lundi 29 novembre 2021

Le doigt de Zemmour

Poires d'Honoré Daumier
Petite fatigue dans la campagne zemmourienne qui se vautre à Marseille par la faute d'une opposition frontale à un discours imprécatoire contre l'islam, les renoi et les rebeu. Marseille ! Il n'a rien lu sur Marseille, ce con ce fada ? Il fallait envoyer quelqu'un avant, qui aurait fait un petit reportage depuis les escaliers de Saint-Charles vers la Porte d'Aix en direction du Panier via les Carmes. C'est juste cool, un peu crasseux mais finalement cool, le jour, pour un mec, sans attaché-case, ni Rolex, ni RayBan miroir. Salam ! Finalement, il dut affronter ce que tout candidat politique rencontre, des mécontents, voire des agitateurs malveillants. Ça se traite !

Les chaînes en continu étaient aux cent coups, le week-end était plat, venté, gris, pluvieux et on avait tout entendu déjà de partout quand, faute de tempête ou de crue décennale, on a eu le doigt de Zemmour et la bite à Hulot ! Sauvé ! Les rédactions étaient sauvées. Les "grands magazines" que je ne regarde jamais avaient quelque chose à mettre en bouche des grands fellateurs du PAF. Mais revenons aux classiques.

Ainsi donc, à l'insu de tous, même la nomenklatura verte se tape les stagiaires comme un vulgaire président des Etats-Unis. "Il est à gauche l'obsédé ?" me crie de la cour ma concierge qui verse un seau de lessive au pluvial (c'est interdit). C'est fou ce que les gens comprennent vite qu'il suffit d'en être pour avoir libre pratique du chibre. Que Pascale Mitterrand ait été déboutée en 2008 et 2018 au principe de prescription ne purgeait pas le casier moral de monsieur Hulot, particulièrement chargé au sein du microcosme médiatico-mondain. Pour que Jean-Michel Aphatie s'en mêle, c'est qu'il y avait du matériau pour son livre ! Hulot, le préféré des Français depuis la mort de l'abbé Pierre, disposait à ce titre du totem d'immunité ouvrant wide shut l'omerta médiatique jusqu'à ce qu'un des leurs, en recherche de scoop, sorte le linge taché de foutre de la panière. Comme le fit avant lui Olivier Duhamel qui démissionna de tous ses postes de mandarin dans l'heure, le Vert galant jusqu'à la garde a quitté prestement toutes fonctions appelant du public au motif bien connu de protéger sa famille. La prescription semblant sûre, je conseille à M. Hulot, qui a du bien garé à gauche, d'embarquer sa famille pour les Bahamas et d'y rester. Le seul problème est que le vaisseau Jadot vient de se prendre une torpille par tribord arrière en plein dans la salle des machines ; déjà qu'il ramait à 7%, la suite va devenir compliquée.

Le pitre compilateur savant pour sa part ne risque rien. Un doigt "bien profond" contre un doigt muet ne lui enlèvera aucun lecteur et peu d'électeurs. Pas plus qu'il n'en gagnera ! Il a jusqu'à dimanche prochain pour briller au milieu de ses groupies, jusqu'à la certification du candidat officiel de la droite bourgeoise. Après quoi sa popularité devrait s'effriter lentement par lassitude des gens autant que par défaut de toise. Candidat déclaré (cette semaine), il entre au champ clos* où tous les coups sont donnés quand bien même ils ne seraient permis. Par amitié pour certains de nos lecteurs qui ont donné la pièce pour aller l'entendre vendre ses idées adossées à une histoire reconstruite et tordue en tous sens, je ne donnerai pas les défauts de la cuirasse, mais si je les ai vus, d'autres s'y affairent sans doute. Zemmour va dérouiller, et il est seul sur scène, même si le back-office est apparemment staffé.
* relire Brantôme


Chacun peut avoir de bonnes idées - nous sommes en France, un pays intelligent - d'aucuns peuvent croire qu'ils en ont de meilleures, mais ici, l'habit fait le moine et la façon de les exprimer compte beaucoup. Fébrilité, entêtement, fabrications, insultes ne font pas bon ménage dans l'isoloir. Mon grand-père me racontait l'étonnement du général de Castelnau, le capucin botté, aux piètres résultats électoraux qu'il avait reçus comme une gifle, après avoir fait la tournée de toutes les salles des fêtes et cinémas de l'Aveyron, pleins à craquer, applaudissant debout. Dans l'isoloir, chacun avait préservé ses intérêts particuliers quand ils n'avaient pas répondus à des promesses personnelles sur l'empiètement du chemin communal ou le branchement du hameau aux égouts. Il eut du mal à accepter qu'il avait pris le melon, ce qui chez lui avait ouvert la vanne des outrances par lesquelles il traitait de haut tout contradicteur. S'ils en rient comme tout bon public, les paysans n'aiment pas ça. Ça leur rappelle la morgue des grands propriétaires fonciers qui tranchent et coupent sur leurs parcelles sans égards pour leurs voisins. Eric Zemmour aurait besoin de soutiens actifs. Ses outrances les repoussent. Ça lui sera fatal. Désolé !

[1983°]

Tectonique des blocs électoraux

Va commencer la campagne électorale très bientôt. Avec l'arrivée sur le marché du candidat LR officiel le 4 décembre prochain et la mainlevée cette semaine aussi de l'hypothèque Zemmour, le band-wagon sera lancé. Qui ne le prendra pas maintenant n'y montera jamais... le sortant étant à part, pour continuer à bénéficier des avantages de la fonction et faire campagne aux frais de la marquise, mais quand tu tutoies le pape, tout t'est permis ! Il n'est aucun jour déjà que lui ou sa clique ne fasse irruption sur l'avant-scène médiatique pour maintenir éveillé l'intérêt des masses laborieuses et démocratiques comme le disait Georges Marchais (il nous manque !). Les médiats sont au maximum de puissance d'émission dans le même but, captiver l'auditoire qui renchérira l'Audimat (comprenez, le prix des quinze secondes de publicité). Mais les bâtons merdeux commencent à se compter, qui vont faire grossir la facture des déplacements : guerre des coquilles, Antilles, Nouvelle Calédonie, Brexit de Calais, rigueur budgétaire revenue à la Chancellerie de Berlin, prurit poutinien aux portes de l'Union et pour faire bon poids, l'Omicron austral. Miquet à la houppe a donc lancé la sienne campagne, toute en rhétorique ; il adore "expliquer" !

L'auditoire justement, quel est-il ? Mis à part les locuteurs étrangers non impliqués dans la vie d'une nation qui n'est pas la leur mais qui résident ici à millions, apparaissent dans la boule de verre quatre blocs distincts qui ne se mélangent pas. On aurait pu titrer ce billet "Typologie de l'électorat" mais c'est assez prétentieux. Commençons par les plus nombreux, ceux qui ne votent pas !

Bon an mal an, ils constituent maintenant la moitié des citoyens appelés aux urnes, non-inscrits et abstentionistes. C'est beaucoup pour avoir fait la Révolution que le monde entier nous envia. La moitié des non-inscrits sont de jeunes adultes ayant autre chose à faire que de la politique ou qui sont partis réussir ailleurs. Un tiers des non-inscrits sont des déclassés sociaux qui ne se sentent pas concernés par la Cité ou qui subissent parfois des avanies administratives qui les distancient des services publics. Le solde (17% donc) sont des anarchistes et autres asociaux de naissance qui ne reconnaissent pas la légitimité de l'Etat et moins encore celle des scrutins. Les deux dernières catégories sont figées, on y entre comme dans les ordres sans en jamais sortir. La première catégorie est évolutive, les individus passant ou pas vers les autres blocs. Les abstentionistes varient au fil des circonstances si les étals politiques n'offrent rien qui les branchent. Ils sont issus des quatre blocs dont on va parler maintenant et ne sont pas agrégés, donc divisibles et enrôlables (plus par là).

C'est donc la moitié seulement des citoyens qui va voter et infléchir la course des astres politiques. Cette moitié est constituée de quatre blocs sociaux, travaillés par des partis politiques qui cherchent à s'identifier à eux pour en obtenir les faveurs avant d'en prendre le commandement. Subséquemment on trouve les Indignés de Stéphane Hessel, les lève-tôt, les administrateurs à statut et les pensionnés. Leurs intérêts se croisent rarement mais on pourrait segmenter différemment. Ce qui est intéressant n'est pas de décrire dans le détail la composition de chaque bloc (on va le faire très brièvement ci-dessous) mais de les voir interagir pour déboucher in fine à former une majorité qui réalisera l'équation magique « e=50+epsilon/100 ». Pour les cerner, il ne faut pas se fier aux politiciens qui idéologisent le bloc concerné mais parler aux gens qui le constituent. Voisins, familles, bar-tabac, camping, transports en commun, manifestations diverses et variées donnent accès à l'échantillonnage. Libre ensuite à chacun de comprendre, de vouloir comprendre et de relever sa position géodésique.

animaux de Granville

Composition des blocs

Les Indignés comprennent les révolutionnaires, les insoumis, les réveillés (woke), les discriminés par auto-suggestion et les assistés sociaux de métier. C'est le syndicat des "droits à" et toujours plus. Les équilibres budgétaires sont refusés au simple motif que de l'argent, il y en a ! L'oisiveté est une occupation comme une autre. Chez eux, c'est à ras du sol ! Certains écologistes s'y font happer qui en meurent comme la mouche sur le papier-collant.

Les "lève-tôt" sont tous ceux qui on mis le réveil entre 6h30 et 7h00 pour rejoindre un poste de travail. Ça va du cadre d'entreprise au petit patron, du médecin à l'infirmière, de l'ouvrier au commercial itinérant, du saltimbanque à la caissière. Ils sont le plus grand effectif électoral, et heureusement ! Leur souci est d'arrêter le manège aux chevaux de bois électoraux pour stabiliser le faisceau de contraintes en tout genre qui les visent. Travaillant dur, ils n'acceptent pas la gabegie de la dépense publique et l'assistanat open bar à l'endroit des populations du hamac national.

Les administrateurs à statut sont les rouages de l'Etat et des services publics, abonnés au Monde en haut, lisant Le Hérisson chez le coiffeur en bas ! En France ils sont très nombreux et partagent des réflexes conservateurs pour perpétuer les avantages de leur statut, avantages anciens qui furent édictés pour attirer des vocations dans des emplois monotones ou usants. Tous savent exactement le nombre de jours de congé qu'il leur reste ainsi que celui des arrêts maladie acceptés.

Les pensionnés profitent de leur retraite de la vie active. Certains viennent des catégories ci-dessus mais leur nouvelle position en marge crée des intérêts spécifiques au bout de quelques années. Leur souci est la pérénisation viagère de leur pouvoir d'achat, fut-il modeste, la stabilité du système d'assurance maladie et les conditions à venir qui environneront la vie de leurs descendants s'il en ont ; à défaut d'en avoir, ils mangent leur épargne au tirage et au grattage en croisière.

A noter que les écologistes se répartissent entre ces quatre blocs, et le challenge du candidat officiel des Verts n'est que de les en extraire pour former un bloc à lui, en dramatisant à outrance le défi climatique et la pollution.

Tectonique des blocs électoraux

L'archipel des Indignés commence toujours sa campagne en représentation de tout le corps électoral dont on décrète l'insupportable souffrance sous le joug des riches et des puissants. Les imprécations révolutionnaires n'améliorant pas le score, les ténors se radicalisent tout au long de la campagne au fur et à mesure qu'ils comprennent qu'ils ne gouverneront jamais. En 2017 M. Mélenchon, champion de ce bloc, fit quand même 20% des exprimés et 15% des inscrits (source). L'usure de l'image d'un vieux tribun toujours plus bolivarien laisse douter d'un meilleur résultat en avril 2022. Ce bloc fait bloc et reste à part. Il ne participe pas à la tectonique des blocs électoraux.

C'est chez les trois autres qu'il faut observer la parthénogenèse qui au fil des semaines va faire Le Nombre. Le bloc le plus important des lève-tôt restera le plus solide dans ses convictions d'ordre et de gestion patrimoniale d'un Etat dégraissé, puis se jettera dans les bras du plus habile à lui faire croire qu'il est le pari le plus sûr dans l'avenir. Mais ce n'est pas non plus le bloc des playmobils. Il sait compter, il sait anticiper, et plus important, il sait décoder la promesse électorale. Toutes choses égales par ailleurs, le candidat gagnant sera celui qui apaisera les inquiétudes des lève-tôt à se lever pour rien. Et ce bloc a fourni la ressource des gilets jaunes sur les ronds-points, auxquels M. Macron n'a jamais sû répondre malgré un happening de tous les instants en province. Si ce bloc vote pour un candidat incongru comme Hollande en 2012, c'est que l'adversaire est moins que rien dans sa tête. Pauvre Zébulon Sarkozy qui a cru refaire en 2012 le coup de 2007 : "Vous allez voir ce que vous allez voir !" Qui l'aurait cru deux fois ?
Les candidats déclarés à ce jour, qui ne sont pas captifs d'un bloc comme celui des Indignés, ont parfaitement saisi les attentes du bloc majeur. C'est pourquoi tous les programmes des centres et de droite sont miscibles. Reste à voir qui va se détacher des deux autres blocs pour rejoindre celui-ci au second tour.

De celui des pensionnés ? Probablement parce qu'il ont des soucis approchants d'ordre et de saine gestion pérénisant leurs "acquis". Une fraction cèdera aux sirènes socialistes en souvenir de vieilles solidarités à compte d'autrui comme les piétons de gauche les exigeaient de la Bastille à la République quand ils étaient plus jeunes. Et ce bloc se coupera en trois. Les rêveurs finissants voteront par habitude, les gens sérieux revenus de tout voteront pour l'efficacité à rénover l'Etat, et les doctrinaires engoncés dans des schémas impossibles mais parfaits en théorie qui entendent mourir intellectuellement intacts, voteront pour un candidat atypique voire s'abstiendront, ou marqueront leur bulletin du signe de leur dépit, d'une fleurdelis parfois.

De celui des administrateurs ? Peu à très peu rejoindront. L'état de calamité générale observé dans tous les compartiments d'une sphère publique invasive et décalée (déficits partout, dettes à l'africaine, affaissement des services publics à commencer par l'enseignement) convoque à son chevet les bons docteurs de droite comme de gauche, signifiant à ce bloc des immobiles que leur statut plus ou moins privilégié est malgré toutes les assurances, en péril ! Devant la menace, ce bloc n'en restera pas un. Les plus intraitables, sachant perdue d'avance la cause de solidarité nationale à leur profit, rallieront les Indignés pour marquer le coup. Ce qui explique le score étonnant de Mélenchon la dernière fois ! Au second tour, une partie des administrateurs votera blanc ou nul. Le solde votera contre le favori des instituts de sondage pour amoindrir le plus possible sa légitimité en prévision des élections législatives et du quatrième tour dans la rue s'il y échet.

A retenir peut-être, que les commerçants du marché politique sont là pour vendre leur production en fracturant les blocs électoraux à leur avantage. Quand vous écouterez les allocutions des uns et des autres, campés sur des convictions inébranlables, vous en saisirez désormais plus facilement le motif, qui est de cliver d'abord pour entrer ensuite dans la circulation générale des blocs fracturés dérivants, avant qu'ils ne se ressoudent.


Loui-Philippe fait des bulles


Sinon, à quoi sert cet article ?
A rien, sauf à augmenter le compteur : c'est le numéro 1982.


[1982°]

vendredi 26 novembre 2021

Nos Outremers

« Notre outre-mer est une chance et un espace de respiration et de réalisation extraordinaires pour la France, de par sa richesse avant tout humaine et de par les horizons qu’il nous ouvre dans un monde trop enclin au repli sur soi » déclare Eric Cerf-Mayer dans la RPP (clic). Il est permis d'en douter et de lui répondre que ces départements français, qui à l'origine était des territoires de plantations, sont aussi des danseuses de la République. Leurs économies insulaires de faible envergure n'arrivent pas à contribuer aux schémas sociaux importés de métropole. Si les niveaux de vie de nos outremers sont sensiblement inférieurs à ceux de métropole de 31 à 68% selon le Sénat, ceux des îles voisines qui jouissent de leur indépendance sont encore en dessous des nôtres. Quelques comparaisons (ce ne sont que des ordres de grandeur):

- Martinique ou Guadeloupe : 20000 à 21500 euros par tête
- République dominicaine : 14000 euros
- Grenade ou Sainte Lucie : 12000 euros
- Dominique (l'île seule entre les nôtres): 9000 euros
- Saint-Vincent-Grenadines : 9000 euros
- Haïti pour mémoire : 1500 euros !
Seules les îles néerlandaises produisant des hydrocarbures s'en sortent, sans parler des paradis fiscaux.
Et pour finir, Maurice : 18000 euros (Réunion 19500€), les territoires sont déjà plus grands.
On pourrait faire aussi des comparaisons instructives entre les petites nations de l'Océan pacifique.
Ces décalages signifient que l'indépendance n'est viable économiquement qu'en rabattant les prestations sociales au minimum minimorum, ce qui calme bien des ardeurs.

Table des PIB d'outremer
Les grands territoires comme la Guyane où tout reste à faire ou bien la Nouvelle Calédonie richement dotée pourraient réfléchir à larguer les amarres, nos départements antillais addictés à l'assistance certainement pas. Mais il n'y a pas que la production de richesse. Il y a les hommes. Nos départements d'outremer sont entrés dans le premier empire, celui des rois de France, bien avant que la Corse, la Savoie et le comté de Nice n'entrent en France. Qu'on en juge :
  • La Martinique et la Guadeloupe, 1635, Louis XIII régnant
  • La Réunion, 1665, Louis XIV régnant
  • La Guyane, 1676, Louis XIV régnant
J'en profite pour signaler que ces colonies ont été achetées à des compagnies privées qui les avaient conquises pour les mettre en exploitation à leur manière et profit. D'où la publication du Code Noir par Colbert pour réglementer une utilisation partout égale et moins dure de la main d'œuvre dans les plantations dorénavant françaises.
Ceci pour dire que la France a des responsabilités sur ces territoires et que l'histoire des soubresauts de l'époque moderne prouve qu'elle ne s'en est pas acquittée. Certes la "départementalisation", décrétée par un Etat jacobin dans l'âme, est un venin qui suscita toutes les envies et de justes revendications pour atteindre à la parité avec les départements métropolitains. Mais c'est moins dans le domaine des prestations sociales que dans celui des services publics élémentaires que la France a péché. Les viabilités enfouies sont obsolètes depuis longtemps. L'eau ne coule plus au robinet dans beaucoup de villages. Les flux économiques sont monopolisés par des malins qui se goinfrent sur la respiration financière des îles : octroi de mer enchérissant tous les produits importés, obligation de faire venir de France métropolitaine des produits qui sont accessibles à moindre prix dans la région caraïbe (comme l'essence); déficit d'investissements lourds qui auraient un effet d'entraînement. Abandon des îles au tourisme et à la banane. Mais ces reproches furent entendus en 2009 (Sarkozy régnant) lors des émeutes Domota pour essayer d'aller un peu plus loin que la répression aveugle des désordres. En vain ! Les politiciens locaux reprirent vite les habitudes et le chemin de la chocolaterie, ne se souciant même pas de convaincre les pouvoirs parisiens.

Et puis il y a cet outrage du chlordécone, le bien nommé. Interdit partout ailleurs, ce pesticide contre le charançon de la banane fut maintenu aux Antilles françaises pour le bénéfice des planteurs. Son usage massif et sa longue persistance dans les sols ont provoqué des désordres sanitaires graves parmi la population. Ce qui explique pourquoi l'Etat français n'est plus crédible aux yeux de beaucoup, même si certains forcent un peu le trait. Pauvreté, chômage, cherté de la vie, gestion Covid mal comprise ? alors la République envoie sa gendarmerie pour protéger les intérêts des commerçants et rouvrir les routes coupées par l'insurrection ! Et le ministre des outremers Lecornu ? A l'heure où nous mettons sous presse, il a décidé de ne pas se montrer pour ne pas distraire de moyens à sa propre protection ! Aucune empathie, aucun courage et il se croit indispensable. Misère de nous ! Ce gouvernement où les grotesques gouvernent les miquets n'en finit plus de faire sous lui !

Sans doute est-il venu le temps de poser les dossiers sur la table. Tous les dossiers.

Si on veut aller au bout de la départementalisation, il faut sortir les DOM du ministère des Outremers en n'y gardant que les TOM. Les DOM passeraient simplement au ministère de l'Intérieur et la mise à parité serait programmée sur quinze ans par exemple.

Si l'affaire coûte trop cher, il faut trouver les ressources financières pour réparer et étendre les infrastructures de base, comme les réseaux d'adduction d'eau par exemple et les logements sociaux. Il faut aussi intéresser des investisseurs internationaux au développement des îles en débureaucratisant les procédures et en mettant notre souveraineté jalouse dans la poche. C'est aussi une question de niveau des fonctionnaires appelés à décider comme au temps béni de l'Ecole coloniale. Cessons de détacher dans les DOM-TOM ceux dont on ne veut plus dans l'Hexagone. Et s'il reste une case libre dans le cerveau politique du chef de l'Etat, intégrer économiquement les deux DOM antillais dans l'espace caraïbe en coupant le cordon ombilical comme les Anglais l'ont fait de leurs possessions régionales en les intégrant dans la Communauté caribéenne (CARICOM) qui regroupe quinze états. Vous en entendez parler ?


Pause bonheur !


Mwen ja ba'w tchè mwen Mi kò mwen É man paré pou alé la ou lé Pou volé dan syèl Aï chèché soley Man ké fè mil é mil foli Pou fè'w plézi É man ké goumen Pou nou toujou byen É si fò mwen kriyé divinité Man ké fé'y Lanmou dan tchè mwen Ka brilé kò mwen É man ké préyé Dié pou sa toujou toujou diré Pa fè mwen lapenn o Pa fè mwen la penn an ké'y mò Pa fè mwen lapenn o An an an an Pa fè mwen lapenn o Pa fè mwen la penn an ké'y mò Pa fè mwen lapenn o An an an an Si janmen sa rivé Ola man ké alé Lwen lwen É le tan ka pasé Pé ké fè mwen oubliyé Hou hou Ou ja ni tchè mwen Mwen ja ba'w kò mwen Donné lavi mwen si ou lé La ou lé Man oubliyé fanmi Tou lé bon zanmi Man ké fè mil é mil foli si ou anvi Man ni'w an lapo mwen San ki dan venn mwen Ès fòk mwen kriyé pou ou konprann sa ou yé pou mwen Bondié ou ka kouté Ba mwen fòs pou tjenbé Fòs pou mwen goumen lannuit kon jou pou lanmou nou Pa fè mwen lapenn o Pa fè mwen la penn an ké'y mò Pa fè mwen lapenn o An an an an Pa fè mwen lapenn o Pa fè mwen la penn an ké'y mò Pa fè mwen lapenn o An an an an Si janmen sa rivé Ola mwen ké alé Lwen lwen Ki sa ké réparé Tchè mwen ki déchiré Pa fè mwen lapenn o Pa fè mwen la penn an ké'y mò Pa fè mwen lapenn o An an an an Pa fè mwen lapenn o Pa fè mwen la penn an ké'y mò Pa fè mwen lapenn o An an an an La la la la la la la la la la la la la la la Gadé mwen dan zyé'w Gadé mwen Jiré mwen Mi zyé mwen dan zyé'w O Oooooo Pa fè mwen lapenn o Pa fè mwen la penn an ké'y mò Pa fè mwen lapenn o An an an an Pa fè mwen lapenn o Pa fè mwen la penn an ké'y mò Pa fè mwen lapenn o An an an an Pa fè mwen lapenn o Pa fè mwen la penn an ké'y mò Pa fè mwen lapenn o An an an an - ©Eric Virgal


Pour finir, je regardais mercredi dernier un court reportage sur l'invasion des sargasses sur les plages de Guadeloupe. Deux ou trois employés avec une griffe à feuilles ramassaient ces algues dans des seaux. Il y en avait des tonnes et des tonnes ; et aucun autre moyen de récolte (tracteur à herse) comme on en voit en baie de Saint-Brieuc, n'est apparu. Moyens dérisoires pour employés démotivés, et la paillotte de la plage était en faillite ! Une grande fatigue émanait de ces images. Face à l'énormité de la tâche, ces ouvriers étaient démunis, abandonnés par leur hiérarchie. Il y aura du travail pour rattraper tout ça.





[1981°]

lundi 22 novembre 2021

À droite, toute !

Laurent Joffrin
Au débriefing du troisième grand débat des Républicains d'hier dimanche, Laurent Joffrin sur CNews (en photo) marqua sa stupéfaction au spectacle de l'extrême droitisation des idées d'un parti de gouvernement, anticipant un effet de renfort au candidat Macron venant du centre mou dépité. A moins qu'il n'ait surjoué sa réaction, il semblait sincèrement effaré. Droit du sang, préférence nationale au logement, moratoire sur l'immigration, délai probatoire d'allocataire, quotas, double peine, charters...
Nous sommes en démocratie, monsieur Joffrin. C'est un régime de marché, de marché politique. La demande est à droite de la droite, les commerçants du marché répondent à la demande en offrant les produits qui se vendront. C'est très bête, je sais. La "morale" ? Il n'y a jamais eu de morale en démocratie que dans les vapeurs bitumineuses du socialisme d'amphithéâtre. D'ailleurs les grands fauves de gauche quittent le champ de manœuvre préférant jouir des derniers feux de la prévarication. Espèce inadaptée, elle va s'éteindre selon la loi naturelle d'attrition des chimères. Même les petits miquets comme Bilal Hamon ont rendu les clés du paradis socialiste, sur injonction peut-être d'une épouse lassée de ses enfantillages islamiques. Dominique Strauss-Kahn est parti soigner son priapisme dans la finance sans frontières ; Robert Badinter ne survit que dans la peine de mort ; Lionel Jospin qui a voulu revenir encourager un candidat socialiste pour se lire dans le journal, est reparti à l'île de Ré au vu des sondages calamiteux de la gagnante des primaires ; si tant est qu'on les interroge, tous les intervenants autrefois socialistes marquent un recul critique à l'étalage des résultats calamiteux de leur passage aux affaires ; Chevènement sculpte sa statue de ministre-rebelle en reportant son affection sur Vladimir Poutine pour faire pièce aux démocraties illibérales (pendant la première guerre du Golfe il aimait Saddam Hussein); le grand majordome Olivier Duhamel hésite encore à partir se noyer pour quelques enculades népotiques sans conséquences sur sa carrière, et François Hollande persiste à vouloir faire rire ! Et vous vouliez, monsieur Joffrin que la France ne coulisse pas à droite ? Que reste-t-il à gauche qui fasse envie ? Il fut un temps où ils avaient au moins de la cuisse. Fabius encaisse, Lang encaisse, Manuel Valls ? la pie Taubira, Cruella Hidalgo, Jean-Luc Chavez Mélenchon ? Pento Cambadélis juché sur sa palette, Dray toujours à l'heure ? L'exception de sincérité Montebourg confirme la règle du désamour général pour les profiteurs institutionnels dont la liste est trop longue pour ce petit billet d'humeur. D'accord, il y a Bernard Cazeneuve et Jean-Yves Le Drian, qui n'entreront pas en lice.

Les frondeurs de jadis sont dépassés par les minorités bruyantes que gouvernent le démon du wokisme et celui de la déconstruction bras dessus bras dessous dans l'intersectionnalité. Tyrannie ordinaire de factions s'arrogeant une légitimité payée de la fausse monnaie des bons sentiments. Et la Sociale dans tout ça ? Elle a tenté d'accrocher les wagons aux cris d'Allahou akbar, mais fut vite éconduite par les Frères qui ont leur propre agenda. En fait, ils sont perdus ! A voir la cruche andalouse qu'ils ont choisie pour faire la guerre au fascisme imaginaire dans le vide des évidences, on mesure leur désarroi ! "Faut arrêter le crack !" a lancé Rachida Dati en plein discours d'autosatisfaction de la maire au Conseil de l'Hôtel de Ville. L'insulte a porté, ne craignant plus rien de ce bord, toutes les chaînes l'ont retransmise.

Revenons au débat.

Michel Barnier
Michel Barnier
Les chroniqueurs politiques font la liste des mesures préconisées par les candidats du parti LR, comme Marc Baudriller qui parle de "Noël patriotique" chez Boulevard Voltaire (clic). S'il faut retenir quelque chose de cette soirée, ce sont moins les promesses qui n'engagent que ceux qui les entendent, que l'effet Zemmour qui a poussé tout le monde à droite-droite !
L'imprécateur a-t-il achevé sa mission ? Il semblerait à tout le moins que la bourse des opinions qui de sondage en sondage balance entre panique et hystérie, le pense aussi. Difficulté à récolter les promesses de parrainage, à constituer un front de combat avec quelques pointures de métier, attirer les penseurs qui font les meilleurs discours de fonds, créer partout des équipes de colleurs d'affiches, en un mot, transformer la foule des badauds en électeurs-militants !

J'ai retenu une orientation nouvelle dans le débat de dimanche, c'est une volonté de retour à la Constitution dans le partage des pouvoirs entre le parlement, l'exécutif et la présidence. Michel Barnier l'a annoncé clairement, Matignon gouvernera de facto dans l'axe choisi par le président. Xavier Bertrand pour sa part distingue deux champs présidentiels, marquer les urgences, engager le temps long. Les autres restent dans la configuration macronienne du président je-sais-tout-je-fais-tout qui a versé la nation au fossé. Les monarchistes auraient de bons arguments à présenter pour entrer dans cette voie en surplomb de la politique quotidienne. Il serait utile au pays qu'ils élaborent maintenant un modèle lisible de gouvernance rétablissant les libertés basses et les capitulations territoriales ; mais jusqu'ici les chapelles dénoncent, stigmatisent, ricanent à nul effet et pissent à petits tirages. On a déjà tout entendu d'elles. Sauf à se renouveler, elles vont suivre les sections socialistes au cimetière des éléphants.

A finir sur un pronostic dangereux et tenant compte que seuls les militants votent, je continue à donner Barnier gagnant au congrès LR du 4 décembre, ce qui n'augure pas de sa victoire par après, mais bon...! Rien ne dit non plus que ses concurrents évincés (surtout Pécresse et Bertrand) mettront toute leur énergie à lui faire gagner la deuxième place au premier tour de l'élection présidentielle. A suivre évidemment !



[1979°]

Un pape en chemin

pape François
La rumeur court les dicastères, qui fut reconnue tout récemment par Sa Sainteté elle-même nous signifiant qu'il était encore vivant. La rumeur d'un conclave alimente les agapes des monsignori et à l'autre bout du Saint-Siège fait pouffer les nonnes dans leurs petits couvents. Le pape craint serait mal en point depuis son opération du colon et marque la pénibilité de la charge d'une démarche bancale qui augure mal de son col du fémur en ajoutant une irascibilité de chaque instant. Charité chrétienne ! Des journalistes de bénitier (c'est une spécialité) ont prévu un grand article sur les "Trois Papes de Rome comme en 1409" si L'Esprit saint prolonge un peu S.S. Benoît XVI qui mériterait cette revanche sans jamais l'avoir souhaitée. Ils avaient un grand théologien, ils ont voulu un cynique qui les "comprendrait", mais qui s'enferme aujourd'hui dans la petite politique des obsessions modernistes, dans l'ouverture au monde qu'il ne maîtrise pas, le tout avec un insupportable orgueil à la Jules II (sans l'armure).

Sans se presser plus que de raison, le temps du bilan est venu, même si les voies de la Providence sont impénétrables. Ce pape a toujours marché à côté de ses pompes, que ce soit dans la pauvreté-spectacle du début de son règne, mais surtout par la vente de l'église cachée de Chine au Parti communiste (clic), l'insulte au cardinal Zen (voir la note en pied d'article) et plus près de nous, la rupture d'un dialogue apaisé avec la communauté de la Tradition dans la question des liturgies par le motu proprio Traditionis custodes, lequel décrète une cohabitation impossible entre le rite de saint Pie V et celui de Paul VI sous les mêmes voûtes, sauf circonstances exceptionnelles difficiles à réunir. Qu'avait-on besoin de ça ? Les épiscopes "conciliaires" se sont engouffrés dans la brèche liturgique pour bannir de leurs murs tout officiant qui ne baiserait pas l'anneau. On peut compter là combien de marches séparent les niveaux respectifs des papes Ratzinger et Bergoglio.

A moins que l'Esprit saint ne se moque des hommes qui chérissent des causes extérieures au magistère de l'Eglise, tout laisse penser que Son "intervention" dans l'élection du dernier pape est une supercherie. Le conclave a élu un jésuite que l'on savait habile en politique pour avoir traversé la dictature argentine les doigts dans le nez, et qui venait du nouveau monde mais parlait l'italien. Ça changeait du Ratzinger de Ratisbonne, du membre associé étranger de l'Académie des sciences morales et politiques de Paris au fauteuil de Sakharov, du philosophe des Bernardins qui avait subjugué le tout-Paris politique ! J'entends Badinter ébloui, tout à sa joie d'une soirée inoubliable. On a donc eu la pachamama, les musulmans syriens à l'exclusion des chrétiens d'orient, la vente des catholiques chinois, sa guerre des missels qui pousse au schisme et maintenant "la parole avant la foi". Qu'on ne me dise pas qu'il est "inspiré" ! Pape foutraque au possible - on ne va pas entrer dans la condamnation indulgente des mœurs coupables - Bergoglio (c'est Mgr Vigano qui le nomme ainsi) soulagerait l'Eglise romaine en se retirant dans quelque monastère de mission jésuite au pied de la cordillère des Andes. Il y contemplerait de loin la marée montante des Evangéliques sur toute l'Amérique du Sud, à désespérer des puissances célestes qui se gondolent au spectacle de sa mauvaise humeur !
Au suivant !


L'insulte papale au cardinal Joseph Zen

SE Joseph Zen
Quand il fut avéré que la diplomatie du Saint-Siège allait confirmer la remise aux autorités de Pékin de la direction de l'église catholique cachée, et voyant que les représentations qu'il avait faites au nonce apostolique de Taïpei pour en dissuader son maître ne portaient aucun fruit, Joseph Zen décida de prendre l'avion pour Rome afin d'expliquer de nouveau au pape François certains fondamentaux dans les négociations avec le Parti communiste chinois, à commencer par la valeur nulle de tout engagement de leur part en politique intérieure. Un accord "provisoire" avait déjà été signé en 2018 contre son avis. Prévoyant que le clergé chinois serait traqué, fiché, intimidé, les lieux discrets des célébrations liturgiques évacués (on le fit au Shandong), et fermés à tout motif comme les normes d'accueil ou l'absence de baux par exemple, il était résolu à convaincre le Saint-Père qu'il y avait un déficit d'évaluation des réalités que lui connaissait bien. Les prêtres fidèles à Rome, entrés dans la clandestinité pour certains afin d'échapper à la certification officielle dont le défaut ouvre droit à persécution, étaient devenu un "problème" pour la diplomatie, ce qu'il ne pouvait admettre. Mgr Zen n'avait pas mesuré la force de conviction des "négociateurs" du Vatican auprès du pape, qui voulaient leur part de gloire dans une normalisation historique, des vaniteux comme le cardinal Parolin ayant duré trente ans dans l'emploi de diplomate et voulait finir sur un exploit ! A quatre-vingt-huit ans, il prit l'avion l'an dernier, plein de courage. Il fut admis comme surnuméraire à l'audience papale du jour au milieu de la foule des croyants et Sa Sainteté le garda à déjeuner avec plusieurs membres de la Curie. N'osant pas aborder le sujet qui fâche au milieu du repas, il attendit patiemment que le repas s'achève pour avoir quelques minutes en privé afin d'expliquer les raisons de son alarme. On se leva de table et le secrétaire en charge lui signifia que l'agenda était trop chargé pour le recevoir maintenant en particulier, ni aujourd'hui, ni demain. Et le pape disparut sans un signe, qu'il ne revit jamais de son court séjour. Joseph Zen Ze-kiun, cardinal émérite et ancien évêque de Hong Kong, le prélat le plus connu et le plus respecté de toute l'Asie du Sud-Est catholique, traité comme un solliciteur encombrant, un emmerdeur ? Il laissa au secrétariat une lettre au pontife avant de reprendre l'avion. Fin de l'histoire.



[1978°]

samedi 20 novembre 2021

L'Adaptation, le clan

A mon humble avis, il est peu probable que les politiques publiques des grands pays du monde achèvent la mission de maintenir le réchauffement climatique entre 1,5 et 2,0 degrés celsius. Chacun sait aussi que le demi-degré d'écart est très impactant pour les nations au ras de l'eau. Nous ne disserterons pas aujourd'hui sur la graduation des effets sur cette échelle des cinq dixièmes, faute de savoir tout simplement. Nous ne verserons pas non plus dans les hypothèses les plus pessimistes sauf à dire, avec Jule Charney, que « la dernière fois où la planète avait été plus chaude de 3°C, c'était au cours du Pliocène, et le niveau des océans était plus élevé qu'aujourd'hui de vingt-quatre mètres.» Ceci pour le cadre général !
Par contre nous allons parler des voies et moyens nécessaires à traverser le four qu'on nous promet, nécessaires sans doute aucun, suffisants, nul ne le sait. Nous ne choisirons pas non plus une latitude, une région privilégiée, tout est relatif et contingent à l'avenir promis. Partant de l'hypothèse que cet habitat soit trouvé et qu'il soit libre d'accès, comment y devrions-nous survivre ? C'est l'objet unique de ce billet. Voici la table des matières :
  • Environnement social
  • Empirisme de l'histoire
  • Formation du groupe
  • Autonomisation des ressources
  • Défense du périmètre
  • Degré de faisabilité et conclusion
aphorisme de Charles Darwin

L'Environnement social

Le plus sûr évènement de la crise climatique ouverte sera le chaos de nos sociétés. Tous les paradigmes organisant les sociétés humaines dans leur diversité auront fondu comme neige au soleil, parce que c'est l'ensemble de l'humanité qui se mettra en mouvement vers des espaces lui promettant de survivre, à commencer par les peuples de la mer remontant vers les peuples à sec, lesquels iront vers d'autres plus haut qu'eux etc. Exclure la guerre générale de cette séquence de la Remontée participe de la niaiserie humanitaire du socialisme libidineux. Individuellement, rien non plus ne pourra se tenter pour sauver soi-même et les siens avant que l'écume du désordre ne soit retombée. C'est pourquoi les précautions prises ci et là par les plus craintifs des hôtes de ce bois ne serviront à rien, les "fermes blindées" seront submergées par les nouveaus zombies échappés de la ville, à la vie à la mort.
Quand se lèvera le silence sur les décombres fumants de nos sociétés sophistiquées, il sera temps de relire cet article, imprimé déjà quand il y avait encore du courant et placé dans une bouteille vide de morgon.

Empirisme de l'histoire

Plusieurs peuples de l'histoire ont traversé le four. Sans remonter à la résilience de l'homo sapiens qui a traversé tous les changements climatiques pour parvenir jusqu'ici, pensons aux hommes du désert dont les ancêtres n'en étaient pas. L'espèce humaine est capable de tout franchir, la seule question qui vaille est de savoir dans quelle quantité d'individus. Mais ceci est de la métaphysique.

Evacuons déjà l'idée incongrue de l'homme retourné aux bois pour se réadapter à l'évolution du temps. Bambi est mort, les Sept Nains l'ont mangé. Rien ne peut être entrepris seul au milieu du désordre de la nature sauf à vouloir prier et compter sur autrui pour écrire sa page dans le Livre des Saints, à supposer qu'il reste un croyant sur terre. En famille, non plus il n'y suffira pas. Comme à l'époque préhistorique, la masse critique d'agrégation des compétences utiles à la survie est le clan. A chacun son tartan ! Le mien sera fait des trois bleus, marine, roi et ciel. C'est pour de rire, je serai mort. L'avantage du clan sur la famille (même nombreuse) est qu'il n'est pas nécessairement constitué de parentèle ayant des "droits" mais de compétences volontaires. L'union de clans différents préfigure une force de défense qui s'avérera vite utile sur un territoire jugé défendable.

Ruinons déjà l'idée que le clan serait la ressucée moderne de néanderthal ou cromagnon. Repartant des bases certes, le clan bénéficiera des acquis des hommes d'aujourd'hui dans les sciences et la technique. De même aura-t-il vocation à augmenter ses effectifs, l'ensemble recommençant l'histoire où la révolution industrielle l'avait accélérée pour nous perdre, mais dans une autre direction, avec des ressources limitées sinon absentes, avec des savoir-faire intacts.

Formation du groupe (clan)

Est-il important que le clan soit formé dès aujourd'hui ? L'exemple des associations de précaution montées de toutes pièces en "temps de paix" nous a montré l'inadaptation de ces groupes au nouvel environnement qu'ils avaient du mal à anticiper. On dit qu'au premier mois d'une guerre on renouvelle beaucoup d'officiers supérieurs. On ignore que l'Organisation de l'armée secrète entre militaires démobilisés, qui succéda à la capitulation du maréchal Pétain, a fait la preuve... ou mieux dit, n'a rien prouvé du tout : les patriotes retournés sur leurs terres à la fin des combats s'y évanouirent le plus souvent, attendant de voir dans quel sens les choses tourneraient, autour de leurs intérêts propres voire immédiats. Il faut sentir la chaleur du napalm pour se décider en conséquence et déployer ses capacités dans le cadre ordonné d'un commandement hiérarchisé. "La discipline faisant la force principale des armées..." disait Soult. C'est pareil pour former un clan. Chacun y entre librement mais doit accepter de servir, à première demande, motivée ou non. Former un clan relève de la typologie sociologique du groupe humain et c'est presque un métier. Les candidats au pavois seraient bien avisés de s'y mettre tout de suite. Il y a quelque chose d'Uderzo et Goscinny en l'affaire.

On peut prédire aussi qu'il n'y aura pas tant de clans que ça, formés et viables, mais plutôt beaucoup de gens en groupes apeurés cherchant leur survie dans l'instant. Ils se vaporiseront au premier revers. Ceux-là seront la part des anges, et par leur attrition, consommeront moins de ce qui est nécessaire à ceux qui se seront organisés en clan.

Autonomisation des ressources

On parle ici de ressources naturelles en ambiance hostile. La première est l'eau. Nous sommes faits à 60% de H2O. L'eau c'est la vie mais aussi l'énergie quand elle court. Tout programme d'autonomisation commence par l'eau. Nos ancêtres s'établissaient à proximité d'une eau, de bonne ou moins bonne qualité. Ils la filtraient au charbon de bois. Ils n'envisageaient aucune alternative à l'eau même si la rosée matutinale fit germer dans leur esprit bien des systèmes de récolte en période de sécheresse prolongée. Avec de l'eau, tout devient possible en culture jusqu'à des températures élevées. Le plan hydraulique de l'espace en culture sera donc primordial. Cela fait quatre mille ans qu'on s'y affaire, tout est à redécouvrir facilement depuis l'antiquité mésopotamienne. J'ai vendu des cahiers autonomes sur les turbines Francis, Pelton, Kaplan et autres ; ça se trouve ; des ponts de voitures servant de multiplicateurs en retour d'angle aussi. Il existe de la littérature pour l'autonomisation dans l'édition alternative.

Généralement, on reviendra à la parcellisation des terres en remontant les haies qui freinent l'évaporation des sols et forment des prairies verticales pour les animaux adaptés. Les espèces alentours qui résistent au nouveau climat donneront de bonnes indications sur quoi semer, quoi planter. Même si tout existe déjà ou a existé, des compétences agronomiques au sein du clan seront indispensables pour raccourcir les délais de mise en culture d'un territoire autarcique. Il en va autant pour les races d'élevage les mieux adaptées à la difficulté des temps. Quand à force d'un courage opiniâtre et après bien des échecs l'affaire deviendra viable enfin, il s'agira d'avoir prévu de la défendre.

Défense du périmètre

L'espèce humaine est ainsi faite qu'elle a une tendance naturelle à s'approprier le labeur d'autrui pour économiser le sien. C'est un des signes de sa barbarie endémique cachée sous les atours de la civilisation. Un clan, établi sur des terres qui rendent, devra forcément les défendre contre l'intrus. C'est là que la typologie du groupe étudiée au moment de sa conception prend toute sa valeur. Sans hiérarchisation des responsabilités adossées à des domaines d'action, et même avec un affectio societatis fort dès le départ, il aura fallu chercher chez les volontaires une résilience certaine aux contrariétés, et même à l'injustice. Car les décisions ne seront pas toujours "justes", surtout en période d'hostilités. Les membres du clan devront donc obéir sans reproche ni murmure, quitte à rediscuter le point au moment du débriefing. Soviets et démocratie directe sont d'inutiles jouets en temps de guerre. Sans doute beaucoup de projets de clan achopperont sur cette teinture militaire qui va colorer tous les rapports sociaux. Comme le disait à ses cadets de l'Académie militaire le général Franco y Bahamonde au jour de sa fermeture : « La discipline ne confère aucun mérite lorsqu'un ordre nous est agréable. La discipline revêt sa vraie valeur lorsque nos pensées nous conseillent le contraire de ce qu'il nous est ordonné, lorsque notre coeur cherche à susciter une rébellion intérieure, ou lorsqu'un ordre est arbitraire ou erroné. Telle est la discipline que nous observons.» (Saragosse, le 14 juillet 1931)
Rien ne durera autrement. Les moyens de défense quant à eux ne sont pas un sujet. L'esprit de défense prime tout.

Degré de faisabilité

Sans insulter l'avenir, peu de clans réusssiront. Quand l'humanité se mettra en branle, elle apportera partout le désordre jusqu'au chaos. Les apocalypticiens sont tout à leur gourmandise de le décrire, sauf peut-être à prévoir dès maintenant la guerre mondiale générale vers la Sixième Extinction. Dans ces circonstances très probables, imaginer des havres de paix armée capables d'y résister peut paraître osé ! Mais il n'est pas dit qu'après une période de forte récession de la population mondiale, on ne puisse subsister dans des territoires isolés très difficiles d'accès qui auront été conquis par les plus avisés d'entre nous AVANT la guerre. A priori, aujourd'hui froids et/ou humides, ils risquent de convenir dans le futur. On peut citer le Groenland et toute la couronne arctique ; et bien évidemment le continent antarctique et la Patagonie ; mais aussi un enfouissement dans les jungles montueuses impénétrables d'Asie méridionale, un repeuplement des hauts plateaux d'Amérique latine voire celui des forêts sibériennes. L'Europe occidentale ? La première proie !

Conclusion

Il n'y en pas pas. Mais un conseil, si ! Ceux des lecteurs de ce blogue finissant qui réfléchiraient à leur participation à un clan, voire même à la formation d'un clan, et qui sont dans la quarantaine (après c'est déjà trop tard), seraient bien inspirés d'apprendre la méthode de raisonnement tactique (MRT) ; un truc militaire de caisse à sable qui a fait ses preuves, à en croire Rodolphe Barkhausen, qui partage avec nous une petite mousse depuis le pays des cigales (cliquez ici). Et n'oubliez jamais ce principe de base : pessimiste toujours dans la préparation, optimiste à l'application !
Ce billet met à disposition les briques nécessaires à chacun pour qu'il monte son mur de défense. Il ne les maçonnne pas.
Bonne guerre, les mecs !




[1977°]

mercredi 17 novembre 2021

Prince philanthrope

Une obole évoque pour moi le bruit métallique redoublé de la piécette tombant dans une timbale en fer blanc. Au bout de la main, une jeune et fausse mère Rom tenant dans ses bras un nourrisson bourré de Phenergan. Avez-vous remarqué qu'ils ne pleurent jamais ? Mais depuis quelques temps, l'Obole (capitalisée) est un bizness qui fabrique de la monnaie à la demande, comme la planche nationale, pour la bonne cause exclusivement. C'est de fait une start-up. Le teasing d'une description de poste à pourvoir nous dit tout :

« Démultiplier l’impact de la levée de dons ! Deux objectifs : faire donner plus, et faire donner mieux. Plus, en réinventant les façons de collecter et en touchant de nouveaux publics. Mieux, en ciblant les meilleures associations. Le développement digital des organisations (sites, réseaux sociaux, communautés), la dématérialisation des dons (bornes, applis, site), associés à nos expertises en conseil et en événementiel, nous permettent de mettre une véritable palette à disposition des organisations pour simplifier et amplifier leur levée de dons...» la suite en site ici !

fondateurs d'Obole Digital
Romain Husson et Stanislas Billot de Lochner

Obole, Obole Digitale en version longue, est la création de deux étudiants de l’École supérieure des sciences commerciales d'Angers, Romain et Stanislas, qui ont eu l'idée de numériser la levée de fonds (caritatifs ou autres) (source). Ils se revendiquent chrétiens et ils ont vu le pape à Rome avec une délégation de deux cents patrons. Quand même ! Ce ne sont pas des miquets. D'ailleurs le père de Stanislas, François Billot de Lochner, orbite autour du RPR-UMP-LR.

Obole en son archipel de start-up convergentes a levé vingt-deux millions d'euros depuis le mois de janvier 2020. Sa manifestation la plus courue est La Nuit du Bien commun. La première question qu'un lecteur avisé de Royal-Artillerie se pose est la suivante : Où est le gras ? Il n'est nulle part question de rémunération pour la mise en tension de compétences avérées à l'aune des résultats revendiqués, mais au moins parlent-ils de "clients" ! Et si toute peine mérite salaire autant qu'il aille dans les mains d'aucuns qui se soucient du bien commun.
Les clients sont rigoureusement sélectionnés au bon endroit, à droite, loin de la philanthropie woke. Qu'on en juge : Chrétiens d'Orient, Ordre Equestre du Saint Sépulcre, Armée du Salut, Secours catholique et même les Apprentis d'Auteuil après bien d'autres.
Ce sont justement ces agapes nocturnes qui gagnent en notoriété. A tel point que le duc d'Anjou a manifesté son plus grand intérêt pour les causes financées par Obole et en a reçu la vice-présidence de La Nuit du Bien commun, sa structure dérivée. Les fondateurs s'appellent Pierre-Edouard Stérin et Thibault Farrenq. La déclaration du prince a paru dans le magazine Valeurs Actuelles du 4 novembre, qui l'a réservée à ses abonnés, mais le site Légitimité nous en propose l'in extenso que nous redistribuons avec sa permission pour le plaisir d'un texte de qualité.

louis-Alphonse de Bourbon
Perdu de vue par un Etat devenu distributeur de droits, le Bien commun est redécouvert par les structures élémentaires de la société, qui le remettent au cœur du monde de demain.
Comme le beau, le juste ou le vrai, le bien faisait partie de l’armature fondatrice de notre société, héritage de 15 siècles de message chrétien. Dans la sphère publique on parlait plus couramment de bien public ou commun, parangon de la chose publique ou Res publica résultant d’une longue tradition politique qui reposait sur l’Etat garant des intérêts supérieurs de tous. L’homme doit y tendre tout autant que l’Etat, du moins est-ce ainsi que je le ressens comme descendant de Saint Louis. Cette volonté, autant individuelle que collective, de se transcender par le don et la gratuité, donne du sens à la vie privée et à la pratique publique.
La France a pu, ainsi, développer son modèle social, le roi étant dès les premiers capétiens, le garant de ce bien commun, de ce bien public qui a permis à la Couronne puis à l’Etat de conserver longtemps sa qualité d’arbitre des passions. L’actuelle crise des institutions a fait vaciller cette notion de bien commun au profit d’intérêts privés plus ou moins puissants et contradictoires. Ce qu'on croyait immuable comme découlant d'un droit naturel jusqu’alors évident pour tous, peu à peu s'est délité. L’action publique détachée de la finalité du bien commun qui permet de souder la nation, n’assure plus le consensus social nécessaire à la communauté de destin.
Notre société post-moderne est celle de l’individualisme sans frein qui conduit à laisser les plus humbles sur le bord de la route. Au bien commun et au service, la société, trop souvent, s’est mise à préférer la revendication de droits inspirés par des minorités. Des droits, sur tout et pour tout : au logement, à la santé, à l’enfant voire au sexe ; droits économiques, civiques, droits sociaux etc. Cette accumulation crée autant de dérèglements, car ces droits n’ont plus, pour les équilibrer, les devoirs que la finalité du bien public garantissait. Le lien social s’est distendu et la redistribution par l’Etat, l’impôt et les privilèges sectoriels ne peuvent y suffire.
Comme dans toutes les crises, par une subsidiarité bien comprise, le bien commun est désormais réhabilité par la sphère privée. C’est dans le cercle des familles et d’entrepreneurs sachant aller hors des sentiers battus que le retour de la recherche du Bien commun apparait désormais comme essentiel pour que la société puisse retrouver du sens et se réinscrire dans des perspectives d’un futur collectif et partagé.
Le bien commun a l’avantage de pouvoir être exercé par tous. Riches et pauvres, enfants ou adultes sont sur ce point à égalité. Mû par ce souci, chacun peut agir en donnant un peu plus que ce qu’il reçoit, en partageant se part de gratuité. Pour les plus riches c’est l’occasion de rappeler que la propriété est plus une fonction qu’une richesse. Plus un service qu’un privilège. Que l’avoir ne peut remplacer l’être.
Tendre au Bien commun est le fait d'une société ordonnée à des fins supérieures et qui dépasse l’égoïsme de la satisfaction individuelle. La société à laquelle aspirent tous ceux qui ne se retrouvent plus dans celle qui leur est actuellement offerte. Sans lui l’édifie social est ébranlé. Il est, en effet, le premier lien entre les hommes qui permet à chacun de recevoir et de donner jusqu’au sacrifice s’il le faut. Cela était naturel pour nos aïeux. Le bien commun habitait « ceux de 14 », honorés cette semaine, comme il anime toujours nos soldats qui veillent pour nous, dans des opérations souvent lointaines. Sans le sens du bien commun que serait le devoir ? Ces exemples signifient qu’au-delà de la démission qui frappe un grand nombre, il y a le sursaut d’autres. Voilà ce qui compte !
Heureusement, le souci du bien commun anime les meilleurs, ne fussent-ils encore qu’une petite cohorte. Je suis admiratif des expériences dont on me fait part, d’initiatives comme celle de la Nuit du Bien Commun. Là c’est une Fondation, ici un fonds de dotation, là encore, des actions ponctuelles. Autant de projets au service du Bien commun. De plus en plus de personnes se rendent compte que le modèle actuel de société est à bout puisqu’il ne sert plus l’homme. Face à tant de vacuité et de perversions des idées et parfois même des institutions, des principes supérieurs sont redécouverts non seulement pour eux-mêmes mais encore plus parce qu’ils sont reconnus comme fondamentaux. Sans eux, la vie commune est impossible. Ce sont la défense de la vie de la conception aux derniers jours, la primauté de la famille naturelle et du respect de son devoir d’éduquer les enfants.
Le Bien commun ainsi est progressivement réaffirmé et redevient l’objectif de ceux qui sont les pionniers lucides du monde d’après. Tel est ce dont témoignent les dossiers qui seront présentés lors de la Nuit du Bien commun dont la majorité porte sur la famille, la formation et l’accompagnement à la personne. Ils méritent tous d’être aidés. Ainsi, le bien commun redevient un puissant levier du dynamisme social dont a tant besoin la France d’aujourd’hui pour préparer celle de demain.

Louis,
Duc d’Anjou


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Regrets

Par son bulletin mensuel LBC, l'Action française avait déjà le nom et son champion du bon côté du manche, avec un poste d'administrateur à la Fondation Lejeune qui œuvre à préserver la vie du berceau à la tombe. Il était tout indiqué pour briller de mille feux dans la Nuit du Bien Commun, mais réfugié en pays cathare pour une durée indéterminée en attendant que la Justice lui donne les clefs de la Fondation Saint-Louis, il ne pouvait être au four et au moulin. Quand ça veut pas, ça veut pas ! Mais foin des regrets.
Ce qui me navre plutôt est cette éternelle position de nos princes en second de quelqu'un, de tous nos princes. "Le second de personne" est la devise du 2è Régiment d'Artillerie de Montagne issu du 2è bataillon du Royal-Artillerie de 1720, puis "l'Artilleur de Metz". Louis de Bourbon a une affaire de fitness en propre à Madrid mais n'a jamais été plus loin qu'administrateur suppléant du Banco Occidental de Descuento, banque de ses beaux-parents. Jean d'Orléans, après de longues études, fut employé chez Lazard Frères puis chez Deloitte et finalement à la Banque populaire, sans avoir jamais rien créé. Leurs pères respectifs, duc de Cadix et duc de France, sont de la même eau des seconds, bien qu'Alphonse de Bourbon ait été président du Comité olympique espagnol... sous la férule du marquis de Samaranch (CIO). Henri d'Orléans, rien. Est-ce génant de prétendre à l'emploi de chef d'Etat "perpétuel" en n'ayant soi-même jamais créé, vaincu, réussi ? Ce n'est qu'une question, remarquez !



[1976°]

lundi 15 novembre 2021

A quelque chose malheur est bon !

grande vague

Peu importe que la science soit fausse ou sollicitée dans l'affaire du dérèglement climatique si, à l'annonce du grand crématorium où l'on passera les gens comme du bois, il y a des avantages écologiques collatéraux ! Il faut faire peur, il n'y a que ça d'efficace à mouvoir l'espèce humaine et les personnels politiques qu'elle a choisis pour décider à sa place. Les faits scientifiques ne sont pas ouverts au débat parce qu’ils sont fondés sur la physique et non sur un quelconque consensus ; mais de cela trop nombreux encore sont ceux qui ne veulent rien savoir. La crise d'inadaptation de l'espèce humaine à la mutation climatique n'appelle pas au happening en voirie à calicots et bannières, mais au redimensionnement de notre destin d'homme sur une planète finie que nous surexploitons.
Quelle qu'en soit la cause, le changement climatique indéniable et désormais redouté nous offre la chance de nettoyer cette planète et de produire propre pendant le temps qu'il nous reste avant l'Armaggedon. C'est un résultat déjà inestimable, à voir la porcherie généralisée que nous laissons pour l'instant aux générations montantes ! Pour ce faire, chacun doit y mettre du sien dès maintenant, sans attendre l'édiction d'obligations compliquées que les bureaucraties mettront des mois, des années à écrire.

Commençons par revoir notre mode de consommation en préférant les productions locales en tous domaines afin d'abolir l'empreinte carbone d'approvisionnements lointains ; une façon intelligente aussi de lutter contre la mondialisation entropique qui nivelle tout. Profitons-en pour participer à la gestion des ressources en tout genre en privilégiant une certaine frugalité, tant dans la nourriture que dans les achats de confort, en associant les exercices physiques que jusqu'ici nous avions différé à meilleur entrain.

Est-il possible à notre niveau de gérer la démographie qui est un des trois ou quatre grands défis sur la voie de la sixième extinction ? Sans entamer la liberté individuelle ? Parfaitement, en promouvant la limitation des subsides natalistes aux besoins démographiques du pays. Des allocations familiales limitées à deux ou trois enfants par foyer (selon les calculs de renouvellement) seraient un bon début mais en prenant en compte le premier né, ce qui ne serait que justice. La gestion démographique de continents excédentaires comme l'Afrique nous dépasse, mais elle va se poser avec acuité très rapidement quoiqu'en pensent les ligues morales et les églises. Doit-on réfléchir à un protocole malthusien associant l'aide au développement aux résultats démographiques du pays aidé ?

Dans le programme de réduction de l'effet de serre, les transports et la voiture surtout occupent une place de choix sur les écrans. Gérer l'automobile qui est, comme l'indique son nom, un gage de liberté individuelle auquel nous tenons tous, demande du doigté et une certaine simplicité si l'on attend des résultats positifs. Une proposition qui en vaut d'autre et n'en remplace aucune, serait de favoriser l'échange de voiture d'une catégorie Crit'Air donnée contre un modèle de catégorie meilleure*.

Il est aussi des réflexes individuels dictés par le bons sens qui n'interdisent pas aux édiles d'en faire autant. Un exemple : les décharges sauvages qui peuvent transformer des friches en lac de déchets comme on en voit en région parisienne. Ces décharges qu'utilisent les artisans déclarés ou non et les particuliers bricoleurs devraient être surveillées au point d'accès par n'importe quel moyen. Amende au contrevenant ? Que nenni ! Le flagrant délit devrait ouvrir automatiquement une procédure immédiate de réparation en nature débouchant sur une contravention du montant du préjudice subi par la commune (voir la note**).

tasse de thé
Pause !


Sinon, qu'a décidé la COP26 de Glasgow ? Le Pacte climatique qu'ont signé cette nuit deux cents nations est un "deal" au sens plein, un compromis entre les pays émergents addicts au charbon malgré eux comme l'Union indienne, et les pays développés qui n'en ont plus besoin ou presque, sauf impéritie crasse, comme l'a montrée l'Allemagne écologiste. Les nations balnéaires, pieds dans l'eau, vue imprenable sur l'horizon tsunamythique se sont émues de voir trois jours passer à bouger adverbes et attributs d'un bout à l'autre de chaque phrase, se sachant déjà condamnées.

Le "deal" ne vaudra que si les exécutifs nationaux l'accomplissent, mais le monde sera, bien avant la crue générale, submergé de promesses non tenues comme aiment les brandir les politiciens de tous bords devant les caméras. Après l'accord bilatéral de collaboration sino-américain, c'est le chef de la délégation chinoise qui a été le plus sincère en ne sacralisant pas l'objectif de réchauffement de 1,5°C : le plus grand succès du sommet de Glasgow est d'avoir finalisé le Réglement, dit-il. « Nous avons maintenant de quoi le mettre en oeuvre et de l'appliquer dans le sens du consensus obtenu ». Il est réaliste et prend acte. Ceci dit, ceci fait, même en l'absence de Xi Jinping, le tandem US-PRC que l'on n'attendait pas, s'est saisi de l'affaire. Est-ce l'effet Al-Gore ou l'effet John Kerry ? Poutine, ni présent ni cité, est un des grands perdants du sommet. Captif désormais de sa stratégie hybride en Biélorussie, il ne le sait même pas. Comme quoi, le KGB ne mène pas à tout !
Deux blessés graves à cette manifestation : Boris Jonhson qui est passé pour le clown que personne n'applaudit ; Scott Morisson, pour un menteur avéré !

La parole est aux peuples, maintenant. Sont-ils rassérénés ? Pas du tout. La crise démocratique avance derrière la crise climatique. Greta Thunberg l'a dit et il serait malavisé d'en rire vu son pouvoir de nuisance sur les conforts établis.


Sachant que les seuils de réchauffement de notre planète en surface de 1,5 et 2,0°C sont dorénavant franchissables à terme, il ne nous reste plus que l'Adaptation à creuser ! Sujet tabou s'il en est dans la religion écologique. Adapter nos comportements aux dérèglements, préparer l'environnement de notre survie, avec méthode, sans hystérie, voilà ce que nous aborderons dans un prochain article en forme de vademecum survivaliste à la sauce militaire. L'autre sujet est la mise en mouvement de l'humanité menacée. A plus !


Notes :

* Tableau officiel des catégories Crit'Air en cliquant ici
** Le contrevenant constaté par tout agent devrait être ramené à la décharge sauvage, obligé à recharger son véhicule au maximum de la capacité d'emport, conduit à une décharge contrôlée à la bascule, et le droit de dépôt exigé à la sortie serait augmenté d'autant au titre de la contravention. L'incapacité à payer conduirait à la mise en fourrière du véhicule. C'est tout. Pas de temps perdu dans les procédures du tribunal de police. Un travail de garde-champêtre armé d'un calibre 12.

vendredi 12 novembre 2021

Le renard, le chat et le goret

 

le Porc d'Orwell

Poutine le renard et Lavrov le chat promènent à la laisse Loukachenko le long du gazoduc, lui faisant la leçon de n'y surtout pas toucher, dès fois que ça lui donnerait des idées qu'on devrait dire ensuite tout à fait personnelles. Mais la bille est tombée : le Goret des Fondrières a menacé de couper le gaz russe à l'Europe orientale et à la Pologne d'abord. L'Allemagne en délicatesse avec l'Administration américaine pour ouvrir le nouveau gazoduc Nord Stream 2, découvre en Loukachenko l'abruti de service, sensé passer les plats du Kremlin, qui s'avère à l'usage... très con ! Et Merkel a bien vu la bille courir les trois bandes et lui bloquer le projet d'importer ce gaz russe à moindre frais, qui l'engage, comme le lui avait prédit Trump, dans les voies du chantage rampant. Bien sûr l'intérêt des producteurs d'énergie est d'abord de la vendre pour emplir les coffres. Mais quand s'y mêlent contraintes et menaces géopolitiques gouvernées par la mauvaise foi, les pays-clients n'ont d'autre envie que d'établir la souveraineté de leur approvisionnement et si possible son rapatriement, ce qui dans le cas du gaz naturel à forte charge calorique ouvre grand les portes de la nucléarisation.

Bien sûr, l'Allemagne ne va pas célébrer le dragon atomique qu'elle a vaincu de haute lutte, mais dans le secret de son cœur, elle compte sur la nucléarisation de ses voisins trop contents un jour de se brancher pour exporter leurs excédents. Le plan Macron de six EPR comme les programmes polonais, tchèque et slovaque concurremment au déploiement accéléré de solutions "renouvelables", vont à terme diminuer l'empreinte politique du Kremlin dans les cahiers énergétiques européens. Sous la houlette de politocards à la vue courte, la Russie obtiendra ce qu'elle voulait éviter.

C'est une déclaration du ministre Lavrov (RT France) qui mesure le cynisme de la clique au pouvoir à Moscou et qui dit à peu près ceci : L'Union européenne devrait aider financièrement la Biélorussie dans la gestion de la crise migratoire, comme elle le fait déjà avec la Turquie. Sauf que M. Lavrov sait bien qu'il n'y a pas de crise migratoire en Biélorussie puisque la route naturelle de migration n'emprunte pas les allées glacées des forêts septentrionales. Les vols-charters en provenance du Moyen-Orient assurés par Belavia, Turkish Airlines et d'autres, commandés par le Goret de Minsk, signalent au monde entier que le trafic d'êtres humains mis en péril dans la forêt aussi sûrement qu'en mer, est un trafic d'Etat négrier à des motifs strictement personnels : les sanctions européennes ne visent que les dirigeants du pays impliqués dans l'écrasement de l'opposition politique intérieure et dans le piratage aérien, pas la population innocente de ces crimes. Suivre M. Lavrov reviendrait à accepter la monétisation d'une ressource de malheureux qu'il suffit de transporter chez soi pour qu'elle rapporte. On le savait cynique, menteur les yeux dans les yeux, mais pas immoral à ce point. L'emploi l'use !

La situation des migrants que les gardes-frontières biélorusses écrasent contre la clôture polonaise est insoutenable. Tout montre que ces otages du Goret endurent des conditions climatiques insupportables SUR LE SOL BIELORUSSE. C'est à Minsk à veiller à leur survie et à les héberger convenablement. N'ont-ils d'ailleurs pas des visas biélorusses ? Les ONG de secours aux migrants se grandiraient en mettant au pied du mur les salopards de Minsk ! A voir les images transmises par la télévision nationale, on remarque que la déférence ostensible des uniformes envers le grand leader Loukachenko a rattrapé celle des généraux coréens de Kim Jong-ul. Poutine s'est offert la domesticité d'un cochon, qu'il lave donc la soue !

cochon rôti

jeudi 11 novembre 2021

Liquéfaction du Reich

A la fenêtre du bureau, le chrysanthème-infusion a fleuri partout et trois coquelicots de la Somme se sont déployés dans un ultime cri avant l'hiver ! C'est le Onze Novembre. Comme chaque année, Royal-Artillerie propose un billet relatant un point saillant de la guerre de quatorze, et cette année nous allons parler des Allemands.

Au déclenchement des hostilités, les austro-allemands nous étaient supérieurs en tout, sauf le courage. Discipline de fer, habillement, logistique lourde, armement modernisé, artillerie massue, flotte menaçante en Mer du Nord, esprit offensif. Une vraie machine à vaincre !

A la fin des hostilités, nous leur étions supérieurs en tout. Parce que nous avions évolué dans tous les compartiments du jeu polémologique avec une élégance intellectuelle que le monde nous enviera par la suite, jusqu'en 1940 ! Comme l'a dit Michel Goya dans son bouquin C'est bien nous qui l'avons gagnée les renforts décisifs ne vinrent pas des alliés mais de notre propre génie industriel et de nos usines d'armement au plus haut niveau technique. Et de l'arrière qui a tenu grâce aux Françaises.

Prenons l'exemple du charroi. Nous commençons la guerre à pied et à cheval. Que de morts ! Mais après les déboires des deux premières années, nous contruisons des camions par milliers à quatre roues motrices et directrices, en même temps que nous comblons les vieilles routes pour faire des "nationales" goudronnées permettant la relève à moindre fatigue et le redéploiement rapide des unités. Les décisions du grand état-major ne prennent que quelques semaines, l'industrie et les travaux publics sont mobilisés en permanence. A la fin de la guerre, nous avons plus de camions militaires que toutes les autres armées de la planète réunies. Il est vrai que nous avions eu avant-guerre la première industrie automobile du monde !

carte du 11 novembre


Sûres d'elles, trop sûres d'elles, les armées austro-allemandes ont pâti de la morgue prussienne du haut commandement, qu'illustrent si bien Ludendorff (relire sa Guerre totale) et Hindenburg, sans parler du Kronprinz, réincarnation du Hun ! L'Allemagne n'a pas de stratégie construite et l'opportunisme qui domine toute sa réflexion, accumule les "paris"... perdus, jusqu'à la démoralisation générale. Les récits de nos soldats découvrant la puanteur et la pourriture des casemates allemandes abandonnées dans le reflux, nous signalent au moins de l'incompréhension de la part de nos poilus quand ce n'est pas de la stupeur. Au mois d'octobre 1918, l'armée de Guillaume II se liquéfie, la Belgique est envahie de déserteurs rentrant chez eux à pied, les armées impériales d'Autriche-Hongrie fortement atteintes se divisent et sont vaincues partout pour capituler en Italie, les Ottomans, un grand cadavre mis sur le dos, les marins se mutinent à Kiel, les généraux prussiens du grand quartier général sont rentrés dans leurs terres. Qui vient au wagon de Rethondes capituler devant Foch ? L'aide de camp du chancelier Ebert, le général von Winterfeldt, ex-attaché militaire de l’ambassade à Paris, le secrétaire d'Etat Erzberger accompagné du comte von Oberndorff des Affaires étrangères de Berlin et un capitaine de vaisseau inconnu jusque là (il finira amiral). Des chefs ? point ! Le Reich s'est vaporisé. Guillaume II sera accueilli en Hollande où il coupera du bois jusqu'à la fin de ses jours. L'humiliation est totale et imprègnera fortement les mentalités des peuples allemands qui, les plaies pansées, rumineront la revanche que l'on sait.

Jacques Bainville écrit dès le 20 novembre 1918 que « la France n'a pas de politique. Elle se croit ou elle se sent liée par des principes qui lui ont été funestes dans le passé et auxquels elle a donné par ignorance et faiblesse un acquiescement regrettable. Si l'on ne comprend pas ce qui se passe en Allemagne et le renouvellement des forces qui s'y opère à la faveur d'une révolution qu'on affecte de regarder comme superficielle et que nous tenons, quant à nous, pour autre chose qu'un camouflage : si l'on méconnaît chez l'ennemi la force de ce mouvement démocratique et national que l'on exalte pourtant chez nous comme un facteur de notre victoire : si l'on reste immobile, résigné et spéculatif à un moment aussi critique, quand nous avons tous les moyens d'agir et tous les atouts en main, oh ! alors, il n'est pas difficile de le prévoir : nous allons, et pour bientôt, à un cruel réveil. L'Allemagne n'aura eu que les apparences de la défaite. Nous ne devrons pas tarder à compter avec elle.»
Emportée par les nuées wilsoniennes, la République française tracera de nouvelles frontières européennes, se créera de nouveaux clients, sans jamais oser rediviser l'Allemagne "prussienne" entre royaumes et principautés qui nous avaient si bien réussi dans un lointain passé. Au lieu de quoi on jouera la belle vingt ans plus tard !


lundi 8 novembre 2021

Puissances en division 2

Ce qui définit le classement des puissances en division 2 est leur niveau d'embarras. Soit dans la sûreté précaire de leur nation, soit dans la distance entre leur poids international et l'image qu'elles s'en font. Participent au championnat D2 le Japon, l'Inde, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l'Europe unie. Tous les autres concourent en D3 parce qu'exposés en proie (voir nota bene en pied d'article).

Le Japon

Fumio Kishida
Deuxième économie mondiale de l'après-guerre pendant de longues années avec une population inférieure à centre trente millions d'habitants sur un territoire coupé en tous sens par un relief ingrat et avare de ressources, l'archipel nippon a été doublé par la Chine continentale revenue au devant de la scène. Ce qu'a réussi le Japon, rayé de la carte du monde en 1945, est un exploit. On l'attribue d'abord à la qualité de la race - les vrais invictus - et moins souvent qu'on ne le devrait, à la gouvernance de Douglas MacArthur dans la reconstruction du pays. L'industrie renaissante profitera de l'espace commercial américain, le plus vaste du monde d'alors. Le miracle n'a rien de miraculeux. Du travail, du sérieux, un perfectionnisme obsessionnel, un chauvinisme jamais démenti ! Limité dans l'expression militaire de sa puissance par les traités d'après-guerre, le Japon est l'exemple-type du soft power. Si recherche et développement industriel sont toujours au cœur du réacteur, c'est le secteur financier qui place l'Empire du soleil levant au balcon du monde. Banques géantes, foultitude d'établissements d'épargne et de crédit, compagnies d'assurance, réassurance, fonds de pensions et de gestion d'actifs, intermédiation, représentent ensemble six fois au moins le PIB du pays (source Direction générale du Trésor). Nous l'avons déjà dit, la flotte commerciale chinoise doit son démarrage aux maisons de leasing japonaises sans lesquelles tout le commerce maritime en trop forte expansion aurait échappé à la RPC.

Le Japon est l'atout stratégique occidental en extrême-orient. La Chine populaire n'a de cesse à vouloir l'entamer, sans doute en vain, question de mental.

L'Inde

Fédération d'une grouillante diversité, percluse de misère et de génie, l'Inde est la plus parfaite illustration du colosse aux pieds d'argile. Le sous-continent est la souche de toutes les civilisations de l'espèce humaine et, à la rare exception des empires pré-colombiens, les groupes humains qui ont échappé à l'ensemencement indien ne sont pas des civilisations mais des "nations" dressées. Le magma démographique produit annuellement autant de richesse que la France, ce qui est insuffisant pour gérer convenablement 1,373 milliard d'individus entre l'Indus et l'Himalaya. Cette richesse est captée par le pouvoir central pour affermir son imperium régional dans tous les domaines de souveraineté. L'intendance suivra... ou pas ! Si l'Inde est inattaquable par sa masse et son moment d'inertie, elle n'a pas les moyens d'une stratégie d'offensive et ça tombe bien, puisqu'elle n'a aucune ambition au-delà de l'océan éponyme. Un siège permanent avec droit de véto au Conseil de Sécurité des Nations Unies la satisferait.

L'Europe, la France et le Royaume-Uni

L'Europe institutionnelle n'existe dans aucune stratégie mondiale sauf si le nouveau chancelier de Berlin instrumentalisait l'Union sur l'axe géopolitique propre à la République fédérale. L'élargissement de l'Union vers le sud-est en fait partie. Angela Merkel a soutenu récemment que l'intégration des Balkans occidentales à l'Union était stratégique. Elle englobe la Serbie, le Montenegro, le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine, l'Albanie et la Macédoine du nord. Pour le moment, les affaires étrangères européennes n'ont pas encore quitté le Quai d'Orsay ou le Foreign Office, et la suppression du Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ne serait pas dommage afin d'éclaircir l'espace de manœuvre diplomatique. En plus c'est Josep Borrell !
Quelle stratégie commune pour les principaux pays européens ?

Soit elle est définie au sein de l'Alliance atlantique à l'initiative des grands pays européens sous le nihil obstat des Etats-Unis, avec l'imprimatur allemand ; soit elle n'existe pas, chaque pays musclant sa diplomatie et ses forces armées à hauteur des moyens disponibles pour répondre aux défis attendus à sa meurtrière. Quant à l'autonomie stratégique européenne, elle est loin de faire l'unanimité en attendant que l'Allemagne y vienne vraiment. Le budget militaire de la République fédérale, sans engagements extérieurs, dépasse en euros celui de la France qui entretient à la fois une force de dissuasion et une force de projection aéronavale.
Une autonomie stratégique ça donnerait quoi ? On n'en sait trop rien, en fait, depuis le clash atlantique, Macron a déclaré ne plus faire confiance aux Etats-Unis comme avant lui l'avait dit Angela Merkel au sommet de Taormina en 2017 ; mais le rapprochement récent entre Biden et lui sur cette autonomie prétendue ne signifie rien de plus qu'un épaulement réciproque en politique intérieure. Reste que l'ardente obligation de contenir les appétits russes à recouvrer la domination de leur glacis occidental fait presque l'unanimité ! Il serait tout à fait possible que la stratégie européenne se limite à cet affrontement de type "paix armée" aussi longtemps que l'autocrate Poutine pourra se maintenir à Moscou. Mais nul n'en connaît la fin. Quelle que soit la dégringolade de sa popularité, le rapport de forces y emprunte tout à la force justement et pas aux sondages.

Les trois pays européens capables de soutenir une action diplomatique au-delà de l'horizon seront-ils tentés d'occuper des espaces libérés par l'Oncle Sam qui déplace le barycentre de ses soucis dans le Pacifique-Nord ? Que nenni ! Simplement pour une question de moyens en ce qui concerne la Grande Bretagne et la France, d'envie pour ce qui est de l'Allemagne, laquelle a intérêt à faire cavalier seul quelques temps encore avec la Chine, la Russie... et la Turquie où prospèrent les sous-traitants de la Deutsche AG.

Dans un contexte d'ostracisation renouvelée de l'ingérence extérieure (désolé, monsieur Lévy !), la France mettra à l'audit ses positions africaines comme l'utilité de ses bases aéro-navales dans un nouveau contexte de développement séparé des civilisations. De part ses territoires ultramarins, elle restera quand même impactée par la tectonique diplomatique qui l'obligera à rehausser ses capacités navales, mais avec quel argent ? Le devenir de la Nouvelle-Calédonie, tranché en décembre prochain, obère toute projection dans le temps. Son départ signifierait la fin de l'ambition Pacifique. Une base navale à Papeete, en dehors des routes commerciales, ne serait qu'un poste de police de la pêche industrielle ! Reste le soft-power d'un réseau diplomatique et éducatif de premier ordre qui devrait diffuser la meilleure image de notre pays afin d'y attirer des valeurs sûres et des acheteurs solvables plutôt que des chasseurs d'allocations.

La Grande Bretagne, déçue d'avoir loupé les accords du Brexit, prend le large. Plutôt que d'intégrer le QUAD austral pour faire pièce à la Chine populaire qui la nargue à Hong Kong, elle entre dans la nouvelle alliance AUKUS sous domination américaine exclusive, qui lui donne en Australie des perspectives industrielles dans le domaine naval qu'elle maîtrise bien. La dispute industrielle entre Londres et Canberra pour la mise en chantier des sous-marins va d'ailleurs commencer. Mais le défi obsédant est de rebattre ses cartes commerciales vers des partenaires lointains qui se substitueraient en partie au continent européen, lesquels ne l'attendent pas forcément. Les dominions vivent leur vie, les marchés de masse sont déjà organisés sans eux. Au Partenariat régional économique global (RCEP) du Pacifique, les Rosbifs seront des intrus car il n'apporteront rien qui n'y soit déjà, pas même un marché domestique important. Londres n'a rien d'extraordinaire à faire valoir au-delà de l'ingénierie financière de la City. Les génies, ça s'achète, nul besoin d'acheter en sus des trucs que l'on trouve partout ailleurs et moins cher.

Nous avons parcouru le championnat stratégique des divisions 1 et 2. Reste un acteur important qu'on oublie toujours et qui a eu son mot à dire dans l'affaire d'Afghanistan sauf à la toute fin, les Nations Unies !

L'ONU

Le secrétariat général de New York et les agences onusiennes ont toujours suivi, bon gré (Ban Ki-moon), mal gré (Boutros-Ghali), la stratégie occidentale d'ingérence jusqu'à et y comprise l'aventure libyenne de Nicolas Sarkozy. Depuis lors, les révolutions de couleur et les printemps arabes ont réveillé les deux dictatures siégeant au Conseil de Sécurité qui ont systématiquement bloqué l'ingérence internationale, l'autre nom de l'Occident. L'Organisation, ensablée dans des conflits insolubles, est en train d'étrécir au niveau d'un guichet humanitaire cantonné aux catastrophes majeures ou aux conflits d'intérêts bilatéraux de faible intensité. Ce n'est pas plus mal, mais cette mutation génétique du prolongement de l'idéal wilsonnien qui fonda cette société des Nations, affaiblit à l'avenir toute la "stratégie" occidentale qui s'y adossait. De fait, l'Occident se heurte aux frontières des empires revenus contre lui, qui vont brider son redéploiement quand il le décidera. Bloqué par les bornes de finitude de notre planète, il peut choisir de s'investir plus sérieusement dans la conquête spatiale et le cyberespace où nous pourrons donner toute notre mesure.


Une idée de stratégie occidentale ?

C'est d'abord une exigence de confiance en soi. Leurs dieux sont grands, mais le nôtre est plus grand que les leurs !

Après le temps d'hésitation du mandat Biden, plus imprévisible que le précédent jusqu'à la cagade de Kaboul, la puissance du monde libre ne sera pas réellement entamée. Ses domaines d'excellence sont intacts, parmi lesquels un spectre le plus large au monde de compétences appliquées et une créativité individuelle anarchique qui reste chez nous un levier de force plus que de désordre. Nous devons affirmer la domination indiscutable de nos atouts face à nos contempteurs dans les domaines cybernétique et spatial. La Silicon Valley est en occident, les sciences fondamentales sont en occident, les inventions disruptives sont en occident, et ce ne sont pas les universités chinoises désormais caporalisées par le Parti communiste qui nous mangeront la soupe sur la tête. Elles excellent jusqu'ici dans l'imitation mais ne créent pas ex-nihilo comme Dieu le fit. Quant aux Russes, on en reparlera dès que leur économie de rentes minières à la congolaise aura dépassé celle de l'Italie industrieuse. Qui viendra chercher noise aux Occidentaux l'apprendra à ses dépens. C'est du moins vers quoi nous devrions tendre, car nous le pouvons.


vaisseau spatial



NB : cet article appartient à la série "Dîner en ville" dont le chapitre précédent était «Puissances en division 1» (24/10/2021).

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