mercredi 30 janvier 2013

Mali, c'est quoi demain ?

Kidal est tombé, le croissant rouge qatari est déconsidéré, les drones-tueurs américains vont décoller du Niger. Il faut passer à autre chose.
Bambara
On a pu un temps considérer le Mali comme le solde de répartition des espaces décolonisés. On attela deux régions antagonistes qui traînaient à la découpe, le désert au nord du fleuve tenu plus ou moins par les Touaregs, le fleuve des Songhaï et les terres à jardins du sud peuplées de Bambara. A tel enseigne qu'il exista au départ une Fédération du Mali groupant le Sénégal actuel et le Soudan français, Mali d'aujourd'hui. Cette géographie des restes, qui apparaît en Afrique et au Moyen-Orient au reflux des empires français et anglais, est de tout temps calamiteuse car une aimantation des ethnies aux pays voisins subsiste, et la devise du Mali « un Peuple - un But - une Foi » fait sourire puisque ce fut dès le départ tout l'inverse, à l'exception de l'islam soufi. L'histoire du pays est correctement résumée par la Wikipedia. La déposition du président Amadou Toumani Touré le 21 mars 2012 tient justement à ce qu'on ne voyait aucun but à sa politique autruchienne.

Le problème de toujours est la fracture entre Touaregs et Noirs. Les premiers ont besoin des seconds pour subvenir au quotidien dans la variété alimentaire, l'artisanat, le négoce de comptoir, toutes activités qui exigent la sédentarité pour se développer ; quand les seconds peuvent facilement substituer les produits d'élevage touaregs par les leurs. Ces élevages décimés par la sècheresse ont agglutiné beaucoup de nomades sans qualifications dans les villes au sud du Sahara. Les programmes de développement pilotés par Bamako ou par les agences étrangères les ont particulièrement évités. D'où l'ambiance de rezzou persistante dans les zones désertiques qu'ils patrouillent plus qu'ils ne les contrôlent. Les tribus sont assimilées aux trafics en tout genre jusqu'au juteux narcotiques qu'ils partagent avec les hordes arabes prétendument islamistes. Peu instruits, ils ont en revanche une haute considération d'eux-mêmes et un mental fort qui leur évite de tomber dans le piège du suicide bruyant pour la Cause et les 72 vierges-aux-yeux-noirs. Aussi est-il peu à craindre qu'un Touareg se fasse sauter en plein marché. C'est plutôt une occupation d'Arabe des villes. En ce sens, le concours des autochtones est utile à détecter le freux malade dans la foule.

Songhai
ATT, le président renversé, était un ancien parachutiste et il est surprenant qu'il ait laissé se liquéfier l'armée malienne jusqu'au point qu'elle déserte ses postes avancés dans le nord à la première annonce d'une colonne de rebelles assoiffés de sang. Il est vrai que le massacre par le MNLA de la garnison d'Aguel'hok (cercle de Kidal) rendue à court de munitions le 18 janvier 2012, qui avait été démembrée ensuite pour faire des vidéos sur Internet, avait cassé le moral et enflammé les familles des "sacrifiés". Mais de réactions offensives, point ! On peut dater ce lâche abandon de 2005 : Lors de la fête du Maouloud (naissance du Prophète), le colonel Kadhafi convoque à Tombouctou tous les chefs de tribus touaregues du quartier afin de signer ensemble la Charte pour la Fédération du Grand Sahara au nez et à la barbe du pouvoir de Bamako. Les "unités" étaient sa marotte. Après avoir humilié convenablement ATT, il rentre à Tripoli avec des groupes touaregs qu'il place en position de garde rapprochée du pouvoir. Ce sont ces groupes qui devront se débander à la chute du raïs libyen et retourner au nord du Mali, armés jusqu'aux dents. Ils y seront reçus avec les honneurs par les officiels !!! L'armée malienne doutait de la pertinence de cet accueil aimable mais maintint sa confiance à l'ancien général jusqu'à "Aguel'hok". ATT était devenu un président playmobil dans le déni perpétuel des réalités, fustigeant l'amalgame terrorisme-islamisme-azawad (c'était sa marotte à lui). Mal équipée, démotivée, ses cadres corrompus, une fraction de l'armée le renversera, à deux mois du scrutin présidentiel !

Kel Tamasheq
On sait bien que résoudre la question touarègue est essentiel à la pacification et au développement du Mali. Mais elle convoque deux préalables : que les quatre Etats impliqués au Sahara agissent de concert et ne jouent pas du vieil antagonisme ethnique ; que les Touaregs non sédentarisés s'inscrivent dans un schéma économique moderne - ce qui n'est pas tout de leur responsabilité, faut-il qu'ils y soient acceptés aussi. Le maillon faible du raisonnement est l'Algérie. Il y a un blocage mental du pouvoir algérien sur l'amélioration de conditions de vie au sud-Sahara. Ces territoires qu'ils ne se sont jamais vraiment appropriés n'ont d'intérêt pour eux que minier, et le plus fort affaiblissement des voisins sahéliens est recherché dans un but dont il est difficile de trouver la logique, quand on sait le déséquilibre des forces en présence ; la prospérité de la sous-région serait quand même préférable pour tous, y compris les nomades. Pourquoi dès lors traiter en sous-main avec tel groupe djihadiste contre tel autre ? Ce brassage de fange est caractéristique d'une intention de déstabilisation de la sous-région, mais pour quel profit ? C'est à la limite de la pathologie. L'attaque d'In Amenas les a-t-elle fait changer d'avis ? Ils ont tous les moyens de fermer la frontière (pas nécessairement sur le tracé point-trait) et s'ils avaient besoin d'un soutien dans le renseignement, l'Africom américain y pourvoierait de bonne humeur. Mais le soutien est un gros-mot. Le pouvoir en place qui vit sur la trajectoire d'une victoire militaire historique contre un empire européen - on a les contrefaçons qu'on peut, nous avons les nôtres - n'a besoin du soutien de personne. Qu'on se le dise ! Aussi, coincé entre l'insurrection rampante de la Kabylie misérable au nord, l'insatisfaction populaire partout ailleurs, et l'insécurité grandissante au désert, le gouvernement risque fort de cultiver son autisme face à l'imbrication des difficultés de tous ordres, un peu comme le faisait ATT dans ses derniers mois, la tête dans le sable à compter son or, laissant à la police le comptage des mécontents.

femme Dogon
ATT a-t-il perçu ces empêchements d'une politique de croissance comme il l'avait promise, et attendait-il "à la Chirac" la fin de son mandat ? C'est probable. Un homme politique, même un général parachutiste peut être dépassé par la fonction, les contingences, ses humeurs, sa résilience voire l'étendue de la corruption qu'il organise. Même sans cette gangrène, la meilleure bonne volonté des présidents¹ qui s'y sont succédés en libéralisant les codes socialistes pour inciter les entrepreneurs à créer n'a pu vaincre une chose : le manque de capitaux pour mettre en valeur les fondamentaux du pays qui ne sont pas nuls. C'est pourquoi la corruption d'Etat, qui a détourné les fonds de développement destinés à le pallier, est criminelle.
Le secteur minier produit de l'or, du fer, de la bauxite, des phosphates et du marbre. L'agriculture vivrière (blé, riz) ne peut suivre la démographie et l'agriculture commerciale (coton, maïs) n'est pas transformée sur place, faute d'investisseurs - il y a de vrais opportunités à créer des filières agro-alimentaires. Le cheptel laitier est important et le pays ne manque pas de protéines (viande, laitages) mais les filières de conservation insuffisantes obligent à importer du lait sec. La production avicole est de bon niveau ; la pêche est ridiculement faible par rapport à la ressource. Du fait des ruptures saisonnières et du climat sahélien dégradé, il manque des conserveries de fruits et légumes. Le reste de l'économie tient aux services, transport et commerce principalement. Les comptes du pays ne sont pas "horribles", et avec le retour d'un Etat compétent et honnête, et grâce à la jeunesse de sa population et à ses ressources, le Mali est un pays certes pauvre mais d'avenir. Avis aux capitalistes courageux.



J'amortis ce billet en présentant une ONG qui mérite le détour et qui oeuvre en pays dogon. J'ai travaillé pour ces gens, efficaces et désintéressés. Une courte vidéo en dira plus long. Si vous avez six sous de reste, c'est là qu'il faut les jeter sans hésitation !





(1) Un article de MaliJet passe en revue les grands chefs du Mali depuis l'indépendance et l'influence de la fonction sur leur comportement ; nous résumons :
- Modibo Keïta (Bamako 1915- Djikoroni 1977), intègre jusqu'à l'os mais socialiste buté, ne laissera à sa famille qu'une ferme à Moribabougou et nul compte bancaire en Suisse. Déposé par le suivant.
- Moussa Traoré (Sébétou 1936- ), général putschiste préférant le pouvoir à l'argent, laissera ses affidés faire fortune sur fonds internationaux quand lui ni sa famille ne furent ensuite remarqués par leur train de vie. Déposé par ATT qui fera la transition démocratique.
- Alpha Oumar Konaré (Kayes 1946- ), viendra à bout des revendications touarègues mais pas de la corruption désormais endémique de son entourage. Terminera ses deux mandats constitutionnels propre sur lui et s'est retiré à l'OIF.
- Amadou Toumani Touré dit ATT (Mopti 1948- ), revêtira la peau du mouton jusqu'à recevoir l'adoubement des grandes démocraties pour l'équité politique qu'il met en scène. Une gestion des pénuries à la Ben Ali, sa famille captera le plus de richesses possibles tant sur fonds internationaux que nationaux. La corruption gangrènera l'état-major. Déposé par un capitaine de rencontre, prof d'anglais au prytanée militaire, il va subir une procédure d'extradition au Sénégal pour répondre du trésor amassé par le clan.


mardi 29 janvier 2013

Jusqu'à Tombouctou, le sans-faute

Vitesse avec un poil de précipitation fait mieux qu'une résolution onusienne, et nous ne serons pas cruels envers les états-majors chamarrés de la CEDEAO qui n'en peuvent plus de se réunir dans les grands hôtels ; leur foie y survivra-t-il ? Sans qu'il soit besoin de connaître les plans du ministère de la Défense, le mouvement en tenaille épousant la boucle du fleuve Niger, la séquence de capture des pistes d'aérodrome, le chargement en sac à dos d'unités africaines relativement plus motivées que celles qui errent dans Bamako et surtout la cadence des opérations successives, tout démontre la parfaite maîtrise tactique avec des moyens somme toute limités, certains obsolètes (comme les tankers C135 de 40 ans d'âge).





Au grand étonnement des alarmistes de profession (toute la presse mainstream) les vaillantes colonnes de narco-terroristes-islamisés ont abandonné le projet de "libérer" un pays grand comme le Texas avec de l'armement de récupération dont on disait tant de bien dans les salons parisiens. Mais c'est Sarkozy, chère médème, qui a armé Al Qaïda au Maghreb islamique en foutant le feu en Libye ! Sans démentir un trafic d'armes, on ne peut que constater que les affûts russes quadruples de 23, les mitrailleuses russes de 14.5 et les SAM7 n'ont pas souvent aboyé. Il faut dire aux benêts qu'il ne suffit pas de tirer sur tout ce qui vole, faut-il encore pouvoir recommencer derrière, ce qui est déjà moins sûr quand on se démasque aux yeux de l'équipier en seconde passe. La discrétion devenant la règle numéro un de survie, et par pénurie d'essence aussi, les pick-ups ont été abandonnés pour fuir de nuit sans le marqueur thermique du moteur chaud.

Le plus déçu est sans doute "l'explicateur en chef" Tariq Ramadan qui avait islamisé le conflit pour pouvoir philosopher dessus et nous dire combien nous étions téméraires. Il a retourné sa thèse pour décrire aujourd'hui la ruée vers l'Or noir du Sahel (clic!). C'est évidemment plus vendable à l'opinion internationale que d'appeler à résipiscence les bandits qui écrivent des versets du coran sur le turban pour faire chic et maltraitent physiquement jusqu'à la mort les populations en défaut de piété, après les avoir outragées par le saccage de leurs lieux saints. Au vu et su de tout le monde, cela nécessite une petite restriction mentale en tête de la déclaration précitée dont la rédaction faux-cul est impayable : « L’idéologie et les pratiques des réseaux et groupuscules salafi jihadistes et extrémistes sont à condamner de la façon la plus ferme...». Il en fait tout un paragraphe et l'on ne peut que lui conseiller de vendre sa condamnation définitive au gouvernement islamiste de Tunis ou à celui du Caire ! C'est plutôt là qu'il y a matière à sévir. Peut-être que, comme à l'accoutumée, la version arabe est moins radicale !

ERC90 Panhard-Sagaie
Reste l'affaire de Kidal (voir la carte). Le MNLA touareg (Mouvement national de libération de l'Azawad) est entré dans la ville désertée par les freux d'Ansar Dine, leur cousins du chameau, ainsi que dans les villes de Tessalit et d'In Khalil plus au nord. Fortifiant leurs positions de négociation ils acceptent de participer à la chasse mais refusent d'ouvrir la porte aux forces maliennes, coupables d'exactions antérieures. On a effectivement noté des "dérapages" dans les villes libérées ces jours-ci. Tenant compte qu'une partie des sections d'Ansar Dine a changé de camp choisissant les vainqueurs, Kidal peut devenir rapidement un abcès de fixation de nos forces, non par une résistance inconsidérée des nouveaux propriétaires qui ne tiendront pas deux jours, mais plutôt par l'implication même involontaire des unités au contact en faveur de l'une ou l'autre des parties montées sur leurs ergots. Les Touaregs n'ont pas laissé tomber la revendication d'indépendance qu'ils pourraient maintenant rétrograder au niveau d'une simple autonomie, vu le "bordel" qu'ils ont mis en attaquant les postes maliens l'an dernier. Secondement, ces gens aussi beaux soient-ils sous l'objectif, n'ont jamais été capables de tenir à distance les colonnes terroristes avec lesquelles ils ont fait une alliance d'aubaine comme de vulgaires receleurs. On entre donc là dans la dispute régionale indémerdable. Il faut rentrer !

Nous avons démontré trois choses entre vingt :

(1) les terroristes islamisés n'ont pas la peau plus épaisse que le soldat lambda et quand ils ne peuvent plus montrer leur courage à battre des populations sans défense, ils détalent comme des péteux, quitte à se venger plus loin sur d'innocents nomades. Insaisissables, on ne peut les finir que par la technique du Waziristan, le drone armé. Que les pays voisins y réfléchissent !

(2) l'armée malienne est à reconstruire de fond en comble. Incapable de conserver aucun point d'appui dans le Nord, elle y retourne dans nos chariots passer ses nerfs sur des suspects, jusqu'à faire des exemples. Ceci n'augure rien de bon pour l'administration prochaine des chefs-lieux de cercle (préfectures) si la population se sent menacée. On se demande jusqu'à quel point cette armée pourra profiter de la formation militaire promise par nos alliés européens si en plus elle prend le melon de la "victoire".

(3) les armées voisines, sauf du Tchad et du Niger, sont de parade ; moins peut-être les troupes de l'avant que les états-majors, parce que la situation les met au pied du mur aux yeux de leur gouvernement. L'accumulation des réunions préparatoires, les atermoiements techniques cachent mal le défaut d'enthousiasme. Le travail offert n'est pas glorieux ; il ne s'agit que de tenir les villes, de patrouiller les pistes et de faire du renseignement de base auprès des populations dispersées pour prévenir la réinfestation du territoire par les freux ; si tant est qu'il en reste. Ce qui pose des responsabilités sur les épaules de l'Algérie et de la Mauritanie qui doivent impérativement fermer l'étau.





Fin de partie
Passant le commandement des places aux unités de la CEDEAO, nous n'avons plus rien à faire au Mali. A la CEDEAO de demander maintenant des appuis-feu aux pays africains convenablement équipés, mais ce serait normalement à l'Algérie de faire ça, sortir de son stupide autisme quand il s'agit de sa frontière sud. Certains en Afrique noire ont de l'artillerie puissante¹, d'autres de vrais avions². Pour la surveillance du territoire en altitude il est probable que les Etats-Unis laisseront leur satellite allumé et que les Bréguet Atlantic2 de l'OTAN se relaieront.
Ramenons donc nos gens sur nos bases de départ, renvoyons les moyens lourds en métropole et observons la traduction en actes des résolutions courageuses et définitives de la CEDEAO et de l'Union africaine.

A ce compte seulement, le président Hollande aura réussi un coup de maître, ce qui nous aidera un peu pour rénover la collaboration franco-africaine car il ne passera plus pour le bleu-bite de la réunion.


(1) l'Ethiopie ou l'Angola par exemple
(2) l'Afrique du Sud a des Gripen suédois

lundi 28 janvier 2013

Constance - Konstanz

Pour terminer notre cycle franco-allemand, nous évoquerons aujourd'hui sur un mode plus léger la cité épiscopale de Constance sur le lac éponyme. Fondée au Bas-empire romain sur le Rhin en amont des chutes de Schaffhouse, elle commandait le grand lac ; et l'histoire locale bruisse de batailles navales épiques qui en ont meublé le fond. On soutient qu'une flotte espagnole fut coulée dans l'Überlingersee. D'ici à ce qu'on y plonge pour les écus de Charles-Quint ! Les anciens connaissaient Constance pour son concile qui termina le Grand Schisme d'Occident en dépossédant de la tiare le pape Benoît XIII de la branche d'Avignon, ouvrant la voie plus tard au meilleur "thriller" de Jean Raspail : L'Anneau du Pêcheur. On y brûla aussi des théologiens contestataires du stupre pontifical, Jean Hus et Jérôme de Prague, pour faire bon poids.
Contrairement à beaucoup de villes du III° Reich qui furent rasées par les bombardements alliés, la ville de Constance n'a subi aucun dommage de par sa promiscuité avec la ville suisse de Kreuzlingen qui ne pouvait être une cible. La ville est donc chargée d'histoire avec un bâti ancien de grande qualité. C'est la belle cité classique des lacs alpins dans une situation identique à celle de Genève qui contrôle le passage du Rhône comme Constance celui du Rhin. Mais elle reste à taille humaine. On y peut tout faire à pied.

L'entrée du port est signalée par une statue monumentale d'Impéria, une putain magnifique, maîtresse du pape vainqueur au fameux Concile, en même temps que de l'empereur venu en garantie ! Portant l'un et l'autre à poil à bout de bras, elle "parle" plus que la statue de la Liberté de New-York. Ce repère marque définitivement la germanité du lieu par l'érotisme subliminal et vulgaire qui émane du choix. Constance est aussi la ville natale du comte Ferdinand von Zeppelin qui assembla ses dirigeables à Friedrichshafen à quelques encâblures au bord du lac. L'usine y fonctionne toujours. Ce plan d'eau international est sillonné de lignes commerciales de transport-passengers entre les rives allemandes, suisse et autrichienne. Des familles huppées possèdent leur propre canot pour vaquer à leurs occupations autour du lac, et l'estacade du casino est le soir encombrée de canots suisses. C'est aussi un coin formidable pour la voile car bien dégagé et très venté par la disposition du relief. On peut aussi faire le tour du lac à vélo avec un soutien du «Bodensee-Geodatenpool» qui édite une carte interactive avec beaucoup d'informations.
Voici le meilleur plan de situation de Constance que j'ai pu trouver. Le Rhin s'écoule par la droite à la position de 15h30 sur la carte, le sud est à 13h30.




Cette cité aux allures de ville balnéaire fut de 1946 à 1977 une garnison française. La ville relativement petite (environ 80.000 habitants) ne pouvant supporter la pression "démographique" de toutes ces vaillantes recrues, les unités casernées sur la presqu'île étaient de celles qui partaient le plus souvent en manoeuvre dans les camps de Münsingen et de Stetten-am-kalten Markt afin de libérer les trottoirs et comptoirs, et éviter les rixes. Ce qui n'empêcha pas que s'y nouèrent de belles idylles franco-allemandes. On y trouvait le plus gros régiment des FFA, le 129°RIM qu'il fallut scinder en 1968 pour en faire deux corps gouvernables. Son stationnement en fond de nasse, collé à la Confédération helvétique était incompréhensible, mais le site avait dû convaincre un commandement qui déjà ne croyait plus à la guerre.

Musique du 129 au quartier Driant


Un image de l'université de mathématiques pour finir :




En prime, une superbe plaquette du lac de Constance éditée en français par Marina-online en cliquant ici.

Le Hohentwiel à aubes autrichien



dimanche 27 janvier 2013

Ne pas faire une croix sur les Chrétiens d'orient

Il faudrait parler des Touaregs. L'affaire du Mali est entièrement saharienne au sens où on l'y circonscrit totalement. Les "Huns" seront exterminés sur place par les uns et les autres ; c'est ouvertement dit¹. La conférence des bailleurs de fonds qui va s'ouvrir pour 500 millions de dollars le 29 janvier à Addis Abeba va régler la question d'intendance des troupes africaines engagées, pourquoi dès lors faudrait-il en parler aussi à Davos ?

une messe à Damas
De fait, c'est de la Syrie dont il est question. La station alpine s'est trouvée avant-hier à la convergence de toutes les hypocrisies sur cette guerre sans fin qui va achever sa deuxième année le 15 mars. Les "riverains" du chaos alaouite, Turquie, Jordanie, Liban, envahis de réfugiés en plein hiver, hurlent au charron devant la passivité tranquille de la "communauté internationale" qui attend que la poussière retombe. Que fait l'Occident ? Et l'Occident de répondre mezzo-voce qu'il ne va pas entrer en guerre avec l'Orient² pour une guerre civile arabe. En plein Croissant Vert, démerdéren Sie sich entre sectateurs du Prophète et laissez passer la caravane des Majors. Coule l'huile, coule le naphte. Que le roi Abdallah II soit aux cent coups parce qu'il a 300.000 campeurs sans chauffage en rase campagne, que Erdogan montre les 500 millions de dollars perdus à nourrir et abriter les réfugiés syriens passés au nord, ne nous émouvrait pas plus que ça si nous n'avions pas nos vieilles communautés chrétiennes dans la gueule du léviathan islamique.

Tarek Aziz condamné à mort
Abonnées à la dhimmitude depuis le reflux des empires européens, nos communautés se sont toutes accommodées des pires régimes tyranniques, prêtant la main parfois pour simplement survivre et revenir en deuxième semaine ! Les dictateurs les choient car elles sont des pièces utiles sur l'échiquier de politique intérieure, moins en elles-mêmes par leur nombre que par les réactions que provoquent les faveurs du pouvoir à leur endroit dans les communautés musulmanes réprimées : instrumentalisation du pronostic de guerre civile. Elles offrent aussi de rares compétences dans de nombreux domaines et sont une passerelle naturelle vers l'Europe occidentale, la France en particulier dont le prestige était encore grand il y a peu.
En Syrie même, le Parti Social-Nationaliste fut fondé par le grec orthodoxe Antoun Saadé en 1932. Dans le cas de l'Irak et de la Syrie baassistes, elles ont participé plus directement au projet de laïcisation des institutions affiché par les fondateurs du Parti Baas, dont le plus éminent, Michel Aflak (1910-1989), était un damascène grec orthodoxe. Dans ce courant et à titre d'illustration, on trouve le chaldéen Tarek Aziz, ministre des Affaires étrangères de Saddam Hussein de 1983 à 1991 et le ministre de la Défense de Bachar el-Assad, l'orthodoxe Daoud Rahja, tué par une bombe le 18 juillet dernier. Un extrait de ses obsèques en pied de page.

Daoud Rahja explosé à Damas
Nous sommes légitimement inquiets car, malgré une sage retenue, les communautés chrétiennes seront visées par les partis islamistes dont les milices combattent le régime, pour en avoir trop fait ou pas assez. Elles n'auront jamais raison. On subodore de graves exactions déjà sur les Chrétiens, de la part de milices salafistes (ou wahhabites) armées par les émirs sunnites, et rien n'interdit de pronostiquer l'épuration ethnique de la mosaïque syrienne comme ce fut le cas en Yougoslavie. Aussi quand la logique de paix ne répond pas à la convocation il ne reste que la force.
Quelle puissance activera une menace suffisamment convaincante pour protéger les communautés chrétiennes de la nouvelle Syrie ? A voir ce qui s'est passé en Irak, ce qui se passe en Egypte, voire même en Turquie où elles sont couramment inquiétées à tous motifs, il n'y a que la Russie à faire le poids. La France, certes étant dans le jeu depuis longtemps - depuis Baudouin IV de Jérusalem en fait - il lui revient d'approcher l'escadre des Echelles et d'en charger les canons. Mais en rêve même pas ! Et ce ne sont pas les mémorandums, pétitions, suppliques déposés ci et là qui vont faire le travail. Dans une guerre civile arabe, seuls la force joue, des palabres ils s'en chargent eux-mêmes.

A ce stade, il ne faut rien attendre des francs-maçons français qui trustent les allées du pouvoir parisien pour y dicter l'esprit de bonne gouvernance à leur façon, aussi serait-il approprié de la part des chefs des églises locales d'en appeler ouvertement et officiellement au Kremlin et au Patriarcat de Moscou, seules garanties qui puissent être actionnées. Que le Vatican perde pied en Syrie est moins important que d'assurer la survie de ces communautés d'Asie mineure qui vivent leur foi au coeur du Nouveau testament depuis si longtemps. A défaut, elles seront éradiquées comme en Irak et nous rangerons leur souvenir sur l'étagère de nos défaites déjà chargée.

[À suivre, une approche de la problématique chrétienne au Proche et Moyen Orient]


(1) «Nous sommes en guerre et on va casser le plus possible de ces connards"» (à l'Hôtel de Brienne, jeudi 24)
(2) la Chine et la Russie bloquent toujours l'aggravation de la réplique internationale




samedi 26 janvier 2013

Quelque chose d'incrusté dans nos échecs

une Delage D8 de 1939, motorisation Delahaye
Les résultats 2012 de nos trois constructeurs nationaux sont réputés désastreux, tant sur le Marché commun qu'au niveau mondial. Quand on les décortique, on en trouve assez vite des raisons expliquant chaque segment de l'analyse. Par exemple, Peugeot a subi un déficit de 300.000 CKD en Iran (450000 en année pleine) pour cause d'embargo américain ; le marché espagnol favorable à Citroën s'est complètement retourné (je signale en passant qu'on y trouve des Camaro IV°génération pour une bouchée de pain) ; le marché de prédilection pour Renault, la France à moins 14%, est malade de l'imbécillité de ses dirigeants qui contrent partout la voiture et asphyxient tout enthousiasme dans ce pays, et ce n'est pas le scoop de l'année, l'équipe précédente était plus arrogante encore et pas moins déconnectée du réel. Ainsi observons-nous ces chiffres qui font honte à la patrie de l'automobile :
  • marché français de Renault : -24,7%
  • marché français de Peugeot : -17,4%
  • marché français de Citroën : -17,5%
  • (tous les détails par ici)
  • marché mondial de Renault : -6,3% (2,55Mv)
  • marché mondial de PSA : -16,5% (2,96Mv)

Retour sur le futur chez l'agence Bloomberg

General Motors a mangé sa soupe sur la tête de Volkswagen l'an dernier en Chine continentale menant le train des étrangers grâce à ses mini-vans Wuling qui se sont vendus comme des petits pains ! Par contre au niveau mondial, c'est Toyota Motor qui redevient le boss avec 9,7Mv (+22%) devant le Lazare des constructeurs, GM qui n'a vendu "que" 9,2Mv (+2,9%). Si l'on s'en tient aux Européens, Volkswagen a crevé le plafond de ses records globalement avec 9,07Mv (+11%). Sur le marché chinois qui a dépassé cette année les 20 millions de véhicules vendus, les progressions sont presque ahurissantes :
  • marché chinois de General Motors (Chevrolet, Buick, Wuling) : +11% (2,84Mv)
  • marché chinois de Volkswagen (VW, Audi, Porsche) : +24% (2,81Mv)
  • marché chinois de PSA (Peugeot, Citroën) : +9% (0,44Mv seulement) (et contre les japonaises/Diaoyu)

L'amorce d'un déclin

La RCZ Peugeot en Chine
Tous ces chiffres nous indiquent que l'industrie automobile française ne joue plus dans la cour des grands. La contraction de ses marchés et la diminution de ses marges, s'il en reste, vont entraver durablement la recherche et développement, seul moteur de croissance. Si la spirale prend des tours, on sait comment cela finit : Simca, Panhard, Citroën, pour ne remonter qu'aux années soixante. PSA annonce une production chinoise de 450.000 véhicules en... 2015. Ils sont au seuil du hors-jeu.
Les surcapacités des constructeurs généralistes français ne sont pas correctement prises en compte ; à se demander si l'extinction des fabrications françaises n'est pas au programme en déroulant de mauvais résultats. Il est évident que les marchés d'Europe occidentale sont au-delà de la saturation et que les marges qui permettent de s'y battre doivent provenir d'ailleurs. Ailleurs les français y sont depuis longtemps, mais pas assez pour faire l'écart en Europe occidentale et globalement.
La soviétisation résiduelle du modèle social national les handicape certes, mais plus généralement, l'industrie automobile française subit le syndrome de l'industrie française : sous-capitalisation, banques timorées, foisonnement des règles et codes en constante "amélioration", immixtion indirecte et continue de l'Etat dans les discussions paritaires fermées, lois du travail obsolètes. Aucun de ces problèmes n'est en voie de réforme, même si le début d'un commencement annonce l'aube d'une remise en cause réciproque des partenaires sociaux. Mais à la fin sera-t-il trop tard ? Il sera intéressant de noter la réaction des patrons de la General Motors aux succès comparés de leurs marques (PSA avec), pour obtenir une vision plus globale de notre avenir. Le bruit a couru qu'ils voulaient donner Opel à PSA, la pierre autour du cou ? Détruire Peugeot c'est aussi faire un appel d'air sur des marchés exotiques que la GM peut servir !

Le Dacia Duster Delsey
Du côté de Renault, il semble que la direction s'embarrasse moins de déclarations apaisantes et que l'avenir soit carrément au-delà des frontières, les sites français ayant vocation à devenir à terme des usines de montage de pièces et sous-ensembles fabriqués ailleurs. On peut douter aussi de la sincérité du patriotisme de Carlos Ghosn qui trouve beaucoup plus de satisfactions dans la direction de Nissan au Japon que dans celle de Renault. Et on traitera une autre fois du parti-pris "Diesel" des constructeurs français aidés par une fiscalité anti-économique, qui se fracasse aujourd'hui sur la pureté de l'air !
Si ce destin d'activité tiers-mondiste devait se concrétiser - le conditionnel est mis pour être sympa - il s'agirait d'activer les meilleures conditions possibles de production en espérant conserver à côté des usines de la recherche appliquée et tout le savoir-faire de la construction de lignes de production, activité qui induit derrière elle la fabrication des robots, progiciels, machines-outils et maints ancillaires. Maître Montebourg comprend-il cette exigence ?

C'est la semaine franco-allemande

Guangzhou-Peugeot 504 Truck
Peugeot et Volkswagen sont allés en Chine à la même époque, en 1984. Ils étaient des précurseurs et avaient les mêmes atouts, des soutiens politiques du même ordre. L'un a mis de l'argent sur de bonnes idées puisqu'il en avait (des deux) ; l'autre, à niveau technique comparable et avec de meilleurs châssis¹, fut toujours handicapé par un partenaire local imposé, plus faux qu'un jeton de Macao ! A faire une connerie, "faites la vite", dit-on dans l'arme blindée-cavalerie ; l'agonie cantonaise de Peugeot dura douze ans. Avec les autorités chinoises la relation de l'un fut hypocritement attentive et efficace, celle de l'autre paradoxalement naïve, arrogante et peu réactive. Certes l'expérience acquise permit à PSA de se replacer ailleurs avec des constructeurs fiables, mais le nerf de la guerre fait toujours défaut, à chercher les dix cents qui manquent au dollar ! Ce pourquoi il faudrait arrêter l'hémorragie financière en France. Son concurrent d'outre-Rhin dégage plus de vingt milliards d'euros de résultat net au niveau groupe en 2012, de quoi creuser l'écart avec tout les autres. Deux mondes désormais.



(1) Peugeot-Canton assemblait des pick-up 504 (en photo) et des breaks 505 qu'il destinait à un usage professionnel, en ratant d'entrée le marché des taxis qui demandait des berlines à coffre, comme la VW Santana brésilienne ! Malgré l'introduction de berlines 505 sur la chaîne, l'usine GPAC de Canton a fermé ses portes en 1997 pour de multiples raisons inextricables. Peugeot reformera une joint venture avec un partenaire plus fiable à Wuhan sur un site Citroën, mais là encore avec un "vieux" modèle, la ZX. Les choses s'arrangent depuis qu'ils ont ouvert un gros bureau d'ingénierie à Shanghaï qui conçoit "chinois".

vendredi 25 janvier 2013

Brixit, le référendum arlésien

Le Premier britannique est bien obligé de promettre aux peuples de la grande île une consultation générale quant au devenir de l'Europe anglaise, tant les indices de satisfaction sont bas chez les Rosbifs - 60% voient l'UE comme un mauvais choix. N'est-ce pas un peu quand même manière de charger la mule de maux qualifiés d'européens comme nous aimons à le faire en France alors que nous sommes nous-mêmes fautifs ? Quand l'Europe dit que l'eau nitraté que l'on fait boire aux gens dans certaines provinces d'agriculture intensive va les tuer, est-ce de l'ingérence après tant d'années d'inaction nationale ? N'a-t-elle pas raison ? Et de voir de longues cohortes de tracteurs au gasoil fumant manifester pour le droit primordial de polluer durablement nos terres arables me met en colère. On pourrait citer l'hygiène des marchés couverts et de plein vent qui demande à protéger les banques et à les refroidir pour certains périssables comme les viandes. C'est l'Europe ! Pareil pour les hôtels où le client en étage n'est plus condamné à l'ardente incinération en cas de feu puisque les escaliers résisteront désormais à l'incendie plus longtemps. D'accord pour le calibre des boîtes à camembert ! Mais n'a-t-on pas vu aussi nos fabricants de shampoing dissimuler des hausses de prix indues en réduisant leurs conditionnements ? En quoi sommes-nous contraint au fond ? Le plus souvent à débloquer des améliorations sanitaires et commerciales qui tardent à venir par la résistance corporatiste d'oligopoles juteux. J'attends que l'Europe se mêle du scandale des taxis parisiens engoncés dans leur numerus clausus puisque personne ne sait mettre au pas cette corporation de parasites ! Et la liste est longue ici de coups de pied au cul qui se perdent.

Mais ce qui sans doute nourrit le plus l'ire anglaise, c'est l'immixtion dans leur droit plus que la métrication des poids et mesures. Le vote des prisonniers demandé par la CEDH (Cour européenne des droits de l'homme) a hérissé toute la classe politique ; l'appel à Strasbourg de jugements rendus par les tribunaux de la Couronne est ressenti comme une humiliation. N'a-t-on pas vu une audience contre le Royaume-Uni concernant la condamnation à perpétuité pour assassinat de trois requérants qui y voient un traitement inhumain et dégradant en ce qu’ils n’ont aucun espoir d’être libérés ? On a mobilisé 17 juges pour ça ! Il y a eu aussi des empiettement continentaux sur le droit coutumier dont les Anglais sont jaloux. A telle enseigne qu'est régulièrement évoquée le retrait britannique de la CEDH, cour lointaine, inutile et bigarrée¹, la Couronne s'en étant passée durant des siècles !

Si les Britanniques se braquent, c'est contre une attaque de leur identité, une critique de leur mode de vie, une atteinte à leurs particularismes. Et ils en ont plus que tous les autres. Qui se souvient du scandale du lait UHT en lieu et place du lait frais cru laissé par le laitier le matin ? Ils ne sont pas pour autant victime d'un complexe autarcique puisqu'ils sont nombreux à partir épouser des moeurs exotiques en se retirant en Dordogne, au Portugal ou en Méditerrannée ; mais ils détestent être contraints.
HCBC à Canary Wharf
Or la crise européenne de la social-démocratie oppose deux réactions, soit la réforme en profondeur de l'Etat-providence en faillite, soit la solidarité européenne pour sauver les cigales, et pas un peu des deux comme on veut le faire en France car ça ne marche pas. La Grande Bretagne n'est pas sur cette épure. Indépendante hors de l'Eurogroupe, elle améliore ses comptes en réduisant la dépense publique, en manipulant sa devise et en actionnant la Banque d'Angleterre pour les liquidités. Les Anglais n'ont pas de principes mais des intérêts. Leur première industrie étant la banque, on comprend qu'ils soient hyper-sensibilisés à tout carcan des transactions et des bilans (règles de Bâle). Son autre "industrie" est la créativité et l'esprit entrepreneurial. Tout ce qui touche à la liberté d'entreprendre les fait hurler. C'est la seule économie européenne à créer des emplois en nombre en pleine récession ! Le guide Angleterre.org fait la liste des avantages dont dispose l'économie :

Grande flexibilité, bureaucratie relativement simple, faibles charges sociales, fiscalité attractive pour les entreprises, faible coût total du travail - par exemple les salaires + charges + éléments non-salariaux atteignaient en moyenne 20,1€ de l'heure fin 2011, comparé à 34,2€ en France, d'après Eurostat - facilité de création d'entreprises, main d'oeuvre anglophone, souvent créative, positivisme à l'égard du travail, avancement au mérite ancré dans les moeurs, climat social plutôt consensuel (peu de grèves), bons réseaux informatiques, très bonne intégration entre universités, recherche et entreprises, assez bien placée dans les secteurs d'avenir et sas de décompression entre zone euro et zone dollar.
Ils ont quelques désavantages aussi :
Manque d'employés qualifiés par endroit, faiblesses des compétences en langues étrangères parlées, productivité moyenne (tea time), routes et rail souvent saturés par insuffisance de l'investissement en infrastructures de transports, transports publics chers, surtout les trains, déséquilibre démographique trop fort entre les provinces, banques timorées dans les prêts aux entreprises, cherté des études supérieures et écart croissant dans la répartition des richesses.

Un Defender en pleine "crise"
Les réactions du ministre français des Affaires étrangères à la déclaration britannique sont pour la galerie. M. Fabius a tort de dire que l'Europe n'est pas à la carte, alors que les dérogations foisonnent (cf. le Danemark), à commencer par la monnaie commune. Quant à Mme Merkel qui s'empresse d'inviter M. Cameron à la rencontrer pour parler franchement des griefs anglais, elle dévoile sans y toucher son positionnement de leader naturel du continent. La Commission européenne et les présidences croupions de Bruxelles n'ont pas moufté. Alors M. Cameron fera-t-il son référendum ? Rien n'est moins sûr. La Grande Bretagne tire des bénéfices importants de l'Europe puisque le continent est son débouché naturel. Napoléon s'en était aperçu. Rester dans la zone de libre-échange, l'Espace économique européen (comme la Norvège et la Suisse), sans les contraintes institutionnelles est un voeu pieux. L'imbrication des économies est poussée plus loin qu'on ne l'imagine et l'Europe continentale délaissée ne fera pas de cadeaux aux "traîtres". Peut-être révisera-t-elle les conditions d'accès à son marché commun. Auquel cas, les investisseurs étrangers, nombreux au Royaume Uni, acteront de la perte du débouché continental gratuit de plusieurs millions de consommateurs solvables pour y transporter leurs usines. Bien des projets d'investissements sur crédits européens s'arrêteront aussi. L'économie britannique n'est plus assez autonome ni riche pour faire ce caprice. Par contre, l'occasion est donnée aux Anglais de poser la question institutionnelle carrément et d'emmerder les fédéralistes, en exigeant sans jamais mollir que les peuples soient enfin consultés sur le régime futur de la grande communauté européenne, confédération ou fédération. On sait d'avance les réponses épidermiques de l'électorat et cette déstabilisation des certitudes bruxelloises obligera au débat de fond, à tous les niveaux, ce qui pourrait prendre deux ans au moins, le temps que M. Cameron gagne les prochaines élections. Car c'est aussi de ça qu'il s'agit.


la Horseguard



(1) composition de la Grande Chambre de 17 juges et 3 suppléants dans l’affaire Vinter et autres c. le Royaume-
Uni :
Dean Spielmann (Luxembourg), président,
Josep Casadevall (Andorre),
Guido Raimondi (Italie),
Ineta Ziemele (Lettonie),
Mark Villiger (Liechtenstein),
Isabelle Berro-Lefèvre (Monaco),
Dragoljub Popović (Serbie)
Luis López Guerra (Espagne),
András Sajó (Hongrie),
Mirjana Lazarova Trajkovska (Ex-République Yougoslave de Macédoine),
Nona Tsotsoria (Géorgie),
Ann Power-Forde (Irlande),
Nebojša Vučinić (Monténégro),
Linos-Alexandre Sicilianos (Grèce),
Paul Lemmens (Belgique),
Paul Mahoney (Royaume-Uni),
Johannes Silvis (Pays-Bas),
Işıl Karakaş (Turquie),
Paulo Pinto de Albuquerque (Portugal),
Aleš Pejchal (République Tchèque)

jeudi 24 janvier 2013

L'Allemagne s'est réveillée, à qui le tour ?

C'est la semaine franco-allemande. Après le billet de l'AF2000 pour le traité de l'Elysée, le Piéton du roi pousse plus loin l'analyse de la relation Paris-Berlin. L'Allemagne de Schröder et de Merkel a retrouvé son hégémonie technologique de la Belle Epoque. Nous n'avons rien qui y ressemble, sauf peut-être dans quelques domaines de pointe qui, rassemblés en pied de page, ne font quand même pas une hégémonie.

Reichskanzler von Caprivi (1890-1894)
A la charnière ouvrante du XX° siècle, tout ce qui avançait comme progrès était allemand ; la chimie, l'industrie teutonne et même le savoir dispensé dans les instituts avaient dépassé la référence britannique. La "qualité allemande" déjà ! Edward Luttwak en fait une description saisissante dans son bouquin The Rise of China vs. the Logic of Strategy. Prenons le temps de le lire (ndlr : traduction RA en mode "belle infidèle"):
Ça vaut la peine de rappeler que vers l'année 1890 l'Allemagne avait pris le dessus sur la Grande Bretagne dans l'innovation industrielle, captant ainsi des marchés globaux, accumulant des capitaux qui finançaient ensuite d'autres innovations pour surpasser le modèle secteur après secteur. Dans l'industrie, fondamentale jadis, de l'acier, l'avantage technologique allemand s'accroissait ; dans celui, primordial alors, de la chimie, il était absolu déjà ! Ceci facilitait la supériorité de l'Allemagne dans d'autres formes de fabrications, comme par exemple l'industrie électrique. Les entrepreneurs ou les managers britanniques n'étaient pas assez formés pour faire plein usage des sciences et des technologies, et dans tous les cas c'était les universités allemandes et non pas anglaises qui faisaient avancer ces sciences et technologies ; et la plupart des enseignements rattachés. De plus, dans les mines et usines anglaises, les syndicats ouvriers résistaient fortement à l'introduction de techniques et machines réduisant le travail des hommes, comme à la plupart des innovations. Grâce au premier schéma au monde de pensions de vieillesse et d'invalidité, ainsi qu'à une assurance maladie-accidents, et tout autant par la persistance d'un large paternalisme industriel, les ouvriers allemands se sentaient plus rassurés et plus ouverts à l'innovation. L'avantage allemand tenait aussi au "système" allemand : le dit-Consensus de Berlin fut plus efficace que le pragmatisme de la débrouille célébré par les Anglais.
Chaque pays était une démocratie parlementaire avec un monarque chef de l'Etat, mais les pouvoirs constitutionnels plus forts de l'exécutif allemand furent utilisés non seulement pour contenir l'opposition parlementaire mais encore pour guider l'investissement vers l'innovation la plus large. Un résultat en fut le régime de pensions d'Etat, destiné à être copié dans le monde entier ; un autre fut que les pays allemands nouvellement unifiés furent desservis par un réseau de chemins de fer beaucoup plus efficace que les 120 compagnies ferroviaires anglaises qui quittaient Londres de multiples gares non connectées entre elles, et dont certaines lignes couraient parallèlement au concurrent sur de longues distances pour atteindre différentes gares dans la même petite ville. La centralisation allemande eut une influence sur l'industrie elle-même en favorisant l'émergence de puissantes compagnies amalgamées qui pouvaient financer une recherche et développement systématiques quand leurs concurrents britanniques ne le pouvaient pas. Ceci montrait que les Anglais ne devaient pas raisonnablement espérer combler leur retard. La supériorité allemande en toutes choses n'était qu'une question de temps, tandis que dans l'enseignement général la compétition était déjà terminée : en 1900, même dans les universités anglaises, il était impossible d'étudier des sujets aussi variés que la chimie ou la poétique grecque sans connaître d'abord l'allemand, alors que l'anglais n'était nécessaire que pour la littérature anglaise. En finances, la génération de capital plus rapide d'une économie allemande plus dynamique prévalut à la fois sur l'expertise et sur les connexions globales des banquiers mercantiles de Londres, adossés à l'avantage que représentait la livre sterling, LA monnaie de réserve mondiale alors. Les Warburgs de Hambourg dépassèrent les Rothschilds de Londres ; et les plus grandes banques anglaises étaient déjà éclipsées par la Deutsche Bank, devenue la plus grosse du monde en 1914, et de loin la plus pointue dans le financement de l'industrie.
Sur la base de 1890 en appliquant une projection réaliste à trente ans, par le bénéfice des industries les plus avancées au monde, les meilleures universités, les banques les plus riches et la société relativement la plus harmonieuse grâce à son Etat-providence, l'Allemagne de 1920 aurait dû se trouver supérieure en tout à une Grande Bretagne de plus en plus vieillie. Au lieu de quoi, en 1920, l'Allemagne était vaincue, ruinée et destinée à un autre quart de siècle de désastres...(Luttwak, The rise of China - Chapter Seven, The Inevitable Analogy) - nous reprenons la main !


Ainsi l'Allemagne de jadis était pratiquement première en tout sauf dans un domaine : la stratégie. Première de la classe, l'Allemagne prit le melon et décida d'entrer dans la compétition mondiale que se livraient alors la France et l'Angleterre par leurs empires. Un domaine n'était pas de niveau pour rivaliser en vraie grandeur : celui de la marine de guerre. Son orgueil ne pouvait se satisfaire d'une flotte de sûreté côtière en mer Baltique. Il lui fallait montrer le pavillon sur l'océan. Les lois de construction de tonnage se succédèrent de 1898 à 1912. L'hubris de la suprématie militaire se saisit de ses dirigeants, puis de ses élites, et elle ne vit pas qu'elle donnait prise à ses deux contempteurs qui jusque là n'arrivaient pas à suivre au plan économique. La guerre est une grande niveleuse, et se créa progressivement une formidable opposition étrangère dans le registre polémologique, qui précipitée en coalitions, en moins de 50 ans vint à bout du succès germanique.

Un Spitfire engageant le Bismark dans un fjord


Les dirigeants allemands d'aujourd'hui ont appris la leçon. La guerre et la diplomatie d'orgueil jamais plus. On règne par le travail, le sérieux, le bon sens germanique et la considération que nous renvoient les clients. Le souvenir de l'Allemagne dominant économiquement l'Europe par son seul génie national est très présent et montre la bonne et la mauvaise voie. Les Français eux n'ont rien appris ! Bien sûr, ils pensent avoir gagné la guerre - mais qui gagne une guerre civile européenne ? - donc ils pensent avoir raison. En conséquence de quoi leur système est le meilleur, certes révisable à la marge dans les périodes de basse conjoncture ; et la France, mère des Droits, est un grand pays, aimé, envié, écouté, qui dispose d'un siège permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU à parité avec d'immenses empires comme les Etats-Unis, la Chine, la Russie. En réalité nous sommes ignorés autant que nous ignorons les autres, et notre suffisance universelle est le pire obstacle à nos efforts.
Chez nous, la médiocrité intellectuelle des malins parvenus au pouvoir nous prive de tout projet national capable de capter l'adhésion des Français, mais pire encore, de tout projet présentable pour l'Europe qui a la taille requise pour affronter les défis de tous ordres lancés par les anciens empires revenus en surface. Pourtant nos voisins nous attendaient à ce niveau ; l'Europe, c'était quand même nous à l'origine ! C'était avant ! Avant que nous ne laissions les rênes de l'Europe à des rastacouères polyglottes sans vista ; avant que nous n'étalions notre banqueroute au su de tous ; avant que nous redoublions d'arrogance en exigeant de l'Allemagne de l'inflation chez elle pour nous guérir chez nous.
Et si nous commencions par redevenir sérieux, peut-être parviendrions-nous à convaincre Berlin que nos thèses de croissances imbriquées sont efficaces et profitables à tous ? Mais quel crédit pensez-vous que nos partenaires accordent à Ayrault, Moscovici ou à Cahuzac ? A la tête de l'Eurogroupe ils ont préféré mettre un illustre inconnu néerlandais de préférence à notre "brillant" ministre des Finances mal rasé.

Malgré les gesticulations hystériques de la présidence française du Conseil européen activées par l'équipe Sarkozy, les observateurs sont pessimistes sur notre force de conviction à cause justement du décrochage entre partenaires franco-allemands. Ça remonte à dix ans. La navigation de conserve a cessé quand Chirac a planté Schröder en 2003 sur les réformes de société, après avoir convenu que chacun d'eux ferait un grand azur chez lui. Le chancelier allemand lança son Agenda 2010. Le président français fit de la politique au fil de l'eau, comme le chien crevé de la fable. Il faut avouer qu'avec la palanquée de connards dont il s'était affublé après avoir rossé Le Pen par 82 à 18, il ne pouvait aller loin. Depuis, le navire Allemagne a fait sa route, il en a une, il est désormais loin, on voit la fumée des cheminées sur l'horizon. Toujours à quai, nous nous disputons sur des broutilles et les cales sont pleines d'eau. Personne ne veut pomper, personne ne sait qui attend quoi. Les ministres-bureaucrates tournent en rond, guettant un sourcillement de Valérie Trierweiler ! Le temps passe à évoquer des pince-fesses, à se "placer" pour la suite, à faire une bonne communication. Une ambiance finalement très Louis XVI.
Ah si ! Nous avons un ministère pour gérer l'exception culturelle que le monde nous envie. Les autres n'en ont pas !

Pour finir sur une note plus heureuse qui va contraster avec cette météo pourrie qui nous poursuit, réitérons nos atouts. Nous sommes bons voire très bons en astronautique, aéronautique, missilerie, génie naval, énergie nucléaire, biochimie, aciérie, bancassurance, génie civil, traitement et distribution de l'eau, agro-alimentaire, tourisme, films muets, lingerie fine et gastronomie (veuillez ajouter un domaine oublié en commentaire ci-dessous. Merci.).
Autant de raisons d'espérer, non ? Quand la France se réveillera.





mercredi 23 janvier 2013

François l'Africain

Il court, il court, François Normal. A fond les manettes ! Plein nord, chef ! Pendant que les oracles débitent des thèses au mètre sur les délicats équilibres de la sous-région, il se fout du tiers comme du quart de leur avis et avait prévenu tout le monde : ce ne sont pas des islamistes, mec ! Des terroristes ! Des tueurs, a-t-on répété au Quai d'Orsay, peu friand de franchise. On ne capture pas ces animaux car aucun zoo ne les prendra ; alors on les chasse au Tigre, au Caracal, au drone, on les zigouille, les incinère, on les carbonise. Et tant pis pour les émirs du Golfe qui ne reconnaissent plus la douce France molle de la couille et souple des reins ! Il a quatre mille kilomètres de safari devant lui, le pied ! Ça change du petit bureau de Solférino... mais rino c'est rosse, mec ! ...quand il fallait recevoir les satrapes pleureurs des fédérations départementales venus quémander les investitures, les places, les prébendes sous un horizon fini.
Là-bas, pas d'horizon, il recule à mesure que tu avances, vrai de chez sûr, mec ! Je casse sans jacasser, j'efface, j'érode, je pulvérise et je ne parle pas aux cons, ça les instruit ! Ecrasé le Sarkoléon avec ses idées en jabot, ses fracasseries préparées, les piaillements de sa basse-cour aux abois médiatiques ! J'élimine et parle ensuite. Traînent-ils leurs pieds noirs que je n'attends personne, j'ai de l'essence et des cartouches, bon pied, bon oeil grâce à l'électronique, je sais où dévaster le banc de cons quand j'allume le sonar ! Sous le sable, sous le soleil, exactement !

Surprenante métamorphose d'un président de Corrèze plutôt terne, d'un secrétaire national magouilleur et moqué, d'un chef d'Etat indécis au départ. La fonction crée l'organe. Dans l'affaire malienne, le président Hollande y voit clair et prend ou laisse prendre les bonnes décisions. Le secret de la réussite au désert c'est la vitesse. On n'attend personne, on rattrape et on coxe les cibles en provoquant de la résistance car il n'y a nulle part où les mettre après. Il ne s'agit pas de repousser, mais de détruire, et les voisins du Mali sont désormais rassurés, qui vont donner la main à leur frontière, faire la mâchoire fixe de l'étau.

Mais le temps qui passe est aussi celui où naîtront les déconvenues, où viendront au jour de dures vérités. Au moins deux déjà : en dehors de la production de textes, rapports, projets, conférences en tout genre, l'Europe n'existe pas, Mme Ashton n'existe pas, M. Barroso n'existe pas, M. Van Rompuy n'existe pas. Plus embêtant, les armées de l'Afrique de l'ouest sont des gendarmeries rurales, des soupapes au chômage, des cantines à galons. Elles ne vainquent que contre des civils mal organisés. C'est leur première vraie guerre hors de la sphère nègre, comme au temps béni des ... tirailleurs. Vont-elles apprendre en marchant comme cela arrive parfois ? Sinon elles vont vite devenir encombrantes. Un rayon d'espoir, l'engagement de bataillons tchadiens plus aguerris qui combattront de nuit.

Bien sûr, à la fin, les tendances lourdes de la géopolitique auront le dernier mot, mais n'en déplaise aux experts qui voyaient tomber nos avions comme des mouches à cause des Sam7 pris chez Kadhafi, la vérité du moment au Sahara se rencontre derrière la dune pas sur les rayonnages ou derrière le clavier. Les aéronefs français volent et tirent, les hélicos algériens volent et tirent, les gros porteurs anglais, américains, danois, volent et se posent.
Alors, du néocolonialisme, de la françafrique, de la croisade revenue, les populations enfin libérées des pitécanthropes islamisés s'en foutent. Merci la France, bravo la France ! Allez en entendre l'écho en banlieue parisienne, c'est édifiant, pour une fois.



Ces peuples en valent la peine





Pour ceux qui ont le temps, je signale un travail fouillé d'Aymeric Chauprade (clic) sur la question, même si ne partage pas toujours ses analyses, et un avis autorisé de Bernard Lugan (clac) que je propose avec les mêmes réserves.

lundi 21 janvier 2013

Et Malthus fut naturalisé allemand !

Tout à l'heure à Berlin, les autorités allemandes et françaises célébreront le cinquantenaire du Traité de l'Elysée et en creux le triomphe dérangeant du IV° Reich. Un article est paru dans l'Action Française 2000 du 17 janvier dernier sous le même titre, n°2855 p.8) mais pas avec ce chapeau spécifique "blogue". Il entre en archives RA. Le voici pour les abonnés absents.

Dans Le Figaro de dimanche, Valéry Giscard d'Estaing déplorait l'absence de projet européen franco-allemand. Il milite pour une fédération Europe-Unie des pays de l'Eurogroupe qui achèverait l'harmonisation monétaire, budgétaire et fiscale. La procédure qu'il retient serait de travailler au projet déjà entre Paris et Berlin, puis de partir le vendre de capitale en capitale. Il oublie de demander l'adoubement populaire d'une évolution institutionnelle décisive, même si l'identité nationale resterait intacte à son avis, après que ces domaines auraient été dévolus à Bruxelles, puisqu'elle participe de souverainetés plus subtiles, comme le mode de vie, l'organisation sociétale (éducation, santé, protection sociale), le droit des personnes, domaines qui, eux, resteraient la propriété insaisissable des nations. Il minimise aussi la divergence d'axes et cet agacement réciproque qui affleure parfois. L'Allemagne a "son" projet, la France prend le train, descend du train, remonte dans le train mais ne conduit aucun train (20.01.12).






Allons-nous vers une rivalité démographique des grands pays d'Europe occidentale ? Le croisement des courbes nationales de natalité donnent à l'horizon 2050 la République fédérale ex-aequo avec le Royaume-Uni à 74 millions d'habitants, suivis de la France à 71 millions. Malgré la continence allemande, ce bloc des trois "grands" fera 43% de l'Union européenne actuelle et écrasera littéralement le reste, l'Italie stagnant à 61 millions. Les projections au-delà ne sont pas vraiment sérieuses. Il est probable que le sous-continent sera gouverné par ce triumvirat qui agrégera quelques "clients" pour s'imposer en toutes circonstances aux autres partenaires et aux débris de la Commission européenne. Reste le dosage.

Le Traité de l'Elysée, dont nous fêtons dans six jours le jubilé, organisait une collaboration franco-allemande dans les domaines culturel et politique dont il ne subsiste que le décor et des sourires forcés. L'époque était au miracle économique d'un nain politique coupé en trois par les hasards de la victoire alliée, miracle que récompensait la grande puissance morale du monde en lui octroyant la parité sur le pavois des chefs. C'était avant le Mur ou plus précisément avant le chancelier Kohl. Avec un sens aigu de la manoeuvre qui, disait Napoléon, est un art tout d'exécution, le chancelier peu disert fit l'anschluss de sa soeur orientale à la barbe des alliés, se transporta à Berlin, et mit quelques semaines à formuler une garantie sur la frontière Oder-Neisse qui le séparait de l'ex-Prusse orientale. Le nain était mort. Nous étions en 1990, Mitterrand régnant, la France ne savait comment accepter cette surprenante émancipation ; outre-Manche, Margaret Thatcher y était carrément hostile. Pour le bien de l'Alliance, avant que la nouvelle République fédérale ne poursuive sa marche au soleil levant, les occidentaux sauvèrent les apparences en se retirant de Berlin et les Soviétiques acceptèrent une montagne de deutschemarks pour se taire. Le Traité de l'Elysée entrait au musée des traités.

Une nation pacifiste qui règle ses problèmes chez elle

Malgré l'illusion d'une collaboration renouvelée en façade à chaque alternance politique qui aurait dû faire s'interpénétrer les deux peuples, les Français jugent mal l'Allemagne actuelle, qui, il est vrai, n'est pas leur destination favorite de vacances. L'ogre menaçant dont les chars marchaient à l'eau du robinet n'existe pas, le pays s'est transformé. Rentré en lui-même, libéré de toute diplomatie, il s'inscrit dans une problématique mondiale où son industrie excelle mais qui lui dicte beaucoup de préventions quant au destin d'une planète finie surexploitée. Aussi l'Allemand ne fait-il pas d'enfants. La «contrainte morale» exprimée par Malthus d'un juste apportionnement des ressources et des besoins obtenu par la continence maritale des défavorisés est généralisée à tous dans l'Allemagne actuelle : quel avenir pour nos enfants sur une planète surpeuplée en proie aux guerres asymétriques et aux revanches de tous ordres, et lourdement pénalisée par le réchauffement climatique que nous avons provoqué ? A vue d'homme, aucun !

TR Malthus
D'où l'intérêt de l'Allemand pour les prescriptions malthusiennes du Club de Rome (Halte à la croissance !), pour réduire l'empreinte carbone dès le niveau individuel (succès des Grünen), pour ne pas sur-peupler son morceau de Terre, en contrepartie de quoi les activités maintenues doivent viser en tout l'excellence des procédés, seule garantie écologique à la fin. Et se croisent ici les deux théories, malthusienne et darwiniste : l'avenir est limité aux meilleurs, les autres disparaissent. Le chancelier Gerhard Schröder était exactement sur cet axe quand il lança son Agenda 2010 qui rehaussait le niveau qualitatif des productions allemandes à moindre coût (en libérant les salaires et en délocalisant sur ses marches orientales les opérations élémentaires) sans hésiter à couper dans la dépense publique affectée au confort social pour dégager de la finance. Ceci fut fait en droite ligne de la critique malthusienne des Poor Laws anglaises : « Un homme qui est né dans un monde déjà possédé, s'il ne peut obtenir de ses parents la subsistance qu'il peut justement leur demander, et si la société n'a pas besoin de son travail, n'a aucun droit de réclamer la plus petite portion de nourriture, et en fait il est de trop. Au grand banquet de la nature, il n'y a pas de couvert vacant pour lui. Elle lui commande de s'en aller, et elle mettra elle-même promptement ses ordres à exécution.» (TR Malthus, Essai sur le principe de population, 1798). Travailler pour manger, on dit les pauvres plus malheureux aujourd'hui en Allemagne qu'en France. Les variations dans la perception du non-bonheur rendent la comparaison difficile, mais il est paradoxalement vrai aussi que le chancelier actuel, Angela Merkel, brille au firmament des sondages de popularité, ce qui laisse accroire que l'apportionnement des ressources précité est accepté à l'aune des disponibilités acquises plus qu’à celles présagées par la démagogie. Le piteux état des finances latines ne pousse pas les classes pauvres à la revendication irresponsable. C'est sans doute cette conscience civique qui est la plus large fracture entre nos deux pays. Il reste une dignité à l'Allemand que nous avons perdue dans le moulinage continu de nos revendications sociales à compte d’autrui.

Un déclassement durable du partenaire français, égal au départ

Coupé Maybach
Il est bien fini le temps de nos objurgations, déjà vaines jadis. Nous sommes devenus "La Grande Nation" dans l'opinion publique qui se rit de voir annuler un contrat d'armement franco-saoudien par Daimler-Benz, propriétaire des châssis ! Dans aucun domaine, l'Allemagne ne nous fait de "cadeau" et sa concurrence fut rude, parfois à la limite de la déloyauté lorsque, par exemple, Siemens donna la technologie TGV de première génération aux Chinois pour contrer Alsthom en Chine où la firme française disposait de positions trop solides à son goût. De même voit-on l'Etat allemand pénétrer les conseils d'administration du groupe EADS pour casser le monopole aéronautique toulousain. Et la liste s'allonge.
Que subsiste-t-il du concept originel au jubilé du traité de l'Elysée ? Cette visite obligée à la belle-mère chaque année dont il ne sort rien que des communiqués rédigés par avance que personne ne lit, et du champagne pour tout le monde. Le Traité de l'Elysée fut signé par le président Charles de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer le 22 janvier 1963 à Paris. Cette réconciliation formelle fut préparée dès le retour au pouvoir du général de Gaulle, alors que les deux économies étaient comparables et que le nouveau franc français, issu de la dévaluation de décembre 1958, valait 0,855 mark allemand (l'ancien franc était pratiquement à la parité de cent pour un). L'année 1960 sera le point d’origine de toutes les comparaisons franco-allemandes. Cinquante ans plus tard le franc vaut 0,298 marks (-65%) et on le dit surévalué ; le retard de notre PIB est de 30%. L'Allemagne a reconstruit son économie à la taille qu'elle avait à la Belle Epoque relativement aux autres, et elle a rénové tous les länder orientaux récupérés en ruines en 1990. Ses comptes sont aujourd'hui à l'équilibre avec un commerce extérieur "triomphant". A l'inverse, nous subissons les trois déficits majeurs (budgétaire, commercial et social) écrasés que nous sommes par un Léviathan étatique qui saigne le pays comme les médicastres de Molière leur patient ! Les comparaisons seraient cruelles et déplacées lors de la célébration du cinquantenaire, mardi prochain à Berlin. On s'y taira.

samedi 19 janvier 2013

Messe pour le roi à Saint-Denis

Le Mémorial de France à Saint-Denys fera dire une messe du rit extraordinaire en la basilique-nécropole des rois de France le lundi 21 janvier 2013 à midi. Dans le doute des obédiences c'est ici qu'il faudrait être.
Le Mémorial fut fondé en 1914 par SAR le prince Xavier de Bourbon Parme pour exécuter le voeu de Louis XVIII de dire à perpétuité des messes chaque année pour le repos de l'âme du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette. Il a la pleine légitimité de ce service mémoriel qui bouclera l'an prochain un cycle de cent ans, quand nous commémorerons le huitième centenaire de la victoire de Philippe-Auguste à Bouvines où la Nation française fut fondée.
Vous trouverez une liste de messes en France chez Koltchak. Il y en a d'autres, regardez autour de chez vous si vous n'auriez pas un prieuré de la FSSPX.








Chaque année Royal-Artillerie complète l'avis de messe d'un billet spécial. Nous allons revenir cette année sur l'exhumation du roi. Les guides de la nécropole ont coutume de dire que les restes conservés dans la crypte centrale ne sont pas ceux de Louis XVI mais des ossements inconnus retirés du cimetière de La Madeleine (aujourd'hui le carré de la Chapelle Expiatoire), l'exhumation ayant échoué. Les Girault de Coursac, fervents complotistes, tiennent pour cette thèse de la substitution par défaut. Nous préférons croire Alexandre Lenoir qui, sur le forum dédié aux tombeaux de Saint-Denis, déroule une thèse logique bien appuyée, concluant à la présence réelle du roi. Nous en extrayons la conclusion définitive. Le travail complet par ici. On parle du roi et de la reine.

Tombe de Louis XVI préservée par Desclozeau
Desclozeau et Danjou, qui habitaient la propriété voisine [ndlr: du cimetière de La Madeleine], avaient pu assister aux deux inhumations et avaient méticuleusement noté les deux emplacements qu’ils pouvaient repérer depuis leurs fenêtres et qu’ils ont par la suite bien gardés en mémoire. En 1796, le cimetière de la Madeleine avait été mis en vente. Pierre-Louis-Olivier Desclozeau, ancien avocat au Parlement de Paris, resté fervent royaliste, s’en rendit donc acquéreur. Afin d’écarter les curieux, il exhaussa les murs et entoura l’emplacement des deux fosses royales d’une haie de charmilles et d’arbustes. Il planta aussi à côté deux saules pleureurs.
Les fouilles commencèrent donc, après 8 mois d’enquêtes, le 18 janvier 1815, en présence de l’abbé Renard, de Danjou et de Desclozeau.
On creusa aux endroits précis indiqués par les témoins, sur huit pieds de long et huit de large. Arrivés à huit pieds de profondeur, les ouvriers rencontrèrent un lit de chaux de dix pouces d’épaisseur. Au-dessous apparaissait l’empreinte d’une bière de cinq pieds et demi de longueur. Plusieurs ébris intacts de planche s’y trouvaient. On trouve alors « un grand nombre d’ossements de femme » et le crâne entier. On relève également deux jarretières élastiques assez bien conservées (ce sont elles qui ont permis l’identification car la reine les avait elle-même confectionnées) qui seront remises à Louis XVIII en même temps que deux débris du cercueil. Les os encore intacts sont placés dans une boîte. La chaux trouvée dans le cercueil est relevée et placée dans une autre boîte. Les deux boîtes sont portées dans le salon de Desclozeau, transformé en chapelle ardente.
Puis, le lendemain, on creuse à l’emplacement indiqué pour la fosse de Louis XVI, entre celle de la reine et le mur de la rue d’Anjou. On trouve à dix pieds de profondeur quelques débris de planche dans la terre mêlée de chaux et des ossements dont certains tombent en poussière. Des morceaux de chaux encore entiers adhèrent à certains os. La tête est placée entre les fémurs. Tous les débris qu’on peut sortir de cet amas de terre, de chaux, de bois et d’ossements sont enfermés dans deux boîtes, l’une aux ossements, l’autre contenant les restes qui n’ont pas pu être extraits de la chaux solidifiée, souvent –détail macabre – parce celle-ci avait «moulé» une partie du corps du défunt. Les deux boites furent, comme pour Marie-Antoinette, placées dans un cercueil.
Pour avoir la certitude que l’on avait bien retrouvé le corps du roi, on a fait creuser tout autour, à vingt-cinq pieds de distance et jusqu’à plus de treize pieds de profondeur : rien !
On est donc bien en présence des corps de Louis XVI et de Marie Antoinette..







Postscriptum:
L’Alliance Royale, France Royaliste et le Conseil dans l’Espérance du Roi vous prient de venir nombreux pour rendre hommage au Roi Louis XVI, mort en défenseur du Baptême de Reims qui, pour les siècles des siècles, unit Dieu et la France, lundi 21 janvier 2013 à 10 heures, place de la Concorde à Paris
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