lundi 31 octobre 2016

Du royalisme de combat

Les royalistes qui ne lisent pas Le Lien légitimiste perdent quelque chose. Contrairement à ce que l'on pourrait attendre du légitimisme souvent engoncé dans des habits de cour et des idées anciennes, Le Lien surprend par sa liberté de ton et surtout par son acuité dans l'observation du microcosme monarchiste. La dernière livraison (n°71) n'échappe pas au compliment. Dans un éditorial de quatre pages, Gérard de Villèle remonte pendules et bretelles pour nous démontrer à la fin que le «royalisme politique» n'existe plus. L'empathie voire l'enthousiasme manifesté par des sondages d'opinion dégageant presque un cinquième de royalistes en France (clic) croise les résultats de l'enquête du CEVIPOF (clac) révélant qu'une majorité de Français veulent en finir avec cette République de m... pour mettre un pouvoir fort, détaché des Chambres et des lobbies, capable d'assumer une direction et pour ce faire, d'écraser tout contempteur en régime de dictature provisoire à la romaine. Nous en rêvons depuis si longtemps. Y a plus qu'à ! Oui mais :

A l'approche du 11-Novembre, cela me fait penser au général de Castelnau, pourquoi ? Après la Grande Guerre, celui que l'on appelait le Capucin botté lance un mouvement catholique de reconquête de l'espace politique. On l'a vu dans son département de naissance, l'Aveyron, faire partout salle comble et d'aucun prédisait le succès, une certaine "revanche". Las ! les acclamations ne se transformèrent pas en suffrages et le composé "grand chef catholique" ne précipita jamais, parce que le paysan avait minutieusement évalué ses intérêts premiers. Villèle constate que le royalisme français d'aujourd'hui, que BVA signale à 17% de l'électorat, ne précipite pas non plus en suffrages et pis que tout en soutiens financiers. Les chapelles sont exsangues, les sébilles pleurent, les publications rament. Les royalistes ne croient pas au succès de leurs idées (les monarchistes un peu plus).

Louis de Bourbon
Est-ce faute de candidat royaliste attrayant ? Ne serait-ce pas plutôt une impossibilité génétique ? Le royaliste voudrait bien manifester dans les urnes son soutien au prince qu'il vénère mais son représentant ne lui plaît pas toujours et monseigneur ne se soumettra pas aux suffrages de la nation pour accéder, même s'il est plausible qu'il doive vite convoquer un plébiscite une fois arrivé au pouvoir pour asseoir sa légitimité (cf. l'adresse de Louis XV à la nation en cas de vacance dynastique). L'addiction anesthésiante au confort démocratique fait croire l'Etat-Providence menacé par tout dispositif d'autorité extérieur à la caste étatique, même s'il ne s'agit pas du tout de ça. Castelnau avait de l'allure, un palmarès et trois fils sous les croix blanches, mais qui paierait les trains d'amendement pour chauler le plateau du Ségala ? C'est aujourd'hui encore la réflexion des édiles "parrains" d'un candidat royaliste, confrontés aux caprices de l'échelon de pouvoir directement supérieur à eux et décideur en première instance. La nation est abrutie d'assistance et coincée dans un mille-feuille administratif du modèle tsariste qui l'aliène.

Quant à la vision dynastique du manant de base, parlons-en ! Nous entrons là le scalpel dans la fracture ouverte, la plaie saignante et gangrenée. Nous avons une querelle interminable et proprement stupide entre les maisons princières, ceux que Jean-Gilles Malliarakis appelle dans l'Insolent "la descendance du mari de la princesse Palatine, du Régent et de Philippe Égalité, etc. [qui] par haine de ses aînés, et pour l'avènement des régimes affreux dans lesquels nous croupissons, a fait plus en Europe que tous les carbonari" ; contre ceux que Yann Moix appelle dans Paris-Match "notre roi, descendant des Bourbons, branche espagnole, le duc d'Anjou, avec sa belle gueule d'acteur hollywoodien, sa royauté loge dans son sang et son royaume, dans ses rêves". Autant dire qu'on est mal barrés d'entrée !

Il apparaît finalement que la voie étroite, mais défrichée à son insu par le CEVIPOF, serait sans doute d'aider à l'avènement du dictateur romain qui, une fois les écuries d'Augias nettoyées rock-bottom, pourrait adapter la Constitution, et coiffer, s'il le veut, la couronne de France afin d'engendrer une nouvelle dynastie ! Au moins celui-là aurait prouvé quelque chose à l'échelle du pays, alors que tous les héritiers présumés des Quarante Rois sont en défaut sur ce point, n'ayant rien montré encore de leurs capacités, se contentant de surfer sur des dispositions successorales non-légalisées de dévolution d'une couronne franque que leurs aïeux ont laissé rouler au ruisseau ; ce qu'on pourrait nommer : la rente perpétuelle dynastique à zéro pour cent ! Attention : ce qui précède n'est pas la ligne éditoriale du Lien légitimiste mais un concept extravagant royalartirisé, comme ce qui suit d'ailleurs.

Jean d'Orléans
Les capacités bien ordinaires des prétendants, la faiblesse de leurs diplômes, la timidité de leurs entreprises quand ils en ont, tout se ligue pour les éconduire des allées du pouvoir qui les écraserait lors de la collision entre eux et les corps constitués de l'Etat issus des grandes écoles de la République. Question d'envergure ! Plus grave, le risque est sournois mais réel d'un décrochage des familles princières avec la nouvelle élite occidentale si la génération montante n'est pas poussée dans des études plus difficiles que celles de leurs parents. Il faut que les enfants passent des concours de premier rang pour tenter Normale Sup, Polytechnique, les Mines, les Ponts, Centrale, SupOptique, Supelec, ou faire médecine, quelque agrégation de droit public ou de mathématiques etc. Qu'ils ne nous impressionnent pas ne nous empêche pas de continuer à montrer de l'affection pour eux et leur famille et à nous plaire à les rencontrer, en souvenir d'un passé que nous n'avons pas vécu. Mais à prétendre sérieusement, ils doivent se hisser au niveau exigé par de futures circonstances ! Si nous nous battons aux premiers échelons à propager l'idée du roi avec de bien faibles moyens, ils ont aussi à se battre pour nous mériter.

D'accord, ce n'est pas tout de construire des utopies de ré-instauration par la monkisation de l'espace politique. Puisque le temps presse, nommons les "dictateurs romains" possibles. Deux seulement sortent du lot à l'heure où nous mettons sous presse (que les touristes non retenus nous pardonnent) : le général Didier Tauzin et le député Jean-Frédéric Poisson. En homme d'expérience, Gérard de Villèle a choisi le second, nous allons le suivre et le mettre en photo. Le roi est vivant, poussons Poisson ! A la Primaire de la Droite et du Centre, votez Poisson au premier tour du 20 novembre, on verra bien ensuite. Jean-Frédéric Poisson est monarchiste en plus (clic), lui qui déclarait ce tantôt à Eric Muth de Vexilla Galliæ :
Ce qui serait bienvenu en 2017, c'est un responsable politique qui se sente profondément, charnellement lié à la France, et à la tâche qu'on lui aura confié. Un responsable qui prenne la mesure des enjeux considérables que devra affronter le pays dans les prochaines décennies, et qui sorte d'une vision gestionnaire de la politique. Un homme qui soit un chef, qui ait un cap, une vision pour notre pays, et le désir de le restaurer dans sa grandeur, et dans sa souveraineté. Sinon, nous allons vers le chaos.

Jean-Frédéric Poisson


Dans ce numéro de vingt pages, il y a aussi un article très instructif de Philippe de Lacvivier sur l'imposture étatique déroulée par Hans-Hermann Hoppe et publiée ce mois-ci aux Editions du Drapeau Blanc sous le titre La Grande Fiction, l'Etat, cet imposteur (première traduction française de H3). L'article s'ouvre par une citation de Frédéric Bastiat : « L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde ». Et l'auteur de dénoncer l'escroquerie de l'impôt consenti (mais par qui, où et quand ?) avant d'autopsier le catholicisme officiel à l'aune des dix commandements. C'est assez épais mais captivant. Quand le lecteur reprend son souffle, il a d'autre raison de se réjouir de son abonnement : Benoît Malbranque de l'Institut Coppet fait défiler sur neuf pages le mémoire d'Arthur-Michel de Boislisle sur les grands économistes du siècle de Louis XIV, discours lu en 1875 à l'Académie des Sciences morales et politiques. Il analyse surtout Boisguilbert et Vauban pour nous raconter l'odieuse prescription du traité de la Dîme Royale qui conduira à la mort du maréchal. Dans une lettre du 21 août 1711 au Contrôleur général des Finances Desmarezt, l'infatigable Boisguilbert convoque Sully comme un grand libéral en des termes définitifs que nous ne pouvons pas ignorer :
« Il est à propos, Monseigneur, que je vous présente le ministère de M. de Sully... Vous verrez qu'il trouva la France en plus pitoyable état qu'elle ne l'est aujourd'hui, et qu'au milieu de deux guerres, il la rétablit, paya toutes les dettes et amassa trente millions d'argent quitte au roi, parce qu'il rendit les peuples riches par la protection qu'il donna au labourage et au commerce du dedans. Vous apercevrez à même temps qu'il n'eut point plus grands adversaires dans sa route que le Conseil du roi et les courtisans, jusques aux princes. Cependant, comme il eut le Maître et les peuples de son côté, il vint à la fin à bout de tout. »
Hoppe, Boisguilbert, le Lien serait-il une publication libérale ? On en parlera une autre fois. A la fin de l'article, une certaine tristesse vous saisit quand vous comprenez qu'au-delà de l'autisme de la Cour et des Finances, les hésitations du monarque enferré dans les guerres furent fatales à sa descendance. La Révolution n'était pas inéluctable si la Couronne l'avait menée elle-même ! Un roi tire le char. Derrière, il est déjà mort !

Mais sans roi au char, ça ne marche pas mieux, à preuve :
De nos jours, le narcisse blafard qui trône à l'Elysée bouchonne sur la vague des circonstances dans la politique du chien crevé au fil de l'eau. Après s'être vengé du Petit Reître en défaisant tout ce qui performait bien de son prédécesseur, il n'a su conduire aucune réforme de désincarcération de l'économie, de levée d'écrou des initiatives individuelles, refusant au succès entrepreneurial son juste bénéfice, se laissant bloquer dans un coin par tous les dinosaures syndicaux et chavéziens qui battent le pavé en plein état d'urgence, faisant fuir talents et capitaux. Résultat : un chômage honteux à l'aune européenne et la méfiance généralisé de nos voisins. Et pourtant ! Il fut jadis professeur d'économie politique à SciencesPo dans la veine libérale et livrait au Matin de Paris des chroniques économiques pas du tout jurassiques. D'où Macron, récupéré dans l'équipe de conseillers à l'Elysée parfaitement en phase avec le vrai président. Hollande était bon en amphi et au pupitre, mais au commandement, noyé dans les combinaisons et la synthèse, il n'est pas obéi. Ses idées sociales-démocrates sont assumées de longtemps sur le plan intellectuel mais inapplicables par le canal présidentiel aussi bouché que les tinettes de Solférino. Macron est donc parti. Hollande voudrait bien nous faire croire qu'il navigue mais il est déjà perdu car les Français ont perdu confiance. Terrible sondage qui lui donne 4% de popularité ! Même Pétain parvenu à la frontière suisse en 1945 devait faire plus ! Et Monsieur Sapir de l'EHESS mais aussi de l'Ecole Economique de Moscou n'hésite pas à l'inhumer politiquement à six pieds sous terre, en tapant la tombe du plat de la pelle pour bien égaliser, dans un pamphlet au napalm inimaginable il y a un an encore dont on prendra connaissance par ici. C'était une digression induite par le livre incendiaire de Davet et Lhomme. Revenons à nos moutons.

Dans ce numéro 71, Gabriel Privat part de la Dîme royale de Vauban pour s'installer à Quimper où il va décortiquer nos taux d'imposition parmi les plus élevés du monde, qui aboutissent à une addiction à l'assistanat habilement liée à la pression fiscale. Le système est vicieux, on le savait mais il l'explique si bien qu'on se croirait intelligent.
En refermant le journal on fait la connaissance de Claude Giry (1942-2016), un ami de Guy Augé, décédé au mois d'août, qui fut un des fidèles d'entre les fidèles du légitimisme...

Voilà ! Lisez le Lien légitimiste. On ne peut prétexter l'insuffisance de ressources pour éviter l'abonnement : dix euros, la version électronique livrée dans votre boîte à courriels. Trente euros, le bimestriel papier dans votre boîte à lettres.


LE LIEN LEGITIMISTE
2 Le Petit-Prix
37240 La Chapelle Blanche Saint-Martin



share


[ Prochain billet le 11 novembre 2016 ]

samedi 22 octobre 2016

Ne donnez pas aux mendiants !


Battez-les ! Le vice de la manche est irrémédiable, fils de sa mère l'oisiveté. Ce billet est interdit aux blaireaux et aux éjaculateurs précoces de la bienpensance. Il est tout au degré deux, inaccessible aux cons.
Malbrunot et Chesnot m'apprennent que des carriéristes politiques se sont abaissés jusqu'à demander des sous à l'ambassadeur du Qatar, à porter des Rolex doubaïotes, à voler gratis sur Emirates. Et d'aucune que l'on savait fellateuse en diable selon ses propres lapsus linguæ, aurait tendu... la main. La mendicité est dans l'ADN du politicien. Extraire le gène mendiant de la spirale le tue !

Pauvres de nous, nous sommes en saison de quémandeurs de voix, en pré-campagne électorale, la cour des miracles bat son plein de menteurs et de faux hommes, d'habiles sympas et de rusés entrepreneurs en extraction de suffrages ! De retour à la case, ils se moquent de nous, nous les sans-dents et les ploucs. Alors que nous ne sommes que des manants... mais du roi ! Et plus que jamais, du roi !

A voir la pantalonnade démocratique, l'horrible caravansérail de la prostitution politique, le fard programmatique des putes à plateaux, le carrousel des endives, on ne peut que souhaiter revenir au vieux modèle monarchique pour avoir, comme nos cousins du Nord et du Sud, un chef d'État propre sur lui, attaché à nous, affectionné, soucieux de sa famille qui fait partie intégrante du poste, un chef d'État qui nous représente partout où il va, en dignité, qui en impose. Exactement le contraire de tout ce que nous propose cette République de l'Envie en phase gazeuse terminale. Ce pays se noie dans sa crasse mentale, il est addict au poison de l'égalité sans risques, de la solidarité à sens unique, de la caporalisation des consciences, et pis que tout, admiratif de la Bêtise.
Au roi, et vite !

Pour changer, voici l'harmonica magique de Sonny Boy Williamson II dans The Sky is Crying et derrière, Movin'out, avec Matt "Guitar" Murphy et Memphis Slim au piano. C'est très relevé. Ça n'a rien à voir avec le sujet !


share


lundi 17 octobre 2016

Développement intelligent

 

Ce billet n'est pas rédigé. Le piéton du roi propose cette semaine d'encourager le projet de Jean-Louis Borloo Energies pour l'Afrique (clic), ce qui nous changera des gamineries de la pré-campagne présidentielle française. Point de "commentaire", deux cartes, un bref rappel et la voix de son maître :

carte conso afrique

 


carte potentiel afrique


RAPPEL:

Royal-Artillerie s'était penché sur la question de l'électrification du continent noir, couplée à la création d'un réseau ferroviaire résilient, dans un billet du 10 juin 2012 titré La Double Grille Africaine (clic), une idée de développement lourd sur la base du plan chinois de mise en valeur du piémont himalayen.



Et maintenant place à Monsieur Borloo :



share

lundi 10 octobre 2016

Note de lectures

Aussitôt que je fus à cheval, je pris la route de Mauve, qui est, si je ne me trompe, à cinq lieues de Nantes, sur la rivière, et où nous étions convenus que M. de Brissac et M. le chevalier de Sévigné m'attendraient avec un bateau pour la passer. La Ralde, écuyer de M. le duc de Brissac, qui marchait devant moi, me dit qu'il fallait galoper d'abord pour ne pas donner le temps aux gardes du Maréchal de fermer la porte d'une petite rue du faubourg où était leur quartier, et par laquelle il fallait nécessairement passer. J'avais un des meilleurs chevaux du monde, et qui avait coûté mille écus à M. de Brissac. Je ne lui abandonnai pas toutefois la main, parce que le pavé était très mauvais et très glissant; mais un gentilhomme à moi, qui s'appelait Boisguérin, m'ayant crié de mettre le pistolet à la main, parce qu'il voyait deux gardes du Maréchal, qui ne songeaient pourtant pas à nous, je l'y mis effectivement; et en le présentant à la tête de celui qui était le plus près de moi, pour l'empêcher de se saisir de la bride de mon cheval, le soleil qui était encore haut, donna dans la platine; la réverbération fit peur à mon cheval, qui était vif et vigoureux; il fit un grand soubresaut, et il retomba des quatre pieds. J'en fus quitte pour l'épaule gauche qui se rompit contre la borne d'une porte. Un gentilhomme à moi, appelé Beauchesne, me releva; il me remit à cheval; et, quoique je souffrisse de douleurs effroyables et que je fusse obligé de me tirer les cheveux, de temps en temps, pour m'empêcher de m'évanouir, j'achevai ma course de cinq lieues devant que Monsieur le Grand Maître, qui me suivait à toute bride avec tous les cocus de Nantes, au moins si l'on veut en croire la chanson de Marigni, m'eût pu joindre. Je trouvais au lieu destiné M. de Brissac et M. le chevalier de Sévigné, avec le bateau. Je m'évanouis en y entrant.
(le cardinal de Retz s'évade, Mémoires)

Maréchal Blaise de Monluc
J'ai trois fers au feu, ou plutôt trois livres de chevet en alternance. Les Commentaires de Monluc (1521-1576) dans la belle édition de La Pléiade de 1971, les Mémoires du Cardinal de Retz (1613-1679) dans l'aussi belle édition de La Pléiade de 1956 et le Discours sur les Duëls de Brantôme (1540-1614) dans l'édition hollandaise de 1740. Autant dire que nous sommes en guerre !
Avant de les avoir achevés, j'en retire deux réflexions que je vous fais partager :

- la langue française est le grec moderne de notre civilisation par sa précision lexicale, la richesse du vocabulaire et la pérennité des tournures de phrases et d'esprit. Jamais longtemps rebuté par la typographie d'époque et une orthographe vagabonde d'avant Malherbe, le lecteur francophone d'aujourd'hui suit parfaitement le propos tenu, à vitesse normale de lecture. Le français est une des rares langues du monde qui forme un pont générationnel aussi long (six siècles). Il est dommage que des cuistres, ayant capté des positions pédagogiques libérées de la tutelle de l'Académie française et usant d'une autorité démocrassisée, s'ingénient à réformer un idiome mathématique qu'ils comprennent mal pour le transformer en dialecte facile comme le pidgin océanique.

- la seconde réflexion est métaphysique. Dans les trois ouvrages, la mort rode. Entre les guerres de religion et la Fronde, l'époque est au combat et chacun s'y livre de bon cœur. La mort est perçue comme une étape dans l'histoire d'une âme qui, elle, ne finira jamais. L'espérance brute de vie (sans passer par les tables de survie) est de 25 ans. D'ailleurs les athées, car il y en a, sont les moins courageux, embusqués au plus loin du danger, profitant d'une vie qu'il leur faut prolonger avant de basculer dans le néant noir. A son opposé, le croyant (en armes) laisse volontiers sa guenille charnelle à charge de la faire enfouir par autrui si son vainqueur y agrée, pour défendre ses idées, son honneur, sa dame. L'âme continuera.

Quand on lit le discours de Brantôme sur les duels, c'est bien d'une dévaluation de la Mort qu'il s'agit. Ces braves soldats qui demandent un camp clos pour s'y étriper le plus galamment du monde passent le plus souvent d'abord à la messe, tant ils sont sûrs de leur bon droit. Le Décalogue et son Tu Ne Tueras Point est un truc du Vieux Testament. La procédure d'assassinat est réglée comme du papier à musique, les codes étant exclusivement danois ou lombards nous dit l'auteur. La mort est la seule porte de sortie du camp pour l'un des deux. Si l'un est dépêché illico, le second entre parfois en agonie, mais les procès du camp clos gardent les faveurs de la chevalerie, jusqu'à ce que le roi l'en prive. L'ouvrage sera publié après le décès de Brantôme (à sa demande) mais à La Haye aux dépens du libraire parce que l'édit de Richelieu de 1626 (et quelques autres de Louis XIV) était passé par là interdisant les duels. De nos jours, semblable ouvrage serait édité à... Moscou car la bien-pensance occidentale hurlerait au loup pour propagande de valeurs dangereuses et insulte au principe de couardise et précaution.

La vie de nos contemporains est de beaucoup surévaluée. Epicure se plaisait à distraire ses auditeurs dans des sophismes abscons comme « puisque tant que nous vivons la mort n’est pas réalisée, et quand la mort est là, alors, nous ne sommes plus, la mort n’existe donc ni pour les vivants ni pour les morts, parce que pour les uns elle n’est pas et que les autres ne sont plus». Les manants n'étaient pas en reste de philosophie : mon bisaïeul Armand, campé sur ses sabots à la cime du pays pour contempler le moutonnement des collines desséchées par l'été brûlant qui annonçaient la faim de l'hiver, lui préférait une formule choc qui le rassérénait : tout finit toujours par s'arranger, même mal ! Aujourd'hui, que ferait-il ? Incendier le parlement de Montpellier pour punir le climat de ses caprices ?




Comparés aux temps bénis de la chevalerie, les massacres de maintenant sont terriblement étiques. Deux cents morts en un seul lieu, un seul instant, et s'essoufflent les rotatives du monde entier, sauf s'ils sont congolais. Que ne fait-on pas au motif (mais au motif seulement, dans la réalité c'est différent) de sauver une vie humaine ? La mort est un sacré bizness pour la presse qui la promeut d'une certaine façon, à telle enseigne que tous les gens en ont peur et achètent. Alors revivre par la lecture ces temps anciens où la mort n'est qu'un passage en fait partager la "sagesse" au milieu du tumulte actuel. Et nous réapprend ce que nous ne savons plus : Glissez, mortels, n'appuyez pas !

share

lundi 3 octobre 2016

De la démocratie américaine en période électorale

Bonjour, c'est lundi. Première semaine d'une période électorale agitée. Les primaires se suivent et se ressemblent : un seul mot, séduire ! Par tous moyens même loyaux, scabreux ou franchement dégueulasses, l'extraction de voix est un métier de mineur où tous les coups de grisou sont permis. Ne restent propres sur eux que certains "petits" candidats impatients de sauver le pays mais qui vont se résoudre bientôt à limiter leur propagande au témoignage de bonnes idées invendables, car la presse n'en met aucune en rayon. Parmi ces moines prêcheurs nous saluons le candidat de l'Alliance royale, Monsieur de Prévoisin. Qu'il accepte ici les encouragements qu'il mérite.

Reste le saut dans l'inconnu. Un des meilleurs essayistes vivants de ce temps avait pondu jadis un livre remarquable sur notre atlanticité sous le titre de L'Edit de Caracalla (chez Fayard, 2002), dans lequel il était question de donner la citoyenneté américaine à tous les ressortissants de l'Occident. Cette chimère de Régis Debray nous aurait conduit aujourd'hui à voter à la présidentielle américaine pour départager le brillant charlatan républicain - mais qui a fait ses preuves dans le béton banché - et la Dinde de l'Arkansas qui me rappelle furieusement notre Ségolène Royal nationale, mais en plus cupide, moins belle, même carrément mégère ! Arrêtons-nous un instant sur leurs programmes qui fatalement changeront les nôtres à l'échéance :

Celui de la candidate de l'establishment démocrate, Hillary Clinton, se résume pour nous en une phrase : plus de social-démocratie contre le chien fou capitaliste de New York. A lire ses propositions (clic), on les croiraient sorties des cuisines de Solférino. Le programme affronte trente-neuf défis essentiels - ce que nous ne disputerons pas - mais qui semblent trop nombreux et trop lourds pour la future administration Clinton H. A la fin, cela tourne au racolage démagogique, même si le candidat républicain fournit lui-aussi à forte dose ; c'est la loi du genre.

Voici pour mémoire les trente-neuf chapitres comme sur un tapis-roulant tels que les présente le site démocrate. Nous connaissons toute cette logorrhée socialiste chez nous, donc développer serait oiseux, à la limite pénible :

(i) Aggravation de la pression fiscale sur les plus riches ;
(ii) Lutte contre les narcotiques et l'alcool ;
(iii) Une économie au service de tous ;
(iv) En finir avec l'Alzheimer ;
(v) Aider les autistes ;
(vi) Réforme du financement des campagnes électorales ;
(vii) Harcèlement sexuel sur les campus ;
(viii) Réchauffement climatique et création de la superpuissance énergie propre ;
(ix) Combattre le terrorisme et rendre le pays plus sûr ;
(x) Réforme judiciaire en direction des minorités les plus contributives au crime ;
(xi) Soutien aux handicapés ;
(xii) Ecole maternelle ;
(xiii) Réparer les infrastructures américaines en capilotade ;
(xiv) En finir avec les attaques armées ;
(xv) Sécurité sociale universelle pour tous les Américains ;
(xvi) Lutte contre le SIDA ;
(xvii) Politique du logement des travailleurs pauvres ;
(xviii) Réforme du système immigratoire et régularisations ;
(xix) Augmentation des emplois bien payés ;
(xx) Réforme de l'Education nationale et de la carte scolaire ;
(xxi) Amélioration des droits syndicaux ;
(xxii) Droits égaux pour les LGBT ;
(xxiii) Réforme des droits d'inscription dans les collèges et universités ;
(xxiv) Fabriquer américain ;
(xxv) Soigner les fous ;
(xxvi) Maintenir le niveau et la puissance des armées américaines ;
(xxvii) Améliorer la sécurité intérieure ;
(xxviii) Créer un congé parental ;
(xxix) Protéger la vie sauvage, les animaux et interdire la viande de cheval ;
(xxx) Déracialiser la justice ;
(xxxi) Soutenir les communautés rurales ;
(xxxii) Soutenir les PME ;
(xxxiii) Développer l'assistance publique à la santé (Medicare gratuit) ;
(xxxiv) Privilégier la technologie et l'innovation ;
(xxxv) Soutenir les anciens combattants et leurs familles ;
(xxxvi) Défendre le droit de vote et les droits civiques ;
(xxxvii) Réformer Wall Street ;
(xxxviii) Egalité des droits des femmes ;
(xxxix) Formation professionnelle pour tous.
Voilà !
N'avons-nous rien oublié ? Qui saurait le dire. Peut-être le moteur à l'eau de mer qui libérerait les automobiles des énergies fossiles. Il nous semble que le programme est faible à l'international, et pourtant c'est un ancien Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères qui se présente aux suffrages du peuple américain. Mais c'est un point discuté contre elle, qui n'a pas imprimé sa marque sur la diplomatie américaine, comme le firent Madeleine Albright ou Condoleezza Rice dans cet emploi.


Du site de campagne (clic) de Donald Trump nous rapportons treize chapitres. Le programme est moins convenu (c'est peu dire), il terrorise une partie de la classe politique, donc nous développerons un peu plus les propositions, renvoyant le lecteur à leurs sources :

I.- Réforme de l'administration chargée des anciens combattants
On peut résumer les dix propositions du candidat républicain en discrimination positive de ceux qui se sont battu pour les Etats-Unis.

II.- Réforme fiscale profitant à la classe moyenne basse
Simplification des règles et procédures, abrogation des niches fiscales, meilleure cotisation des tycoons (comme lui). Jusque-là que du classique à la différence près qu'il risque de faire cette réforme fiscale !

III.- Réarmement général des armées payé par des économies de gestion
C'est sans doute la chimère la plus grosse du programme avec le mur mexicain, car la réforme de la gestion des programmes militaires est quasiment infaisable tant ce domaine est imbriqué dans l'industrie et la politique des Etats. Tout nouveau programme de construction sera financé par le déficit fédéral bien avant que ne se fassent sentir les économies obtenues par le licenciement d'effectifs en double ou en triple, et ils sont nombreux mais souvent inexpugnables (clic).

IV.- Privatisation et décentralisation de la Sécurité sociale
il s'agit de dénationaliser l'Obamacare qui est une véritable usine à gaz, mais qui a le mérite de poser les bonnes questions.
Le programme républicain est cohérent mais convoque l'adhésion des cinquante Etats qui pourraient être séduits par un dispositif intelligent d'assurances sociales créé sur place. C'est certainement le chapitre le plus crédible du programme. A voir (clic).

V.- Débonder la production énergétique américaine tout en améliorant l'environnement
Extraire du gaz de shiste partout et excaver du "charbon propre" plaira aux chômeurs mais moins aux écologistes. Faire de cette politique énergétique un pivot de la politique étrangère des Etats-Unis n'est pas une nouveauté. Cela fait un siècle qu'il en est ainsi pour l'or noir. Incantations (clic) ?

VI.- Paix sociale : c'est le chapitre racoleur s'il en est et le plus fourni aussi, qui s'ouvre par un hymne à l'inviolabilité de la Constitution avec un effort particulier sur la Cour Suprême. Bien sûr, on commence par le fameux Deuxième Amendement qui octroie la permission de défense personnelle, mais l'application du texte à la lettre pourrait surprendre bien des cotisants à la NRA car il n'y est nulle part écrit que les cowboys puissent défourailler où et quand bon leur semble.
Mais l'essentiel est dans le combat musclé contre la criminalité qui certainement enthousiasmera le président des Philippines Rodrigo Duterte et serait de bonne application chez nous.
Mérite le détour (clic).

VII.- Economie et emploi
Créer vingt-cing millions d'emplois nouveaux en dix ans. Easy ! Les réformes sociales et économiques vont booster la croissance actuelle de 2% à 3,5% et même 4% à terme. Donc ce 1,5% d'augmentation créera mécaniquement les emplois nouveaux selon la règle éprouvé de 1,2 millions d'emplois par an pour 1% de croissance en plus. Le calcul est détaillé ici (clic).

VIII.- Commerce international (7 mesures)
On jugera la méconnaissance des affaires commerciales internationales chez le candidat républicain en ce qu'il a sélectionné les points les plus café-du-commerce sans savoir aller au fond des choses qui sont bien plus complexes.
(1) Se retirer du Partenariat Trans-Pacifique (ce qui annonce un retrait symétrique du TAFTA. Youpi !) ;
(2) Nommer des pointures dans les négociations commerciales capables de défendre les travailleurs américains (c'est pas cher);
(3) Chasser les violations des accords commerciaux chez les partenaires étrangers des Etats-Unis et mettre fin aux abus ;
(4) Renégocier l'ALENA avec le Canada et le Mexique pour rechercher le meilleur avantage des travailleurs américains, et menacer les maquiladoras qui trichent par surtaxation des exportations mexicaines ;
(5) Décréter officiellement la Chine, manipulateur de sa monnaie (?! Janet Yellen ne manipule rien) ;
(6) Attaquer la Chine à l'OMC et aux Etats-Unis sur les subventions cachées à son industrie ;
(7) User de tous moyens légaux y compris l'application de droits de douane pour remédier aux activités illégales chinoises comme le pillage de secrets commerciaux.

IX.- Dérégulation générale
Supprimer toute règle qui freine l'emploi et l'expansion économique, et toute agence dépensière attachée à l'application des politiques de contraintes (clic).

X.- Réguler l'immigration
C'est le gros morceau médiatique surtout dans les journaux européens. Il est développé en dix points que nous donnons ci-dessous. Certains chez nous les connaissent déjà :
(1) Lancer la construction du mur mexicain dès le premier jour. Le Mexique paiera ;
(2) Cesser le jeu d'interpellation-relaxe des clandestins ;
(3) Expulsion des criminels étrangers dès le premier jour ;
(4) En finir avec les villes-sanctuaires ;
(5) En finir avec les amnisties du président Obama. Toutes les lois d'immigration doivent s'appliquer.
(6) Stopper la délivrance de visas en tous lieux où les contrôles des sources sont douteux jusqu'à mise en place de mécanismes fiables ;
(7) S'assurer que les pays étrangers récupèrent leurs ressortissants quand nous les déportons ;
(8) S'assurer que tous les points d'entrée aux Etats-Unis disposent d'un contrôle biométrique des visas ;
(9) Cesser les emplois et bénéfices sociaux qui attirent l'immigration clandestine;
(10) Réformer l'immigration légale pour préserver les intérêts des Etats-Unis et de ses travailleurs.

XI.- Politique extérieure
Le programme est assez copieux et soulève peu de critiques bizarrement puisqu'il se contente de généralités et de bonnes intentions (clic). Un seul point coupe à angle droit la politique des administrations précédentes :
- End the current strategy of nation-building and regime change.
En clair, cessons de mettre la panique partout, à peine de savoir la gérer ensuite. C'est une resucée de la doctrine Monroe si encore Donald Trump est capable de développer une doctrine. L'enfoncement de portes ouvertes en affaires étrangères laisse planer le doute sur ce chapitre. Son souci le plus vendeur est l'Etat islamique en Irak et au Levant (Daech). Mais il a la tâche facile depuis les interventions américaines au Proche Orient qu'il dénonçait déjà dans un article à Esquire en août 2004 (dans le même état d'esprit que celui de la diplomatie française qu'il ne cite pas). En voici un extrait dans le texte :
« Look at the war in Iraq and the mess that we're in. I would never have handled it that way. Does anybody really believe that Iraq is going to be a wonderful democracy where people are going to run down to the voting box and gently put in their ballot and the winner is happily going to step up to lead the country ? C'mon. Two minutes after we leave, there's going to be a revolution, and the meanest, toughest, smartest, most vicious guy will take over. And he'll have weapons of mass destruction, which Saddam didn't have. What was the purpose of this whole thing ? Hundreds and hundreds of young people killed. And what about the people coming back with no arms and legs ? Not to mention the other side. All those Iraqi kids who've been blown to pieces. And it turns out that all of the reasons for the war were blatantly wrong. All this for nothing.»

XII. Education (c'est aussi un gros sujet)
L'Amérique est connue pour le bas niveau de son système public que la France atteindra bientôt, et pour la cherté des études supérieures. Le candidat a visiblement fait un effort d'analyse sur ces sujets et ses intéressantes propositions croisent celles d'un Bernie Sanders, même si les financements sont moins simples qu'annoncés. Qu'on en juge en cliquant ici.

XIII. Politique familiale
C'est le dernier point du programme Trump. Comme le précédent, ce chapitre détonne par la complexité de l'analyse et l'intelligence des réformes proposées. On sent que le candidat républicain a un souci sincère des familles américaines. Qu'on en juge par ici, il y en a cinq pages !


(a)



Le régime partisan américain est arrivé au bord de l'épure démocratique en sélectionnant des médiocres dans les deux camps. Ce pronostic a de quoi nous inquiéter car c'est du chef du monde libre dont on parle, et que les effets pervers de ces politiques vont nous prendre à la gorge.

L'Europe en miettes ne peut plus opposer de résistance et les Etats européens qui envisageraient d'aller seuls à la bataille sont battus d'avance. Qu'on garde présent à l'esprit l'inutile combat des autorités helvétiques contre l'Etat américain sur la question du secret bancaire. Elle a plié, et deux fois quand l'Allemagne s'y est mise aussi, jusqu'à entrer dans l'Espace économique européen à son corps (électoral) défendant pour se rapprocher du manche de la cognée !

Le pronostic électoral est impossible car la dernière semaine de campagne sera celle de tous les excès à cause de l'étroite différence des intentions de vote. L'électorat américain est-il aussi manipulable que le disent les médiats ? Existe-t-il d'ailleurs "un" électorat ou autant de communautés électorales que d'ethnies, opposées les unes aux autres ? Une chose nous semble acquise, beaucoup de gens voteront "contre", et des deux côtés, ce qui promet de grandes difficultés à gouverner ensuite, quelque soit le vainqueur.
Le lectorat de Royal-Artillerie est maintenant paré pour les dîners en ville.


(a) Droit d'image accordé par Free HD Images India
share

Les plus consultés sur 12 mois