mardi 26 décembre 2023

Le vrai discours d'un roi

Dans son message de Noël, le roi d'Espagne a choisi d'entretenir ses sujets des avantages de la constitution de 1978 qui fédère les Espagnes dans le respect des particularismes provinciaux. On comprend bien que la fréquence porteuse de son intervention est le deal passé entre Pedro Sanchez et l'indépendantiste catalan Carles Puigdemont afin que les Cortès de Madrid maintiennent le premier à la présidence du conseil des ministres. Ce texte peut être considéré comme un cours constitutionnel sur un régime décentralisateur tel que le projet royaliste français le promeut. Il y a beaucoup de choses à y prendre. Ce discours n'est pas un oral de Sciences-Po comme nous y sommes habitués en France. Ils n'y ont pas mis l'Ukraine, Gaza, la COP28, les Houthis et le volcan d'Islande. Non, le roi trace son sillon, parfaitement droit, et arrivé au bout du champ, il retourne la charrue et laboure en revenant. Le voici donc in extenso, et les hispanisants se feront un plaisir d'en écouter le prononcé par don Felipe lui-même dans la vidéo ci-dessous :


« Comme à chaque réveillon de la Nativité, j'ai l'occasion de vous souhaiter un Joyeux Noël et de me joindre à ma famille pour vous adresser nos meilleurs vœux. C'est une tradition que je suis heureux de maintenir et qui me permet également d'approcher de vos foyers avec des réflexions sur notre présent et sur les défis auxquels nous sommes confrontés en tant que pays.

« Les difficultés économiques et sociales qui affectent la vie quotidienne de nombreux Espagnols sont une préoccupation pour tous. Une préoccupation exprimée, notamment en ce qui concerne l'emploi, la santé, la qualité de l'éducation et le prix des services de base. Bien sûr aussi, la violence inacceptable à l'égard des femmes ou, dans le cas des jeunes, l'accès au logement. Il y a donc beaucoup de questions spécifiques que j'aurais voulu aborder avec vous aujourd'hui, même si ce soir je préfère me concentrer sur d'autres questions qui ont également beaucoup à voir avec le développement de notre vie collective. C'est à la Constitution et à l'Espagne auxquelles je voudrais me référer.

« Cette année, notre Constitution a atteint l'âge de quarante-cinq ans. Au cours de ces années de vie démocratique, la Constitution à laquelle la princesse des Asturies a prêté serment le 31 octobre, a été présente dans nos vies de manière ininterrompue. Et c'est sans aucun doute le meilleur exemple de l'union des Espagnols et de leur vie en commun. Nous ne pouvons pas oublier que l'un de nos grands atouts en démocratie est précisément cette convivialité fondée sur des sentiments partagés et sur la recherche ensemble du bien-être et de la prospérité de tous. En octobre dernier dans les Asturies, j'ai souligné - et je le crois ainsi - que c'était avec l'union, avec l'effort collectif et les attitudes solidaires que les grands chantiers se construisaient, ceux qui transcendent les gens, qui durent et se pérennisent. C'est ainsi qu'un pays progresse.

« Bien sûr en Espagne, tout citoyen a le droit de penser, de s'exprimer et de défendre ses idées en liberté et dans le respect d'autrui. Mais la démocratie exige aussi un large consensus de base sur les principes que nous partageons et qui nous unissent depuis plusieurs générations. Et cette union qui a de profondes racines historiques et culturelles, doit reposer avant tout sur les valeurs qui régissent toute vie démocratique en commun : la liberté, la justice, l'égalité, le pluralisme politique. Telles sont les valeurs qui nous rapprochent, qui donnent de la force et de la permanence à un système démocratique comme le nôtre. Et donc elles définissent et établissent notre Constitution qui a été le plus grand succès politique de notre histoire récente. Elle a été le point culminant d'un processus qui a mérité l'admiration et une reconnaissance internationales extraordinaires. Grâce à elle, l'Espagne a réussi à construire et à consolider une démocratie pleine, ouverte et inclusive, un État de droit social et démocratique qui a assuré notre vivre ensemble et nous a permis de surmonter diverses crises graves ces dernières années. Telle est l'évidente réalité de notre récente histoire constitutionnelle.

« Grâce à la Constitution, nous avons réussi à surmonter les divisions qui ont été à l'origine de nombreuses erreurs dans notre histoire ; elles ont ouvert des plaies, des fractures affectives et éloigné les personnes. Surmonter ces divisions a donc été notre principal succès il y a près de cinq décennies. Par conséquent, empêcher que le germe de la discorde ne s'installe entre nous est un devoir moral qui nous oblige tous. Parce que nous ne pouvons pas nous le permettre.

« Et il y a une autre dimension de la Constitution que pour le moins nous ne regardons pas assez et qui est certainement aussi très importante : celle qui nous permet de garantir notre modèle de vie, notre mode de vie et notre compréhension de la vie. S'exprimer librement, obtenir une éducation, avoir un emploi ou se protéger de la maladie est certainement essentiel dans notre vie quotidienne. C'est aussi, l'accès à un foyer, la formation d'une famille, pouvoir compter sur une aide sociale ou une retraite décente... Tous ces faits quotidiens - et bien d'autres - sont ceux que la Constitution défend, garantit et protège.

« C'est pourquoi je voudrais justifier la Constitution non seulement en tant que valeur démocratique au présent et dans l'avenir, mais aussi en tant qu'instrument et garantie indispensables pour que la vie des Espagnols puisse continuer à fonctionner en confiance, dans la stabilité et avec des certitudes. Afin que nous puissions jouir librement d'une vie dans laquelle chacun - en sa situation propre - peut raisonnablement être satisfait dans ses attentes légitimes, ses ambitions, ses projets et ses besoins. Mais il est clair que pour que la Constitution développe pleinement sa mission, nous devons non seulement la respecter, mais encore préserver son identité qui la définit, c'est-à-dire, sa raison d'être tel un pacte collectif de tous entre tous dans un but commun. Enfin, nous devons préserver son intégrité en tant que lieu de reconnaissance mutuelle, d'acceptation et de rencontre approuvée par tous les Espagnols, en tant que détenteurs légitimes de la souveraineté nationale.

« Par conséquent, sans respect de la Constitution il n'y a pas de démocratie ou de vivre ensemble possibles ; il n'y a pas de liberté mais de la contrainte ; il n'y a pas de loi mais l'arbitraire. En dehors de la Constitution, il n'y a pas d'Espagne en paix et en liberté. A côté de la Constitution, l'Espagne !

« Les Espagnols ont emprunté une nouvelle voie il y a près d'un demi-siècle ; nous l'avons fait ensemble, démocratiquement, dans le cadre d'un projet commun. Nous avons adopté une vision commune de l'Espagne, qui reconnaît le droit de chacun de se sentir et d'être respecté dans sa personnalité et dans sa propre culture, avec ses langues, ses traditions et ses institutions. Et aujourd'hui, l'Espagne est une société forte, qui a souvent prouvé les valeurs qui donnent un sens à notre communauté politique :

« Nous avons été solidaires avec ceux qui ont souffert de l'adversité ;
nous avons eu un comportement civique exemplaire pour surmonter la COVID ;
nous avons fait preuve de courage, de dignité et de principes face au terrorisme ;
et nous avons exprimé et - surtout - défendu nos valeurs constitutionnelles lorsqu'elles ont été remises en question ou qu'elles ont été mises en péril.
Et tout cela, nous l'avons également fait ensemble et conformément au cadre constitutionnel, décidé par tous les Espagnols.

« La raison ultime de nos succès et de nos progrès dans l'histoire récente a été précisément l'unité de notre pays, fondée sur nos valeurs démocratiques et notre cohésion, sur les liens solides de l'État et des Communautés autonomes, sur la solidarité entre tous... Mais toujours dans notre ouverture au monde extérieur avec une vocation profondément ibéro-américaine et européenne. L'Espagne a présidé le Conseil de l'Union européenne pour le dernier semestre, et l'unité de l'Europe a été renforcée.

« Je ne doute pas que l'unité sera également la clef pour que nous puissions faire face avec succès aux défis graves et complexes du futur auquel l'Espagne est confrontée aujourd'hui. Pour faire face à l'avenir, toutes les institutions de l'État ont le devoir de nous conduire avec la plus grande responsabilité et de toujours rechercher les intérêts généraux de tous les Espagnols fidèles à la Constitution. Chaque institution, à commencer par le Roi, doit être placée à l'endoit que la Constitution lui désigne, exercer les fonctions qui lui sont confiées et remplir les obligations et les devoirs auxquelles la Constitution l'assigne. Nous devons également respecter les autres institutions dans l'exercice de leurs propres compétences et contribuer à leur renforcement et à leur prestige. Enfin, nous devons toujours garantir la bonne réputation, la dignité et le respect de notre pays.

« Tout au long de son histoire, pendant des siècles, l'Espagne a eu la responsabilité d'influencer le cours de l'humanité. Comme elle a également traversé des périodes de tragédie, de silence, d'isolement et de douleur. Mais le peuple espagnol les a toujours surmontées ; il a réussi à les surmonter en sachant comment choisir son chemin avec force et dans l'orgueil des peuples qui savent qui ils veulent être. Nous devrions prendre davantage conscience du grand pays dont nous disposons, le ressentir davantage et en prendre soin avant tout. Nous pouvons ainsi mieux nous acquitter de l'obligation dont j'ai parlé il y a quelques jours aux Cortès : garantir aux jeunes générations l'héritage d'une Espagne unie et cohésive avec une volonté de compréhension mutuelle, et solide dans ses convictions démocratiques, civiques et morales ; l'héritage d'une Espagne respectée, notre chère nation, dans laquelle elles peuvent continuer à développer librement leur vie, en toute sécurité dans un environnement de stabilité et de confiance.

« L'Espagne passera à autre chose. Avec détermination, avec espoir, nous le ferons ensemble ; conscients de notre réalité historique et présente, de notre vérité en tant que nation. Sur cette voie, il y aura toujours la Couronne; non seulement parce que c'est mon devoir en tant que Roi, mais parce que c'est aussi ma conviction.

« Merci de m'avoir accordé un peu de votre temps cette nuit, et avec la Reine, la Princesse Léonor et l'Infante Sofia, nous vous souhaitons un heureux réveillon, avec une pensée très spéciale pour ceux qui en ce moment, avec dévouement et abnégation, veillent à la sécurité de tous et au fonctionnement des services publics.

« À tous, Joyeux Noel, Eguberri on, Bon Nadal et Boas festas. Très bonne nuit et que 2024 soit heureuse et prospère. »

(traduction R.A.)



cul-de-lampe

(Bloc-texte du communiqué original de la Casa Real)
Como cada Nochebuena, tengo la oportunidad de felicitaros la Navidad y de transmitiros, junto a mi familia, nuestros mejores deseos. Es una tradición que me agrada mantener y que también me permite hacer llegar a vuestros hogares algunas reflexiones sobre nuestro presente y sobre los retos que se nos plantean como país. Las dificultades económicas y sociales que afectan a la vida diaria de muchos españoles son una preocupación para todos. Una preocupación que se manifiesta, especialmente, en relación con el empleo, la sanidad, la calidad de la educación, el precio de los servicios básicos. Desde luego también con la inaceptable violencia contra la mujer o, en el caso de los jóvenes, con el acceso a la vivienda. Así pues, son muchas las cuestiones concretas que me gustaría abordar con vosotros hoy, si bien esta noche quiero centrarme en otras que también tienen mucho que ver con el desarrollo de nuestra vida colectiva. Es a la Constitución y a España a lo que me quiero referir. Este año, nuestra Constitución ha cumplido 45 años. Durante estos años de vida democrática, la Constitución, que la Princesa de Asturias juró el pasado 31 de octubre, ha estado presente ininterrumpidamente en nuestras vidas. Y es, sin duda, el mejor ejemplo de la unión y convivencia entre españoles. No podemos olvidar que uno de nuestros grandes activos en democracia es, precisamente, esa convivencia basada en sentimientos compartidos y en la búsqueda común del bienestar y la prosperidad de todos. En Asturias en octubre pasado, señalé -y así lo creo-, que es con la unión, con el esfuerzo colectivo y con las actitudes solidarias como se construyen las grandes obras, las que trascienden a las personas, las que duran y permanecen en el tiempo. Es así como un país progresa. Naturalmente, en España todo ciudadano tiene derecho a pensar, a expresarse y defender sus ideas con libertad y respeto a los demás. Pero la democracia también requiere unos consensos básicos y amplios sobre los principios que hemos compartido y que nos unen desde hace varias generaciones. Y esa unión, que tiene profundas raíces históricas y culturales, debe descansar sobre todo en los valores que rigen toda convivencia democrática: la libertad, la justicia, la igualdad, el pluralismo político. Esos son los valores que nos cohesionan, que le dan fortaleza y permanencia a un sistema democrático como el nuestro. Y así los define y establece nuestra Constitución, que ha sido el mayor éxito político de nuestra reciente historia, y que supuso la culminación de un proceso que mereció una admiración y un reconocimiento internacional extraordinarios. Gracias a ella, España consiguió construir y consolidar una democracia plena, abierta e integradora, un Estado Social y Democrático de Derecho, que ha asegurado nuestra convivencia y que nos ha permitido superar diversas y graves crisis en los últimos años. Esa es la evidente realidad de nuestra historia reciente institucional. Gracias a la Constitución conseguimos superar la división, que ha sido la causa de muchos errores en nuestra historia; que abrió heridas, fracturó afectos y distanció a las personas. Superar esa división, por tanto, fue nuestro principal acierto hace ya casi 5 décadas. Por eso, evitar que nunca el germen de la discordia se instale entre nosotros es un deber moral que tenemos todos. Porque no nos lo podemos permitir. Y hay otra dimensión de la Constitución en la que a menudo no reparamos, y que sin duda es también muy importante: La que nos permite asegurar nuestro modelo de vida, nuestra forma de vivir y de entender la vida. Expresarse libremente, recibir una educación, tener un empleo, o protegerse de la enfermedad, es sin duda clave en nuestro día a día. También lo es, acceder a una vivienda, formar una familia, contar con ayuda social o disponer de un retiro digno... Todos esos hechos diarios -y muchos más- son los que la Constitución ampara, garantiza y protege. Por ello, quiero reivindicar la Constitución no solo como valor democrático de presente y de futuro, sino también como instrumento y garantía imprescindible para que la vida de los españoles pueda seguir discurriendo con confianza, con estabilidad, con certidumbre. Para que podamos disfrutar libremente de una vida en la que cada uno -con sus circunstancias- pueda ver razonablemente satisfechas sus legítimas expectativas, sus ambiciones, proyectos y necesidades. Pero es evidente que para que la Constitución desarrolle plenamente su cometido no solo se requiere que la respetemos, sino también que conservemos su identidad, lo que la define, lo que significa; su razón de ser como pacto colectivo de todos y entre todos para un propósito compartido. Y, finalmente, exige que preservemos su integridad como lugar de reconocimiento mutuo, de aceptación y encuentro aprobado por todos los españoles, como legítimos titulares que son de la soberanía nacional. Por tanto, fuera del respeto a la Constitución no hay democracia ni convivencia posibles; no hay libertades sino imposición; no hay ley, sino arbitrariedad. Fuera de la Constitución no hay una España en paz y libertad. Y junto a la Constitución, España. Los españoles iniciamos hace ya casi medio siglo un nuevo camino; lo hicimos juntos, democráticamente, en un proyecto común. Aprobamos una visión compartida de España que reconoce el derecho de todos a sentirse y a ser respetados en su propia personalidad y en su cultura; con sus lenguas, tradiciones e instituciones. Y hoy, España es una sociedad fuerte, que ha demostrado muchas veces los valores que forjan nuestro sentido como comunidad política: Hemos sido solidarios con quienes han sufrido la adversidad; Hemos tenido un comportamiento cívico ejemplar en la superación de la COVID; Hemos demostrado coraje, dignidad y principios frente al terrorismo; Y hemos expresado y -sobre todo- defendido nuestros valores constitucionales cuando estos han estado en cuestión o se han puesto en riesgo. Y todo ello, también lo hemos hecho juntos y de acuerdo con el marco constitucional, decidido por todos los españoles. La razón última de nuestros éxitos y progresos en la historia reciente ha sido precisamente la unidad de nuestro país, basada en nuestros valores democráticos y en la cohesión, en los vínculos sólidos del Estado con nuestras Comunidades Autónomas y en la solidaridad entre todas ellas... Basada también en nuestra apertura al exterior con una profunda vocación iberoamericana y europea. Precisamente, España ha presidido el Consejo de la UE durante el último semestre, en el que se ha reforzado la unidad de Europa. No tengo duda de que la unidad, será también la clave para que podamos afrontar con éxito los serios y complejos retos de futuro a los que España se enfrenta hoy. Para abordar ese futuro, todas las instituciones del Estado tenemos el deber de conducirnos con la mayor responsabilidad y procurar siempre los intereses generales de todos los españoles con lealtad a la Constitución. Cada institución, comenzando por el Rey, debe situarse en el lugar que constitucionalmente le corresponde, ejercer las funciones que le estén atribuidas y cumplir con las obligaciones y deberes que la Constitución le señala. Debemos respetar también a las demás instituciones en el ejercicio de sus propias competencias y contribuir mutuamente a su fortalecimiento y a su prestigio. Y finalmente debemos velar siempre por el buen nombre, la dignidad y el respeto a nuestro país. España ha tenido a lo largo de su historia, durante siglos, la responsabilidad de influir en el rumbo de la Humanidad. Como también ha atravesado períodos de tragedia, silencio, aislamiento y dolor. Pero el pueblo español los ha superado siempre; ha conseguido sobreponerse, sabiendo elegir su camino con fortaleza y con el orgullo de los pueblos que son y quieren ser. Deberíamos tomar mayor conciencia del gran país que tenemos, para así sentirlo más y cuidarlo entre todos. Así podremos cumplir mejor con la obligación de la que hablé hace unas semanas en las Cortes: la de garantizar a las jóvenes generaciones el legado de una España unida, cohesionada, con voluntad de entendimiento, y sólida en sus convicciones democráticas, cívicas y morales; el legado de una España respetada, de una Nación querida, en la que puedan continuar desarrollando sus vidas de manera libre, de manera segura en un entorno de estabilidad y confianza. España seguirá adelante. Con determinación, con esperanza, lo haremos juntos; conscientes de nuestra realidad histórica y actual, de nuestra verdad como Nación. En ese camino estará siempre la Corona; no solo porque es mi deber como Rey, sino también porque es mi convicción. Gracias por vuestro tiempo en esta noche y junto a la Reina, la Princesa Leonor y la Infanta Sofía os deseamos una feliz Nochebuena, con un recuerdo muy especial para quienes, en este momento, con dedicación y entrega, velan por la seguridad de todos, y por el funcionamiento de los servicios públicos. A todos, Feliz Navidad, Eguberri on, Bon Nadal y Boas festas. Muy buenas noches; y Feliz y próspero año 2024.

dimanche 24 décembre 2023

Joyeux Noël, si l'on peut dire !

crèche de Noël

Déjà Noël. Ma carte de saison est une maison la nuit dans les sapins dont les fenêtres sont allumées en bleu. Elle fume. Devant elle, est arrêté sous la lune un vieux roadster anglais avec son couvre-tonneau. Quand on agrandit la carte, on devine que c'est un Burlington. Jiminy Cricket sur mon épaule me dit que c'est un Nick Green's. Noël, l'artisan du Midi établit ses factures payables entre les fêtes. Le riche remettra sa dette au failli sans lui faire la leçon. Le chemineau aura de la brioche aux fruits confits. Et les gamins du monde chrétien déplieront le papier-cadeau de la surprise. Pause ! Noël met en pause l'urticaire social de nos sociétés trop comprimées, croyant ou pas, on remonte le col du manteau à la bise du nord, aux violences du sud. Nous ne ferons aucune remarque désobligeante pour une fois. On saluera courtoisement ce voisin qui nous agace par son chien, et je donnerai ses étrennes au muet qui m'a aidé à fendre le bois. Noël, parce qu'il fait moins froid cette année, j'ai planté un rosier dont je n'ai jamais vu les fleurs, j'espère arriver au printemps pour les découvrir. Je vais mettre deux lilas mauves contre le nouveau mur de pierres appareillées à la médiévale que j'ai remonté l'an dernier. Je voulais y mettre des fleurs d'ombre mais rien n'est venu, alors j'opte pour des grappes en hauteur qui sentiront bon. La fouine grise est revenue au jardin d'en haut et j'ai ôté le piège à loup pour Noël - mais elle l'avait senti - je ne le remettrai pas puisque je n'ai ni lapin ni poule à saigner pour elle. Elle est obligée de passer par ce sentier dans la falaise, ce n'est pas très sport finalement de le piéger. On n'est pas chez les Russes. Depuis que j'ai mis les grenades surnuméraires au compost la petite souris brune est revenue dans le bac. Maintenant elle n'a plus peur. Que je vous dise, le couple de pies qui vivait dans le grand arbre du devant depuis vingt ans a déménagé sur un arbre plus grand encore au bord du fleuve. Elles reconstruisent à neuf, et viennent parfois à l'ancien comme on visiterait une vieille demeure emplie de souvenirs, mais j'ai vu qu'elles y prélevaient du bois. Le geai d'en haut est toujours là, magnifique s'il se tait. Tout est en place. Au fait, le petit Jésus est né en Palestine ! Vous savez, la terre promise aux tueries bibliques et modernes. Ça y va carrément mais de nos jours on ne creuse plus les fosses à la main, il y a des excavatrices. Le progrès, y a pas à dire ! Toute la rue d'ici a eu le cancer et a survécu, c'est un mystère, je vais écouter du grégorien. Faut être prêt. Joyeux Noël à qui me lira.

samedi 23 décembre 2023

On est partis !

La France plie les gaules au Sahel sous une quadruple pression qu'elle ne peut surmonter seule. Les Etats noirs de la région administrant (mal) des mosaïques ethniques en concurrence pour la captation des produits nationaux, en ont soupé des cours du soir parisiens sur les Valeurs et pensent s'en sortir mieux "à l'africaine" : je parle, tu parles, nous parlons et le mérinos rejoint le troupeau. Les deux grands Etats arabes du nord ne se sentent pas libres de leurs mouvements pour contrôler les katibas djihadistes sur leurs frontières sahariennes et préfèrent prendre en charge eux-mêmes ce combat diffus mené par immersion du renseignement au sein de populations en mouvement très informées sur leur territoire, comme le pratique la Mauritanie. La troisième pression vient des Etats-Unis qui sont sur zone pour contrôler l'espace utile et anticiper toute campagne hostile à leurs intérêts avant de frapper depuis leur base marocaine. Le dilemme colonial français mal maîtrisé les gêne. La quatrième pression, la plus visible, est mise en œuvre par la Russie revenue en Afrique dans le même schéma de déstabilisation qu'avait appliqué en son temps l'URSS. Ne restent acquis aux intérêts français que les pays du Golfe de Guinée (moins la Guinée-Conakry) mais tout l'intérieur de notre ancien Soudan est perdu. La faute à qui ? Au défaut d'axe de notre diplomatie.

On peut chercher des poux dans la tête de M. Sarkozy, auquel ressemble beaucoup Emmanuel Macron, qui voulait faire quelque chose de grand sous son mandat et qui a vu la "libération" de la Libye comme son apothéose. Sauf qu'en la matière comme en tant d'autres (clic) il n'a pas vu grand chose. Il a ruiné les équilibres fragiles sahariens pour laisser déverser sur la bande sahélienne les arsenaux pillés du colonel Kadhafi. Avec moins de morgue, il aurait pu anticiper à la mort du tyran une guerre civile libyenne appuyée par des tiers intéressés pour la capture des gisements pétroliers colossaux. Mais cela était too much pour sa comprenette et le PDG de Total lui aurait été plus utile qu'un BHL en jabot. Son successeur eut le bon réflexe quand, à l'appel de l'Etat malien, il fit détruire la colonne djihadiste qui descendait vers Bamako et libéra Tombouctou. Il aurait fallu mettre en place (comme cela fut fait à Alger) les conditions d'une négociation inter-ethnique malienne et dire à ces messieurs qu'ils étaient grands garçons maintenant pour résoudre leurs problèmes inextricables, en un mot, l'Azawad. Et je ne crois pas que François Hollande ait décidé en son for intérieur d'augmenter l'empreinte française au Sahel au milieu du bordel ambiant. Mais il fut, à mon avis individuel et portatif, circonvenu par l'état-major qui l'a ébloui de manœuvres brillantes sur la caisse à sable afin de plier l'affaire dans la grande tradition des compagnies sahariennes. Et Serval devint Barkhane et Takuba etc..., opérations visant à européaniser la lutte anti-islamiste et le soutien aux Etats noirs, sur le grand calendrier de la défense européenne chère à M. Macron. Echec pour une raison primordiale : la ressource des katibas islamistes est inépuisable ! Prendre une heure pour relire l'article-cadre ici et les articles préalables associés. Mais tous nos amis ne nous en veulent pas puisque les Belges, les Allemands et les Italiens confirment leur présence autour du pôle américain d'Agadès, pour peu que la junte de Niamey consente à remettre en jeu le pouvoir un jour dans des élections démocratiques. Elle a demandé trois ans. Les Nations Unies viennent de reconnaître le pouvoir en place. C'est une gifle. De fait, il n'y a que nous qui dégageons.

Nous fûmes sept nations européennes qui colonisèrent l'Afrique au XIX-XXè siècles : l'Espagne, le Portugal, la Belgique, l'Italie, la Grande Bretagne, la France, plus le 2è Reich allemand jusqu'en 1919. Où sont aujourd'hui les bases anglaises, italiennes, belges, portugaises ou espagnoles sur ce continent ? Ces pays sont-ils pour autant coupés de l'Afrique ? Le concept de françafrique n'est pas vicieux en soi dans un esprit de développement même s'il offre un hamac aux dirigeants qui en profitent ; il le devient quand y est associée une gendarmerie coloniale. Cette frénésie du tutorat était perceptible encore récemment par l'allure en surplomb du président Macron dans les quelques conférences ou voyages qu'il a consacrés aux pays francophones africains. Cette attitude condescendante est devenue insupportable chez les élites africaines qui, bien incapables d'arracher leur pays à la misère promise par toutes les statistiques, ont diffusé l'idée d'une responsabilité sournoise de l'ancienne puissance coloniale faisant feu de tout bois pour se maintenir à son avantage. Et sachant que moins une théorie est visible, plus elle a de chances de s'imposer, des foules entières ont occupé leurs jours de libres (ils le sont tous) à vilipender la France. Que cela nous serve de leçon. Mais, franchement j'en doute, dès lors que nous n'avons commencé aucune négociation avec les pays hôtes pour leur reverser nos bases navales et dénoncer des accords de défense qui ne sont actionnés maintenant qu'en cas de troubles politiques intérieurs. Au contraire, M. Macron persiste à vouloir "former" les armées nationales ! A sa décharge, ce n'est pas facile de solder proprement cinquante ans d'errances.

vélos dans la savane

lundi 18 décembre 2023

La grande stratégie empêchée

On sait l'ambition du président chinois à monter sur un trône impérial virtuel par l'accomplissement du China Dream qui consiste à faire revenir partout la République populaire sur les marches de l'empire défunt. C'est dans cet esprit que sa pensée a été "constitutionnalisée" et fait partie des programmes scolaires et universitaires. Mais cela, les lecteurs de Canon Gaillon le savent depuis longtemps. Ce qui est moins connu est l'effritement actuel de l'économie chinoise adossée d'une part à la mondialisation jadis heureuse qui ne l'est plus et d'autre part, à une capitalisation sauvage de l'économie privée qui correspond tout à fait au goût chinois du lucre.

promotion de l'université des sciences de Pékin

C'est la masse des candidats à la fonction publique qui a fait tilt cette année. Les Chinois parlent de ruée vers "le bol de riz en fer" comme on nomme l'emploi sous statut public. Quelques chiffres pour comprendre : selon le Global Times du parti, il y a 77 postulants pour chaque emploi offert par l'administration. Chaque année, le troisième cycle déverse plus de dix millions de diplômés sur le marché du travail (11,6 millions en 2023) et le chômage des jeunes diplômés atteignait 21,3% en juin dernier avant que le service du Travail n'arrête la publication du chiffre. Plus de trois millions de diplômés sont allés cette année aux examens d'entrée dans la fonction publique, du jamais vu. Certes, l'emploi public paie mal et y progresser n'est possible que par obéissance à la ligne imposée par le Parti omniprésent, mais on s'arrête à 17h et le week-end est libre. Une couverture sociale correcte plus des primes pour les fêtes et divers petits passe-droits sont appréciés des parents d'étudiants qui les poussent à postuler. Sans ambition personnelle ou pour toute autre raison, c'est un refuge, mais auquel n'accèdent que quelques dizaines de milliers de candidats ! Que faire des autres ? Facile, puisque le président Xi y a passé sa jeunesse, on va "revitaliser" les campagnes et malgré le fumet de Révolution culturelle qui s'en dégage, vont renaître les chantiers de jeunesse chinois dans certaines provinces surchargées. Aussi la course au job, même un petit boulot, est devenue l'autre ruée afin de ne pas être appelé par la Nature.

Qu'y a-t-il de stratégique là-dedans ?

L'économie chinoise est en difficulté (le désinvestissement étranger dépasse les nouveaux investissements) et s'y ajoute une grave crise de la promotion immobilière qui a pompé l'épargne de millions de primo-accédants-sur-plan issus des classes populaires, lesquels forment d'immenses cohortes de mécontents qu'on mate par des gangs aux ordres de la police locale. L'instabilité relativement normale dans un pays en développement rapide mute doucement en insécurité, même pour les comptes bancaires des particuliers, et le marché du travail est précarisé. Le gouvernement central n'a pas encore de réponse adaptée hors des slogans convenus, sauf à incanter pour une croissance libératrice des énergies, et il laisse faire les gouvernements provinciaux qui bricolent chacun dans leur coin. Les dirigeants sont assez éduqués pour comprendre qu'ils se sont laissé asservir par la mondialisation des économies et que sa déstabilisation peut entraîner des retours de flamme catastrophiques sur la société chinoise elle-même. Mais acceptent-ils que parmi les faiblesses de l'économie, la pire soit de tourner sur un schéma complètement archaïque où règne "une collusion totale entre les objectifs politiques et le pilotage de la sphère économique et financière (source Les Echos)"? On en peut douter ! Tous les chiffres compilés par le gouvernement central dans les comptes régionaux sont faux, mais on est à peu près sûrs que la dette souveraine globale a dépassé le produit national brut¹ déclaré, sans compter celles des collectivités régionales et locales qui n'y sont pas incluses (9200 milliards de dollars selon le FMI - pour référence PIB France = 3000 Mds$). L'agence Moody's ne voit pas d'embellie, la croissance est atone, et donne une perspective négative à sa note A1. Il est maintenant visible que les usines sans commandes de l'étranger ont débarqué pas mal d'ouvriers désœuvrés qui font autant de mécontents après des carrières en 996 (de 9h à 21h, six jours sur sept) et nous sommes encore en temps de paix.
(1) Pib nominal 2022 de la RPC : 18000 milliards de dollars US (source Banque mondiale 2023).


Est-ce le moment pour allumer la mèche de Taïwan en profitant de l'élection présidentielle sur l'île rebelle comme certains instituts payés au drame le supputent ? Certainement pas, même si la fureur patriotique convenablement gérée pourrait occuper un temps les esprits continentaux ; mais l'effondrement des exportations de biens qui en découlerait jetterait à la rue ceux qui travaillent encore. Soutenir par ailleurs les délires grotesques de Vladimir Poutine dans sa "guerre" à l'Occident pourrait avoir le même effet dévastateur sur la société chinoise si la mondialisation se grippe. Avez-vous observé que depuis les proclamations à la vie à la mort des présidents respectifs, les entrepreneurs chinois ne sont pas venus nombreux en Russie et commencent même à surveiller les canaux de contournement des sanctions du G7. Insécurité domestique, instabilité dans l'étranger voisin, bruits de guerre s'approchant mettant en péril la confiance des marchés de consommation solvables, le taïpan de base se méfie et attend. Tous ces gens ont appris à l'école la formidable aventure de la révolution communiste. Ça pourrait donner des idées aux masses laborieuses et démocratiques laissées en plan. Le communisme même capitalistique n'est pas le régime adapté aux sauts de carre, et si la jeunesse arrivant aux affaires voit son inventivité châtrée par la caporalisation des comportements aux ordres du commissaire politique de service, c'est une économie de moutons qui s'annonce. Cette économie ne performera pas. La Chine ne rattrapera pas les Etats-Unis d'Amérique.

lundi 11 décembre 2023

Le blasphème de Zineb

Zineb El Razhoui
Je soutiens Zineb el Rhazoui. Non tant sur la forme que sur le fond. Accusée de tous les péchés pour avoir retweeté sur X un post carrément antisioniste de Benjamin Rubinstein (créateur de contenu, journaliste anti-impérialiste, analyste géopolitique, américain fier de l’être (sic), post qu'on peut lire ici, post dont un petit-fils de Simone Veil a fait un signalement circonstancié à la présidente de la Région Ile-de-France pour que soit retiré à Mme El Rhazoui le prix Simone Veil 2019, l'expression de cette personne étant incompatible avec les valeurs défendues par sa grand-mère, le tout enveloppé des linges encore sanglants de la shoah. A quoi Mme Razhoui qui n'avait jusqu'ici rien dit (sauf le retweet), a répondu :
« Bonjour Monsieur Aurelien Veil. Il y a 4 ans, j’ai eu l’honneur de recevoir des mains de Madame Pécresse le prix Simone Veil des Trophées "Elles de France", prix du public qui a très largement voté pour qu’il me soit attribué. Pour moi, l’enseignement de Simone Veil, c’est que l’humanisme prime toujours sur le clanisme ou le politique. Son héritage à mes yeux, c’est que l’être humain, quelle que soit sa couleur, sa croyance, sa langue, son sexe, est irréductible dans son droit à vivre et à être libre. Pour moi, Simone Veil c’est « Plus jamais ça ». Plus jamais ça pour toute l’humanité, y compris pour les Palestiniens, car les Palestiniens sont des êtres humains comme vous et moi Monsieur. Pour moi, honorer Simone Veil, c’est s’insurger contre TOUTES les morts de civils, quelle que soit leur nationalité ou leur religion, quelle que soit l’idéologie de l’assassin. Si le prix Simone Veil signifie de s’indigner uniquement des victimes innocentes du 7 octobre, et pas celles du 8 octobre, du 9 octobre, du 10 octobre, du 11 octobre… jusqu’à ce jour, et bien je n’en veux pas. Si le prix Simone Veil, c’est de se taire devant les agissements criminels, internationalement condamnés, du gouvernement d’extrême-droite de Netanyahu, je serais très heureuse de le rendre. En revanche, si le prix Simone Veil signifie, comme je le crois, de défendre l’être humain contre le crime de masse perpétré par tout régime fanatisé, alors je vous invite à joindre votre voix à la mienne pour défendre le droit des Palestiniens à vivre en paix, libres de toute occupation, colonisation ou tyrannie. Je vous invite également, au nom de votre grand-mère et en hommage à son leg, à condamner fermement les crimes du gouvernement israélien contre des milliers de civils palestiniens, dont plus de 8000 enfants tués à ce jour. En dénonçant les crimes de masse commis par Israël à Gaza, au même titre que les crimes du Hamas contre les civils israéliens, je fais plus honneur que jamais à l’héritage de Simone Veil. J’invite tout être humain, dont vous Monsieur, à en être digne »

La présidente de Région, jamais en retard d'une bêtise, a obtempéré derechef et a supprimé le prix SV 2019 à la harpie islamiste (allons-y!), en oubliant ses années de combat pour la laïcité, pour la libération des femmes musulmanes du joug archaïque de la tradition dévoyée par les Frères et contre l'obscuratisme en action dans les pays intégristes du Croissant vert. Voir tout ça sur la Wikipedia. La Versaillaise nous avait montré ses limites lors de la campagne présidentielle qu'elle avait affrontée en marotte à pitre de Patrick Stéfanini, le louseur préféré de la droite de gouvernement, et à la voir gérer ses affaires aujourd'hui pour les Jeux olympiques, on se dit l'avoir échappé belle quand elle s'est vautrée au scrutin. Mme Pécresse ne présente aucun intérêt mais la séquence illustre le plus parfaitement du monde cette supercherie incroyable qui a consisté à amalgamer anti-sionisme et anti-sémitisme. On (mais qui on ?) voudrait nous interdire toute critique des gouvernements israéliens au prétexte que six millions de leurs ascendants ont été réduits en cendres il y a quatre-vingt ans dans les fours d'Heinrich Himmler avant de rejoindre leur créateur. La shoah fut une abomination dont aucun motif, même le plus échevelé, n'est recevable ; mais cette extermination ne fut pas la seule ni la pire dans l'histoire de l'espèce humaine. La novation (si l'on peut dire) fut dans l'industrialisation de cette extermination par la nation la plus industrialisée au monde, l'Allemagne. Ce qui suit n'est pas une banalisation du mal absolu mais, sans remonter aux bornes milliaires de Tamerlan, il y eut depuis la Renaissance des peuples massacrés par millions pour ce qu'ils étaient ; des millions d'Améridiens ; trois ou quatre millions d'Indiens de la plaine ; un million et demi d'Arméniens tués par les Turcs dans des conditions inavouables ; cinq millions d'Ukrainiens détruits par la famine imposée par Staline, l'idôle de Poutine ; un million et demi de Cambodgiens tués dans des coopératives de la mort par les Khmers Rouges ; un million de Tutsis hachés par les Hutus ; quoi demain ? Mais seuls les Juifs d'Hitler ont accédé à cette sacralité qui confère un totem d'immunité à leurs descendants. Peut-on s'étonner du peu de bruit qu'a fait dans l'opinion internationale la déportation récente des Arméniens du Haut-Karabagh par l'armée azérie, ou le voile pudique jeté sur les conditions actuelles d'exil épouvantables des Rohingas d'Arakan ? Les dix-huit mille morts palestiniennes de la Bande de Gaza (chiffre contesté en hausse par Guillaume Ancel) devraient prendre le même chemin de l'oubli au seul motif que le pogrom abject (il n'y a pas de mot) qui a tué douze cents Israéliens dans les kibboutzim et dans la rave party du 7 octobre est un sacrilège impardonnable, perpétré par des "animaux" féroces. Alors on tue sous les bombes et au canon, non les perpétrateurs de ces horreurs mais ceux des leurs présumés coupables en pensée, en parole, par action et par omission, coupables tout simplement et juste bons à tuer !

Vous ne pouvez pas non plus suggérer, sans être un anti-sémite dieudonnesque, qu'après avoir vidé le nord de la Bande de Gaza, et entassé près de 1,9 millions de gens au sud du Wali Gaza, l'armée d'Israël qui attaque maintenant les "zones déclarées sûres par elle-même au sud", va peut-être rompre la frontière égyptienne sous la pression des réfugiés affamés, assoiffés, blessés et se verra enfin débarrassée du problème Gaza qu'elle aura transféré à un pays arabe. Vous ne pouvez pas non plus dénoncer, sauf à être taxé d'antisémitisme, la politique de terreur appliquée aux communautés cisjordaniennes par les colons juifs que leur gouvernement n'arrête pas, quand il ne les protège pas par ses soldats. C'est tout ça qui a révolté Zineb el Razhoui. Mais elle a eu tort de le dire ; quelque part elle a blasphémé !

Par contre, replions le pantographe de l'outrage à notre propre espace pour comprendre que Mme Pécresse, pas plus que Zineb ek Razhoui d'ailleurs, ne pèse rien ou si peu dans l'émotion universelle au spectacle du déroulement de l'opération à la russe de Tsahal à Gaza. Grosny, Marioupol, Gaza City. Deux mois après le pogrom, le canard est toujours vivant dans un rectangle minuscule de 40 kilomètres sur 9 en moyenne. Vous ne pouvez pas dire non plus qu'à la fin de l'épisode de nivellement des terres d'autrui, Israël appellera sans mollir la communauté internationale pour reconstruire à ses frais (les nôtres) tout ce qu'il a détruit. Il y a tant de choses interdites à dire par chez nous que les médiats du monde arabe saturent l'espace et relaient à longueur de journée les avertissements désespérés des agences onusiennes et des ONG privées qui se maintiennent sur place contre vents et marées, entrecoupant la bande passante de reportages poignants au sein du malheur des familles décimées, faisant comprendre à qui ne dort pas sur les présupposés de l'histoire, que le Hamas s'est réfugié dans l'esprit des gens et qu'il survivra à son éradication physique. Quelle que soit la hauteur de crânes empilés, Benjamin Netanyahou a perdu sa guerre ; Israël en reprend pour trente ans.

mardi 5 décembre 2023

Vol au-dessus du Roycoland depuis l'ermitage

Spécial royco - certains passages peuvent choquer les âmes simples.
Vous seriez surpris de savoir que beaucoup de royalistes connaissent le prieur du Refuge Notre Dame de Compassion, un ermitage niché au cœur du Haut Vivarais, qui maintient à bout de bras une foi incandescente en la diffusant au sein de la Confrérie royale par le moyen du blogue de feu son chat Lully.
les toits du refuge
Frère Maximilien Marie du Sacré Cœur, prieur du Mesnil-Marie et moine de la Visitation, a commis récemment une analyse panoramique du roycoland qui vaut sa banasta de castanhas pour la première raison qu'il n'est ni chapelain en exercice ou de réserve, ni communicant d'aucun parti, école, cercle savant ou crypte royaliste. Il a son propre angle de pénétration des réalités qu'il connaît bien, et cela mérite de le lire d'abord. En voici déjà l'entame :
« Les diverses rencontres et conversations auxquelles – en particulier en ma qualité de Prieur de la Confrérie Royale – je suis fréquemment exposé, m’amènent à penser qu’il n’est jamais inutile de rappeler des notions essentielles et fondamentales : beaucoup trop de personnes, même dans nos rangs, s’engagent dans des discussions à n’en plus finir, qui ne sont en réalité que de vaines et infructueuses discutailleries où s’affrontent et s’empilent des opinions personnelles et des sentiments, sans référence à des notions clairement définies, et surtout sans rappel des principes fondamentaux ; en définitive cela ne revient à rien d’autre qu’à édifier une maison sur du sable, sans fondations, pour renvoyer à la comparaison établie par Notre-Seigneur Jésus-Christ (cf. Matth. VII, 26-27) : la pluie descendra, les fleuves déborderont, les vents souffleront et fondront sur cette construction faite de subjectivité, qui s’écroulera inexorablement et dont la ruine sera la démonstration par les faits de ce que valent opinions et sentiments ! Après ces quelques mots d’introduction (et d’avertissement), j’entrerai tout de go dans mon propos, qui veut s’attacher à redonner quelques notions claires et rigoureuses au sujet.»


Le corps du texte est fait de quatre chapitres qu'on doit lire d'abord en cliquant par ici.
  • A.- Légitimisme
  • B.- Orléanisme
  • C.- Survivantisme
  • D.- Providentialisme
cul de lampe

(Re A.) Affirmer que le légitimisme est par essence l'unique doctrine monarchique officielle de notre pays, doctrine qui a présidé aux destinées du royaume pendant plus de treize siècles ne se discute même pas. Que ce royaume ait été plus que grand non plus. C'est l'histoire qui le veut. En décrire l'articulation que l'on va voir ci-dessous comme un système équilibré conforme aux exigences du droit positif et à celle de la foi catholique, c'est le plus souvent vrai mais l'équilibre fut parfois rompu par l'inclination naturelle de chacun des pouvoirs concurrents à vouloir dominer l'autre. La caténation qui en résulte entre le Trône et l'Autel associés et la production progressive des lois fondamentales du royaume s'approche quand même du parti pris. Ces lois furent toutes de circonstances et leur rédaction fut chaque fois débattue entre la casuistique des docteurs de l'université et les besoins politiques imminents du pouvoir temporel. A titre d'exemple, exhumer en 1316 une loi barbare du Vè siècle pour dégager une femme du couloir des héréditaires en dit plus long que bien des thèses sacralisant ces lois. Bien qu'il faille admettre qu'elles furent maintenues jusqu'à la fin, quoi qu'il en coûte d'ailleurs à la dynastie qui se les appliquait, et si elles définissent parfaitement l'esprit des légitimistes qui y trouvent une charpente commode et facile à promulguer en soutien à leurs espérances, comme toute construction humaine, elles ne sont pas sacrées et jamais ne le furent. Qu'on se souvienne de la déclaration de Louis XV gravement malade et sans postérité mâle au moment, appelant en cas d'urgente nécessité à réunir la nation pour continuer l'aventure capétienne avec un successeur non issu des lois.

Le texte du prieur promeut de nos jours la validité des anciennes lois fondamentales au titre desquelles le duc d'Anjou, Louis de Bourbon, aîné des Capétiens, hérite de la couronne des lys sous le nom de Louis XX. D'autres princes (comme Mgr Sixte Henri) soutiennent qu'à la mort du dernier roi de tradition (Charles X) la royauté légitime et ses lois disparurent, faute pour le défunt de n'avoir saisi aucun "vif". Quoi qu'il en soit, la désignation du prince Louis automatisée par les lois n'emporte aucune "obéissance aux principes de la royauté capétienne traditionnelle dont l'esprit s'opposerait fondamentalement à tout ce qui s'impose dans nos société contemporaines revendiquées de la révolution qui les entraîne vers leur ruine". C'est à ce stade du discours qu'on voit surgir le "nihil obstat" incontournable de l'Eglise catholique sur la royauté. Or dans la monarchie disparue, on ne peut pas fusionner la royauté et le premier ordre puisque ces deux entités furent de tout temps séparées et que la seconde fut le fossoyeur de la première. C'est aussi l'histoire qui nous le montre. Instituteur monopolistique du pays, le clergé de la Renaissance, hypnotisé par l'Antiquité, n'eut de cesse à vanter les mérites des héros des républiques athénienne et romaine à des adolescents destinés à l'emploi d'avocats du roi ou de mousquetaires. Et que dire du Deposuit potentes de sede et exaltavit humiles que toutes les assemblées paroissiales chantaient debout à la messe, même à la cour du roi ! La statuaire du domaine de Versailles est toute d'inspiration antique ; cherchez-moi une statue de saint. Le clergé des Lumières prit plus que sa part dans la Révolution, à bon escient parfois comme avec l'abbé Raynal ou l'abbé Grégoire ; mais des diocèses entiers jurèrent ! On pourrait aussi faire une page sur la persécution hystérique des protestants par le clergé catholique après la révocation de l'édit de Nantes, qui redivisait le peuple français. L'histoire, il faut la prendre toute.

Le prieur termine ce chapitre par une citation de Pie X : « on n’édifiera pas la société, si l’Eglise n’en jette les bases et ne dirige les travaux ; non, la civilisation n’est plus à inventer, ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique ». Les légitimistes sont les "serviteurs de la tradition spirituelle et politique du royaume dont les principes et les institutions sont le rempart nécessaire d'une société de droit naturel et chrétien". En ce sens, leur action ne peut se limiter à la résurrection de la monarchie mais porter ensemble le Trône et l'Autel. Oui mais : qu'en avait pensé Léon XIII et toutes les saintetés qui succédèrent à saint Pie X ? Les épiscopes français sont-ils de la veine légitimiste et prêts à imposer au trône le carcan contre le sacre ? Permettez-moi d'en douter.

Conclusion. Il n'y a pas de conclusion. Nous faisons une recension en espérant que ce commentaire éclairera une relecture du travail de Frère Maximilien Marie qui reste, lui, indispensable pour comprendre le légitimisme.

cul de lampe

(Re B.) Il est vrai, comme le dit le prieur, que lors de l'extinction d'une branche aînée (Capétiens directs, Valois, Bourbon) ce fut chaque fois le plus proche parent du défunt dans l'ordre de primogéniture mâle qui hérita de la couronne. Ainsi à la mort du comte de Chambord, le sceptre virtuel passa aux descendants de Louis XIV devant ceux de Louis XIII. D'Orléans n'en était pas. Mais racolant les "lois" les plus échevelées comme au bon vieux temps des lois fondamentales de circonstance, les docteurs du jour brandirent le vice de pérégrinité et la loi de nationalité pour barrer la route à l'Espagnol. Bien qu'elle ait voulu endosser le long manteau semé de lys de la monarchie ancestrale, les héritiers de cette dynastie restent marqués par la rupture du continuum dynastique par le régicide et par l'essence ploutocratique de la monarchie de Juillet, régime d'usurpation en droit mais de sauvetage en fait. A tel point que le concept, entendu maintes fois qui porte leur revendication, se résume à royaliser la constitution française de 1958, la restauration s'opérant (comme prévu en 1875) par les chambres réunies en congrès à Versailles.

Mais l'orléanisme se distingue de la maison d'Orléans, que le prieur voue aux gémonies pour crime de lèse-majesté et frérisme trois-points. Il descend de l'olympe des grands principes éprouvés dans une monarchie de treize siècles qui, à la fin, a lamentablement échoué, pour analyser rationnellement les réalités du terrain d'exercice. En 1830, la couronne retombe au ruisseau et le roi père et fils passe la Manche. Le cousin maléfique ne la ramasse pas comme Bonaparte mais c'est la Chambre qui la lui tend. Le roi juge mal son peuple et les fermentations socialistes qu'il entend réprimer d'ordre et pour compte de la banque et de la forge. Il passera la Manche à son tour, mais de manière piteuse. Viendra une république éphémère (IIè) mais diablement au point, puis une resucée de l'empire qui laissera de belles traces dans son sillage comme le premier d'ailleurs qui construisit l'Etat moderne. Nous dépassons la séquence hors-sol de 1875. Quand à la suite de l'Enquête sur la monarchie de Charles Maurras en 1900, l'idée royaliste reprend des couleurs et commence à recruter des cotisants, ceux qui se tournent vers les princes ne voient pas grand chose. La branche espagnole, dévastée par les guerres carlistes, n'évoque rien en France, affairée qu'elle est à survivre à Madrid. Alphonse XIII n'abdiquera qu'en 1931 mais l'intention pour eux de revenir vainqueurs persistera jusqu'à ce que Franco tranche le débat en choisissant le rameau de Barcelone. Alors naîtra une revendication claire et fondée par la voix du prince Alphonse, le meilleur champion que le légitimisme n'ait jamais eu, qui tentera d'organiser l'inertie légitimiste. Mais la maison d'Orléans, exilée dans ses fastueuses propriétés, n'est alors pas la première préoccupation des cadres et des troupes royalistes. Il faudra passer la Grande Guerre pour que Maurras et ses amis la ressorte du placard. Ceci n'empêchera pas l'ingratitude légendaire des princes de cette maison puisqu'aux obsèques du Martégal nul représentant de la famille n'y montra son chagrin. Le comte de Paris, Henri l'Ancien, prendra même ses "distances" avec l'Action française qui avait pourtant tout inventé (au sens premier) du concept de monarchie héréditaire, fédérative et sociale. Le reste est à l'avenant ou plutôt en pente douce. Le dernier prétendant, bien que confit en dévotions dans la sphère de la Frat, ne fait pas la toise de l'emploi.

Conclusion. Les imprécations ne servent à rien d'utile pour comprendre de quoi est fait le microcosme royaliste. Et s'il en faut une ici, je dirais que l'orléanisme n'existe qu'à travers l'Action française, une école de pensée en action, fort différente des cercles légitimistes d'étude des chartes et grimoires ! Sans l'Action française (CRAF) et la Restauration nationale, la maison d'Orléans, détruite de l'intérieur par Henri l'Ancien, serait à la rue. Mais avant de passer à la défense passive de la monarchie, le prieur du refuge nous invite à considérer une fraction assez petite du royalisme français, le survivantisme.

cul de lampe

(Re C.) Comme le dit si bien le prieur du refuge Notre Dame de Compassion, la double porteuse du survivantisme est le romantisme et le sentimentalisme qui coururent tout le long du XIXè siècle et ressurgiront au XXè par l'agitation-propagande du prince Charles-Edmond Naundorff dit de Bourbon (1929-2008), lequel parviendra à faire partager à de nombreus fidèles sa profonde conviction de descendre de Louis XVII. Il en aura d'autant plus de mérite que les analyses ADN qui tranchent et coupent tout de nos jours ne lui furent pas favorables. La mouvance survivantiste a d'autres champions que les Naundorff (Louvel, Richemont...) mais généralement elle participe du syndrome du "roi caché" que l'on retrouvera chez les providentialistes. Ce syndrome fait feu de tout bois pour prouver ses dires et on pourra légitimement s'émerveiller des ressources contortionistes des cerveaux qui s'y abandonnent. Mais ce n'est rien en comparaison de ceux qui font l'objet du chapitre suivant. Frère Maximilien Marie fait un sort aux "dauphins" de légende en se fondant sur les écrouelles de Charles X qui prouvent sa légitimité devant la puissance céleste (le roi te touche, Dieu te guérit). Chou d'amour est donc bien mort au Temple ou quelque part ailleurs sans descendance... à moins que les éventuels descendants ignorent tout de leur ascendance. C'est encore possible, peut-être en Amérique du nord (clic).

cul de lampe

(Re D.) Dans ce quatrième chapitre on dépasse l'analyse, fouillée quand même parce que les providentialistes donnent beaucoup de bâtons à se faire battre, pour en venir à la charge sans frein. Frère Maximilien Marie qui semblent bien les connaître pourfend les gnostiques, les qualifiant de "fléaux" et "d'obstacles". Oui, le providentialisme est éminemment "subjectif" et les théories les plus folles donnent chair à une doctrine passivante qui remet tout avenir entre les mains de la puissance divine. Mais tout comme le prieur qui les soupçonne de mille travers pseudo-prophétiques fondés sur des révélations qu'il faut bien arranger à sa façon, (ndlr) un peu comme les quatrains de Nostradamus, le Piéton du roi fait sienne la formule de "royalistes providentialistes, drapés dans leur certitude d’être les dépositaires des secrets de la révélation de « l’Elu », seuls dépositaires du discernement des « signes précurseurs » et intermédiaires privilégiés d’une espèce de gnose néo-messianique, finissent par remettre en cause toutes les hiérarchies légitimes". Ils n'étaient pas comme ça au départ mais ont lentement dérivé vers leur Da Vinci Code à eux, se rapprochant du sédévacantisme et amenant au jour la faiblesse du concept d'origine.

Mais nous divergeons quand il affirme qu'ils ne font rien à part de prier. Conscient que le concept gazeux de la "Providence-à-son-heure" ne le porterait pas très loin, le fondateur de la Charte de Fontevrault puisque c'est d'elle qu'il s'agit dans ce chapitre D, avait eu la riche idée de réunir tous les deux ans les différentes chapelles royalistes pour une journée à Paris, afin de partager brochures et programmes, quelques poignées de main et lever ensemble le verre de l'amitié. L'affaire avait besoin d'augmenter sa matérialité pour en faire doucement une vitrine royaliste accessible au public - un peu comme au Jardin d'acclimatation - et rien ne s'y opposait jusqu'à ce que le succès, pourtant d'estime, ne conduise les organisateurs à déporter en province la Biennale Blanche - c'était son nom - sur le refrain de "ceux qui m'aiment prendront le train". Ce fut un four retentissant qui tua le match ! Ne reste de visible comme "action" qu'une manifestation mensuelle de piété, la Supplique à Dieu pour le retour du Roi à Pontmain. Le reste du temps est pris par l'exploration du même syndrome que celui des survivantistes, le "roi caché" ; à travers les théories fumeuses d'André Lesage dit de la Franquerie et marquis de fantaisie pour faire bon poids, qui asséna ses élucubrations à des lecteurs inquiets qu'il parvint à convertir au Grand Monarque. Pour les providentialistes il s'appelle Henri de la Croix ou quelque chose d'approchant. J'ignore si tous y croient vraiment, mais c'est ce nom qui fait le plus de bruit, enfin... tout est relatif.

Ce brûlot de Lully le chat rejoint les réflexions de Guy Augé : « le providentialisme "littéral" n’est pas sans présenter quelque danger pour la cause qu’il sous-entend, car si Dieu fait des rois, comme naguère il faisait l’Empire romain, il les défait aussi. En admettant que la Providence seule légitime les rois, elle conserve aussi bien les révolutions : là est sans doute la grande aporie de Joseph de Maistre, lointain héritier, au XIXe siècle, de cet augustinisme politique. La Révolution est satanique, fléau de Dieu pour le châtiment des hommes, soit ; cela est une explication consolante pour autant que la Restauration se fasse et dure ; mais quand c’est la Révolution qui l’emporte, quand l’Histoire paraît changer de cap, n’est-il pas plus délicat de ramener la légitimité monarchique à la volonté providentielle, et, surtout, de continuer à défendre la légitimité monarchique ? » (source - nous avons laissé dans ce texte les capitalisations abusives). Ce dévoiement de la Providence s'accentue lorsque le gouverneur de la Charte sus-dite lui confie un calcul d'attrition des dauphins au bénéfice de l'élu de Dieu qui survivra pour lui servir de lieutenant sur terre (ça va loin !).


cul de lampe

Qu'en retenir à la fin ?

Cette lettre mensuelle à la Confrérie royale a pour intention de déblayer le camp clos du débat en écartant pour demain les fausses solutions. Mais est-ce apporter plus à la démonstration que de charger à bride abattue et sans discrimination les fidèles d'autres obédiences. Il s'y rencontre des royalistes sincères, tout aussi dévôts que les légitimistes et que la situation d'un microcosme politique en attente perpétuelle de quelque chose a poussé dans les chapelles concurrentes de celle de la monarchie traditionnelle, chapelles qui proposaient une approche différente que cette ligne droite infinie dont la destination recule comme un horizon à mesure qu'on progresse. La dramaturgie royaliste est tributaire d'effectifs faméliques ; d'aucuns n'y voient aucun poids socio-politique, aucun momentum capable de faire bouger les lignes de fracture du régime en place afin de le remplacer. Donc chacun dans son coin étudie le passé sans trop imaginer l'avenir plutôt que d'agir, puisqu'à si peu on sait l'affaire perdue d'avance. Ainsi certains appellent le renfort de la puissance divine pour les aider remonter ce rocher de Sisyphe qui va les écraser. Ils ne sont coupables de rien ; sauf du prodigieux ennui qu'ils diffusent parfois. Mais cela est l'affaire de chacun, et le prieur du refuge de Notre Dame de Compassion s'avance beaucoup dans son offensive pour ne pas révulser les susceptibilités de ses cibles, en quoi il diminue la portée de sa brillante démonstration du légitimisme primordial. Mais nous avons passé un bon et long moment en compagnie d'un chat mort et ressuscité dans la grande tradition quantique de Schrödinger. Il vaut mieux sourire un peu à la fin ; nous sommes quatre mille en tout.



Liens en clair pouvant expliquer certaines obscurités de ce billet :
- le prieur : *http://leblogdumesnil.unblog.fr/2011/02/24/2011-24-origine-du-refuge-notre-dame-de-compassion/
- le légitimisme : *https://viveleroy.net/
- l'Action française : *https://www.actionfrancaise.net/le-mouvement/manifeste/
- le survivantisme : *https://journals.openedition.org/rh19/4142
- la Charte de F. : *https://charte-fontevrault-providentialisme.fr/
- le Grand Monarque : *https://www.academia.edu/33985488/_Le_Grand_monarque_dans_le_catholicisme_fran%C3%A7ais_XIXe_XXe_si%C3%A8cles_Politica_hermetica_n_13_1999_pdf
- vous faire moine : *https://www.net1901.org/association/REFUGE-NOTRE-DAME-DE-COMPASSION,1268290.html

vendredi 1 décembre 2023

La crécelle aux deux états

J'ai lu ce matin chez Michel Goya que la libération de prisonniers cisjordaniens en nombre par le Hamas via Netanyahou allait favoriser grandement les candidats de l'organisation terroriste aux élections palestiniennes, celles que tout le monde demande pour arracher l'Autorité palestinienne à sa torpeur coupable. Les Jordaniens, qui restent malgré tout les spectateurs les plus impliqués dans le conflit, nous rappellent que le Hamas (acronyme de résistance islamique) est un idée et qu'on ne tue pas les idées. Facile à comprendre en plus puisqu'elle se résume à un slogan très simple : « du fleuve à la mer ! ».

Le slogan symétrique du sionisme l'est tout autant puisqu'on le résume de manière inversée « de la mer jusqu'au fleuve ! ». C'est une idée qu'on ne tue pas non plus. Si les partis de la droite israélienne expansioniste ne cachent pas que le but à atteindre dans leurs actions est la totalité de la Palestine biblique, déjà plus grande que la Palestine mandataire, on se doute moins que la majorité silencieuse en Israël partage en elle-même cet objectif, quand seule une fraction plus petite du peuple juif s'abandonne à la chimère du partage.

photo d'Yitzhak Rabin
Yitzhak Rabin 1922-1995
Les forces en présence dans l'action sont totalement antagonistes. Brandir une "solution" qui contrecarre la volonté essentielle des belligérants est pure agitation médiatique. Quand vous croisez un politicien qui affirme de manière péremptoire qu'il n'y a que la "solution à deux états" qui vaille, comprenez qu'il n'en sait foutre rien et récite le mantra imposé par la conscience internationale dans les enceintes de bavardage. En plus ça pose le discours car la proposition fait l'équilibre entre les deux entités. C'est le miracle des accords d'Oslo (1993) qui a fait croire à cette issue raisonnable, sans prendre en compte la fermentation des haines recuites de part et d'autre soutenant des intentions très différentes. Yitzhak Rabin en mourut, tué par l'un des siens. Ce jour se fête par endroit en Israël.

Depuis lors, l'eau n'a pas coulé sous les ponts du Jourdain car l'agriculture coloniale a pompé toute l'eau, mais les positions se sont durcies de part et d'autre et ce billet n'a pas vocation à dérouler les événements de Palestine le long de ces trente dernières années, de grands journaux s'y consacrent. Juste dirons-nous que l'attaque ignoble du 7 octobre et la riposte disproportionnée qu'elle a provoquée ont bétonné les positions de principe fondateur dans chaque camp. La Haine règne et a tué jusqu'à la Bêtise. Il faut être Joe Biden ou Emmanuel Macron pour ne pas le voir et rester scotché au mantra onusien des deux états. Si les Etats arabes de la région ne sont pas contre une normalisation israélo-arabe, quoiqu'il en coûte aux pouilleux palestiniens, la Rue arabe n'y consent pas.
Nous allons vers un combat à mort à défaut de guerre ouverte, une troisième intifada de la dernière chance dans laquelle les Européens n'ont plus rien à faire selon certains. Soixante-quinze ans d'attentions diverses et beaucoup de milliards n'ont rien donné. C'est vrai. Faut-il pour autant laisser les fils d'Abraham entre eux, au risque peu probable de les voir un jour s'entendre ? Rien n'est moins sûr. Lequel lâchera le premier la cueillère de la grenade dégoupillée ? La déflagration en Palestine convoquera à son spectacle les Etats les plus mal intentionnés de la planète, et puisqu'il faut bien la commencer un jour quelque part, cette troisième guerre mondiale, que le Sud global réchauffe en son sein pour anéantir son déclassement, détendra les ressorts sur-bandés du stress diplomatique international. Nous serons revenus à l'époque des empires ivres de sang. Sauf que l'Europe actuelle n'en est plus un !

Demain, c'est la Saint-Austerlitz! Vous la voyez la chute !

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