samedi 19 septembre 2020

Que l'Etat meure...

... et l'industrie refleurira ! 

 Ce billet est la seconde partie du Moment de l'Histoire.
Nos dirigeants, aux abonnés absents pour les questions majeures, se refont la cerise sur l'arrêt de la Bridgestone à Béthune. Nous avons tout entendu déjà depuis la crise de Florange, mais la volaille politique caquète les deux pieds dans la merde : il faut en être, ne pas laisser passer (l'outrage ou l'occasion), être "révolté", oui ça fait bien d'être "révolté". Mais il n'empêche que la filière est quand même en péril. Michelin, Continental, GoodYear ont réduit leur exposition en France. La faute aux pneumatiques asiatiques sans doute moins bons mais bien moins chers. Pourquoi le Japonais Bridgestone ferait exception ? D'autant qu'un pacte de compétitivité a été refusé par les ouvriers l'an dernier, façon de gifler le patron. Et pourtant il ne s'agissait que d'augmenter la capacité de production de 16000 à 18000 pneus/jour tout en baissant le coût de transformation. Pour ce faire, les salariés devaient passer de 32,04 heures à 34,70 heures par semaine, mais avec une augmentation de salaire la première heure de plus (source FranceInfo).
pneu Bridgestone
Vu de Sirius ou de Tokyo, quel intérêt y a-t-il à investir chez le plus mauvais élève de l'OCDE ? Et finalement le plus cher, après que l'on a consommé les aides à l'installation. Impôts de production trop lourds, code du Travail monstrueux, normes européennes augmentées par leur francisation, tracasseries administratives à tous les étages, syndicats révolutionnaires qui ne participent pas.

Sans parler du socialisme rampant d'un Etat qui envahit tout l'espace économique et se prend maintenant au jeu délétère du Gosplan soviétique pour relancer la machine qu'il a contribué à éteindre. Vu de Sirius ou de Tokyo, il est patent que l'Etat recule sur ses missions essentielles (le fameux domaine régalien en souvenir de nos rois) et ne cesse d'enfler sur le domaine économique et social. Jusqu'où l'entreprise pourra suivre le délire socialiste français ? Jusqu'à sa propre faillite ? Les Japonais ont tiré un trait sur la chimère française.

La question de la compétence de la classe dirigeante française se pose. Dans son Industrie pour les nuls, Loïk Le Floch-Prigent explique bien les ressorts de l'industrie qui fonctionne dans une vision pragmatique de la mondialisation, et sur les capacités d'entrepreneur des investisseurs, avec leur acceptation du risque en contrepartie de celle de leur succès, ce qui est loin d'être le cas chez nous. Quand on met un François Bayrou à la tête du Plan, on comprend que nous en soyons très loin.

Ceci pour dire que l'environnement politique et social n'est pas favorable au rapatriement de certaines filières, sauf dans des cas très précis de souveraineté industrielle (comme les turbo-alternateurs des centrales nucléaires), et que ce serait perdre son temps et son énergie à vouloir l'organiser. Mieux vaut industrialiser le pays sur de nouvelles bases technologiques et pour ce faire, libérer les énergies créatrices en cassant les codes et les contraintes de toute sorte. Bien sûr on trouvera à redire à Gauche, les libertés y ont mauvaises réputations (vous savez la fable du renard dans le poulailler). Et puis qui dit industrialisation dit prospérité. Quel est le carburant des partis comme des églises d'ailleurs ? La misère. La prospérité contrevient au programme, elle entame la prébende ou le magistère ; et elle pourrait donner goût au risque capitaliste ! Quelle horreur !

Mais il y a quand même plus pervers. Dans son entretien au Point, M. Le Floch fonde l'industrie sur l'homme en termes non équivoques : « Sans chef d'entreprise, pas d'industrie vivante et fructueuse. Les hommes et les femmes qui constituent le tissu industriel s'organisent en entreprises de production. Ce tissu industriel regroupe des compétences variées, scientifiques, techniques, financières, commerciales, juridiques… et chaque entité a besoin d'une stratégie, d'une vision, d'un enthousiasme en général personnifié par un chef d'entreprise qui permet à un ensemble disparate de se donner à fond pour faire réussir un projet devenu commun. Il n'y a pas d'exception à cette règle simple, elle peut choquer ceux qui défendent les coopératives ou la lutte des classes, mais ils pourront observer que les coopératives ont toujours eu besoin d'un leader et que les luttes ouvrières réussies ont débouché sur des accords patrons-salariés qui ont pu assurer le succès industriel. Sans chef d'entreprise, qu'il soit officiel ou "de fait", pas d'industrie vivante et fructueuse.» Problème ! Le dirigeant politique - qui en France n'a jamais fait que de la politique - supportera-t-il que le succès du grand chef d'entreprise lui fasse ombrage ? On l'a vu dans l'affaire Carlos Ghosn. Le patron de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi a été lâché en rase campagne dès le début de la crise par le gouvernement français. Quand on sait qu'il a osé tenir tête au gamin du Touquet qui a trafiqué l'équilibre des actionnaires au détriment des Japonais, et à l'endive de l'Eure qui contestait sa gestion des usines en France, on comprend certaines choses. Ces grands patrons à succès - ne citons que Jean-Pascal Tricoire de Schneider-Electric - surclassent les vainqueurs politiques du moment, et ont tout motif pour s'en moquer. "On" ne les aime pas !

Bien sûr le titre de ce billet est une provocation. L'Etat essentiel demeure indispensable, mais tout le lard qui l'entoure doit fondre pour libérer des ressources, même si on met au chômage des milliers de politiciens professionnels sous-calibrés. C'est mieux que de les fusiller. Et puis, va savoir, certains tenteront peut-être l'aventure de l'industrie et achèteront un jour une Bugatti... électrique ?

mardi 15 septembre 2020

Le scandale de Dreux

Mon grand-père qui formait l'espoir de me voir devenir riche m'avait dit un jour qu'il en est de deux sortes : ceux qui vivent sur les intérêts de leur capital et ceux qui placent ces intérêts annuels pour vivre du fruit de leur rapport. Après quoi mes lectures de jeune homme m'avaient appris qu'un Hollandais de la haute époque des Indes néerlandaises - le top des gestionnaires de fortune - ne consommait que la moitié de ses revenus, épargnant le reste pour palier tout revers.

Henri VI
Dans l'affaire qui nous occupe aujourd'hui, nous rencontrons la famille d'Orléans qui n'est pas hollandaise pour deux sous mais qui, depuis l'extinction des espérances, mange son capital. Un peu d'histoire avant d'en venir au Scandale de Dreux (Eure & Loir). A la mort du duc de Guise, son fils Henri d'Orléans (1908-1999) hérita d'une énorme fortune que leur ancêtre Louis-Philippe Ier avait patiemment reconstituée après les Evènements et qui faisait vivre la famille depuis lors. Le nouveau comte de Paris disposait donc à 32 ans de la fortune de son père, de celle du duc d'Aumale - Chantilly avait été déjà légué à l'Institut de France - et de celle de ses oncles et tantes disparus sans postérité. On estime la succession de 1940 à plus d'un milliard d'euros actuels. Le nouveau prétendant, bordé du nécessaire, se lança, riche à millions, dans la mission de reprendre la couronne. Chacun connaît les péripéties rocambolesques de la carrière d'Henri l'Ancien, qui acheva ses jours de la plus modeste des façons, dans une sorte de punition auto-infligée en rémission de son échec à devenir roi. Ce qui désola tous les royalistes de France. Il n'avait donc pas suffi d'avoir de gros moyens, il aurait fallu aussi un mode d'emploi, un peu d'anticipation et le goût du risque, toutes choses englouties dans le système de cour et dans une propension à se surestimer.

Au début des années 80, le train de vie royal maintenu à un rythme effréné entame le capital, les intérêts des placements n'y suffisant pas. On avait bradé le Manoir d'Anjou en Belgique et le Palais d'Orléans en Sicile dont on n'avait plus l'usage malgré une descendance nombreuse et peu habituée au travail, on continuait maintenant en liquidant la maison de Larache au Maroc, celle de la Quinta au Portugal, les maisons du Nouvion-en-Thiérache dont Isabelle d'Orléans Bragance parviendra à détacher la forêt qu'elle offrira à son petit-fils Jean, actuel comte de Paris, et enfin la propriété du Coeur Volant à Louveciennes, longtemps siège social de la Prétendance. Coulèrent ensuite, comme de l'eau entre les doigts, des biens secondaires, des terres, des métairies, du mobilier de prix, des tableaux, des bijoux dynastiques. Et pour achever la liquidation, ce qui put être distrait (en justice) du séquestre opéré par la Fondation Saint-Louis, dont nous allons parler maintenant, est parti aux enchères chez Christie's pour "pouvoir acheter l'entrecôte". Même des albums de photos de famille partirent. In fine, quelques derniers vestiges d'Eu ont été vendus récemment et le petit-fils de Madame la comtesse aurait fourgué la forêt du Nouvion.

Qu'est-ce que la Fondation Saint-Louis ?

Au détail c'est dans la Wikipedia, en présentation c'est sur La Couronne sinon sur un site promotionnel dédié. Voyant s'éloigner toute perspective de restauration, Henri l'Ancien eut la sagesse de sauvegarder l'invendable de quelque importance en le protégeant de ses hoirs dans une fondation patrimoniale, héritière d'une société civile de gestion fondée par le duc d'Aumale en 1886, qui deviendra d'utilité publique en 1974 et dont les statuts seront approuvés par le ministre de l'Intérieur. La Fondation Saint-Louis est quelque chose d'important où siègent à son conseil et de droit, le ministre de la Culture, le directeur général des Patrimoines de la rue de Valois, et le maire d'Amboise. Les y rejoignent des personnalités investies dans les questions patrimoniales comme Stéphane Bern. Le président en exercice est M. François Voss de chez Lazard Frères et les statuts prévoient une présidence d'honneur assumée par le chef de la maison d'Orléans pour couper les rubans.

Il semblerait aujourd'hui que le président d'honneur soit sorti de l'emploi. C'est l'histoire cornecul du squat de la maison Philidor sise au château de Dreux. Cette maison du XVIIIè siècle fut restaurée en 1978 par Henri l'Ancien (président de la Fondation propriétaire) afin d'y accueillir sa bru Marie-Thérèse de Wurtemberg avec sa progéniture, pendant les vacances scolaires et les week-ends. Sa bru, abandonnée par son mari, l'aîné d'Orléans, et accablée de cinq enfants dont deux lourdement handicapés, souffrait de l'exiguïté de son appartement parisien. C'était une libéralité, ce n'était pas un bail. Il n'existe apparemment aucun document de ce qui ressemble maintenant à un accord verbal entre gens de confiance. Lorsque Jean d'Orléans se maria avec Philomena de Tornos y Steinhart en 2008, il quitta son petit appartement parisien pour élever au grand air ses enfants dans un parc de trois hectares. Il rejoignit la maison Philidor où sa mère venait de temps en temps encore et en fit sa résidence principale, a priori sans autre titre d'occupation que la libéralité verbale de feu Henri d'Orléans. Son père, devenu à son tour président d'honneur de la fondation, laissa courir, même si des frictions apparurent entre le personnel rémunéré par Amboise et la jeune famille princière en développement, qui fatalement occupait de plus en plus d'espace ; jusqu'à ce que le nouveau comte de Paris, usant et abusant de sa nouvelle position de président d'honneur à la mort de son père, se comporte en maître de céans, invitant au château édiles, élus, gotha et saltimbanques.

Et à partir de là c'est le noir absolu !

Le Landerneau royaliste apprend le 9 septembre dans L'Echo Républicain que Jean d'Orléans a chargé sa voiture de valises et de gosses pour les mettre à l'abri de menaces émanant du personnel de Dreux afin de les installer dans le Midi. S'ensuivent des déclarations répétées du prince contre la Fondation et un communiqué sibyllin que voici : « Nous continuons à travailler pour que la Fondation Saint Louis retrouve les objectifs que lui avait fixés son fondateur, mon grand-père : mettre la Famille de France au service de son patrimoine, et mettre ce patrimoine au service de la France et des Français.»
Quels objectifs ? Les objectifs sont dans les statuts de l'organisme et aucune demande n'est parvenue à les faire publier par le prince. Il est difficile de soutenir la revendication sans avoir un minimum de bases et la dramatisation du différent est embarrassante pour tout le monde - en fait, on a un peu honte pour ce prince impécunieux. De son côté, la Fondation Saint-Louis refuse de jouer le rôle du méchant Hérode, arguant d'un conflit d'ordre privé dans un communiqué laconique de son secrétaire général : "Ce qui se passe entre la fondation Saint-Louis et le comte de Paris est une affaire strictement privée sur laquelle je n’ai pas à revenir. Il y a des négociations pour que les règles internes de la fondation et la légalité soient respectées en lien d’ailleurs avec l’État. Mais je n’ai pas à en révéler la teneur publiquement dans l’intérêt de chacune des parties. En revanche, je peux évoquer ce qui est fait pour le développement du site de la chapelle royale de Dreux. Nous sommes en lien étroit avec les autorités locales et nous allons mettre ne place des projets pour renforcer l’attractivité du site. Tout le monde a conscience de la valeur de ce monument et de ce patrimoine". On voit quand même que le secrétaire général cantonne la dispute à l'occupation du domaine de Dreux et n'engage pas de réflexion sur la fondation elle-même qui va rester hors de portée de la chicane.

Nous ne nous prêterons pas au jeu des insinuations et supputations bien qu'il y ait matière d'abondance dans le cadre général de l'oisiveté chronique de cette famille ; mais nous nous permettons de dire que lorsque un prince prétend à la couronne de France, quand il fustige à juste raison le gouvernement de son pays, quand il appelle chacun à prendre ses responsabilités dans les questions de la vie donnée et dans celles de la sacralisation de la mort, il est dommage qu'il perde la face en reculant s'il est dans son droit, et précarise ce faisant une famille de sept personnes. Veut-il casser la Fondation ? C'est puéril, les administrateurs sont inexpugnables et la présidence effective a été retirée aux héritiers par le fondateur, en connaissance de cause. Mais après être revenu sur une défaisance volontaire de ses droits au moment de la succession de son aïeul quand des biens mobiliers réapparurent dans la succession contestée, il s'est montré assez procédurier pour récupérer sa part imprudemment abandonnée ; ce qui peut se comprendre quand l'ordinaire est maigre en vivant d'expédients.

Que les enfants du prince Jean en prennent de la graine, fassent de belles études qui leur paieront la maison de leur rêve, loin de l'humidité de biens dynastiques encombrants ou ruineux.
A quand la relève ? On a hâte !


famille Jean d'Orléans


Nota bene : les commentaires sur ce billet ne sont pas possibles.

dimanche 13 septembre 2020

In memoriam Oslo !

Avec le ralliement du royaume de Bahrein au processus de normalisation israélo-arabe, on enterre les accords d'Oslo qui ouvraient la voie à un Etat palestinien limité, contenu mais viable. Intransigeance, surenchères entre les divers groupes palestiniens ont permis à Israël de mettre une chaîne de sûreté à la porte de l'émancipation. Le sultanat d'Oman va probablement rejoindre le bloc des traîtres qui, avec la bénédiction des Séouds, offre à l'Etat hébreu un espace géopolitique avec un quasi-continuum jusqu'à l'Océan indien. L'Iran utile est cerné. La Thanatocratie islamique va-t-elle accepter cette défaite cuisante sur le Golfe persique ? Il semblerait que la provocation soit parfaitement construite et n'attende que la réaction de Qom pour déplier le chapitre à suivre. En attendant, en cet anniversaire d'un espoir déçu, voici le dernier single de Mohammed Assaf, le roi de la pop palestinienne :

vendredi 11 septembre 2020

9.11 No Comment ?

Mon dieu est plus grand que le tien !!!

L'attaque du 9 septembre 2001 par al-Qaïda sur New York a eu pour conséquence d'ouvrir le Moyen Orient à la stratégie de puissance des Etats-Unis. Dix-neuf ans plus tard, les pays islamiques sont partout dans les rets de l'Occident ou dans les fers des sanctions américaines. Chine et Russie ne parviennent pas à faire l'écart. La Palestine disparaît lentement des cartes. Le cerveau de moineau d'Oussama ben Laden, comme celui de ses sponsors arabes, a ruiné pour longtemps la cause musulmane dont les fondamentaux sont patrouillés maintenant par la diplomatie occidentale, comme aux temps bénis des mandats.

Toutes ces horreurs, ces boucheries partout, tout ça pour ça ?


R.I.P.

samedi 5 septembre 2020

Onfray le Danois

portrait de Michel Onfray
« Quand les vents déchaînés emportent les marins, deux avis à la barre et trop d’habiles rassemblés ne vaudront pas l’unique volonté, même moins sage, mais dont l’autorité est plénière. C’est là qu’il faut chercher la force des demeures et des cités » (Andromaque d'Euripide). C'est sur cette vérité d'évidence que se termine un appel au fédéralisme monarchique dans la nouvelle revue numérique de Michel Onfray, Front Populaire, qu'un ami me voulant du bien m'a passée.
Totale surprise du Piéton que de voir réécrit noir sur blanc sa lancinante obsession d'une monarchie d'étage régalien strict ! Encore un effort et nous aurons les républiques subordonnées dans une douce anarchie, ce qui correspondrait assez bien au parcours intellectuel du philosophe normand.
Qu'y lit-on ? Au complet c'est par ici* :
* https://frontpopulaire.fr/o/Content/co205129/souverainete-sur-qui-souverainete-sur-quoi-vers-un-federalisme-monarchique
Nous en extrayons la substantifique moelle :

« Réfléchir à la notion de souveraineté implique nécessairement de s’interroger sur les objets auxquels doit s’appliquer cette souveraineté.» Exit le souverainisme incantatoire des cabris ! De quoi parle-t-on en appelant à la souveraineté ? D'abord c'est aujourd'hui l'Etat qui exerce la souveraineté et pas un corps constitué plus qu'un autre, non plus qu'un élu en CDD. Cette souveraineté s'applique sur deux champs bien distincts, les affaires intérieures et les affaires extérieures. L'Etat applique la coercition légitime jusqu'à la violence légale dans les domaines qui les réclament mais avec un vice d'application qui date des gouvernements compréhensifs - en gros le cabinet Jospin sous Chirac Ier -, savoir que l'opposition désarmée est traitée avec la plus grande sévérité, ce sont les gilets jaunes à partir de l'infiltration de l'ultra-gauche (insoumis, black-block, indigènes et tout le chantier de démolition) ; tandis que l'opposition armée est contournée, ignorée et cajolée par la Justice à des motifs obscurs. Une autre domaine où l'Etat pèse de tout son poids est celui de l'Education nationale où à la suite de Vincent Peillon, la Rue de Grenelle n'a pas abandonné l'idée de formater les enfants sept jours sur sept avec rappel de vaccination aux heures de classes. Tout à l'opposé est le domaine de la santé publique dont on a découvert l'incroyable incurie lors de l'explosion de coronavirus. En résumé, fort avec les faibles, faible avec les forts et toujours à court d'argent.

Le champ des affaires étrangères est également partagé entre zones d'effort où la France s'affirme - traditionnellement l'Afrique - et zones de timidités comme les nomme l'article de Front Populaire. Il y a des timidités malvenues, et d'autres bienvenues. Le partage est à l'aune de notre puissance réduite que nos partenaires nous mesurent encore quand ils voient l'état de calamité financière où nous nous sommes jetés pour faire vivre le peuple des hamacs concurremment à notre grandeur. Au lieu de rechercher une impossible indépendance, optimisons au maximum nos dépendances. Un peu de prudence avec l'Amérique de Trump ne nuit pas. Un peu moins avec la Chine, mais intelligemment, rehausserait la portée de notre discours. Il en va de même au Proche Orient (nous sortons des Sykes-Picot au Moyen Orient) où nous avons des atouts et des forces résidentes sur lesquels adosser une diplomatie d'autorité au milieu des contraintes de tous ordres voire des contradictions orientales que nous savons très bien analyser. Chirac qui fut le seul chef d'Etat étranger aux funérailles d'Hafez el-Assad et de Rafik Hariri n'a pas su sanctuariser le Liban au nord du Litani et la France a perdu son honneur et la main jusqu'à la catastrophe récente à Beyrouth. Que faisons-nous entre Grèce et Turquie pour les îlots de Kastellórizo ? On y reviendra.

A la fin, l'article s'avance vers nous (sans qu'il le sache bien sûr) quand il y est écrit que « l’État peut et doit être fort, c’est-à-dire souverain et indépendant, mais dans quels domaines ? Oui, l’État doit prendre du recul et disparaître, mais dans quels domaines ? Peut-être est-il temps de ne pas rougir d’un État puissant dans des domaines restreints mais essentiels à la bonne marche du pays, dans ce qu’on appelle les compétences régaliennes, mais qu’il s’agirait de chercher à redéfinir tous ensemble en tant que peuple.» Sur ce blogue nous sommes pour arracher le régalien strict** à la dispute démocratique pour le confier à une autorité permanente indépendante des partis et des lobbies. Mais rien n'interdit d'y intégrer un ou deux domaines jugés essentiels pour la cohésion de la Nation. Peut-être l'instruction publique de premier cycle et les hôpitaux généraux...

L'article se referme sur les contrepouvoirs de Proudhon et la question qui tue : « Vers un fédéralisme monarchique ?» Reste à s'abonner à Front Populaire ? On va attendre un peu qu'il confirme le coup de barre ! Pour ceux qui sont pressés, on peut payer là.

** Toujours les cinq domaines : Justice haute, Police nationale, Armées, Finances centrales, Diplomatie.


drapeau blanc

vendredi 4 septembre 2020

Le roi par expérience

L'Action française ne cesse de produire ses textes doctrinaux à l'intention de ses adhérents. Voir la rubrique "Notions fondamentales" du site officiel. Après la question ouvrière, Kiel & Tanger (diplomatie d'une puissance moyenne), l'avenir de l'intelligence et avant la décentralisation, voici dont le fameux "empirisme organisateur" qui est l'exact opposé de la tabula rasa révolutionnaire. Dans un billet laissé jadis au bimensuel L'Action Française 2000, Stéphane Blanchonnet avait évoqué ce point de doctrine de manière concise, en termes choisis :

« La formule peut dérouter par son apparente complexité et sa tournure philosophique. Maurras s'empresse donc d'en donner une définition extrêmement simple, dégagée de toute technicité : "la mise à profit des bonheurs du passé en vue de l'avenir que tout esprit bien né souhaite à son pays". Ailleurs il en donne une expression plus concise : "Notre maîtresse en politique, c'est l'expérience".
Néanmoins, cette simplicité et cette modestie ne doivent pas occulter l'originalité de l'empirisme organisateur. Par lui, Maurras rejette à la fois les philosophies fatalistes, qu'elles soient optimistes (marxisme) ou pessimistes (guénonisme), pour lesquelles le présent est totalement déterminé par quelque loi absolue, et l'illusion démocratique pour laquelle l'avenir se construit sans aucune considération du passé et sur la seule base de l'opinion.
L'empirisme organisateur explique pourquoi l'Action française a compté dans ses rangs autant d'historiens (de Jacques Bainville et Pierre Gaxotte à Michel Mourre ou Philippe Ariès) et pourquoi, aujourd'hui encore, on peut suspecter une influence maurrassienne derrière tout observateur de la vie politique capable de s'élever au-dessus des considérations d'actualité pure pour mettre les hommes et les événements en perspective avec le temps long.» (SB)

Aujourd'hui se fêtent en France les cent-cinquante ans de la proclamation de la République troisième à l'Hôtel de ville de Paris. C'est le bon jour pour parler de monarchie. Voici l'article de doctrine. Nous apportons nos commentaires en italique s'il y a lieu, et d'un point de vue strictement personnel.




L’empirisme organisateur


La complexité apparente de la notion d’empirisme organisateur est déroutante. Cette méthode de construction doctrinale fait cependant l’originalité et la force de l’Action française comme école de pensée.

Genèse d’une méthode

Constatant la profonde division de l’esprit français au tournant des XIXe et XXe siècles, et postulant l’impossible retour de la chose publique sans doctrine, Maurras chercha une méthode pour jeter les bases de sa réflexion politique. Il emprunta l’expression d’ « empirisme organisateur » au critique littéraire Sainte-Beuve (mort en 1869) ; connu pour son absence d’esprit partisan, sa promotion du primat de l’expérience et son souci de rechercher les contradictions de tous les courants littéraires, politiques, ou philosophiques. L’empirisme organisateur se veut donc une démarche intellectuelle susceptible d’être acceptée par tous les Français, quel que soit leur parti, quelles que soient leurs croyances, ou quels que soient leurs préjugés, ainsi qu’un instrument d’une réforme intellectuelle et morale. Cette méthode se nourrit également de la pensée traditionnelle (antique et médiévale), contre-révolutionnaire et du positivisme d’Auguste Comte.


La raison et l’expérience

L’empirisme organisateur consiste à analyser le passé de manière critique, tant pour comprendre le présent que pour dégager de grandes lois de l’histoire. Comme le résume Maurras : « Notre maîtresse en politique, c’est l’expérience ». Aussi, les institutions sociales doivent être le fruit d’une sélection opérée par les siècles. L’empirisme organisateur peut donc se définir simplement comme « la mise à profit des bonheurs du passé en vue de l’avenir que tout esprit bien né souhaite à son pays ». Cette logique conduit Maurras à conclure à la monarchie.
L’empirisme organisateur implique également un principe d’ouverture consistant à accepter les observations valables d’où qu’elles proviennent, en examinant seulement leur rapport avec la réalité des faits. Enfin, d’une façon générale, il impose de ne jamais quitter la mesure rationnelle des possibles.

Commentaire :
Charité bien ordonnée... Si l'avenir seul doit être notre souci, la méthode de l'empirisme organisateur doit être intégrale et ne pas construire des ponts au-dessus de problèmes "domestiques". L'histoire a démontré que les schismes affaiblissaient durablement les institutions concernées. A la mort de Maurras, les "légataires" du Martégal s'arrachèrent les débris d'une gloire entamée par les années de guerre, plombant durablement l'Action française. Le mouvement royaliste qui se divisa ensuite dans la querelle dynastique ressuscitée lors de Millénaire capétien, juste avant la Cagade d'Orléans, en pâtit terriblement, jusqu'à un point tel que l'adhésion aux idées monarchiques doit aujourd'hui faire l'impasse sur les chapelles et les maisons pour exister.


Conséquences et applications

L’empirisme organisateur donne au royalisme d’Action française son efficacité. Contrairement au royalisme du XIXe siècle, celui-ci ne se contente pas de la tradition (remise en cause a priori par certains courants intellectuels) non plus qu’il ne s’appuie sur la Providence ou le droit divin : il allie la tradition à la volonté. C’est ainsi que Maurras affirme que « toute tradition est critique ».
Le primat de l’expérience conduit à la critique de la démocratie parlementaire, dans laquelle le pouvoir dépend des suffrages, donc de l’opinion et de ses variations, condamnant le régime au présentisme. Maurras y dénonce d’ailleurs un « régime d’amnésie ». La monarchie au contraire, présente l’avantage de rendre l’exécutif indépendant de l’opinion et de ses passions. Enfin, du fait qu’elle pousse le souverain à inscrire son action dans la continuité de celle de ses prédécesseurs (qu’il la poursuive, l’amende ou l’interrompt), elle se trouve être elle-même un produit de l’empirisme organisateur.

Commentaire :
La monarchie est "démontrable". L'Enquête sur la monarchie (1900) de Charles Maurras s'est attachée à cette démonstration pour aller de l'avant et rompre avec la pieuse nostalgie de régimes éteints (ndlr: ...d'eux-mêmes). La cause du roi gagnerait beaucoup à être "démontrée" en lieu et place de la critique permanente du régime actuel qui, de la part du mouvement royaliste, se noie dans le concert des mécontents de plus en plus nombreux. En pratique, il serait plus rémunérateur de faire des propositions claires, compréhensibles et complètes que de rejoindre le vacarme de casseroles d'un peuple floué par le régime parlementaire.






L'énigme du présent trouve sa solution dans le passé !

(Patrick Boucheron du Collège de France sur Arte 28' septembre 2020)

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