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jeudi 10 mars 2022

Vers une certaine indépendance

Nous avons parlé déjà de la mort annoncée de notre modèle social devenu insoutenable par insuffisance de valeur ajoutée produite par le travail des Français, il en est une autre : la mondialisation. Enfin, peut-être est-ce présomptueux d'enterrer la mondialisation des mœurs, des envies et des goûts sous la férule des GAFAM, mais il est un paradigme formidable qui maintenant pue la gangrène gazeuse, c'est la division internationale du travail (DIT). Depuis que la mine du monde (FDR) et l'usine du monde RPC) se sont déclarées ouvertement hostiles au monde libre qui les menace par le poison de la démocratie (plus simplement par la promotion des libertés individuelles), nous devons ramener leurs contributions essentielles aux économies clientes (nous) à la proportion de nuisance opposable dans une économie de guerre affrontant une rupture des flux. En trois mots : diminuer nos dépendances ! Certes dans le monde entrelacé d'aujourd'hui, l'indépendance est un horizon qui recule à mesure qu'on l'approche, mais cette quête du nouveau graal n'est pas stérile. Nous pouvons vivre mieux en rapatriant du travail chez nous et en augmentant notre sûreté.

Petite incidente philosophique : La mondialisation fut promue et acceptée par la terre entière parce qu'elle était une promesse d'entropie entre des mondes trop inégaux, le tiers et le nôtre. Nous perdions un peu au bénéfice de peuples nombreux que le principe de la DIT allait développer afin qu'ils ne nous fassent pas la guerre. Cela marcha à fond avec les pays d'Asie du sud-est hébergeant des nations industrieuses. Moins en Afrique, chez les contemplatifs de leurs droits. Mais dès lors que l'entropie nourrit une hostilité non feinte contre le monde donneur, il n'y a pas de raison de continuer le transfert. Nous venons d'atteindre ce point d'interrogation. Un grand pays mondialisé comme la Chine populaire va commencer à phosphorer sur les brisants de sa diplomatie de loups combattants.

porte-conteneurs

A cause de la rupture d'harmonie provoquée par l'invasion russe de l'Ukraine et le chaos énergétique mondial qu'elle engendre, tous les pays, y compris d'ailleurs les deux précités, vont faire l'inventaire de leurs dépendances, exercice toujours repoussé chez nous au nom du libéralisme, seul moyeu de développement de l'économie mondiale dans l'esprit de Davos. Dans le même mouvement, une seconde équipe lancera les recherches de dépendances alternatives pour les biens et denrées d'importation ; une troisième s'attellera au rapatriement de productions stratégiques sur le sol national, voire en zone de proximité sûre. Je mise vingt patacas que M. Macron passera commande des trois études chez McKinsey, chez Deloitte et chez Arthur D.Little, tant notre technocratie est encrassée de suffisance et d'insuffisances. C'est neuronal. Mais parlons un peu de notre cher vieux pays dont les dépendances multiples sont anciennes, n'en déplaise aux souverainistes. Quelques idées :

Si le Royaume-uni fut dans le passé notre allié obligé à la guerre, après avoir été l'ennemi héréditaire, c'est d'abord pour l'essence. De ce côté, nous prenons la trajectoire d'une quasi-indépendance énergétique en relançant les centrales nucléaires et en continuant à développer les énergies alternatives aux énergies fossiles d'importation. Il y faudra du temps mais avant dix ans nous en verrons les effets. Qui dit hydrocarbures, dit aussi chimie organique et plastiques, mais en quantités bien moindres.

Ni fer, ni charbon cokéfiable en France = pas d'acier. Mais il y en a partout ailleurs dans le monde, faut-il encore savoir placer des contrats d'approvisionnement dispersé, sans laisser les prix s'enchérir. Et pour la première fois dans ce billet : être capables d'assurer la sécurité des convois. Dans un monde hostile, cette précaution va s'imposer à tous les flux, nous n'y reviendrons pas. On a le même problème avec l'aluminium et tous les métaux à transformer. Les solutions sont les mêmes : disperser, sécuriser.

Tant pour l'énergie que pour les matières premières de base, il serait avisé de former un Lloyd's énergie et un Lloyd's matières entre acteurs du segment économique, qui veilleraient à maintenir la dispersion des approvisionnements et la tenue des cours dans une optique de sécurité. Ce serait plus efficace et moins cher qu'une nouvelle agence de planification. S'il est très difficile, sauf au tableau noir, de rapatrier les filières de production de biens de consommation, les industries ancillaires d'amont et d'aval des secteurs précédents sont identifiables facilement et peuvent être reconstruites sur les moignons subsistants qu'il faudra recapitaliser. La tache d'encre peut s'étendre à partir d'elles.

Pour la masse des industries de transformation, peut-être suffira-t-il de libérer les entrepreneurs des entraves grotesques qui les lient et accepter qu'ils y fassent fortune pour voir revenir un tissu industriel digne de nos souvenirs. C'est la seule voie aussi pour aborder aux rivages des nouvelles technologies. Sera-ce le plus difficile à imposer aux censeurs politiques de la république de gauche ? Peut-être, avant incinération du lest socialiste.

La question agricole est moins prégnante en termes de souveraineté. On fait des kiwis à Sumène. Pour huiler la circulation générale et la consommation des denrées, sans doute faudra-t-il clouer à la porte de la grange certains patrons de centrales d'achat, comme ça, juste pour le fun. Et ça calmera tout le monde sur l'empilage de marges et la paupérisation éhontée des exploitants. Nous avons un secteur agro-alimentaire puissant, sachons le protéger de la technocratie bruxelloise et de la prédation écologiste. Ce secteur n'a besoin de personne pour conquérir des marchés.

Il est d'autres secteurs que nous avons développés dans Les Sept Atouts qui n'ont pas besoin de secours d'urgence, même si nous devons veiller à leur bonne santé surtout dans le domaine militaro-industriel. La France en outre participe de l'inventivité génétique occidentale et y prend plus que sa part. Un avantage de l'Occident, même désindustrialisé, est qu'on y sait tout faire et que nous sommes encore à la source des inventions fondamentales. Le reste du monde suit, améliore, déploie, mais l'étincelle originelle vient de nous. Ne nous décourageons pas !

Une question qui revient souvent, grâce ou à cause de M. Macron, c'est l'européanisation des solutions de cette remontada. Sans être dirimant, confier notre survie aux institutions européennes est dangereux, surtout à vingt-sept ; d'abord par le temps interminable qu'il y faudra investir. Sans couper aucun pont, il ne faut pas attendre l'Europe, pas plus qu'il ne faille attendre l'Allemagne dans la mise en production des armes indispensables à notre sécurité (par exemple). Il y a deux pays qui dans l'ensemble des coopérations d'armement ont toujours répondu présents, ce sont l'Espagne et l'Italie quand le "plan de charge" était honnêtement distribué. Travaillons avec eux déjà et mesurons nos ambitions à l'aune de nos capacités. Nous saurons un jour ou bientôt si charbonnier est à nouveau maître chez lui !

jeudi 11 février 2021

Dangereux Mister Xi !

Commence cette nuit à l'horoscope chinois l'année du Buffle. Sur les conseils d'un ami taïwanais (qui se reconnaîtra) j'ai relu les trente articles de la déclaration universelle des droits de l'homme des Nations-Unies à côté du speech inaugural de Xi Jinping au Sommet virtuel de Davos 2021. La Chine populaire coche d'une croix rouge la moitié des cases ! Faites le test vous-mêmes (clic)

Xi Jinping

Dans son discours impeccable qui a dû ravir tant d'otaries sinophiles, le président Xi Jinping s'applique à détruire les dispositions de plusieurs articles de la Déclaration (il est vrai, signée par la République de Chine de Tchang Kaï-chek) qu'il n'est pas loin de convertir en simples ingérences, à commencer par la fin du préambule onusien : « L'Assemblée générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l'homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des Etats Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction. »

Dans le texte que nous allons analyser en version française, tel que diffusé par l'agence Chine Nouvelle-Xinhua (clic), le président Xi prend exactement le contrepied de cette universalité en proclamant sa différence : « Chaque pays est unique avec son histoire, sa culture et son système social. Aucun n’est supérieur aux autres. L’essentiel, c’est de savoir s’ils s’adaptent aux conditions nationales du pays, s’ils sont soutenus par le peuple, s’ils apportent la stabilité politique, le progrès social et la vie meilleure et s’ils contribuent au progrès de l’humanité. Les différences en termes d’histoire, de culture et de système social existent depuis toujours. Elles sont une caractéristique inhérente à la civilisation humaine. Il n’y a pas de civilisation humaine sans diversité, et cette diversité existe et existera pour toujours**. Ce qui est à craindre, ce n’est pas la différence, c’est l’arrogance, le préjugé et la haine ; c’est la tentative de créer une hiérarchie des civilisations et d’imposer l’histoire, la culture et le système social de l’un aux autres.»
Les différences partout, très bien, je suis pour. Mais dans les faits, sauf en Chine populaire ! Pourquoi dès lors se maintenir aux Nations-Unies si on condamne chez soi les principes qui ont fondé l'organisation ? Vu la lâcheté générale et la vénalité des clients de l'empire chinois, les inconvénients sont minces au regard des avantages procurés par les nombreuses agences qui dispensent services, conseils et subsides de développement, mais surtout pour la tribune ouverte sur le monde entier quand les alliances de couloir laissent un peu de temps libre.
**Voir l'article de Jean-Noël Poirier dans Causeur sur l'impossible assimilation chez les Confucéens

Multilatéralisme sauf chez moi !

On en vient maintenant au multilatéralisme censé corriger l'hégémonie américaine qu'il ne nomme pas : « Nous devons poursuivre l’ouverture et l’inclusion et rejeter la fermeture et l’exclusion. Le multilatéralisme signifie que les affaires internationales doivent être gérées avec les consultations, et que l’avenir du monde, déterminé conjointement par tous. Créer de petits cercles ou déclencher une nouvelle guerre froide, chercher à exclure, à menacer et à intimider, recourir arbitrairement au découplage, à la rupture d’approvisionnement ou aux sanctions, et créer l’éloignement ou l’isolement ne peuvent entraîner le monde que dans la division, voire dans la confrontation. Nous ne pouvons pas relever les défis communs dans un monde divisé, et la confrontation nous conduira à l’impasse.»

carte Mer de Chine
C'est sur ce point-là qu'il faut poser la question aux riverains de la Mer de Chine orientale et surtout à ceux de la Mer de Chine méridionale, sur un arc de tension qui va de la Corée du Sud jusqu'à l'Indonésie. Sauf avec les Corées, la Chine populaire est en posture menaçante de guerre ouverte avec tous. Ces deux mers (au nord et au sud de Taïwan) sont destinées à devenir des mers intérieures de la Chine populaire avant le centenaire de sa création. Le Parti communiste chinois, saisi d'un hubris tétanique, ne souffrira aucun embarras et se met en conséquence dans la position de devoir engager n'importe où un conflit armé. Il croit en sortir vainqueur par le volume du tonnage engagé sur mer et les nombreuses batteries d'artillerie à longue portée massées sur les côtes. Conscient que l'échec éventuel de la conquête d'un territoire comme Taïwan (qu'il n'a jamais administré) signerait l'effondrement honteux du Parti (cf. cette analyse), on se doute que la destruction systématique des infrastructures de communications et des villes sera prioritaire en ce cas, quitte à faire reculer l'île de cent ans ou plus, sans même parler des dommages collatéraux aux populations civiles qui n'auront eu que le tort de croire les représentants qu'elles ont élus. Les empires aiment bien punir leurs vassaux infidèles et comme ils ne souhaitent pas y revenir, il faut que la leçon entre dans les chairs.

Dans ce discours de Davos, M. Xi récidive plus loin en qualifiant d'ingérence toute curiosité des pays étrangers sur la gouvernance du Parti : « Les différences en termes d’histoire, de culture et de système social ne sont pas un prétexte pour se livrer à l’antagonisme ou à la confrontation, mais une impulsion qui nourrit la coopération. Il faut respecter et concilier les différences, s’abstenir de s’ingérer dans les affaires intérieures d’autrui, et régler les divergences par les consultations et le dialogue. L’Histoire et la réalité nous enseignent maintes fois que dans le monde d’aujourd’hui, choisir la mauvaise voie de l’antagonisme et de la confrontation, qu’elle soit sous forme de guerre froide, chaude, commerciale ou technologique, c’est pénaliser les intérêts de tous les pays et le bien-être de tous les peuples.»
Comprenez : Mes camps de Ouighours sont à moi ! Occupez-vous des vôtres, et si vous n'en avez pas, c'est que vous ne savez pas gouverner. On capture, on mate, on assimile ! En phagocytant les nations de proximité, le Parti communiste élimine la confrontation et l'antagonisme sur le limes impérial et les déplace plus loin, selon le vieux précepte de ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi, on en discute ! C'est ce qui fonde le rapport d'hostilité sino-indien mais rien ne dit que l'agressivité se polarise au Ladakh. Il fait chaud à la frontière du Yunnan où le pouvoir birman ne contrôle pas les ethnies rebelles qui menacent les communautés han et les ouvrages d'infrastructure chinois. Il fait chaud à Hong Kong où le Parti a dû déchirer le traité international anglo-chinois pour surmonter l'insurrection.

Union européenne et Chine Populaire


Revenons au concret. La Commission européenne soumet au parlement de l'Union un accord réciproque d'investissements paraphé en grande pompe d'ordre et pour compte les industries européennes vivant de la grande exportation, c'est-à-dire l'Allemagne et ses sous-traitants orientaux et lombards. Beaucoup s'offusquent qu'un accord soit passé avec un Parti esclavagiste qui ne respecte rien ni personne encore moins sa signature, comme celle apposée sur les accords de rétrocession de Hong Kong. Auxquels je répondrai : "faut voir !"

DS PSA avec Sophie Marceau
* Inauguration de l'usine PSA de Shenzhen pour les DS *


S'il n'est pas besoin de pousser l'analyse pour obtenir l'intime conviction que la Chine de monsieur Xi a muté en une tyrannie féroce***, il nous faut garder la tête froide. Où est notre intérêt ? Sauverons-nous un cinquième de l'humanité avec nos petits bras musclés, un milliard trois cents millions de gens gérés comme des numéros par un empire autocratique qui a remplacé les bons auteurs marxistes par le 1984 de Georges Orwell ? Assurément non. Mais si les pays de l'OCDE ont longtemps caressé la chimère d'une libération sociale intérieure par des échanges économiques intenses - et jusqu'à l'arrivée de M. Xi, rien ne lui donnait tort - il est prouvé qu'aussi étroite sera la fente qui laisse passer le jour, la lumière de l'Ouest érodera le complot communiste d'abêtissement des foules. Nous avons coutume de dire ici que c'est le Coca Cola, le rock n'roll et le Lewis 501 qui ont ruiné le Mur de Berlin. Tout ce que nous passerons en Chine populaire par les canaux de la coopération économique et industrielle entamera les certitudes obligatoires des commissaires politiques qui sont revenus dans les entreprises et dans les universités diffuser le projet archaïque d'une société matérialiste réglée par Marx, Engels, Lénine et Staline. Il faut leur pourrir la vie, avec adresse et être plus retors qu'eux, même si le défi est de taille parlant de Chinois.

C'est dans ce but que les idiots utiles comme Jean-Pierre Raffarin le seront vraiment. Promener sa bonhommie en défonçant les portes ouvertes de la fausse liberté finira par user la détermination des plus cons qui seront bien obligés de mettre le costume à la mode de chez nous et suivre l'étiquette étrangère. Il en faut comme lui des milliers ! Et si la procédure fait tourner les usines VW, PSA ou Siemens, où sera le mal ? De toute façon nul n'infléchira de l'extérieur la coercition que le Parti communiste inflige aux peuples de Chine populaire mais on l'aura autrement ! Rien ne dit non plus que l'ethnie Han, fatiguée d'être gouvernée par un président disposant pour tout titre du certificat d'études et encombrée d'une myriade de petits sectionnaires zélés, recrutés pour leur obéissance aveugle aux consignes, ne se lève pas un jour en nombre. Les émeutes rurales sont monnaie courante même si elles ne sont plus rapportées par les journaux depuis quelques années, sous peine d'être qualifiées d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Le pogrom anti-musulman d'Urumqi perpétré par les commerçants chinois de la ville en 2009 fut spontané. Après tout, on leur a appris la révolution. A moins que ce ne soit du côté des états-majors que l'on s'inquiète des dérives polémologiques de politiciens aussi stupides que corrompus, qui veulent chacun leur petit paragraphe dans la grande page d'histoire de la Chine présomptueuse qui se refermera un jour comme le royaume voisin des Kim ! On les aura à l'érosion !

***Radio Free Asia (clic) signale qu'un tribunal de Maoming City (province du Guandong) a condamné à quatorze ans de prison (14!!) Niu Tengyu (23 ans) pour avoir associé le nom et une photo de la fille de Xi Jinping dans un,e discussion sur un forum China Wiki : elle s'appelle Xi Mingze. Vingt-trois autres prévenus ont comparu pour le même motif, on ne connaît pas les sentences ; les avocats ont été interdits, bien sûr. Au bout de 14 ans Niu Tengyu aura l'intelligence d'une laitue. Ils font appel - on ne rit pas. Ayez pitié !

Pense-t-on pour finir que les déboires de Jack Ma, patron d'Alibaba, bloqué en bourse et retiré de la circulation pendant plusieurs semaines pour revenir le cerveau lavé, comme les arrestations arbitraires d'hommes d'affaires étrangers sous des prétextes futiles, soient de nature à conforter l'enracinement des oligarques chinois en territoire communiste ? C'est juste une question... perfide.

Ceux qui se sentent en manque d'approfondissement à la lecture de ce simple billet pourront lire la recension de Charles Parton du communiqué officiel émis par le Cinquième Plenum du Parti communiste chinois, à la demande de Bill Bishop (Sinocism) : China – A Look Ahead to 2021 and Beyond. Idéal pour briller dans les dîners (clandestins) en ville.

Le Buffle exprime la force tranquille dans une résilience infatigable. Souhaitons que l'Occident sache l'exercer !



un enfant jouant de la flute traversière sur un buffle d'eau

lundi 20 mars 2017

Pékin : contraindre autrui au libéralisme

Cet article a paru dans l'Action française 2000 du jeudi 16 mars (n° 2951) en page 7 sous le titre La Dictature libérale d'un Etat communiste. Il accompagnait la mission du Secrétaire d'Etat Rex Tillerson en Asie du Sud-Est et particulièrement sa visite à Pékin, préparatoire au sommet Xi-Trump du mois d'avril en Floride. Le texte original entre en archives RA.

Faire revenir l'Empire du Milieu au balcon du monde exige du gouvernement chinois des solutions sûres et définitives. Confronté à des défis insurmontables partout ailleurs, son seul atout est l'absence d'élections générales rapprochées qui obligeraient à dévier dans un sens puis dans un autre. Le premier défi est un héritage de l'enfant unique. Selon le Bureau national de la statistique, la pyramide des âges a ajouté en cinq ans 45 millions de personnes âgés d'un côté et a réduit de 33 millions d’emplois la force de travail censée les soutenir. Cette démographie inversée à l'allemande convoque les mêmes remèdes qu'outre-Rhin : la modernisation forcée de l'outil productif et le rehaussement technique de la main d'œuvre. Une réforme difficile est aujourd'hui la réduction d’énormes capacités excédentaires de production dévoreuses de crédits publics et leur redéploiement où nécessaire. Elle est décidée. Ceci veut dire en clair, des licenciements massifs dans les industries obsolètes et un recyclage général par une formation professionnelle d'ampleur. En libéral qui ne dit pas son nom, Xi Jinping n'entend pas ralentir la course à l'efficacité économique et à la qualité des fabrications toujours améliorée, parce que c’est le meilleur frein à l'invasion du sol national par des productions étrangères. L’élagage de millions d'emplois est compensé par des immobilisations massives sur tous les hauts de bilans privés et publics : 45 trillions de yuans (6,5 trillions de dollars US) sont programmés par les régions en 2017 (le régime est décentralisé depuis longtemps). Au dehors, le marché mondial est vital pour la rationalisation de la production et pour la commercialisation des excédents qui alimentent la pompe et grossissent les stocks de devises à réinvestir dans le pays ; ce monde extérieur doit être libre !
Les lois de la mondialisation ont prouvé leur efficacité chez qui sait faire. C'est le message que monsieur Xi a passé à l’Occident au sommet de Davos cet hiver. Entraver la libre circulation des marchandises serait bien plus grave pour lui que de bloquer l'accès à trois récifs de corail en Mer de Chine. Les discussions inévitables avec les Etats-Unis d'Amérique vont devenir globales et se durcir pour préserver l'accès aux marchés solvables du monde. Entre-temps la dénonciation du Partenariat Transpacifique par Donald Trump va lui montrer combien la mondialisation a horreur du vide si la Chine se substitue aux Etats-Unis.

Le fond de sauce chinois de la dialectique sino-américaine est dans une compréhension des intérêts impériaux réciproques : nous savons les vôtres, connaissez les nôtres. La liberté des échanges à travers les règles de l’OMC inventées par les Anglo-saxons, leur est indispensable pour rassurer un milliard presque quatre cent millions de gens. Pourquoi créer des problèmes dont la solution en créera de nouveaux ? Pourquoi vouloir faire payer au commerce mondial les dysfonctionnements que les Etats-Unis affrontent à un moment donné ? Le patron d’Exxon promu au Département d’État va très bien comprendre cela.
Pragmatique dans ses orientations et adepte des petits pas depuis Deng Xiaoping, la Chine vient de comprendre qu’il lui fallait sortir par le haut du tête-à-tête avec Washington et conceptualiser les relations internationales sur un plan global décompartimenté. Plutôt que d'asséner comme avant, elle discute, démontre et laisse les géo-stratèges inventer des menaces qu’elle ne brandit pas. Sa diplomatie et ses instituts linguistiques diffusent déjà une idée de libéralisme économique dans le droit fil de la liberté des mers défendue jadis par la Grande Bretagne à coups de canon. Mais la mondialisation n’induit pas la globalisation.

La Chine ne se fondra pas dans le moule décadent occidental. La dictature intérieure trop malmenée par le cyberespace et le caractère frondeur et violent des Hans, ne s'assouplira pas car le Parti sait combien le grand frère soviétique a payé cher sa naïveté, mais la promotion inlassable d’une libéralisation des relations extérieures va devenir une priorité sans pour autant déteindre sur une démocratisation des mœurs intérieures, simplement déjà parce que la démocratie obère le projet titanesque du China Dream. Monsieur Xi ne peut tout faire et n’en a pas envie.


Sources
(a) http://news.ltn.com.tw/news/focus/paper/1082360 - mode de négociation avec le Kuomintang de Taïwan.
(b) http://news.xinhuanet.com/politics/2017-02/28/c_1120545454.htm - décision du Groupe de conduite des affaires économiques du redéploiement des excédents productifs avec plans de formation pro.
(c) http://www.chinatimes.cc/article/64563.html - In 2017, China to Stimulate Economy with 45 Trillion Yuan Investment in Fixed Assets (6T$) auxquels s'ajoutent 154 milliards de l'Etat central dans l'eau, les transports et l'énergie.
(d) http://datanews.caixin.com/2017-02-27/101059600.html - China’s National Bureau of Statistics released in January 2017, at the end of 2016, the number of working-age population who were between the ages of 16 and 60 was about 33.25 million lower than in 2011. At the same time, China’s population aged 60 years and over at the end of 2016 increased by 45.87 million compared with 2011.
(e) http://news.xinhuanet.com/world/2017-02/26/c_129496228.htm (Fudan University on NAFTA) - U.S. does not face its own domestic economy, political, and social structure issues but rather blames unfairness and an imbalance in international trade deals, it will not help to solve its own problems. Rather, it will hurt others as well as itself.

Postscriptum:
La rencontre Xi-Tillerson relatée par le New York Times et par l'agence Chine Nouvelle.

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dimanche 27 janvier 2013

Ne pas faire une croix sur les Chrétiens d'orient

Il faudrait parler des Touaregs. L'affaire du Mali est entièrement saharienne au sens où on l'y circonscrit totalement. Les "Huns" seront exterminés sur place par les uns et les autres ; c'est ouvertement dit¹. La conférence des bailleurs de fonds qui va s'ouvrir pour 500 millions de dollars le 29 janvier à Addis Abeba va régler la question d'intendance des troupes africaines engagées, pourquoi dès lors faudrait-il en parler aussi à Davos ?

une messe à Damas
De fait, c'est de la Syrie dont il est question. La station alpine s'est trouvée avant-hier à la convergence de toutes les hypocrisies sur cette guerre sans fin qui va achever sa deuxième année le 15 mars. Les "riverains" du chaos alaouite, Turquie, Jordanie, Liban, envahis de réfugiés en plein hiver, hurlent au charron devant la passivité tranquille de la "communauté internationale" qui attend que la poussière retombe. Que fait l'Occident ? Et l'Occident de répondre mezzo-voce qu'il ne va pas entrer en guerre avec l'Orient² pour une guerre civile arabe. En plein Croissant Vert, démerdéren Sie sich entre sectateurs du Prophète et laissez passer la caravane des Majors. Coule l'huile, coule le naphte. Que le roi Abdallah II soit aux cent coups parce qu'il a 300.000 campeurs sans chauffage en rase campagne, que Erdogan montre les 500 millions de dollars perdus à nourrir et abriter les réfugiés syriens passés au nord, ne nous émouvrait pas plus que ça si nous n'avions pas nos vieilles communautés chrétiennes dans la gueule du léviathan islamique.

Tarek Aziz condamné à mort
Abonnées à la dhimmitude depuis le reflux des empires européens, nos communautés se sont toutes accommodées des pires régimes tyranniques, prêtant la main parfois pour simplement survivre et revenir en deuxième semaine ! Les dictateurs les choient car elles sont des pièces utiles sur l'échiquier de politique intérieure, moins en elles-mêmes par leur nombre que par les réactions que provoquent les faveurs du pouvoir à leur endroit dans les communautés musulmanes réprimées : instrumentalisation du pronostic de guerre civile. Elles offrent aussi de rares compétences dans de nombreux domaines et sont une passerelle naturelle vers l'Europe occidentale, la France en particulier dont le prestige était encore grand il y a peu.
En Syrie même, le Parti Social-Nationaliste fut fondé par le grec orthodoxe Antoun Saadé en 1932. Dans le cas de l'Irak et de la Syrie baassistes, elles ont participé plus directement au projet de laïcisation des institutions affiché par les fondateurs du Parti Baas, dont le plus éminent, Michel Aflak (1910-1989), était un damascène grec orthodoxe. Dans ce courant et à titre d'illustration, on trouve le chaldéen Tarek Aziz, ministre des Affaires étrangères de Saddam Hussein de 1983 à 1991 et le ministre de la Défense de Bachar el-Assad, l'orthodoxe Daoud Rahja, tué par une bombe le 18 juillet dernier. Un extrait de ses obsèques en pied de page.

Daoud Rahja explosé à Damas
Nous sommes légitimement inquiets car, malgré une sage retenue, les communautés chrétiennes seront visées par les partis islamistes dont les milices combattent le régime, pour en avoir trop fait ou pas assez. Elles n'auront jamais raison. On subodore de graves exactions déjà sur les Chrétiens, de la part de milices salafistes (ou wahhabites) armées par les émirs sunnites, et rien n'interdit de pronostiquer l'épuration ethnique de la mosaïque syrienne comme ce fut le cas en Yougoslavie. Aussi quand la logique de paix ne répond pas à la convocation il ne reste que la force.
Quelle puissance activera une menace suffisamment convaincante pour protéger les communautés chrétiennes de la nouvelle Syrie ? A voir ce qui s'est passé en Irak, ce qui se passe en Egypte, voire même en Turquie où elles sont couramment inquiétées à tous motifs, il n'y a que la Russie à faire le poids. La France, certes étant dans le jeu depuis longtemps - depuis Baudouin IV de Jérusalem en fait - il lui revient d'approcher l'escadre des Echelles et d'en charger les canons. Mais en rêve même pas ! Et ce ne sont pas les mémorandums, pétitions, suppliques déposés ci et là qui vont faire le travail. Dans une guerre civile arabe, seuls la force joue, des palabres ils s'en chargent eux-mêmes.

A ce stade, il ne faut rien attendre des francs-maçons français qui trustent les allées du pouvoir parisien pour y dicter l'esprit de bonne gouvernance à leur façon, aussi serait-il approprié de la part des chefs des églises locales d'en appeler ouvertement et officiellement au Kremlin et au Patriarcat de Moscou, seules garanties qui puissent être actionnées. Que le Vatican perde pied en Syrie est moins important que d'assurer la survie de ces communautés d'Asie mineure qui vivent leur foi au coeur du Nouveau testament depuis si longtemps. A défaut, elles seront éradiquées comme en Irak et nous rangerons leur souvenir sur l'étagère de nos défaites déjà chargée.

[À suivre, une approche de la problématique chrétienne au Proche et Moyen Orient]


(1) «Nous sommes en guerre et on va casser le plus possible de ces connards"» (à l'Hôtel de Brienne, jeudi 24)
(2) la Chine et la Russie bloquent toujours l'aggravation de la réplique internationale




jeudi 26 janvier 2012

La Dystopie* de Davos

*
Ce n'est pas nouveau mais ça vient de sortir : angliscisme désignant l'utopie en noir opposée aux lendemains qui chantent



Tel la famille Lion au bout du wharf sans solution, le monde globalisé semble avoir atteint la dernière frontière de ses idées. Ce n'est pas le dernier gourou du Ladakh qui nous le suggère mais la très capable équipe du Forum économique mondial de Davos. Pessimistes est faible, même s'ils y mettent les gants pour annoncer l'apocalypse à des "forumeurs" surtaxés, qui ont payé 55000 euros pour entrer se faire engueuler. Etat des lieux de la Planète bleue :

Lee Howell, directeur exécutif du WEF souligne que « pour la première fois depuis des générations, de nombreuses personnes ont cessé de penser que leurs enfants auront un meilleur niveau de vie qu’elles-mêmes » mais qui pis est « le sentiment de malaise est particulièrement prégnant dans les pays industrialisés qui, historiquement, ont été une source de grande confiance et d’idées audacieuses.» Autrement dit, la marche du monde est à front renversé, les pays de l'OCDE ont troqué la camisole du pendu des pays émergents ; leur déclin est inexorable. Pourquoi ? C'est finalement très simple et le constat est peu rémunérateur en termes d'économie politique puisqu'on n'y peut fonder aucune autre science que celle du bon sens. On y va ?

D'abord la démographie. Le louable combat pour la vie humaine a complètement déséquilibré la population de la planète. La moitié de la population mondiale a moins de 27 ans et les perspectives de débouchés sur une planète finie se sont resserrées. La population de vieux s'accroît proportionnellemnt plus vite dans des pays dont les Etats sont criblés de dettes, pays dont les ressources sont englouties à faire vieillir les inactifs. Ceci est le constat global. Mais si on observe des segments significatifs du globe on s'aperçoit que c'est encore pire. Trois moteurs du monde : Japon, Chine, Allemagne. Le premier pays a la population la plus âgée du monde, et la dette publique intérieure la plus forte. Ses effectifs décroissent régulièrement, diminuant le réservoir de main d'oeuvre et le stock de consommateurs. Ses caisses sociales sont renflouées en permanence ; il n'y a pas d'avenir autre que morose.
La Chine (20% de la population mondiale) a maîtrisé sa croissance démographique par la politique de l'enfant forcément unique, au prix d'un déséquilibre des générations, compliqué par une sélection des genres (on avorte en priorité les foetus féminins). Le vieillissement inéluctable de sa population va lui poser, dès 2030 selon les experts, des problèmes considérables, comme au Japon mais avec un coefficient 10 (1360 millions d'habitants contre 127).
L'Allemagne vieillit et diminue. La France aura plus d'habitants que l'Allemagne en 2050¹ avec un âge médian plus jeune, mais une carnation plus mate. Le vieux Frankreich deviendra le Frankistan. Ce sont des tendances lourdes et qui ne peuvent être dévoyées en seulement dix ans. D'où la difficulté à y remédier quand on laisse la main à des régimes électoralistes.

Parlant du rapport 2012 (Global Risks - 7° édition, 2012), le directeur général de Oliver Wyman Group signale que « pour bénéficier d’une retraite sûre et accéder à des soins de qualité, les individus sont de plus en plus appelés à assumer des risques qui incombaient précédemment aux gouvernements et aux entreprises ». Adieu donc la solidarité intrinsèque aux sociétés modernes, place au sauve-qui-peut, fini les schémas par répartition et fracture sociale de plus en plus grande, un véritable continent de riches s'élevant au-dessus d'un magma de pauvres.


Les codes du XX° siècle sont obsolètes. Mais pieusement défendus. Leurs sauvegardes sont inadaptées au monde imbriqué et dangereux d'aujourd'hui qu'il faut quand même affronter. La constitutionnalisation du principe couard de précaution n'y supplée pas. Deux exemples : suréaction au nuage éruptif de l'Eyjafjöll en 2010, sous-réaction au krach hypothécaire des subprimes. La crise de l'euro montre qu'on n'a pas les outils pour la stopper. Les procédures réactives sont dépassées, il faut de la proactivité, de la souplesse, de l'autorité et du bon sens, pas des textes ! Dit en passant, c'est la définition d'une société monarchique gouvernée par un cabinet de talents comme nous en connûmes.

Le plus grave défi au genre humain, aux yeux des experts, est l'interconnectivité absolue. Nos vies dépendent maintenant de la "connexion". Que ce soit dans les activités professionnelles ou dans la sûreté personnelle, nous sommes à la merci du Réseau. L'interconnectivité est à la fois indispensable pour les entreprises et un gage certain de résilience en cas d'agression ou de catastrophe, les cellules filles pouvant palier l'absence de la cellule mère, utile aux administrations dans l'exploitation des données et la production de résultats préalables à la prise de décisions, agréable aux communautés d'individus qui facilement se retrouvent, mais en revanche extrêmement plastique dans l'organisation de la désorganisation comme l'ont montrées les émeutes de Seattle, Londres, Rome et les révoltes arabes devenues le prototype opératoire d'une révolution, redouté aujourd'hui par tous les régimes de force.

 Le rapport au WEF sélectionne cinquante risques majeurs et concrets, pas des concepts ; nous en reprenons neuf et adressons notre distingué lectorat à l'original du rapport 2012 :

Les neufs dangers majeurs :

(i) Déséquilibres fiscaux chroniques des Etats nourrissant le pronostic de krach systémique de l'interbancaire et la destruction du régime de devises. Le creusement de dettes publiques n'est pas tenable aux niveaux atteints.

(ii) Disparité sévère des revenus couplée à une gestion désastreuse des populations hors-d'âge. Inégalités criantes et injustice évidente sont plus que le ferment de grands désordres, mais l'étoupe de la mise à feu de nos sociétés.

(iii) L'augmentation des gaz à effet de serre et l'échec patent de la gouvernance énergétique mondiale qui va transformer la planète en four et stériliser d'immenses terres agricoles au moment du pic démographique.

(iv) L'urbanisation débridée écrasant tout, prolétarisant les peuples et asséchant les ressources en eau accessibles par les moyens modernes de captage. Les dégats à attendre de ces concentrations de misère sont plus désastreux que ceux des calamités naturelles aléatoires.

(v) Extrême volatilité des prix des matières et denrées ruinant les producteurs au bénéfice d'une spéculation illimitée dans ses mises.

(vi) Prolifération atomique incontrôlée, donnant des moyens de destruction massive à des Etats immatures ou exagérément spéculateurs des pressions induites.

(vii) Crise de l'eau et crise alimentaire provoquées par l'effet de ciseau de la hausse spéculative des prix et du défaut de productions vivrières de proximité (effet direct de la mondialisation) ; sans parler de l'hiver volcanique que pressentent les vulcanologues et qui est hors de l'épure politique puisque imparable.

(viii) Guerre cybernétique déclenchée en dehors des Etats par des groupes intéressés au chaos (le rêve de l'anarchiste historique) ou privilégiant le néotribalisme qui endommagerait, voire détruirait par endroit le Réseau cité plus haut, éteignant à proprement parler nos sociétés sophistiquées.

(ix) Modification du génôme humain par l'impact de produits consommés ou d'expériences assimilées ouvrant le champ de nouveaux risques pour l'espèce. Ce risque s'applique aussi à tout le règne vivant, animal et végétal.


Et après ?
A la fin du catalogue se pose une seule question qui appelle une seule réponse. Les décideurs de l'espèce humaine sont-ils aux manettes et affrontent-ils tous ces défis systémiques ? Pour plusieurs raisons, dont la moindre n'est pas l'éphémérité des pouvoirs gouvernant les grandes nations ou leur corruption profonde au bénéfice des dirigeants, le niveau de réponse est estimé inadapté et le demeurera parce qu'il n'a pas suffi jusqu'ici de gérer les crises. Il faut gouverner ! 
Gouverner, ce n'est pas godiller de la queue tel le chien crevé au fil de l'eau, mais prendre et faire appliquer à tous prix les décisions qui conviennent dans chaque domaine identifié, dans le cadre d'un accord global qui n'a pas besoin d'être formalisé mais exécuté avec courage, chacun allant à sa vitesse, mais dans le même sens.
Les yeux sur le compteur de leurs chances de réélection, nos gouvernants en sont bien loin !
Qui prendra la tête à Davos ?

Le truc du piéton : équilibrer son moral en lisant Le Fanatisme de l'Apocalypse de Pascal Bruckner (Grasset 2011, 20€)

mardi 28 octobre 2008

World Economic Forum

porte vitrée du World Economic ForumLe Premier World Economic Forum™ consacré à l'Europe et à l'Asie Centrale s'ouvre dans deux jours à ... Constantinople !
Que va-t-on apprendre au-delà de la ruine des croupiers de Wall Street ? Par exemple que la Turquie n'est pas en excellente santé depuis que les pouvoirs s'affrontent autour de l'islamisation forcée d'un peuple, soufi dans sa nature. Mais rien d'inédit là. Par contre, nous allons découvrir que l'économie turque est bien meilleure que celle de pays membres à part entière aujourd'hui de l'Union européenne : si l'on n'attend pas de miracles de la Roumanie et de la Mafia bulgare¹, on se sait pas de prime abord ce qui retient la Tchéquie ou la Pologne de pospérer après les injections massives de la Communauté et les investissements massifs des conglomérats privés. Mais on frôle la stupeur quand on nous dit que la Hongrie est l'homme malade de l'Union ! Et que la Biélorussie mange sa soupe sur la tête de tous ceux-là, avec les félicitations du FMI qui la cite en exemple !

Allons à Budapest.
Très officiellement les dirigeants hongrois redoutent un sort moins enviable encore que celui de l'Islande, qui a fondu les plombs le 14 octobre : bourse en chute vertigineuse de 76% dès qu'on a su que le total des dettes accumulées par les trois banques fraîchement nationalisées représentaient 12 fois le PNB islandais ! Cette déclaration malencontreuse des dirigeants hongrois a suscité la réaction du FMI qui s'est dit prêt à voler au secours de l'Etat magyar, ce qui par contrecoup a déclenché la panique, tout le monde étant sûr alors de l'état critique du pays.
De la crise politique latente depuis les révélations des mensonges du premier ministre en 2006 plus personne ne parle car la spirale qui s'ouvre sous leurs pieds est quasiment fatale, le pays étant à la merci d'une mise sous tutelle internationale comme une république africaine.

Situé en plus à l'extérieur de l'Eurogroup (et pas près d'y rentrer) le pays subit une spéculation sur le forint qui est devenue une piastre tout juste bonne à aller au marché, depuis que les emprunts des ménages sont, faute de confiance, libellés à 90% en devises étrangères, franc suisse et euro.

Budapest
Les déficits gouvernementaux se creusent depuis vingt ans et la dette dépasse les deux-tiers du PIB. Nous, français, connaissons tout ça par coeur, d'où l'intérêt de l'observation : dans ces circonstances alarmantes, le gouvernement ne cherche même plus à redresser sa situation - le peut-il encore - mais bricole dans les nationalisations libérales et convoque la "solidarité". A commencer par celle des pays frères du Comecon, venus eux-aussi en Europe occidentale pour faire les moissons mais peu enclins aux labours : un mini-sommet a réuni la semaine dernière à Varsovie les huit pays de l'Est : Pologne, Estonie, Lithuanie, Lettonie, Hongrie, Slovaquie, Bulgarie et Roumanie ; ils veulent faire bloc, contre ! Si la Commission a déclaré faire son "possible" pour la Hongrie - elle n'a aucun budget pour faire quoique ce soit de significatif - la Banque Centrale Européenne, bonne fille, s'est fendue d'un crédit de 5 milliards d'euros à la mi-octobre, confirmant à tous que la situation était presque désepérée. L'ambiance qui prévaut à Budapest est celle d'un pays assiégé économiquement, et encore doit-on se fier aux comptes publics officiels pour juger du péril. Comme au temps du Mur, il va suffire d'observer le sens de passage des valises.

Quand le président français réclame, comme le Hongrois, l'assouplissement des critères de Maastricht et un gestion positive des taux de base de la BCE, il appelle aussi à la solidarité, et cache notre situation exacte sous un orage médiatique de tous les instants. Mais la pièce écrite par les conseillers en communication de l'Elysée ne peut se jouer éternellement et les institutions financières responsables vont très bientôt baisser le rideau et couper la lumière en salle pour "compter". A ce moment, nous risquons nous aussi d'être très mal jugés dans la nudité d'une vérité bêtement comptable, et les adversaires impénitents de l'euro pourront alors avec raison nous dire que la monnaie unique a caché un temps l'étendue des dégats, tandis que si nous avions conservé le franc français, nous aurions été alerté beaucoup plus tôt par un infarctus sur le marché des changes qui aurait ruiné l'épargne des ménages ! Utile alarme !

GyurcsanyLe 18 octobre, le premier ministre Gyurcsany a décrété l'état d'urgence financier ! Une posture pour la galerie; mais la galerie ne le croit plus et gare ses sous, pas plus d'ailleurs que les Français n'ont confiance dans les déclarations assez vaseuses des services ministériels. A preuve, ils chargent leurs coffres.

Toutes les solidarités, toutes les contraintes règlementaires sont inopérantes sans la volonté farouche de gérer son pays comme on gère son patrimoine, en bon père de famille. Antienne royaliste s'il en est. Les bons exemples abondent autour de nous de pays au même stade de développement que le nôtre qui sont bien gérés. Inutile de fouiller dans les précis de finances publiques ou de suivre des cours de créativité démocratique, il suffit d'observer certains voisins, quoiqu'il en coûte à notre dispendieuse fierté.

La gestion déficitaire de la France depuis l'avènement de la coalition de gauche en 1981 est criminelle. Le vote d'un budget d'Etat déficitaire devrait être constitutionnellement interdit, et les trahisons antérieures du principe de sagesse passibles de la Haute Cour. Mais en France, tout finit pas des chansons : "les parents boivent, les enfants trinquent" !

Note (1) : le député bulgare Atanasov a déclaré que "si d'autres pays ont une mafia, en Bulgarie c'est la Mafia qui a le pays". Entretemps l'Union de monsieur Barroso veut se rattraper avec l'intégration de la Mafia croate sous la pression du vice-premier ministre tchèque qui prend les affaires européennes en main au premier janvier prochain. A côté des Croates, les Bulgares passent pour des Bambi.


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