougou en 2017 dans son discours de rupture présumée (clic) conserve ce ton professoral que nos amis africains supportent de moins en moins. Mais il est tellement fier de lui que rien ne l'arrêtera dans sa quête de reconnaissance au niveau mondial, à croire que nous ne saurons jamais tourner la page de l'africanité française.

NB: Le cas de Djibouti est à part. C'est la base navale qui gouverne nos intérêts dans l'Océan indien et participe à la sûreté des flux marchands débouchant de la Mer d'Oman vers la Mer rouge ou le canal de Mozambique et vice versa. Nous avons une base jumelle à Abou Dabi où réside le commandement de zone. Les deux sont hors-sujet.

Les plus consultés sur 12 mois