jeudi 31 janvier 2008

Oraison funèbre pour Louis XVI ...

… prononcée le 21 janvier 2008 en la basilique du Sacré Cœur de Marseille par le père Xavier Manzano, devant les Chevaliers de Malte et les Chevaliers et Dames du Saint-Sépulcre de Jérusalem lors de la messe de requiem pour le roi dite par Mgr Ellul, recteur de la basilique. La nef était bondée, l’assistance fervente.

Christ en majesté
(par courtoisie de Mgr Ellul qui a laissé un préambule à l'homélie sur son site)


Chers frères et soeurs,

21 janvier 1793. Froid matin d’hiver. Un homme monte sur l’estrade que couronne l’étrange machine à tuer qu’on appelle « guillotine ». Il est calme mais on veut lui lier les mains avant de le basculer sur la planche. Il se récrie : « Me lier ? Je n’y consentirai jamais ! ». Le prêtre qui l’accompagne l’apaise : « Sire, je vois dans ce nouvel outrage un dernier trait de ressemblance entre Votre Majesté et le Dieu qui va être sa récompense ! ». L’homme se laisse alors faire car il aime son Dieu. Il veut s’adresser à la foule assemblée mais les tambours lui couvrent la voix. On le bascule sur la planche, le couperet tombe. Le Roi est mort !

père ManzanoLe Roi est mort ! La suite du cri traditionnel, « Vive le Roi ! », personne ne le prononce et pour cause, le meurtre que l’on vient de commettre a précisément ce but : « Nous ne voulons pas condamner le Roi, nous voulons le tuer ! », s’écriait Danton au procès de Louis XVI. Le tuer, c’est-à-dire l’anéantir, l’annihiler, le faire disparaître à jamais. Lorsque le couperet tombe, ce 21 janvier 1793, ce n’est pas un homme qui aurait commis quelque erreur que l’on veut châtier, c’est un pur symbole que l’on veut abattre et liquider à jamais. On a voulu anéantir un principe au nom d’un autre principe. Pourtant, vous connaissez mieux que moi, chers amis, les détails des derniers instants du Roi, son souci de sa famille, sa préoccupation pour son peuple, son désir de pardonner, bref, tout ce qui fait la grandeur d’une personne humaine concrète à laquelle on veut arracher la vie.
Vous avez peut-être pu aussi considérer une fois dans votre vie un couperet de guillotine : expérience qui fait froid dans le dos. Oui, frères et sœurs, au-delà de toutes les célébrations et relectures historiques, il nous faut d’abord nous confronter à la froide matérialité du meurtre d’un être humain, à la lame d’acier qui tranche un cou et nous demander si un quelconque principe pourra jamais le justifier. De notre réponse, dépend, je le crois, notre avenir personnel et celui de la société que nous voulons bâtir. C’est sans doute en ce sens que notre célébration, outre qu’elle nous permet de prier pour un frère aîné dans la foi, nous pose une interrogation étonnamment urgente.

Alexandre Vialatte, avec sa verve et son ironie coutumières, écrivait : « Je ne voudrais dégoûter personne du crime joyeux et légitime. Il faut seulement savoir d’avance, et l’accepter, que tous les cadavres sont les mêmes. Utiles ou non, innocents ou coupables. Telle est, du moins, l’opinion de la mouche bleue. » Car le Roi Louis XVI, au cours de son procès, est opposé non pas à un tribunal qui aurait à juger de ses erreurs, mais à l’Assemblée Nationale, incarnation d’une volonté générale, qu’un Louis de Saint-Just s’évertuera à présenter comme une instance suprême et infaillible que l’existence même du Roi vient contester et détruire.

C’est donc un principe que Saint-Just brandit devant Louis XVI : la volonté générale comprise comme l’expression infaillible de la raison et de la morale, dernier avatar d’un Dieu relégué dans le ciel froid des abstractions. Saint-Just attend tout de ce principe, il en est le dogmaticien et le célébrant, la volonté générale librement exercée doit conduire l’humanité à la vertu, à l’équilibre et au bonheur définitif. Voilà pourquoi, selon lui, « les principes doivent être modérés, mais les lois implacables, les peines sans retour ». L’existence même de Louis XVI est donc pour lui un « crime », puisque la monarchie est « le crime ». Pour un Saint-Just, Louis XVI n’est pas une personne. C’est un principe, que l’on doit supprimer au nom d’un autre principe, l’humanité et son bonheur.

Commentant ces propos, Albert Camus y voit une sorte d’intempérance d’idéalisme : « Les principes », écrit-il, « sont seuls, muets et froids », précisément quand ils sont détachés de l’être humain concret, de ce que la pensée chrétienne appelle la personne. Et c’est peut-être, frères et sœurs, en ce sens que la mort du Roi Louis XVI est effectivement symbolique mais pas au sens où Saint-Just l’entendait.
En effet, trop de gens sont morts au nom de l’humanité et de l’idée que certains s’en faisaient. Trop de personnes ont été sacrifiées pour des « lendemains qui chantent » mais qui n’existent que dans l’imagination de ceux qui s’en servent. Trop d’êtres humains ont été supprimés pour que d’autres puissent adorer tranquillement les idoles de leur conscience. Oui, un principe mis au-dessus de l’être humain concret de chair et de sang devient une idole et, selon le mot du Psalmiste, « il a une bouche et ne parle pas, des yeux et ne voit pas, des oreilles et n’entend pas, pas un son ne sort de son gosier ».
Voilà pourquoi l’être humain envisagé personnellement, ainsi que nous l’enseigne l’Eglise, doit devenir la norme et la mesure indépassable de toute action personnelle ou politique. L’Evangile, frères et sœurs, nous invitent à ce réalisme à la fois humain et spirituel : nous croyons en un Dieu qui a pris concrètement notre chair et notre sang pour sauver chaque être humain de chair et de sang. Le principe est une expression de la rationalité humaine, la personne est une créature de Dieu.

Louis XVI a cru jusqu’au bout en ce Dieu qui l’a créé. Et c’est peut-être pour cela qu’il aime son épouse de tout son cœur de mari, ses enfants de tout son cœur de père. C’est peut-être pour cela qu’il offre son pardon à ses bourreaux qu’il considère avant tout comme des personnes, dignes d’amour et capables de repentir. Sa mort offerte, oui, peut alors nous apparaître comme une puissante leçon. Son espérance en Dieu et dans les hommes, jusque dans les affres de la mort, peut raisonner, à la lueur obscure de l’histoire, comme un « Plus jamais ça ! ».

Le Roi est mort ! Mais, plus encore, un homme est mort. Mais il a voulu mourir en aimant, comme le Seigneur en qui il avait mis sa confiance. Et c’est peut-être en cela qu’il n’a jamais été autant Roi, pas au sens où les hommes l’entendent mais au sens où le Christ le dit. En mourrant, il pardonne et c’est ce cri qui rachète le sang versé, ce cri qui constitue le ferment de toute unité humaine parce qu’il rejoint le cri, divin celui-là, poussé par un autre condamné au moment suprême : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » C’est pour cet homme, cet homme et ses bourreaux, tous êtres humains créés par Dieu, que nous prions.
Amen.
oeillet blanc


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mercredi 30 janvier 2008

Moulins de Sarkozy

Don quichotteJ'écoutais hier soir les déclarations de MM. Brown* et Sarkozy au 10-Downing Street, réclamer une régulation des marchés financiers, antienne de pure communication à nul effet sauf de justifier des fonctions qui s'avèrent être dans ce domaine, celles d'ombres chinoises.
Les flux de la spéculation financière mondiale représentent trente fois le PIB mondial, à ce que nous confie la Faculté de science-éco ! On sait que les cours du baril de brut ont été portés au niveau de 100$ par les contrats spot de pure spéculation ; les criquets s'en détournent-ils pour le cuivre ou le soja que le pétrole s'effondre et que les armées chilienne et brésilienne s'équipent alors contre le Vénézuela ! Quelle coalition d'états serait capable d'y tenir tête ? Aucune au moment, et un état même grand, encore moins tout seul. La France n'est pas de taille, et le projet de coalition qu'elle réchauffe en vue de sa présidence de l'Union européenne, n'intéresserait que l'Italie en pleine déconfiture politique, à la veille de se briser territorialement ...

Non au gouvernement fédéral économique européen supposé cadrer les décisions de la Banque centrale européenne de M. Trichet ! L'Allemagne n'en veut pas, car elle tient déjà ce rôle à elle seule et ne voit pas qu'un pays au seuil de la banqueroute (la France) béquillé par le parangon de la gouvernance bordélique, puisse l'obliger à négocier ses choix financiers et donc économiques.

L'autre grand de la planète Fric européenne, la Grande Bretagne, n'est pas prête à passer sous la coupe de M. Trichet, et gagne des milliards en spéculation de tous ordres, dont elle ne corrige les effets pervers que lorqu'ils la touchent directement sur son sol, mais jamais ne bride le fonctionnement quotidien. La City de Londres est redevenu un géant mondial dans ce qui n'est plus le marigot à caïmans d'autrefois, mais une sorte de conurbation mondiale, câblée à la fibre optique à grand débit, sur laquelle le soleil ne se couche jamais, et que d'aucuns ont nommé NyLonKong, un acronyme pour les trois cerveaux financiers terrestres qui nous dictent leur loi : New York, Londres et Hong Kong (Shenzhen va s'agréger mettant HK au niveau des deux premiers).

pulsar
S'il n'y a pas de gouvernement mondial - y en aura-t-il un jour au sens politique que nous lui donnons ? - il y a une galaxie "gouvernée" par l'anarchie des marchés, humeurs, rumeurs, trente fois plus grosse que notre planète bleue, qu'elle enferme.
Des esprits forts, alertés par la taille incongrue du phénomène, ont tout de suite pensé à le taxer (Tobin) pour résoudre les fractures civilisationnelles de l'espèce humaine, comme s'il était possible d'en capturer l'assiette fiscale ailleurs qu'au tableau noir. Ben Laden réfugié au Waziristan doit être plus facile à attraper qu'un flux spéculatif aussitôt externalisé. Mais sans doute le projet fumant de maîtriser la Spéculation va-t-il nourrir d'immenses cohortes de conférenciers et autres think-tankistes. Attendez-vous à un assaut général d'experts sur vos écrans, ça fait vendre le CocaCola et impressionne le bourgeois.

Ces évidences mettent en cause le concept de souveraineté nationale âprement défendu par l'arrière-garde de l'Ost gaulois. Le projet politique du président actuel est ruiné par la mollesse de la croissance européenne, le décrochage de la devise américaine plombée par les déficits monstrueux de l'hyperpuissance, et le défaut de contrepartie des junk bonds et autres subprimes pulvérisés sur tout le système bancaire international - en clair, par la patate chaude des gros risques. Lequel de ces paramètres est-il entre les mains du pouvoir français ? Aucun ! En fut-il de même dans le passé, sous les gouvernements éclairés à la lampe à huile de la V° République ? Oui !
La seule contribution notable de la France à la galaxie Fric était le marché des sucres blancs à Paris. Disparu en 1974 dans l'explosion de sa propre bulle !

Les moulins à vent de la Spéculation sont indestructibles, et l'assaut des responsables politiques, risible, voire populiste. Il est illusoire de vouloir maîtriser la Spéculation comme le prétendent MM. Prodi et Sarkozy ; un seul chemin pour amoindrir ses effets sur la vie de nos concitoyens : retrouver une puissance économique génératrice de capitaux et dividendes (financiers et sociaux), permettant à nos dirigeants d'entrer dans le Club et de manoeuvrer de l'intérieur à la marge. Ce que la Grande Bretagne a réussi et que l'Allemagne espère copier, la France devrait y parvenir après que le pays aura été réformé en profondeur et son Etat pachydermique recalibré.

Si l'on ne comprend pas que c'est la seule démarche susceptible de maintenir visible dans ce siècle une entité nationale appelée France, il faut tirer l'échelle !
A quoi bon s'épuiser à lutter pour un pays cabré par son orgueil ridule et battu d'avance au plan économique. La mondialisation tant décriée dans le camp souverainiste qui n'y comprendra jamais rien, doit être appréhendée comme un théâtre d'opérations extérieures (TOE). Avant, on donnait des croix aux Français qui s'y distinguaient ! Ceux qui s'y risquent encore - ils sont quand même plus de 1,4 millions - ne souhaitent rien d'autre qu'une meilleure pugnacité de la mère patrie, qui leur redonne une image offensive ailleurs que dans la restauration, le parfum ou la maroquinerie. Ils sont au front ; on serait bien avisé de les entendre de temps en temps ; certaines choses sont mieux perçues de l'extérieur.

missile asterLes fondamentaux de la métropole sont bons. Savoir-faire technologique de pointe, inventivité et adaptabilité d'une jeunesse intelligente et curieuse, goût inné de l'ingénierie et du développement scientifique, capacité de projection à l'extérieur des frontières de challenges personnels (rémanence de l'empire), démographie positive, terroirs riches et variés, une certaine fierté d'être français - quel bonheur d'entendre Jo-Wilfried Tsonga - et cette culture inimitable qui fait de la France le salon où viennent causer les esprits fins après le vacarme de la culture mercantile de masse.

Par contre les fondamentaux de la République sont épuisés. la semeuse de VGERevendication de liberté contrebattue par l'idéologie égalitariste, mise en coupe réglée des forces vives au motif d'une solidarité sans bornes, fraternité et connivence des puissants, justice de classe, opacité des projets politiques manipulés pour la Communication, train de vie somptuaire de pouvoirs précaires donc limités dans le temps d'exposition aux avantages de la charge, bureaucratie pléthorique - 1 fonctionnaire pour 3 actifs -, caisses désespérément vides sauf d'assignats, et surtout aucun dessein national.

Fonder le renouveau national sur le sursaut républicain à la manière des bonapartistes modernes est un escroquerie intellectuelle, ce régime est génétiquement celui de l'affaissement et du faux-semblant. Régime impécunieux et prodigue, la République a toujours cherché vingt sous pour faire un franc. Revenons au modèle qui construisit nos gloires anciennes, même si au pantographe de la mondialisation notre espace et notre influence ont fortement étréci. Du moins serons-nous à nouveau un noyau dur autour duquel d'autres viendront bâtir et ce faisant, le consolider.

*Post-scriptum :
Ceux qui s'ennuient de ce rabâchage doivent consulter les mouvements browniens de la Bourse pour amortir leur connexion Web et exercer leurs neurones.


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lundi 28 janvier 2008

A la proportionnelle

pupitre d'hémicycleLe projet institutionnel de l'Alliance royale prévoit de réformer le parlement après avoir séparé les affaires en deux domaines, régalien, hors du contrôle des chambres, et public, sous leur coupe. L'Assemblée nationale serait issue de collèges départementaux et le Sénat, de la proportionnelle intégrale. Bien sûr, le projet dans sa sagesse épargne les intérêts politiques du moment afin de les convaincre un jour de son bien-fondé.
Je pense que la réforme profonde de l'Etat ne pourra se faire qu'en temps de crise et que la fenêtre d'opportunité sera brève. Autant dès lors aller au fond des choses une bonne fois. Nous ne parlons aujourd'hui que du parlement. Même si l'Opinion (le peuple moderne) ne lui montre pas l'hostilité qu'elle avait à son endroit sous la III° République, elle le méprise et pour tout dire elle ne le ressent pas issu d'elle. Le conflit soulevé par le Traité Simplifié entre les doctrinaires du peuple souverain et les pragmatiques des chambres sans foi ni loi, a creusé un peu plus l'écart.
Remettre en route une monarchie passe par un recalibrage de la fonction législative et sa concentration sur les affaires publiques, exonérant donc les affaires régaliennes de son contrôle et souci. Il en résulte un abaissement des prérogatives du parlement d'un côté, mais de l'autre, une présence plus efficace sur son "coeur de métier". C'est ce que nous allons voir. Nous laissons le Sénat pour une autre fois.

Deux pouvoirs sont portés au Palais Bourbon, un pouvoir décisionnel et un pouvoir représentatif. Jusqu'ici il a été prétendu en France que l'un s'opposait à l'autre, plus on représentait large, moins on pouvait décider. D'où cette construction biscornue du scrutin majoritaire uninominal à deux tours par circonscriptions découpées selon les résultats à en attendre, destinée à fabriquer des majorités parlementaires ! En face de l'assemblée, une moitié de la France la regarde qui n'a jamais pu y entrer. Le pouvoir représentatif est gravement entamé.
Comment réconcilier les pouvoirs décisionnel et représentatif ? Par la force, mein Oberstgruppenführer ! Plus gentiment dit, en poussant les députés irrésistiblement à décider ! Si l'on y parvient, la proportionnelle est possible, et donc le pouvoir représentatif est amélioré, remettant dans le jeu politique les ailiers et les abstinents.

palais bourbon
L'Alliance royale veut extraire l'Assemblée nationale de quatre collèges départementaux : entrepreneurs, salariés, familles et collectivités locales. Il y a quelque chose de non-dit pour les deux premiers collèges : je vois mal l'Assemblée fonctionner entre le bloc des Medefs et celui des CGTs. Ce que feront celui des familles et celui des collectivités entre les deux premiers, m'échappe ; surtout sur mandat impératif. En outre je doute que le bétonnage des collèges départementaux puisse inciter aux réformes dont ce pays a besoin. Sauf à nous expliquer le pourquoi de l'a priori et surtout le pronostic a posteriori, c'est peut-être sur ce socle politique nouveau que le parti royaliste sera le plus critiqué. Le reste, fors le roi qui est une solution plus qu'un problème pour une V° République en mutation continue, est déjà dans les tuyaux. Merci monsieur le Président.

Réparer le déficit démocratique par la proportionnelle oblige donc à réfléchir au fonctionnement d'une pareille assemblée en France, pays de présidents et de partis.

Ce billet n'a pas la prétention de présenter tous les systèmes proportionnels, il est des accès en ligne (1, 2, 3, 4, 5 et plus) qui s'en chargeront mieux que nous. Notons que les méthodes mathématiques impeccables déroulées au XIX° siècle au titre du Progrès ont généré les pires contestations motivées par la frénésie des magouilles partisanes révélées ou subodorées, toutes destinées à fausser en amont le procédé mathématique pur.
Si l'on souhaite une représentation des opinions politiques du pays, la proportionnelle intégrale sur une seule circonscription (la France) est le plus sûr moyen de les voir toutes dans l'hémicycle. Elle implique un scrutin de listes national. Son inconvénient est la distance ressentie entre le député et le citoyen, quoique nous soyons nombreux à ne ressentir aucune proximité avec notre député actuel. Tout dépend bien sûr de la fonction réelle du parlementaire. Pourquoi monte-t-il à Paris ? Pour défendre ses électeurs, sa communauté, contre quoi ?, ou pour assurer une fonction indispensable au fonctionnement sage de l'Etat, réfléchir et approuver des lois de portée nationale, surveiller le gouvernement. A Paris il est plus normal de réfléchir à l'intérêt général de la Nation. La défense de ses mandants est mieux logée dans une assemblée régionale ou locale.

Si l'on souhaite quand même voir représenter le "pays profond" au palais Bourbon, il faut des circonscriptions électorales territorialisées au lieu de la liste unique. La circonscription de baillage est encore utilisée aujourd'hui dans le scrutin majoritaire uninominal ± d'arrondissement à deux tours. Quand la procédure est terminée, elle laisse de côté la moitié du pays au principe fondateur de la division démocratique ! On n'y peut plus rien, le complexe de majorité est dans les gènes de l'électorat. Les élections sont un match de coupe avec obligatoirement un perdant. Qu'elles ne le soient plus et la participation déjà faible tombera sans doute de moitié.
A accepter la division démocratique, il me semble que le système de scrutin uninominal au tour unique est le plus clair, le plus simple et partant le plus honnête : le premier arrivé monte à Paris. Qui peut contester un tel résultat ? La critique la plus forte contre ce procédé est qu'il laisserait de côté un total de bric et de broc souvent majoritaire en voix. A quoi nous répondons que c'est d'une part la situation actuelle dès que la procédure est instrumentalisée par les partis politiques, donc douteuse, et d'autre part que de la simplicité naît la confiance. On peut accorder une fraction des sièges de députés au total des brics et des brocs afin de les laisser parler, et sauver l'image du pouvoir représentatif.

On pourrait aussi faire des listes régionales ouvertes ou bloquées qui concourraient sur un nombre de sièges nationaux affectés préalablement à chaque province, voire constituer le parlement de Paris d'une partie des conseillers provinciaux, voire de leurs délégués. D'une manière ou l'autre, arriveraient sur les bancs de l'hémicycle des représentants aux opinions plus variées qu'aujourd'hui.

En dehors du mode même de scrutin, le ressort de la réforme du parlement est dans l'approche de la fonction par les impétrants. Aujourd'hui, un candidat député a un projet de carrière parlementaire, cocarde, gros traitement, retraite surprivilégiée, studio à Paris, meublé, draps chauffés. Il faut que la motivation redevienne politique et que le sens de la défense du bien commun prime la "gloire", l'avidité, la corruption passive. Réduire déjà fortement le traitement serait tout indiqué en surévaluant le "sacrifice" à consentir pour servir ses concitoyens. Etre intraitable en cas de corruption (en interdisant le sursis dans ce type d'affaires dès lors que le prévenu est parlementaire) pourrait redorer le blason de la représentation nationale. Si les députés sont pris au sérieux par leurs électeurs, peut-être le seront-ils en séance.

Dans un esprit de "banalisation" de la fonction parlementaire, je verrai bien le mandat unique, non répétible ; voire répétible une seule fois après marchandage constitutionnel. Par contre je ne vois aucune raison de limiter le cumul des mandats dès lors qu'on n'y fait plus fortune. Certains sont mieux disposés que d'autres à la chose publique. Le mandat à un seul coup aurait le grand avantage de renouveler le sang du parlement, d'éviter les dynasties, tout en se "privant" des compétences acquises d'expérience dont on n'a nul besoin dans cet exercice du pouvoir, et peut-être de mettre fin au comportement de potache en hémicycle qui a le don d'agacer singulièrement le contribuable spectateur des débats.

député de DaumierCeci étant posé, voyons maintenant la mission du représentant élu, dans le cadre d'un projet institutionnel semblable à celui de l'Alliance royale qui détache les pouvoirs régaliens de affaires publiques :
  • Contrôler le gouvernement des affaires publiques par le vote des budgets ministériels,
  • Voter le budget régalien et la liste civile en bloc,
  • Approuver les projets de loi soumis par le gouvernement,
  • Voter la confiance au gouvernement,
  • le censurer,
  • se saisir de projets de loi et d'enquêtes veillant à défendre l'intérêt général.


  • Comment faire converger les députés issus de la proportionnelle pour sauver le pouvoir décisionnel ?
    Le règlement ne doit compter que sur lui-même pour favoriser les convergences. Même si l'on peut espérer une prise de conscience de la puérilité des comportements antérieurs qui auront conduit à rappeler le roi et l'ordre, il faut baser la motivation du député sur ses intérêts propres. Le premier est la réalité de la prébende. Il faut la prendre en otage. L'homme est ainsi fait que les honneurs et le numéraire qui s'y attache, priment la sagesse. On gouverne par les vices mieux que par les vertus. Il convient donc d'aggraver les conséquences du "mauvais esprit" partisan et celles du blocage idéologique de principe.

    Censure par le shadow cabinet
    Il est une première disposition simple :
    Toute motion de censure parlementaire contre le gouvernement devrait être déposée par un gouvernement alternatif en attente. La motion serait conduite par le chef-candidat au gouvernement, celui-ci étant formé avant l'ouverture du scrutin (tout au moins les postes ministériels), et ce afin de prendre les affaires du pays en charge sans aucun délai à l'issue de l'éventuel succès de la censure. Finies les expositions médiatiques des chefs de l'opposition sur motion perdue d'avance.
    La censure provoquant l'alternance au gouvernement ne pourrait être suivie d'un refus de la confiance au nouveau cabinet sauf à entraîner la dissolution de l'assemblée.
    En revanche aucune loi ne pourrait forcer le consentement du parlement. L'article 49-3 est inique dans une enceinte démocratique et donne la mesure du mépris du pouvoir législatif dans la constitution.

    Dissolution budgétaire
    De même pourrait-on considérer que le refus du budget régalien, qui serait l'acte parlementaire le plus grave, entraînerait la chute du cabinet désavoué et dissoudrait en même temps l'assemblée, la cohabitation de deux étages (régalien et public) hostiles, étant jugée mettre en danger la sûreté de l'Etat.
    A l'étage des budgets ministériels votés par l'assemblée, on pourrait disposer que le refus d'un budget sectoriel entraînerait la révocation du ministre désavoué, mais une seule fois, le refus d'ensemble du budget "public" entraînant quant à lui la dissolution de l'Assemblée et quarante jours de viduité de l'hémicycle.

    Pilori médiatique
    Notons que la praticabilité du scrutin proportionnel est fonction de la recherche ultérieure du bien commun (voire intérêt général) par l'assemblée élue. Les représentants qui s'en écarteraient et manifesteraient des pulsions infantiles devraient être cloués au pilori de la presse (éternel 4è pouvoir qui promulgue l'indignité médiatique). L'empirisme organisateur prouve l'efficacité du procédé qui a ruiné tant de carrières. L'exercice de la démocratie parlementaire exige des qualités morales et une parfaite assimilation des rôles de chacun, selon que son parti participe ou non au gouvernement. Il importe que l'opposition joue pleinement son rôle en s'opposant systématiquement aux projets du gouvernement afin qu'il pousse sa réflexion jusqu'à ses derniers retranchements. En revanche, il devrait être réputé indigne de la part de partis coalisés de trahir la coalition avant l'échéance posée au moment de sa formation. Quelle liberté leur resterait-il, me direz-vous ? Celle de légiférer avec pénétration et sérieux.

    députés daumier
    Certes, on sait que les démocraties française et italienne ne sont pas matures (chantage des mini-partis coalisés, blocage par tsunami d'amendements, champagne en séance pour fêter la censure, claquements de pupitres, hurlements festifs, horions festifs, etc.) et que des artifices de loi électorale dénaturant complètement l'expression des choix populaires sont nécessaires pour y obtenir des majorités, parfois précaires, ce qui est le comble ! Ces assemblées "jouent" à la démocratie sur des schémas combinatoires usés qui ont multiplié les preuves de leur inanité et les déconsidèrent ; ce qui indique peut-être, qu'à la réflexion, la démocratie parlementaire n'est pas faite pour ces pays latins ! Il faut en tenir compte.
    A ceux qui rêvent de mettre fin aux partis en France, je signale que ce pays est l'héritier des Gaules.
    Reste à écrire le règlement d'assemblée ... pour lever le diable caché dans les détails.

    Réclamation personnelle : Aucune question au gouvernement ne devrait pouvoir être lue en séance. C'est un exercice oral qui réclame de l'aisance - on est en France, merde ! - et pas une récitation de CM2 ânonnée par des néandertaliens, comme on le voit chaque mardi, à tirer dans le poste ! Que les cons restent assis !
    Fin de la réclamation.



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    samedi 26 janvier 2008

    "Nobody takes culture more seriously..."


    couverture TimeLe désormais fameux dossier de Time Magazine massacrant la culture française, avait suscité une vive réaction de l'ambassadeur des Etats Unis à Paris, réaction dont nous reprenons ci-dessous l'essentiel de l'original après en avoir fourni la traduction "belle infidèle" dans un billet précédent...:
    « I was happy to read your assertion that "Nobody takes culture more seriously than the French." That's right. Cultural creativity is alive and well in France — and in French. The French Culture Ministry spends $4.4 billion a year on the development and nourishment of culture, and I have never heard a word of complaint about the cost. The wonderful thing about "culture" — its very essence — is that it doesn't have an expiration date. Culture is not a competition. The United States and France share a high regard for culture, and for more than two centuries, our respective cultures have been intertwined — and reinforced and challenged by each other. (Craig R. Stapleton, ambassadeur des Etats Unis d'Amérique à Paris) »

    La France et les Etats-Unis d’Amérique sont intimement liés l’un à l’autre, en effet, et ce aussi bien historiquement que culturellement… Cependant le texte de Son Excellence Stapleton me laisse perplexe, et je le soupçonne de nous brosser dans le sens du poil, de défendre cette culture française dans le strict cadre diplomatique de la plus élémentaire politesse que l’on attend d’un ambassadeur.

    Je ne peux m’empêcher de soupçonner que SE Stapleton ne semble pas avoir approfondi la question et ne s’en tient finalement qu’à donner deux exemples sporadiques, les plus évidents certainement, mais les plus singuliers aussi, ce qui me permet de douter du bien fondé de leur utilisation comme révélateurs de dynamisme et d’importance de la culture française hors les murs, et a fortiori outre Atlantique.

    Certes, la « French Touch » jouit outre-atlantique d’un beau prestige dans les milieux huppés, entre le restaurateur des quartiers chics et le décorateur frenchie à la dernière mode etc., les Américains fortunés semblent se passionner pour ce que l’on pourrait percevoir comme une certaine idée de la France.
    Mais ce qui peut intéresser les Américains dans tout ceci, n’est pas à proprement parler l’aspect culturel typiquement français, ce « goût » que tout le monde nous jalouserait, seulement l’idée qu’ils se font de la réussite, et les moyens d’en faire étalage, ce n’est que faire valoir.
    Ainsi Louis XIV est considéré comme un « self-made man », Marie-Antoinette comme une Lolita trop gâtée, etc.

    Le riche entrepreneur yankee ne retient des aspects d’une culture que les fastes et l’apparat, avec pour toile de fond sa propre réussite affichée mais strictement observée sous le filtre de l’American Dream. Voilà pour le tableau.

    Force est de constater que la France actuelle et sa faillite ne passionne guère nos voisins d’outre-atlantique, encore que les clichés et les tares dont on l’affuble n’ont pas encore détrôné cet attrait typiquement américain pour le luxe - dont nous sommes encore a priori les meilleurs ambassadeurs - et effectivement, ils continuent à se rendre toujours aussi massivement dans nos boutiques, dans nos châteaux-musées…
    Il en ressort cependant que ces Américains se font une idée de notre pays qui oscille entre la Toile de Jouy et la carte postale de Versailles, manifestement eux qui n’ont guère d’histoire… apprécient ce pays, qui a été. Pourtant lorsque Le Nouveau Monde se penche sur l’Europe, le regard se situe entre le respect que l’on doit aux vieilles dames et la morgue d’une jeunesse sûre d’elle et arrogante.
    Son Excellence ne dit-elle pas que nos cultures se sont (aussi) challenged ?

    Alors, peut-être que cette France là est de ces vieilles personnes que l’on place dans un cadre, un musée de cire ; pourtant cette France, ils l’affectionnent, elle intrigue sincèrement les Américains de l’upper class. Mais une chose les freine, à croire que pour qu’ils aiment totalement la France, pour qu’ils l’acceptent, ils doivent nécessairement la dompter, l’acheter et la modeler, et que le cadre corresponde enfin à leur monde, au nouveau monde qu’ils ont jadis conquis, bâtis.
    On sous estime trop fréquemment ce côté pionnier et bâtisseur qu’ont en eux les Américains, c’est atavique.
    Certes, les Américains aiment que leurs vins, leurs mets, leur mobilier soient estampillés « Made In France », mais à condition qu’ils soient à leur goût !
    Ainsi les vins sont parkerisés, les fromages pasteurisés, les huîtres javellisées et les châteaux dont ils sont mécènes ou propriétaires doivent répondre à l’idée qu’ils s’en font… Les meubles et antiquités qu’ils importent doivent se fondre dans leur décor, où le mauvais goût et l’extravagance sont roi… C’est Marie-Antoinette de Sofia Coppola, la reine en basket Converse, acidulée et rose bonbon…

    De fait la France semble devoir se soumettre à ce que les Américains pensent d’elle au risque que leur passion ne s’en détourne. Nous devons répondre à leurs attentes, quitte à les aguicher ! Ainsi « l’entente » dont parle l’Ambassadeur à ce stade n’est simplement qu’un dérivé du marketing, de la société de consommation, où lorsqu’un choix s’offre à soi, on prend indifféremment ce qui nous plaît, en jetant négligemment le reste. A ce stade, la consommation n’est pas un échange, elle est unilatérale.

    Dans l’individualisme ambiant, l’on trouverait cela presque normal. Pourtant cela peut s’avérer désastreux, car ce sont des pans entiers de patrimoine qui se retrouvent fragilisés, attaqués par ses protecteurs affichés. Un mécène n’a pas de droit sur ce qu’il finance.

    Aussi lorsque Son Excellence vante les milliards unanimement attribués à la Culture en France, quoiqu’il n’en pipe mot, deux sons de cloches s’affrontent pourtant…
    Opposant deux conceptions de l’incursion de l’Etat dans la culture, d’un côté, les thuriféraires de l’argent public, ce dont la culture n’a jamais assez*, voudraient que l’Etat-prodigue- donne sans compter. Et en face ?
    En face, il y a les autres, adorateurs de l’argent privé, de la défiscalisation des œuvres d’art, ils prônent une conception plus ouvertement libérale (qui serait proche de celle défendue par les auteurs de l’article initial du Time Magazine), et pour qui la culture ne devrait pas être la danseuse des politiques, mais la question de ceux qui s’investissent, exposent, achètent, de ceux qui font « vivre » la culture et, ... accessoirement le fait des artistes :

    La polémique ferait presque rage, l’on se bat à coup de pétitions, à coup de guest-stars, de comités de soutiens... Les intellectuels millénaristes et pétitionnaires des Inrocks notamment invoquent la culture assassinée, privée d’argent de poche. Et les artistes qui se rebiffent réclament le droit de respirer. Ils viennent à ce propos de publier dans le magazine Artension une pétition pour la Restauration du Sens plutôt que des colonnes de Buren et dont Royal-Artillerie s’est naturellement fait l’écho.

    Au delà de cette querelle, il est important de remarquer qu’en France apparaît une autre dichotomie dans l’approche de la culture par le pouvoir, et celle-ci, plus insidieuse voire cruciale, réside entre le concept « universel » d’une culture oecuménique chantre de Grands Principes aux relents des Lumières, et, la spécificité française, pour ne plus dire son « génie », pendant plus national et chauvin, quoique ces sentiments soient non avoués…

    Outre le ridicule que peut avoir cet étalage de culture à double sens, mal digérée, il en résulte pour la France une certaine mise à l’écart et un repli sur elle-même quasi autarcique.
    Attendu que la France n’a plus les capacités qui devraient aller de pair avec son orgueil, soit dit en passant, c’est une très mauvaise pub, même au sein de la « francophonie », l’arrogance gauloise est souvent mal perçue. En effet, si la France est raillée hors les murs, son influence remise en cause, alors, il ne lui reste plus qu’à se recentrer sur elle-même, au coin. Ce ne serait pas forcément un mal si toutefois nous lâchions l’universalité du discours culturel, et si nous chaussions enfin une chaussure à notre pointure.
    French paradoxe ?

    Conséquemment, les artistes français ne font pas vraiment partie du marché de l’Art, ou si peu. Tout au plus quelques uns arrivent-ils à avoir une renommée mondiale, mais le gros des troupes évolue en vase clos**, leur cote n’est pas reconnue et dès lors que les stars franco-françaises veulent jouer dans la cour des grands, les prix ne décollent pas, le public ne suit pas…
    Parce que la participation de l’Etat est bien trop importante ; rappelons qu’elle va de la base, l’enseignement de l’art à la reconnaissance des artistes, à leur insertion dans le marché national ; il s’est petit à petit créée un « académisme », un « goût » qui, s’il peut trouver sa place dans les fondations régionales, ou nationales d’arts plastiques, est à mille lieues de la réalité du marché mondial*** où les artistes américains, britanniques et allemands (et très bientôt chinois et russes) se taillent la part belle.
    Pour Marc Fumaroli, si la France est une entreprise, le ministère de la culture en est le C.E… Qu’ajouter de plus ?

    Tandis que la France est le pays dont la politique culturelle est la plus présente, dont proportionnellement les subventions sont les plus fortes, les fruits que devraient porter cet arbre auquel l’on apporte tant de soin, sont bien amers…
    Ainsi le marché, le box-office n’est peut-être que la conséquence naturelle d’un problème qui se situe en amont de ce que l’on appelle une politique culturelle, qui résulte plus d’une simple gestion bureaucratique qui n’a pour seul aboutissement que sa propre existence. La culture s’auto-suffit en France.

    Alors, en quelque sorte, Son Excellence, lorsqu’elle oppose le calcul des « recettes » à la vitalité et à la valeur de la culture française, ne fait que prouver la situation de la culture en France, qui est celle d’une culture grandiloquente aux prétentions universelles, mais qui doit se contenter finalement de peu...
    Un prix par ci, une traduction par là, ne reste que l’inanité des beaux discours et des prétentions.
    Oui, « Nobody takes culture more seriously than the French » …

    scrutateur uncle Sam
    On lira avec intérêt les réactions de certains Français à l'article provocateur de Time Magazine en cliquant ici pour Olivier Poivre d'Arvor ; et ici pour celles de John Lichfield (The Independent), Bernard-Henry Lévy (The Guardian), Didier Jacob du Nouvel Obs, Edouard Launet de Libération, Gilles Martin-Chauffier de Paris-Match. Nous terminerons par le cri de Maurice Druon dans Le Figaro : "Uncultivated America!" I wanted to cry out. But no. The United States has many researchers, scholars, thinkers and artists of the highest level. Only they don't write in TIME.

    Note *: Pour preuve certains de nos musées font appel au mécénat privé et notre patrimoine architectural est dans le même état que nos finances !!! (sic)
    Note **: Exemple : des quelques 18 000 œuvres acquises par les FRAC depuis 1983, il y a 3800 artistes différents dont 60% de français.
    Note ***: Part de marché mondial, pour la période du 1er oct. 2004 au 30 sept. 2005 :

  • Etats-Unis d’Amérique : 58%
  • Royaume-Uni : 27% (seulement 4% en 1990 !)
  • France : 3% (35% en 1990, 9% en 95 et 5% en 2005)
  • Italie : 2%
  • Allemagne : 2%
  • Autres : 8%

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    vendredi 25 janvier 2008

    Einstein à la banque

    KervielLe Top-gun de la Générale est-il en fuite ? Il s'est mis à l'abri, nous dit son avocat, pour ne pas pénétrer sans doute dans le club des suicidés boursiers ou des staviskystes. Le trader pur malt cinq ans d'âge, formé à l'audit interne, aurait construit une banque dans la banque ! Et le président Bouton de nous expliquer sans s'étrangler que l'extraction du kyste étranger, cet alien à la Générale, laisse un trou dans le champ opératoire de 5 milliards d'euros ! Comprenons bien que la cicatrice présuppose une plaie ouverte de 30, 40 voire 50 milliards d'euros en positions, c'est à dire que le trader de base aurait engagé la maison à hauteur de tous ses fonds propres et bien au-delà !



    logo Générale
    Le problème de monsieur Bouton est que, sur la planète Fric, personne ne le croit ; sauf à accepter que notre énarque (promotion Rabelais 73) soit un touriste-financier de rencontre et que sa chaîne hiérarchique, issue pour l'essentiel de la haute fonction publique française, ne vaille pas mieux, et que les procédures universellement reconnues soient faillibles, et que tout le monde soit en danger ! Et s’il y avait la main d’Al-Qaïda sur le clavier ?
    Mais à coup sûr on peut lui reprocher d'avoir sérieusement plombé la cote lundi dernier en se défaisant fébrilement des positions extravagantes de sa banque virtuelle, cette fébrilité dénotant un manque de sang-froid, qualité nécessaire à tout banquier travaillant sur les opérations à levier. Mais monsieur Bouton n'est pas Oncle Picsou, ni banquier pur-sang. Kerviel, si !

    Ce vivier de pointures nationales qui passent pour des nains dès qu'elles prennent l'avion, a déjà coulé la réputation de la finance française. Rappelez-vous Haberer Jean-Yves (ENA 59) jeté du Crédit Lyonnais, renfloué de 15 milliards d'Euros par l'Etat, Bon Michel (ENA 71) jeté de France Télécom, grevée de 70 milliards d'euros de dettes à découvert - il fait du management-conseil aujourd'hui ! -, Messier Jean-Marie (ENA 82), jeté de la Générale des Eaux devenue Vivendi Universal, le parangon du délire monomaniaque onéreux. Cela continue donc. Le Stewie Wonder de la haute finance, Trichet Jean-Claude (ENA 71), est barricadé à Francfort dans son délire anti-inflation quoique cela puisse coûter aux économies de l'Euroland en désarroi. Son refus de coordonner en temps de crise mondiale la politique de la BCE avec celle de la FED est proprement criminel. Mais il n'a pas été formé à ces questions. Ce n'est qu'un haut comptable sans esprit. Il faut téléphoner à Ravaillac et se défaire de ce remugle de la chiraquie imposé aux Européens non pour ses compétences mais sur le billard du marchandage à trois bandes franco-allemand.

    écran du FOREX
    Comment ne peut-on leur barrer l'accès aux affaires sérieuses ? Elémentaire, mon cher Watson, c'est impossible : depuis les nationalisations de 1981, la caste énarchique a investi le monde mathématique de la banque au détriment des "industriels", plus ouverts au calcul mental et à l’intuition, et moins obsédés par le parapluie. Ceux qui avaient les qualités requises sont partis faire la fortune de la City de Londres ! Des énarques, Vous en "tuez" dix, il en repousse cent. A tel point que des anciens élèves comme Juppé et d'autres proposent de fermer l'ENA pour débloquer l'Etat.

    Revenons au Top-gun Kerviel. Imaginons les circonstances de l'embrouille avec l'aide professionnelle d'un ami trader de la Barclays qui réclame l'anonymat sinon un virement conséquent à Cayman Island. En croisant Einstein et Fantômas, nous dit-il, on pourrait monter une banque virtuelle dans la banque réelle, qui a quelque chose de virtuel elle aussi sur les marchés de grand vent comme les dérivés d'indices. Ce serait donc, ainsi que le reconnaît le patron de la Générale, une banque secrète manipulant des sommes énormes à hauteur des fonds propres de la "maison mère", et ceci au milieu d'une salle des marchés peuplée de dizaines de traders au travail, tous face à des écrans donnant les positions au dixième de seconde. On voit déjà le défi ! Par contre cette banque virtuelle fabuleuse ne pourrait pas vivre plus de quelques jours à deux ou trois semaines avec une chance inouïe, car il y a des fusibles sur les positions qui sont coupées en cas d'emballement. Quelqu'un les a-t-il neutralisés ? C'est là que se cache le noeud gordien. Un an de cachotteries est impensable à notre ami, sauf à diffuser du gaz moutarde dans les bureaux d'audit interne. Il recommande donc de prélever l'ADN de sa maman et de cloner le rejeton, mort ou vif.

    salle des marchés
    La logique du marché des options et dérivés est expliquée en cliquant ici. Ce n'est bien sûr que la base, et pour l’aspirine cliquez ici.

    Pour finir, nous ferons remarquer que le capitalisme anglo-saxon a aussi des accidents, à la différence près que ses patrons douteux ou incompétents dorment en cellule. Ici, la République commence par les fumigènes - les déclarations du ministre de l'économie et des finances sont lamentables de niaiserie - puis leur laisse la Légion d'honneur et les bénéfices de leur charge.

    On pourrait conclure sur l'impérieuse nécessité d'une régulation du capitalisme mondial au moment où s'ouvre à Davos la grand-messe solennelle du Veau d'Or, et bla bla bla, mais des coups d'épée dans l'eau nous en donnons suffisamment déjà. Attendons les détails croustillants à moins que …… mademoiselle Bruni n’aille se baigner nue dans les vasques de la Concorde à l’ouverture de l’audience correctionnelle, ce printemps !


    Mamzelle Carla
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    jeudi 24 janvier 2008

    La lettre de Turgot

    Attali songeurQue restera-t-il des 300-Décisions de M. Attali après les municipales ? Le préambule en forme de lettre de Turgot au roi ! Le Point avait ouvert le feu en faisant sa dernière couverture sur La Cour ! Jacques Attali a de l'humour à longue mèche.
    Se souvenant que la surdité du roi Louis XVI aux propositions du ministre Turgot lui coûta plus tard sa tête, le président de la V° République dut moyennement apprécier l'ironie du conseiller Attali, quand on lui apprit au même moment que les Français, lassés des outrances de la communication élyséenne, avaient cédé au désamour.
    Laissons les 300 décisions au débat inutile des parlementaires, elles heurtent de front tous les corporatismes et tabous nationaux, et seront donc archivées avec des milliers d'autres. Profitons-en pour relire cette lettre que Turgot écrivit au roi le soir de sa nomination comme Contrôleur Général. Elle est toujours d'actualité. Et le pouvoir reste toujours aussi sourd. Jacques Attali a de bonnes lectures.

    Sire,

    TurgotEn sortant du cabinet de Votre Majesté, encore tout plein du trouble où me jette l’immensité du fardeau qu’elle m’impose, agité par tous les sentiments qu’excite en moi la bonté touchante avec laquelle elle a daigné me rassurer, je me hâte de mettre à ses pieds ma respectueuse reconnaissance et le dévouement absolu de ma vie entière.

    Votre Majesté a bien voulu m’autoriser à remettre sous ses yeux l’engagement qu’elle a pris avec elle-même, de me soutenir dans l’exécution des plans d’économie qui sont en tout temps, et aujourd’hui plus que jamais, d’une nécessité indispensable. J’aurais désiré pouvoir lui développer les réflexions que me suggère la position où se trouvent les finances ; le temps ne me le permet pas, et je me réserve de m’expliquer plus au long quand j’aurai pu prendre des connaissances plus exactes. Je me borne en ce moment, Sire, à vous rappeler ces trois paroles :

    Point de banqueroute ;

    Point d’augmentation d’impôts ;

    Point d’emprunts.


    Point de banqueroute, ni avouée, ni masquée par des réductions forcées.

    Point d’augmentation d’impôts, la raison en est dans la situation de vos peuples, et encore plus dans le cœur de Votre Majesté.

    Point d’emprunts, parce que tout emprunt diminue toujours le revenu libre ; il nécessite au bout de quelque temps ou la banqueroute, ou l’augmentation des impositions. II ne faut en temps de paix se permettre d’emprunter que pour liquider les dettes anciennes, ou pour rembourser d’autres emprunts faits à un denier plus onéreux.

    Pour remplir ces trois points, il n’y a qu’un moyen. C’est de réduire la dépense au-dessous de la recette, et assez au-dessous pour pouvoir économiser chaque année une vingtaine de millions, afin de rembourser les dettes anciennes. Sans cela, le premier coup de canon forcerait l’État à la banqueroute.

    On demande sur quoi retrancher ; et chaque ordonnateur, dans sa partie, soutiendra que presque toutes les dépenses particulières sont indispensables. Ils peuvent dire de fort bonnes raisons ; mais comme il n’y en a pas pour faire ce qui est impossible, il faut que toutes ces raisons cèdent à la nécessité absolue de l’économie.

    Il est donc de nécessité absolue que Votre Majesté exige des ordonnateurs de toutes les parties qu’ils se concertent avec le ministre de la finance. Il est indispensable qu’il puisse discuter avec eux en présence de Votre Majesté le degré de nécessité des dépenses proposées. Il est surtout nécessaire que, lorsque vous aurez, Sire, arrêté l’état des fonds de chaque département, vous défendiez à celui qui en est chargé, d’ordonner aucune dépense nouvelle sans avoir auparavant concerté avec la finance les moyens d’y pourvoir. Sans cela, chaque département se chargerait de dettes qui seraient toujours des dettes de Votre Majesté, et l’ordonnateur de la finance ne pourrait répondre de la balance entre la dépense et la recette.

    Votre Majesté sait qu’un des plus grands obstacles à l’économie, est la multitude des demandes dont elle est continuellement assaillie, et que la trop grande facilité de ses prédécesseurs à les accueillir, a malheureusement autorisées.

    Il faut, Sire, vous armer contre votre bonté de votre bonté même ; considérer d’où vous vient cet argent que vous pouvez distribuer à vos courtisans, et comparer la misère de ceux auxquels on est quelquefois obligé de l’arracher par les exécutions les plus rigoureuses, à la situation des personnes qui ont le plus de titres pour obtenir vos libéralités.

    Il y a des grâces auxquelles on a cru pouvoir se prêter plus aisément, parce qu’elles ne portent pas immédiatement sur le Trésor royal. De ce genre sont les intérêts, les croupes, les privilèges ; elles sont de toutes les plus dangereuses et les plus abusives. Tout profit sur les impositions qui n’est pas absolument nécessaire pour leur perception, est une dette consacrée au soulagement des contribuables, ou aux besoins de l’État.

    D’ailleurs, ces participations aux profits des traitants sont une source de corruption pour la noblesse, et de vexation pour le peuple, en donnant à tous les abus des protecteurs puissants et cachés.

    On peut espérer de parvenir, par l’amélioration de la culture, par la suppression des abus dans la perception, et par une répartition plus équitable des impositions, à soulager sensiblement le peuple, sans diminuer beaucoup les revenus publics ; mais si l’économie n’a précédé, aucune réforme n’est possible, parce qu’il n’en est aucune qui n’entraîne le risque de quelque interruption dans la marche des recouvrements, et parce qu’on doit s’attendre aux embarras multipliés que feront naître les manœuvres et les cris des hommes de toute espèce intéressés à soutenir les abus ; car il n’en est point dont quelqu’un ne vive.

    Tant que la finance sera continuellement aux expédients pour assurer les services, Votre Majesté sera toujours dans la dépendance des financiers, et ceux-ci seront toujours les maîtres de faire manquer, par des manœuvres de place, les opérations les plus importantes. Il n’y aura aucune amélioration possible, ni dans les impositions, pour soulager les contribuables, ni dans aucuns arrangements relatifs au gouvernement intérieur et à la législation. L’autorité ne sera jamais tranquille, parce qu’elle ne sera jamais chérie ; et que les mécontentements et les inquiétudes des peuples sont toujours le moyen dont les intrigants et les malintentionnés se servent pour exciter des troubles. C’est donc surtout de l’économie que dépend la prospérité de votre règne, le calme dans l’intérieur, la considération au dehors, le bonheur de la nation et le vôtre.

    Je dois observer à Votre Majesté que j’entre en place dans une conjoncture fâcheuse, par les inquiétudes répandues sur les subsistances : inquiétudes fortifiées par la fermentation des esprits depuis quelques années, par la variation des principes des administrateurs, par quelques opérations imprudentes, et surtout par une récolte qui paraît avoir été médiocre. Sur cette matière, comme sur beaucoup d’autres, je ne demande point à Votre Majesté d’adopter mes principes, sans les avoir examinés et discutés, soit par elle-même, soit par des personnes de confiance en sa présence ; mais quand elle en aura reconnu la justice et la nécessité, je la supplie d’en maintenir l’exécution avec fermeté, sans se laisser effrayer par des clameurs qu’il est absolument impossible d’éviter en cette matière, quelque système qu’on suive, quelque conduite qu’on tienne.

    Voilà les points que Votre Majesté a bien voulu me permettre de lui rappeler. Elle n’oubliera pas qu’en recevant la place de contrôleur-général, j’ai senti tout le prix de la confiance dont elle m’honore ; j’ai senti qu’elle me confiait le bonheur de ses peuples, et, s’il m’est permis de le dire, le soin de faire aimer sa personne et son autorité. Mais en même temps j’ai senti tout le danger auquel je m’exposais. J’ai prévu que je serais seul à combattre contre les abus de tout genre, contre les efforts de ceux qui gagnent à ces abus ; contre la foule des préjugés qui s’opposent à toute réforme, et qui sont un moyen si puissant dans les mains des gens intéressés à éterniser le désordre. J’aurai à lutter même contre la bonté naturelle, contre la générosité de Votre Majesté et des personnes qui lui sont les plus chères. Je serai craint, haï même de la plus grande partie de la cour, de tout ce qui sollicite des grâces. On m’imputera tous les refus ; on me peindra comme un homme dur, parce que j’aurai représenté à Votre Majesté qu’elle ne doit pas enrichir même ceux qu’elle aime, aux dépens de la subsistance de son peuple. Ce peuple auquel je me serai sacrifié est si aisé à tromper, que peut-être j’encourrai sa haine par les mesures mêmes que je prendrai pour le défendre contre la vexation. Je serai calomnié, et peut-être avec assez de vraisemblance pour m’ôter la confiance de Votre Majesté. Je ne regretterai point de perdre une place à laquelle je ne m’étais jamais attendu. Je suis prêt à la remettre à Votre Majesté dès que je ne pourrai plus espérer de lui être utile ; mais son estime, la réputation d’intégrité, la bienveillance publique qui ont déterminé son choix en ma faveur, me sont plus chères que la vie, et je cours le risque de les perdre, même en ne méritant à mes yeux aucun reproche.

    Votre Majesté se souviendra que c’est sur la foi de ses promesses que je me charge d’un fardeau peut-être au-dessus de mes forces, que c’est à elle personnellement, à l’homme honnête, à l’homme juste et bon, plutôt qu’au roi, que je m’abandonne.

    J’ose lui répéter ici ce qu’elle a bien voulu entendre et approuver. La bonté attendrissante avec laquelle elle a daigné presser mes mains dans les siennes, comme pour accepter mon dévouement, ne s’effacera jamais de mon souvenir. Elle soutiendra mon courage. Elle a pour jamais lié mon bonheur personnel avec les intérêts, la gloire et le bonheur de Votre Majesté.

    C’est avec ces sentiments que je suis, Sire, ...

    Anne Robert Jacques Turgot
    Compiègne, le 24 août 1774


    couverture du Point


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    mardi 22 janvier 2008

    La République des Bureaux

    chef bureaucrateIl en est certain qui dénonçait autrefois la suffisance des bureaux, leur goût du classeur, la graphomanie fébrile de règles à leur bénéfice, leur créativité cancéreuse à l'administration de la Cité. Malgré la complexité moderne de nos sociétés complètement dirigées d'en haut, il sursauterait quand même s'il revenait, en apprenant qu'on ne fume quasiment plus en public, que les clochards sont encartés à l'Assistance publique, que tous nos rapports avec les administrations nombreuses, sont "tracés" dans des bases de données électroniques, certaines au doux nom de "Safari", que nos titres de transport enregistrent nos va-et-vient, et que les manifestations les plus voyantes sont celles de malheureux "sans-fiches" !

    Il est un exemple frappant, celui de la carte orange francilienne rebaptisée électroniquement Pass Navigo. L'une comme l'autre sont nominatifs et sans limite d'utilisation autre que les zones tarifaires souscrites pour une période donnée. Pourquoi ? Simple réflexe bureaucratique : il faut identifier l'usager bénéficiaire. On ne peut, que je sache, voyager à 2 sur le même trajet à la même minute avec une seule carte. Vous avez la carte ou pas. Pourquoi est-il interdit de passer la carte à quelqu'un d'autre quand vous ne voyagez pas ? C'est une carte de transport, pas d'identification ! Et bien non, l'esprit de flicage est enkysté à tous les guichets, passer la carte est un délit ferroviaire punissable d'une forte amende. Vous contrevenez au flicage national de normalisation.

    Prenons cette fois l'exemple d'une recherche d'emploi. A la moindre requête, On vous évalue, vous jauge. Qu'il faille produire un curriculum vitae pour un poste de responsabilité, soit ! En êtes-vous capable, saurez-vous diriger les autres, détenez-vous ces compétences ? D'accord. Mais pour un emploi non qualifié, seule devrait compter la période d'essai (la plus courte possible d'ailleurs). Qu'est-il besoin de connaître la vie antérieure du candidat quand il ne s'agit que de tâches d'exécution. C'est au pied (et en haut) du mur qu'on voit le maçon. Non ! Le moindre bureau, le moindre comptable d'entreprise voudra savoir. Il faut savoir ! Dès fois que vous voleriez la pioche !

    A ce point de l'article, je critique la participation de royalistes à la guéguerre anti-CPE, mesure qui visait à simplifier au minimum les relations entre les candidats non qualifiés désirant travailler et les employeurs ayant des heures de travail disponibles. Les cohortes universitaires (donc non concernées par le contrat) ont participé à la défense des Bureaux ! Tous ces bureaux qui "gèrent" la force de travail à travers les obscurités du Code le plus lourd du monde, se trouvaient dépossédés d'un soupçon de pouvoir par le CPE. Dommage de nous être égaré à défendre la Matrice.

    Les Bureaux prolifèrent, il n'est de jour qu'on n'annonce l'ouverture d'un nouveau. Les prochains seront lancés sur les "Quartiers" pour la coordination du plan Amara, dotés de 20 millions d'euros chacun, ce qui est énorme mais bien dans l'air du temps où il faut faire "gros". Allant au plus près, j'ai dénombré les "bureaux" présentés dans le bulletin pratique annuel de ma commune de 33330 habitants :

    Les services classiques d'abord :
    - Accueil (3 agents au comptoir en permanence), Archives, Etat-civil, Urbanisme, CCAS (Action sociale), Education-enfance, Police municipale et Services techniques (bâtiments, ordures, voirie, jardins, cimetières et marchés), Conciliateur de justice.
    Les services de confort :
    - Bibliothèque, Sports, Logement social, Crèches (6), PMI (protection maternelle et infantile), Foyer des migrants, Busphone à la demande, Dispensaire municipal, Pôle emploi (et Cyberemploi) qui doublonne avec l'ANPE et l'AIDE intercommunale, installées sur la commune, Foyers-restaurants (2), Maison de retraite publique, Bains-douches (ce n'est pas un night club).
    Les services d'apaisement électoral :
    - Info retraités, Prévention jeunesse (centres de vacances), Trésorerie locale, Centres de loisirs (6), Pépinière d'entreprises, CLIC (Centre Local d'Information et Coordination) des retraités, Ecrivain public, Conservatoire municipal de musique, Musée municipal dédié à l'activité locale de base, Théâtre municipal, maisons de quartier (5), salles des fêtes (2).

    Sont aussi présents sur la commune les bureaux départementaux courants comme la CPAM, le Planning Familial et la Caisse d'Allocations familiales.
    J'en ai certainement oubliés ou pas vus au niveau de la coordination d'ensemble.

    Viennent ensuite en renfort les associations (donc a priori gérées par des bénévoles) : la liste est longue ; j'en ai dénombré 20 pour l'action sociale, 10 pour la santé, 70 pour la vie culturelle et les loisirs, soit une centaine, toutes actives ; la foire annuelle aux associations est populeuse et très courue. Le problème n'est pas avec elles, mais avec les services municipaux ou antennes départementales qui dupliquent les domaines d'action ou d'intérêt, subventionnent pour surveiller, et finalement chapeautent tout ça. La différence d'attitude est nette : les bureaux avancent la main paume en dessous pour montrer leur pouvoir - ils n'en cèdent jamais une once - et évaluent en continu leur environnement et les individus qui s'y meuvent pour adapter l'action politique et la communication qui la soutient. Les associations tendent la main simplement, attentives à la situation momentanée du requérant et à sa cotisation ! C'est tout ! Le cas-type c'est les Restos du Coeur. Il y en a un aussi chez moi, pour pallier aux 35h des bureaux peut-être ?

    Une société gérée par les associations est plus libre qu'une autre gérée par les Bureaux. Un ami revenant des Etats-Unis m'a bien expliqué cela. Les associations de votre quartier de résidence s'occupent de tout, jusqu'à l'école des enfants, et vous devez cotisez à chacune d'entre elles. Il va sans dire que ce mode de gestion sociale met tout le monde sur un pied d'égalité, et parfois suscite des accommodements temporaires avec les usages si apparaît une perturbation dans la population agglomérée sur cet espace. Administration huilé. Peut-être que le monde associatif correspond moins à l'individualisme français exacerbé par l'existentialisme sartrien, mais en vérité, c'est un exercice sain de démocratie de proximité immédiate, qui forme vite à l'exercice de choix politiques plus larges. Dans notre propagande pour une helvétisation, ça le fait ! :)

    le fonctionnaire de Peter VosBien sûr, au-delà du quartier ou de la ville, la société moderne sophistiquée dans ses échanges complexes, ses interactions, appelle la régulation des comportements économiques et moraux, à peine de sombrer dans le chaos. Le Président vient d'y ajouter le moteur de la foi ! Mais quand cette régulation s'uniformise sur tout l'espace politique, au principe d'égalité devant la loi, on atteint vite à la bureaucratie, que nous définissons ici simplement par, une arrogance qui applique en détail des choix décidés très loin au motif qu'ils sont écrits, là, sous les yeux morts du préposé ! L'article #. dans son paragraphe §. quinties 2. dispose que ... ! Taisez-vous !
    Le Bureau commande, alors que l'association écoute, ne serait-ce que par politesse.

    Alors quand on étouffe sous les règles, décrets, amendes et frais moralement indus, le pouvoir alarmé au souvenir de révoltes antérieures, dérégularise, élague, simplifie, au grand dam des Bureaux qui agitent aussitôt leurs bras syndicaux, prevenant le bon peuple qu'il va se retrouver, sans eux, tout nu, livré au monstre libéral. Cette éducation du peuple à la protection des Bureaux est infusée en intraveineuse dès l'école. A commencer par le bon exemple de la grève à tous motifs que nos enseignants donnent à nos chères têtes bouclées et frisées. Et chaque année se succèderont dans l'éducation des masses ces défilés corporatifs qui ne font que participer à la protection des Bureaux, rarement à contester leur pouvoir.

    Vivre libre ou fier est hélas une posture.
    Aucun de nous, sauf à être très riche et abrité aux Iles Vierges, ne peut rendre sa carte d'identité, sa carte Vitale, son permis de conduire ou de chasse. Ceux qui y parviennent volontairement ou pas sont craints dès qu'ils sont découverts par le flicage de la normalisation nationale.
    Faites l'expérience de vous installer en autarcie dans un terroir reculé et comptez le temps que mettra la brigade cantonale de gendarmerie pour venir vous évaluer. Moins de 30 jours. Vous héritez de quelques arpents d'un oncle éloigné et vous décidez d'y vivre. Oubliez la mise en culture de votre petit bonheur plus loin qu'un modeste potager et trois lapins ! Il faut des autorisations pour "faire" le paysan, et se préparer aux cotisations, règles et droits qui en découlent ! La campagne est une illusion pour babacools, un livre ouvert aux regards, à tous les regards. Mais c'est plutôt en ville que les Bureaux veulent voir.

    Raybans Matrix
    Le ministère de l'Intérieur va financer en 2008 des milliers de caméras de voirie urbaine pour "évaluer" en live le comportements des braves gens, dès fois qu'ils ne le seraient pas tous ... Se créeront des bureaux pour regarder les nombreux écrans qui transmettront les images ; et des bureaux pour diriger ses bureaux et contrôler l'usage des images, dès fois que l'opérateur passe sa journée à pister le mari de sa maîtresse ou sa propre femme, et laisse traverser Ben Laden incognito en dehors des clous. En Angleterre, les Bureaux ont poussé le vice jusqu'à poser des haut-parleurs à côté des caméras de surveillance pour interpeller en direct le contrevenant, avant même qu'il ne contrevienne : "Vous, sir, avec le manteau en poil de chameau et casquette rouge, veuillez emprunter le passage-piétons qui est à un mètre sur votre gauche !". J'entends un lecteur rire et pourtant, c'est vrai ...

    Pour revenir un jour à une société libre et responsabilisée, capable de se passer de tous ces télécontrôles, cartes, badges et formulaires abscons, on mesure le fossé à franchir. Osera-t-on se rebeller tant nous sommes addictés au mors administratif ? L'infantilisation de nos habitudes, nos dévolutions, nos abandons consentis, nous l'interdisent. A moins d'une révolte générale, comme en Mai 68 : fameux ras-le-bol français qui précipite d'un coup comme le Ricard à la dernière goutte d'eau, tempête et casse tout, pour le déplorer ensuite en pleurant sur l'âge d'or enfui !

    bas-relief de §On étouffe ! Imagine-t-on la masse d'énergie humaine et d'énergie tout court, dépensées par les Bureaux, énergie qui ne peut être affectée à relever les vrais défis nationaux ? Le fonctionnement de la société française absorbe la moitié des richesses produites par l'activité de ses habitants. C'est énorme même si les pays qui nous entourent subissent un niveau de ponction étatique comparable. C'est surtout intenable longtemps, sauf à couler le pays dans le camp des nations subalternes qui attendent les ordres, caprices, bonnes et mauvaises intentions du Marché. Il est trop tard pour jouer aux quatre coins avec les grands d'aujourd'hui, nous avons laissé notre place par péché d'orgueil. Il faut lutter aujourd'hui pour recouvrer un premier rang continental, sur deux générations ! On y reviendra.

    Pourrait-on démocratiser un jour les choix de la vie en commun "à l'américaine" afin qu'ils ne soient plus dictés par des professionnels de la gestion des masses, voire des manipulateurs de foules, et pire encore par des plumitifs ? Pourrions-nous recréer ce forum antique où se débattait le quotidien de la Cité les yeux dans les yeux, entre deux déclamations de poèmes ou de programmes ? Sans doute faudrait-il commencer petit, mais sans traîner en chemin, car les Bureaux un temps abattus, sont comme les phénix, ils renaissent vite. Nous avons perdu le plaisir de la palabre, mais ne saurions-nous pas le retrouver, dès lors que nos anciens purent s'y exercer pour gérer leur quotidien commun ? En trois lignes, Charles Maurras évoquait nos "libertés basses" très simplement :

    « L’ancienne France votait beaucoup. Cela est oublié. Cela reste vrai tout de même. On y votait sur quantités d’objets pour lesquels le Français moderne reçoit avec respect les choix et les volontés des Bureaux. Dans telle commune du Valois ou de la Provence que je pourrais citer, les chefs de famille se réunissaient le dimanche devant l’église pour élire tantôt des magistrats chargés de la collecte des impôts, tantôt des maîtres chargés d’enseigner grammaire et calcul aux enfants » (Charles Maurras).

    Il serait temps de s'en occuper sérieusement. Fermons les Bureaux !
    A vous Nobel !


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    dimanche 20 janvier 2008

    Messe pour Louis XVI

    le roi Louis 16«Redites à vos concitoyens que j'aurais voulu leur parler à tous comme je vous parle ici.
    «Redites-leur que leur Roi est leur père, leur frère, leur ami, qu'il ne peut être heureux que de leur bonheur, grand que de leur gloire, puissant que de leur liberté, riche que de leur prospérité, souffrant que de leurs maux.
    «Faites surtout entendre les paroles, ou plutôt les sentiments de mon coeur dans les humbles chaumières et dans les réduits des infortunés.
    «Dites-leur que, si je ne puis me transporter avec vous dans leurs asiles, je veux y être par mon affection et par les lois protectrices du faible, veiller pour eux, vivre pour eux, mourir, s'il le faut, pour eux.» 
    (Louis XVI, roi des Français aux députations de toutes les gardes nationales du royaume le 13 juillet 1790, veille de la Fédération)



    Lundi 21 janvier, nous irons à la messe du roi prier pour lui. Non pour expier, ni pardonner ou plaindre, mais pour renouveler annuellement dans le silence de l'office des morts la grande interrogation : qu'eut-il fallu pour que l'Ancien régime ne le devienne pas, et que ce roi malgré lui s'accomplisse ? Personne ne s'étant aventuré à dérouler l'uchronie qui nous empêche parfois de dormir, nous en resterons aux regrets, sans colère.

    avis de messe à paris
    Comme Cortés brûla ses vaisseaux après avoir abordé au Mexique, les révolutionnaires se fermèrent tout chemin de retour en décapitant le roi à la face du monde. Le "tyran" abattu, on allait voir ce qu'on allait voir, tous égaux, la justice passerait dès lors "pour ce que vous avez fait et non pour ce que vous êtes", comme le brandissait il y a peu le sage de la Montagne Badinter, sans trop comprendre l'ironie ou la fabrication de fonder la justice de la République sur les flots de sang des suppliciés de la Révolution !

    "La nation française, alors furieusement championne en liberté comme en égalité (ose-t-on ajouter en fraternité ?) ayant déclaré la paix au monde, accordant son secours à tous les hommes épris d'émancipation, déclencha vingt-trois ans de guerre en Europe, au nom de cette Révolution qui "sans guillotine, écrivent les Goncourt, serait burlesque, sans le sang serait niaise". Au lieu d'unifier l'Europe, ces guerres attisèrent les nationalités. Cent ans de conflits aboutirent aux deux conflits mondiaux qui cassèrent définitivement les reins au continent de la civilisation et accouchèrent des régimes monstrueux que l'on sait. L'orgue à logos a toutefois récupéré de l'aventure un lyrisme qui sert quotidiennement à nos politiques d'à peu près tous les poils. (Pierre Debray-Ritzen - Ce que je crois -Grasset)


    Disons aussi qu'à la fin de la première tuerie européenne naissait en 1815 un certain Otto von Bismarck dont l'horoscope promettait un océan de larmes. Mais c'est vrai, le continent Europe a perdu son âme en même temps que ses fils par millions pour des idées neuves ! Pour faire naître l'homme nouveau, comme s'il y avait matière à modifier les comportements de l'espèce plutôt que d'usiner sur la meilleure cote de tolérance son éducation.

    Regardons émerger aujourd'hui les empires asiatiques qui reprennent la place qu'ils ont cédée à l'Occident ultramécanique au XVIII° et XIX° siècles. L'Inde et la Chine se regardent pour savoir laquelle des deux sera dans vingt ans la première puissance mondiale. Ce sont des titans qui sortent de l'océan tout ruisselants de leurs traditions trimillénaires qui les soutiennent mentalement. L'homme chinois - celui des deux que je connais bien - est adapté au siècle certes, mais foncièrement identique en moeurs, rites et mythes à ses ancêtres, dont le culte domestique et public n'est en rien diminué par la modernisation. Ils sont sûrs absolument d'être le sel de la terre, et vivent dans la proximité de leurs dieux sans respect humain ni bigoterie excessive parce qu'ils n'ont pas subi le feu des Lumières - 27 ans de maoïsme ne sont rien à l'échelle de l'Empire - , et d'ailleurs cette distance qu'ils maintiennent entre eux et nous ne révèle aucune crainte de leur part, sauf celle d'une contamination des esprits par nos "barbarismes". Les catéchismes politiques importés les laissent amusés, autant que nos remontrances. Nous inventons des "trucs impensables" qui n'ont jamais marché sur aucun des deux versants de l'Himalaya, prouvant ainsi que notre "quête de l'homme universel, interchangeable" est vaine et sa promotion arrogante.

    Le foisonnement des intérêts en tous sens n'augure pas d'un ressaisissement des peuples européens, à moins d'un impossible retour aux sources intellectuelles et morales qui firent l'Europe. Mais la sottise absolue du désespoir politique n'est pas avérée en ce cas, notre monde à nous est désormais si mal en point !

    PS : Le blogue d'Emmanuel Raveline fait une approche intéressante de l'historiographie du roi Louis XVI et une analyse de son testament, en plusieurs billets. On peut cliquer ici et pardonner l'orthographe.


    gerbe de roses blanches
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    vendredi 18 janvier 2008

    Au milieu des ruines

    donjon ruinéL'éditorial des Epées n°24 ouvre sur leurs autosalutations empressées. Publié quelques semaines après l'ouverture d'une succession dans la première chapelle royaliste de France, et même s'il n'y a pas d'intention ad hominem, on y lit au premier paragraphe ceci :
    « Depuis maintenant près de 7 ans qu'elles paraissent, Les Epées se sont installées dans le paysage intellectuel français : au milieu d'un champ de ruines ; ruine du royalisme qui n'est que l'ombre de ce qu'il devrait être, ruine du débat, ruine de l'engagement. A lors pourquoi continuer ? Parce que s'engager est vital, parce que le débat semble renaître, parce que le royalisme est une idée nécessaire. »
    Il n'est pas un vieux royaliste qui n'approuve le constat amiable. Et pour ma part, j'ai souvent dénoncé ici et ailleurs notre affaissement quant à la propagande de masse qui, pour certains cadres de chapelle, est inutile : l'Avènement sera "ex machina" ou rien ! Il faut s'inquiéter de la machina, en clair convertir la haute fonction publique ou la synarchie (que décrit si bien Olivier Dard dans l'article "X-crise" (p.31).
    Prenant à contre-pied cette diplomatie de "couloirs et conférences", j'ose, sans titre ni grade, prétendre que l'assentiment de l'Opinion sera un jour recherché, sinon avant, plus certainement après : dès lors il faut l'ensemencer.

    Et c'est là que nous découvrons les ruines !

    la Sybille au milieu des ruines
    Lire sur le site Web des Epées la rencontre avec Gilbert Comte, ancien secrétaire de Pierre Boutang, et "accessoirement" journaliste au Monde, nous en dit long sur l'érosion subie par le mouvement royaliste, même si les idées n'ont jamais disparu vraiment. Nous n'allons pas commenter le commentaire, et nous invitons le lecteur à prendre le temps nécessaire pour lire cet article édifiant de Tony Kunter. Au niveau du royaliste de base, j'ai eu les mêmes perceptions. L'école de pensée (les trois chapelles en font parties) ouverte par les grands maîtres a dérivé vers le harcèlement d'actualité, le marquage à la culotte des socialistes, le supplétif électoral contre-nature d'avance pardonné par le redoutable "compromis nationaliste". Bien sûr, l'Action Française d'avant-guerre était au front, chaque jour, et doublait la propagande de sa doctrine d'une polémique acérée qui tenait lieu de travaux pratiques. Mais cette guerre fut perdue. Deux fois. En certaines occasions, on se gausse de ces états-majors qui préparent la guerre du passé et n'ont pas d'imagination pour identifier les menaces futures, et lancer les longs développements qu'exigent les réponses. Le mouvement royaliste a commis ce péché grave en politique populaire : astiquer ses rétroviseurs avant de passer l'éponge sur le pare-brise. Heureusement qu'il n'était pas mortel !

    Alors, quels que soient les accommodements que nous trouverons avec l'histoire in petto, cessons par exemple les "explications" sur les intentions du Maréchal, et bien pire, celles visant à relativiser l'antisémitisme des années trente que la "pensée" unique" nous attribue généreusement tout entier. Ces disputes sont stériles, anachroniques, et je crois que la nouvelle équipe aux manettes du Centre royaliste d'Action française le sait. Je leur souhaite bonne chance pour tourner les lances vers les vrais défis. La moitié de "notre problème" réside dans la France de nos enfants, pas dans celle de nos parents :

    Retrouver une puissance économique digne de notre rang si nous voulons exister "Français" jusqu'au bout de ce siècle ! Se méfier dans ce sujet des émotions souverainistes qui ne luttent que pour la préservation des attributs de souveraineté, inversant causes et conséquences. Explorons sans a priori les outils de notre renouveau par tous moyens absolument, même ceux que peut nous offrir l'Europe, plutôt que nous abandonner au réflexe pavlovien franchouillard :

    Energiser la recherche des ultra-sciences comme les nanotechnologies, la physique nucléaire de production, à tous prix et sans affaiblir la recherche fondamentale. S'il manque des milliards, arrêtons les climatiseurs dans les hospices (traduction d'un propos de Jacques Attali que je partage) !

    Promouvoir le retour aux valeurs évidentes naturelles (en plus c'est très tendance de ne pas modifier la génétique !) sans verser dans les polémiques sociétales qui sont systématiquement instrumentalisées par les conservateurs du système mortifère actuel. Je n'irai pas à la marche Pro-vie.

    Poussons à reconstruire l'Etat sur des bases administratives diminuées de moitié au moins, en avançant des projets précis et lisibles ; sans cela la déperdition d'énergie qui nous met en banqueroute, continuera.
    Le format royaliste, débarrassé des connotations injustes qui le plombent, est le plus adapté et de loin, à cette contraction & durcissement de l'Etat renouvelé.
    Le deal qui vise à récupérer les quatre pouvoirs régaliens au profit d'un exécutif permanent contre l'helvétisation des pouvoirs locaux est à creuser.
    Mais ceci n'est que la moitié de notre problème.

    La seconde moitié ne nous concerne pas plus loin que le libre-arbitre des princes ne nous l'autorise :
    Le pays est près du fond, presque dans la même situation où le prenait en main la technostructure de la Quatrième République qui expédiait au FMI pour confirmation ses grands argentiers successifs. Notre FMI c'est la BCE de Francfort. Or dans cette époque très critique pour le pays, des princes nous n'entendons pas grand chose qui aide aux points évoqués ci-dessus, si tant est que nous entendions tout ; à l'exception notable du Duc de Vendôme qui construit une dialectique propre sur des sujets généraux éligibles au consensus. Nous aimerions qu'il creuse un peu les questions avec les conseils avisés que méritent ses espérances.

    Le Comte de Paris dont nous attendons avec impatience et curiosité les voeux de nouvel an, se cantonne aux relations mondaines nécessaires à sa maison, et laisse aux frontières de ses occupations la Gnose, où d'ailleurs il excelle.
    C'est avec tristesse que nous mesurons la distance que laisse le Duc d'Anjou entre lui et nos angoisses nationales. Je ne sais si le seul témoignage suffira à faire avancer la cause royaliste en France. Pour le moment nous irons à la messe du roi porter nos invocations au Ciel pour qu'il dote nos princes bien-aimés du sens politique nécessaire à l'approche du désastre.
    Au milieu des ruines, nous y serons bientôt.
    Sommes-nous patients ?


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