lundi 29 mai 2006

Croix de plexiglas

programme de décorations
Le Comment appartient à l'historien patenté, le Pourquoi est plus complexe. Les "histoires" d'ordres de fantaisie et le trafic de décorations qu'elles peuvent générer, ont été réglées par l'ordonnance Villèle du 18 avril 1824, confirmée par le décret impérial du 10 juin 1853. Voici le texte in extenso de l'ordonnance Villèle.

Ordonnance du 16 avril 1824 sur les Ordres et Décorations

LOUIS, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE

Vu l'Article 259 du Code Pénal ainsi conçu : "Toute Personne qui aura publiquement porté un Costume, un Uniforme ou une Décoration qui ne lui appartenait pas, ou qui se sera attribué des Titres Royaux qui ne lui auraient pas été légalement conférés, sera punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans."
Vu les Articles 67 et 69 de notre Ordonnance du 26 Mars 1816, portant : "Tous les Ordres Étrangers sont dans les attributions du Grand-Chancelier de l'Ordre Royal de la Légion d'Honneur.- Il prend nos ordres à l'égard des Ordres Etrangers conférés à nos Sujets, et transmet les autorisations de les accepter et de les porter."
Etant informé que plusieurs de nos Sujets se décorent des Insignes de divers Ordres que Nous ne leur avons pas conférés, ou pour lesquels ils n'ont pas obtenu de Nous l'autorisation qui est nécessaire afin d'accepter et de porter les Décorations accordées par les Souverains Etrangers;
Qu'ils s'exposent, par cette conduite, aux poursuites et aux condamnations prescrites par l'Art. 259 du Code Pénal;
Voulant faire cesser des désordres d'autant plus fâcheux que leur effet naturel est d'affaiblir le prix des récompenses obtenues régulièrement et données à des services certains et vérifiés;
Voulant en conséquence que la Loi Pénale reçoive à l'avenir toute son exécution, et que nos Officiers de Justice ne négligent plus d'exercer à cet égard la surveillance qui leur est prescrite;
Sur le rapport de notre Cousin le Grand-Chancelier de l'Ordre Royal de la Légion-d'Honneur, et de l'avis de notre Conseil,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1. Toutes Décorations ou Ordres quelles qu'en soient la dénomination ou la forme, qui n'auraient pas été conférés par Nous, ou par les Souverains Étrangers, sont déclarés illégalement et abusivement obtenus, et il est enjoint à ceux qui les portent de les déposer à l'instant.
Art. 2. Tout Français qui, avant obtenu des Ordres Etrangers, n'aura pas reçu de Nous l'autorisation de les accepter et de les porter, conformément à notre Ordonnance du 16 Mars1816, sera pareillement tenu de les déposer, sans préjudice à lui de se pouvoir, s'il y a lieu, auprès du Grand-Chancelier de notre Ordre Royal de la Légion d'Honneur selon la dite Ordonnance, pour solliciter notre autorisation.
Art. 3. Nos Procureurs-Généraux poursuivront, selon la rigueur des Lois, tous ceux qui, au mépris de la présente Ordonnance, continueraient de porter des Ordres Etrangers sans notre autorisation, ou d'autres Ordres quelconques sans que Nous les leur ayons conférés.
Art. 4. Nos Ministres, Secrétaires d'Etat et notre Grand-Chancelier de l'Ordre Royal de la Légion-d'Honneur, sont chargés de l'exécution de la présente Ordonnance.

Donné à Paris, en notre Château des Tuileries, le 16me jour d'Avril de l'An de Grâce 1824, et de notre Règne le vingt-neuvième.
LOUIS.
Par le Roi,
Le Président du Conseil des Ministres,
J.B. DE VILLELE.

Ces dispositions furent incluses dans le Code de la Légion d'Honneur, et la dernière entrée à cet égard date du 4 décembre 1981 pour signaler que l'attention de l'Etat est maintenue sur ces questions.

Vers la fin du règne de Louis XVIII, une instruction du Grand Chancelier de la Légion d'Honneur du 5 mai 1824 donna la liste exhaustive des ordres français réglementaires. Ils n'étaient plus que six :
*Ordre du Saint-Esprit
*Ordre de Saint Michel
*Ordre de Saint Louis
*Ordre de la Légion d'Honneur
*Ordre du Mérite Militaire
*Ordre de Saint Lazare & Notre-Dame du Mont-Carmel Réunis
, pour lequel il était spécifié qu'il ne donnait plus lieu à aucune nomination depuis 1788 et qu'il s'éteindrait avec son dernier chevalier.

Par ordonnances royales des 10 février et 22 mars 1831, Louis-Philippe abolit tous les ordres - on comprend un peu pourquoi - excepté celui de la Légion d'Honneur qui était l'ordre de l'armée.

Les deux obédiences rivales de l'ordre de Saint Lazare actuel doivent être considérées comme des associations séculières de charité, décorées du souvenir d'un ordre de chevalerie éteint. Sans plus. Est-il besoin de se déguiser pour faire du bien aux déshérités est la vraie question. Si le port de l'uniforme est irrésistible, il vaut mieux choisir alors un ordre autorisé. Malte ou le Sépulcre n'ont jamais refusé un prince chrétien de sang royal à jour du denier du culte.

Le port de décorations étrangères en public est soumis depuis Louis XVIII à autorisation de la Chancellerie, et celle-ci ne connaissant que l'Ordre souverain de Malte et celui du Saint-Sépulcre relevant du Saint Siège, le port des croix de Saint Lazare est de ce fait réservé aux manifestations strictement privées qu'elles rehaussent d'un certain éclat, c'est vrai.


Pourquoi va-t'on aux ordres hospitaliers ?

moine de plombAux origines, sans doute pour couper le manteau de St Martin, exercer les vertus de charité et de protection des faibles dans un cadre efficace par sa discipline consentie, l'oeuvre accomplie améliorant aussi le pronostic d'un avenir privilégié dans un monde meilleur. Les conditions d'accès et de vie exaltaient l'humilité et autres vertus chevaleresques.

La Croix Rouge a repris le flambeau depuis longtemps sur les champs d'horreurs modernes avec des résultats éloquents qui plaident pour son savoir-faire et son intégrité. Des initiatives privées et ciblées ont été lancées dans tous les domaines de la galaxie humanitaire avec plus ou moins de bonheur, quelques grands succès et des petits scandales aussi. Même l'insoupçonnable fondation Raoul Follereau fut épinglée pour dérives fâcheuses. On attend un jour les comptes du Hamas ! Mais tout cet univers caritatif disparate soulage douleur et misère.

Par contre peut-on savoir ce qui pousse les sociétaires des anciens ordres à porter des tenues de commodores dès le premier grade avec croix, plaques ou pendantes dans leurs manifestations officielles ou à l'occasion de ...... leur propre mariage ? D'ordinaire l'uniforme est réservé au militaire et au religieux. Il semblerait bien que les amiraux de la flotte caritative ne sont plus ni l'un ni l'autre. A leur défense, remarquons qu'ils ne sont plus armés de glaives, haches ou marteaux à clous quand ils sortent la grande tenue, même dans des cérémonies exotiques en pays vaudou, et jamais à cheval même si les bulles ad hoc les autorisent à entrer sans déchausser dans les cathédrales ; ce qui est finalement dommage pour la connexion chevalière. Perceval en mocassin verni sans rapière, l'oreille collée au portable ... ouefff !

Pourquoi s'inquiéter ?

Parce que nos sociétés politiques sont devenues des marchés d'image où le non-dit comme le prétendu muet, ont autant de force que le verbe des déclarations que le peuple a appris à décoder. Savoir si l'évolution nous convient ou pas n'est pas vraiment productif. Par contre attacher plus de prix à l'image que donne le mouvement royaliste est devenu primordial dès lors que l'on envisage d'oeuvrer à la restauration d'une monarchie dans ce beau pays de railleurs.

Les responsables militants devraient commencer par mieux évaluer leurs sympathies démonstratives avec la mouvance de droite-extrême qui dans sa diversité unit le pire et le meilleur dans les proportions du pâté de cheval-à-l'alouette. L'offre politique monarchique est fondée sur la suprématie systémique et l'excellence d'application. Elle est écornée quand elle est portée par des slogans-réflexes débités par des esprits primaires. Même si l'ADN du Royco est à 99% semblable à celui du Natio, seul un des deux est descendu de l'arbre.

Dans le registre de l'excellence, ou plutôt des excellences, la Cause accueillerait dans la plus grande joie qu'au niveau où passent les héritiers de nos meilleures valeurs, se manifestent une pénétration politique sérieuse, la sérénité qui va avec l'héritage, et l'assurance d'une belle humilité. Nous en avons grand besoin en ces temps de corruption mentale et de faux-semblants.


and the winner is ...

samedi 27 mai 2006

Manger sous l'Ancien Régime

Les choses de la table ne changèrent de presque rien en dix siècles de baronnie d'Hierle. Même la vaisselle fit peu de progrès, la faïence remplaçant la terre cuite, et le verre à bouteille le grès blanc des pichets. Quelques ingrédients parvinrent cependant à pimenter la routine, le café, le tabac, la chicorée.

Depuis la nuit des temps dont on se souvient, cinq repas ponctuent ici la journée de l'honnête homme, manant ou monsieur.

Au saut de six heures, on tue le ver qui a creusé l'appétit au cours d'un juste sommeil, d'un pic de fromage sur une croûte de pain que l'on pousse d'un café noir allongé. Et l'on se met en train, qui au jardin, qui à l'atelier, à l'officine ou sur le seuil de chez soi si l'on est de publique fonction afin de causer au passage.

châtaignes
Entre huit et neuf heures, le Cévenol déjeune pour de vrai. S'il ignore l'avoine du quaker, il apprécie la bouillie de farine de maïs sinon une poignée de châtaignes sèches recuites à l'eau. Un fruit est toujours apprécié s'il reste un peu de temps.

Quand le soleil est au zénith, il s'arrête pour "dîner".
Merveille de la soupe à la oullé, choux, patates blanches, poireaux ou fèves, parfumée d'une pièce de lard-ventrèche ou carsalade (chair salée) que l'on ne touche pas. En devisant sur le programme de l'après-midi, il croque un oignon doux et sucré de Saint Martial, avant que de s'autoriser une courte sieste d'un quart d'heure sur la chaise même qu'il occupe, si bien sûr il est rentré chez lui à midi ; sinon adossé au muret du traversier.

Arrive quatre heures, le goûter sur le pouce. Une tranche de pain rassis fera l'assiette sous un petit fricandeau de porc, ou une confiture de fromage râpé (qui deviendra un jour la Vache-qui-rit), plus un fruit du verger. Il sera temps de scruter le ciel en hiver pour devancer la baisse du jour, serrer les outils, ranger la réserve ou la carriole car dès l'Angélus, il faudra rentrer. En été le ciel donne du temps, mais il y a plus de travail aussi.

l'oignon de St Martial
Le souper se prend au crépuscule toujours à table. C'est le repas familial et l'heure du débriefing. On sert le lard de la soupe sur une tranche de pain bis, quelques gras-doubles de mouton sinon un ragoût de la basse-cour, un féculent et surtout une grosse salade verte ou du jardinage. Le souper s'arrose d'un verre de vin, un seul. On est en pays de vignobles, il n'est pas de travailleur qui boive en semaine, et jamais avant le coucher du soleil.

Le dimanche, on se régale à la veillée de châtaignes rôties que l'on pousse d'un verre de vin blanc ou de muscat.

S'il y a quand même des variations du régime, le rite immuable est bien celui de l'invitation à dîner : C'est donc à midi puisque le soir la table est privée.
Le manant d'Hierle est digne de Sparte dans ses effusions gastronomiques familiales : "Là où se sert le pain et le vin, le roi peut pénétrer", telle est sa devise. Tout un programme de régime svelte ! Il n'en demeure pas moins que sa fierté est mise à l'épreuve par l'invitation d'un tiers.
C'est une affaire qui ne se rate pas, à peine d'entraîner des commérages qui vous poursuivent sur trois générations. L'étiquette n'est pas si perdue qu'on ne puisse la rencontrer de nos jours en quelque mas reculé niché loin de la draille.

champignons au lard
Le menu standard en cette occasion se compose d'une soupe au lard et légumes (il vaut mieux couper la faim du convive), puis d'une omelette aux fines herbes. Arrive le plat de viande. Le luxe est d'avoir une viande blanche, une volaille ou du lapin, et une viande rouge, du mouton. A défaut une pièce de porc rassis vaudra ce que vaut sa préparation en sauce. La garniture sera de châtaignes ou de champignons.

Le convive a son rôle à jouer sauf à passer pour un goujat. Il aura apporté son propre couteau pour éviter à la maîtresse de maison de fouiller dans le trousseau de mariage à la recherche du couteau à lame de fer le moins rouillé. Il s'asseoit de côté et se garde bien de mettre les jambes sous la table, ce qui le ferait passer pour un crevard.

L'hôte l'invite alors à goûter la soupe ce qu'il déclinera une première fois, pour s'en laisser resservir plus tard afin que la cuisinière soit contente. La maîtresse de maison et ses filles s'affairent sans jamais s'asseoir à table, et passeront les plats un par un en desservant à mesure. Chaque met donnera lieu à la comédie du premier refus et de l'insistance.
La conversation est neutre et l'on évite la médisance comme l'enthousiasme débordant ; on est presque de la montagne ici.

Quand l'hôte essuie consciencieusement sa propre assiette d'un morceau de pain, c'est le signal du dessert. On retourne alors l'assiette sur la table pour goûter au fromage sur son revers.
La corbeille de fruits est sur le buffet, mais il est rare qu'on y touche.

Le vin est mis la table en bouteille de cinq litres; il est convenable de n'accepter que deux ou trois verres, mais surtout de déclarer quand le repas touche à sa fin qu'il " doit y en avoir bien assez sinon trop déjà ".
L'hôte se lève alors et le convive accepte une courte promenade digestive pour admirer l'agrément de la propriété ou l'état de maturité des cultures. C''est le départ, on se salue jusqu'à ce que l'on se soit perdu de vue.

Nous avons omis l'échange incontournable de cadeaux.
L'invité apporte un lièvre frais ou un gigot que l'hôte pourra réserver à sa consommation familiale de la semaine. Si l'invité vient de la ville, il lui suffira d'apporter des pâtisseries.
L'hôte offrira à son invité qui prend congé, un panier de fruits du verger, des noix et s'il est de la ville, des châtaignes ou des oignons doux.

Voila, vous êtes prêts à remonter le temps.


recette du civet

Habitudes enfuies


Il arrivait que les hommes décident de souper au cabaret le dimanche soir pour soulager le train de leur maison. L'usage voulait alors qu'on emporte son fricot couvert d'une assiette de salade, le tout sous un linge propre, une miche de pain sous le bras. Le soupeur prenait alors place à la table longue, disposait son repas et commandait du vin qu'il partageait.
Le cabaretier se contentait de vendre le vin un peu plus cher que d'ordinaire, parfois un sou de plus au litre, ce qui payait le bois de la cheminée et les chandelles.
Le souper en gaillarde compagnie restait à la portée de tous dès lors qu'on restait sobre.
C'était le jeu, le plus dispendieux ; sans parler du péché de chair, hors de prix et sans espoir d'indulgences en pays sitôt réformé !

jeudi 25 mai 2006

Poésie maurrassienne

Toi qui brilles enfoncée au plus tendre du coeur
Beauté fer éclatant, ne me sois que douceur
(C.M.)

Pour nous faire pardonner la glaciation de la doctrine d'Action française dans la note d'affect, nous consacrons une page à cet aspect moins connu aujourd'hui de Charles Maurras l'helléniste.


Martigues
Un court extrait des Nuits de Provence et deux poèmes au hasard :

« Ainsi, sous la tenture de cet air sombre, la campagne se soulevait avec moi : je la sentais monter comme si elle n’eût rien été que la suite de mon regard... Cette large nuit de printemps dut remuer quelques-unes des semences de poésie dont rien ne m’a plus délivré, probablement versa-t-elle un peu de raison... Le soleil est là-haut que nous ne créons pas, ni ses sœurs les étoiles. C’est à nous de régler au céleste cadran, comme au pas de nos idées-mères, la démarche de notre cœur et de notre corps ! Nous ne possédons qu’à la condition d’acquérir la notion de nos dépendances pour conserver un sens de la disproportion des distances de l’univers.
« Si, en présence de ce vaste éloignement, il nous était permis de nous contenter de nous-mêmes, ne serions-nous pas nos premières dupes ? Rien ne contente et ne rassasie que le ciel ! »


CORPS GLORIEUX

La rive est creusée en forme de lyre:
La Bouche du Port
Sur l'onde aplanie admet le navire
Où flottent nos Morts

Adouci, nimbé de tendres lumières
Leur visage est beau
Tel que l'ont pâli le vent des prières
Et l'air des tombeaux.

Mais qu'y reste-t-il des bonheurs du monde?
L'amitié, l'amour
Sont-ils repoussés dans la nuit profonde
Qu'y fait le vrai Jour?

Ou, comme l'implore un soupir au large
De l'immense mer,
Leur est-il laissé le souci, la charge,
L'honneur de la Chair?

S'il doit arriver un jour que la gloire
Éteinte des corps
Reprenne au bûcher de leur cendre noire
Son antique essor,

Si tout ce qu'émeut de tristesse amère
L'orbe évanescent
Des matins, des soirs, des nuits qu'enflammèrent
Les torches du sang,

Si les pas dansants, les rires, les grâces,
Désir et beauté,
Ce qu'ils font rêver, fragile et fugace,
De l'éternité,

D'une voix qui tinte aux longues mémoires
Le cristal et l'or,
La coupe des yeux qui nous firent boire
La vie et la mort,

L'arôme, le goût, le chant, les paroles,
Si tout leur revient,
Même un survivant que rien ne console
Gémira: - C'est bien.


LE MATIN QUI VIENDRA

Tu frissonnais au vent des roses qui s'élève,
Les Heures ont reçu l'étoile et le flambeau,
Voici le soir, la douce abondance des rêves:
Le matin qui viendra mûrisse le plus beau!

Le matin qui viendra te favorise, amis,
Et, quelque incertitude enveloppe nos cieux,
Dissipe en florissant sur ta joue endormie
Le maléfice errant de mon sort envieux!

Le matin qui viendra, nous le créeront ensemble
Si ton coeur et le mien demeurent vigilants,
Si ta main reste unie à cette main qui tremble,
Si ta beauté scintille entre tes voiles blancs;

Le radieux matin que cette nuit prépare
Déjà de ses bouquets en arceau suspendus
Fleurit ta belle porte et réjouit nos lares
Du simple souvenir des bonheurs attendus.



Il écrivit sur la fonction poétique :

« Il n’y a que le vers pour tenir dans ses griffes d’or l’appareil écroulé de la connaissance. Déjà personne ne peut plus considérer sans un certain souci notre fatras d’interminables écrits en prose.
Science, histoire, morale, controverse, roman, journaux, qui en fait la somme et le tour ? Un jour ou l’autre, de la terre ou du ciel, une brigade dévouée recevra la mission de trier ce qu’il faut disputer à l’oubli. Elle ne se composera que de poètes. Ils viendront, ils liront, ils prélèveront l’essentiel, ils le confieront à la Strophe ou à la Stance, au Tercet, au Distique ou au Vers, et, par cette arche salutaire qui allège et soulève tout, flottera, durera cette élite de vérités nouvelles qui doit s’incorporer à l’éducation, à la tradition, à la mémoire du sens commun libéré, tandis que le surplus des vieilles sagesses mort-nées achèvera de se dissoudre dans les ténèbres des caveaux où le poids de leur inertie les tire déjà.
Les peuples d’autrefois ne lisaient point parce qu’ils n’avaient point de livres. Les peuples d’aujourd’hui en ont tant de livres qu’ils ne lisent plus.
Vienne donc le poème et vienne le chant qui sauvent le bien et le beau du naufrage dans l’Océan de l’Illisible et dans la mer du Trépelu ! Ce n’est pas autrement que la Tragédie a sauvé l’énorme production romanesque du XVIIe siècle. »



22, chemin du ParadisLa maison natale de Charles Maurras au n°22 du Chemin du Paradis a été sauvée il y a quelques années par la municipalité communiste de Martigues qui, par sa juste préemption, a montré là une véritable ouverture d'esprit.
Un association locale de fidèles perpétue le souvenir du maître.

Passer à Martigues, se perdre vers Saint Rémy, aller aux Baux, remonter la Provence jusqu'à Aix par les petites routes, sont des parcours qui parlent si l'on veut percer la poétique de Maurras, faite de diamants de glace bleue comme les étoiles d'un ciel profond. L'enfant de l'Hellade est inimitable.

« J’ai gardé la poésie comme une prière qui empêche mon âme de se dessécher. »

mercredi 24 mai 2006

Une doctrine sans affect

Selon la Wikipedia, affectus en latin désigne traditionnellement un sentiment, un état de l'âme. Spinoza prétend qu'il s'agit plus précisément d'une modification ou un changement se produisant dans le corps en même temps que dans le mental (mens), modification par laquelle sa puissance d'agir est augmentée ou diminuée. Sigmund Freud déclare que l'affect est une impression, un ressenti, une qualité émotionnelle, alors que la seconde composante de la pulsion, la représentation, est une idée, un concept froid (fin de la culture en couche mince).

d'émotion la photo est floue
Ce qui m'a conduit à creuser le paramètre affectus dans la doctrine royaliste est l'amitié jusqu'à l'enthousiasme que les peuples européens du Nord portent à leurs souverains, qui n'ont carrément aucun pouvoir politique apparent, à quelques nuances près. Aux heures où le chat sort courir les gouttières, il est hardi de critiquer la famille locale régnante devant une pompe à bière danoise ; insister au-delà de la première mise en garde conduit au cassage de gueule sur le seuil de l'estaminet, sous les applaudissements du public. Le roi, la reine et les mignons petits de la maison royale sont sacrés.

En juillet de l'an 80, je faisais une promenade digestive sur les quais d'Oslo. Croisant un superbe caniche géant, je levais la tête vers son propriétaire que mon compagnon salua et à qui fut rendu le salut ; ce qui me fit lui demander s'il le connaissait. "C'est le roi Olaf !" Heureuse nation où le roi sortait faire pisser le chien sur le quai sans apparat.

OlavChez nous, les présidents sont en permanence menacés puisqu'ils disposent de pouvoirs étendus - Chirac en a plus que Louis XIV - alors qu'ils ne représentent qu'une faction d'une Nation habituée à s'entredéchirer. Sauf groupies écervelées ou militants sur commande, il est rare que le chef de la République déplace des populations acclamantes au-delà des mouches qui courent partout à l'évènement pour se distraire ou pique-niquer. Et un reportage présidentiel s'il n'est pas scandaleux, ne fera jamais monter le tirage d'aucun journal.

Sous l'Ancien Régime, et dans les moments cruciaux, on a pu voir le peuple manifester son affection spontanément et parfois brutalement quand il ramena de Versailles à Paris, le "boulanger, la boulangère et le petit mitron". Certains prétendent que la fuite à Varennes fut ressentie comme un jugement de divorce entre le peuple et le roi, provoqué par "abandon du domicile conjugal".

Bien plus tard, l'avènement de Charles X, prince svelte et bon cavalier, devenu sérieux et très pieux, déclencha une réelle popularité malgré ses 67 ans.
Si Louis-Philippe ne souleva pas exagérément d'enthousiasme - son coiffeur est à mettre en cause - son fils Ferdinand-Philippe fut la coqueluche du peuple pour ses campagnes militaires et ses idées libérales, à tel point que sa mort accidentelle à 32 ans lèvera les fonds nécessaires à l'érection de deux statues sur souscription publique et des armées, l'une à Paris, l'autre à Alger.

prince Ferdinand-PhilippeCeci dit pour illustrer le paramètre "affect" qui nous semble absent de la doctrine royaliste dominante. Les raisonnements mécaniques l'emporte trop souvent, et il est loin le temps où on entendait les Dames et Forts des Halles de l'Action Française défiler en criant qu'avec un roi ils auraient au moins quelqu'un à aimer ! Il faut dire que la classe politique de la Troisième République était le ramas de concussionnaires et prévaricateurs le plus nombreux que l'histoire ait croisé, incapables de susciter une quelconque admiration, a fortiori de l'affection.

Une doctrine aussi techniquement parfaite qui promeut un système dominé par un homme sur un argumentaire strictement politique et agnostique, manque d'équilibre pour emporter la conviction la plus large. Cette glaciation est assez bien "enfermée" dans la formule "le roi en ses conseils, le peuple en ses états", qui ce disant sépare l'un de l'autre alors que l'on sait d'expérience que c'est le seul attelage qui tire durablement le char de la Nation. Maurras le provençal était un maître froid autant que ses vers givraient dans ses recueils de poésie. Mais ceux qui croquent le glaçon au fond du verre de whisky, l'adorent et j'en suis.

L'expérience ne montre que trop que le peuple français ne marche hélas qu'à l'enthousiasme, et c'est bien son plus grand défaut dès lors qu'on le déclare imprudemment souverain et qu'il s'avère incapable d'aucune pérennisation politique sans humeurs. Sans enthousiasme populaire pas de réformes ; sans enthousiasme populaire pas de supériorité militaire ; sans enthousiasme populaire pas de projection dans le futur. De Gaulle, grand consommateur de référendum, avait parfaitement capté ça.

Et quand les conditions économiques et sociales atteignent l'insupportable, ce peuple énervé se réveille brusquement, fait la révolution, et se défoule dans le caprice national de la tabula rasa. Peuple latin triste, immobile aujourd'hui, pétrifié par le déclin qu'il s'est choisi. Emotif, pusillanime et un peu lâche, tant pis, il faudra faire avec à moins de partir convertir les Patagons. Que la fleur de la Nation ait été alignée dans des cimetières impeccables, n'est sans doute pas pour rien dans notre affaissement. Mais ça ne se dit pas, tant mieux, c'est quelque part cruel.

Ch.MaurrasIncorporons donc l'affectus dans le corpus doctrinal à côté de l'oeuvre maurassienne. En passant celle ci n'est pas protégée par le dogme de l'infaillibilité pontificale. Certes l'affect du peuple pour sa reine ou son roi se constate mais ne se mesure pas avec précision et ce n'est donc pas un "compteur" de référence. Il n'est pas non plus facilement maîtrisable si l'on cherche à l'amplifier ou le canaliser, et les docteurs en politique détestent. C'est une logique floue qui n'est pas insérable en l'état dans le concept monarchiste actuel.
Et pourtant cette logique floue s'avèrera vite incontournable sur le chemin étroit de la restauration, dès qu'il s'agira d'interpeler la Nation sur un choix de régime radicalement différent de celui qui aura coulé le pays.

Si l'affection est insaisissable, on peut néanmoins créer les conditions favorables à sa naissance et à son expression. Cela demande une participation des récipiendaires à un processus désigné aujourd'hui par le vilain mot de communication. Malheureusement pour la Cause royaliste, les prétendants actuels ont une certaine difficulté à provoquer l'affect des "sujets-citoyens" ; l'un n'est pas "communicant" et se défend d'être royaliste ; l'autre malgré l'atout de sa jeunesse et de sa vigueur, semble préférer une certaine distance et s'exerce d'abord au polo ; les deux sont un peu gauches et manquent de naturel.

Peut-être devrions-nous regarder du côté des reines ?

Non, non, c'était pour rire !

mardi 23 mai 2006

1790-1940 : 150 ans de nation

La semaine dernière, à l'annonce du café politique de Jean-Philippe Chauvin à Versailles, nous avions pris la liberté d'écorner le mythe de "la nation hexagonale" en redivisant l'espace qu'elle dit occuper. Nous allons nous attacher maintenant à l'encadrer dans le temps.

Jusqu'au règne de Louis XV la "nation française" est un concept peu répandu. Le patchwork du royaume de France limitait la prise de conscience d'appartenir à une nation, même si tout le monde se "savait" français. L'Ancien Régime était un "bizarre assemblage d'institutions féodales et de lois césariennes fourmillant d'abus et de contradictions; rien n'y coïncidait, tout y était disparate", écrivait Isidore Boiffils de Massanne. Pourtant le dogme de l'intérêt général commençait à niveler la politique, on aspirait à l'uniformité des meilleures conditions de tous ordres.

le tiers-baudet
Lorsque la crise financière de l'Etat obligea Louis XVI à convoquer les Etats Généraux, on a pu se croire à la veille d'une Rénovation Universelle appelant le règne de la Justice. Les cahiers de doléances furent rédigés dans l'enthousiasme. On n'imagine pas aujourd'hui l'ampleur et la profondeur de cette consultation démocratique. Les supplications communales furent délivrées après délibération générale. Par exemple, quand la ville de Sumène (Gard) comptant 3000 âmes en 418 feux, adressera sa contribution à l'assemblée d'Alès, cette contribution sera signée de 259 noms dont le premier est le marquis de Sumène et le dernier le notaire communal. Donc 62% des familles délibérèrent, et on a même noté des abstentions volontaires comme le curé et deux nobles du cru, ce qui accroît encore l'assiette de la consultation !

La ville députera 11 représentants à l'assemblée préparatoire d'Alès convoquée par le marquis de La Fare, 2 pour le clergé, 3 pour la noblesse, 6 pour le tiers.
A l'assemblée délibérative de Nîmes de mars 1789 ce sont quatre électeurs de Sumène qui seront convoqués par exploit d'huissier pour nommer les députés pour Versailles. Le pays, émietté dans son droit et dans toutes ses fonctions, mais encore très puissant, y croyait à fond !

L'affaire des Etats-Généraux est devenue ce que nous savons. Ce n'est pas le sujet du jour. A tout le moins laissons Boiffils de Massanne régler l’affaire en quelques mots : « Considérant le pouvoir comme une proie, le Tiers Etat l’a voulu ravir aux nobles et au roi. » Il y parvint !

On peut constater que des provinces aussi périphériques que le Languedoc se sentirent très naturellement parties prenantes dans la réforme des institutions. Sans décliner les critères qui fondent une nation, on peut déjà apercevoir qu'aux Etats Généraux de 1789 c'était une Nation qui s'exprimait. La transformation des Etats Généraux en Assemblée Nationale fut célébrée en beaucoup de villes par des réjouissances publiques. Puis vinrent les exactions de la Bastille et une certaine panique en province, qui provoquèrent, non pas le sauve-qui-peut dans un repli régionaliste qui n'existait déjà plus, mais la formation partout d'une Garde Nationale qui renouait avec les fonctions médiévales du Guet.

La Constituante poussait les réformes en continu, le pays suivait. L'effondrement de la Monarchie absolue n'avait provoqué aucune tentation centrifuge. Même les Protestants qui relevaient la tête et les fusils, jouaient leur cause au niveau national en se saisissant de tous les emplois publics possibles. Nîmes vivra quand même de terribles émeutes huguenotes où l'on massacra les compagnies de la Garde Nationale locale. Mais l'heure était aux fêtes patriotiques et la grande Fête de la Fédération du 14 juillet 1790, que nous commémorons chaque année, est bien celle des fédérations de province.

fête fédération
Elle se déroula sous la présidence du roi qui jura fidélité à la Nation. A quoi deux cents mille poitrines répondirent :
" Vive le Roi, vive la Reine, vive le Dauphin ! "
La Nation naquit là au niveau politique.

Après le saccage de la Monarchie constitutionnelle par la prise des Tuileries le 10 août 1792, le roi qui jusque là s'était beaucoup effacé dans les affaires du pays, disparut des préoccupations des gens du commun, même si d'aucuns gardaient une affection certaine pour la famille royale. Les lendemains du 21 janvier 1793, connurent en province un émoi considérable des populations dès que l'on apprit l'assassinat ...... du conventionel Le Pelletier, marquis de StFargeau.
marquis de St FargeauUne cérémonie grandiose fut organisée place Vendôme et des cortèges funèbres défilèrent jusque dans des villes reculées en hommage au "premier martyr de la Révolution", les bannières proclamant les dernières paroles du mourant. La Nation était atteinte !
Par la suite, la patrie en danger, la levée en masse, connurent un écho positif dans toutes les provinces, même si les paysans déclaraient avoir autre chose à faire que le soldat. La Nation allait se défendre et gagner ! Elle n'éclaterait pas, elle était liée.

Peut on prétendre que la nation s'est constituée par surprise. Le fait est que les peuples de France et leurs trois ordres historiques ont précipité un jour en une Nation, qui s'avéra irréfragable pour longtemps. Même l'orgie sanglante de l'Empire ne l'entamera pas. Elle attirera facilement le duché de Savoie et le comté de Nice en son sein ; jusqu'au sandjak d'Alexandrette qu'il faudra rendre aux Turcs, surpris de cette aimantation.

Avec des hauts et des bas elle perdurera dans sa force jusqu'à la Débâcle de 1940. Au milieu des décombres de la République, l'Etat ayant trop demandé à la Nation qui n'en pouvait plus de nourrir ses caprices et son incurie, le chacun pour soi deviendra la loi générale. Il semblerait que nous y soyons toujours soumis. On parle maintenant de nations corse, catalane, basque, bretonne, flamande, savoisienne, jurassienne ou occitane. Du n'importe quoi.

 

lundi 22 mai 2006

Un roi au Monténégro

armes de Crne Gore
Le Crne Gore ou Montenegro vient de se détacher de la Fédération de Yougoslavie qui de facto s'éteint aujourd'hui. Est-ce pour tomber dans une autre dépendance dès lors que la Commission européenne s'est permis de "juger" la validité du scrutin au travers de curieux critères démocratiques, 50% de participation et 55% de voix exprimées pour l'indépendance. De quoi me mêle-je ? De cette tutelle les Monténégrins n'ont cure, qui la voient comme une garantie anti-serbe. Ils ont déjà adopté l'euro comme monnaie nationale sans rien demander à Francfort. Et se voient comme une des meilleures destinations touristiques de l'Europe du Sud, à parité avec la Corse grâce à la combinaison de la mer et de la montagne.

un si beau pays
Le Monténégro entrera-t'il dans l'Union européenne ? Sans aucun doute, ses fondamentaux étant sans rapport à ceux de pays vautrés dans la gabegie et la corruption que sont la Bulgarie et la Roumanie qui vont accéder fin 2007, ou même la France qui l'a fondée. Certes, ce n'est qu'un petit pays de 700000 habitants. Mais il n'est pas nécessaire d'être un "grand machin" pour se revendiquer une vraie nation. Ce sont des montagnards et généralement cette connotation ethnique si elle ne cache pas de grands inventeurs, présage de l'opiniâtreté et de l'endurance. C'est d'ailleurs un pays de mines qui ressemble à celui des Sept Nains.

La question qui se pose (ou pas) est de représenter dignement cette nation revenue au balcon de l'Europe. Si l'on tient compte que la nation monténégrine est dotée d'une composante exogène serbe, Milosevic était monténégrin (Karadzic aussi), et de communautés bosniaques et kosovardes venues prendre l'air de la paix au moment des grandes tueries, on se doute qu'une campagne présidentielle peut vite tourner à l'affrontement de nationalités, dès que les flonflons de l'indépendance se seront tus.
Pourquoi dès lors ne pas suivre l'exemple de la Norvège qui lors de son détachement de la Suède en 1905, décida de se mettre en monarchie plutôt qu'en république, pour des questions de représentativité et de budget. Le roi, c'est le moins cher.

Un petit pays de 700000 habitants doit s'épargner le prix et le désordre des campagnes présidentielles, la prévarication de l'emploi précaire et gagner du prestige dans les enceintes internationales. Il a tout intérêt à se choisir un roi comme chef d'état. Qui plus est, dans un pays voué à l'industrie touristique, une famille royale est une plus-value conséquente.
Les Monténégrins ont-ils un prince en portefeuille ?

prince NikolaTout à fait ; un prince français ! Et disposant d'une famille toute faite, charmante épouse, deux beaux enfants, fille et garçon. Le château existe déjà à Cetinje, c'est un musée à déménager. La monarchie peut fonctionner dès lundi prochain. Il ne suffit que de lire le Sceptre d'Ottokar pour régler les derniers détails, acheter six chevaux et trouver un carrosse à Vienne ou Budapest.
garde montenegrineSAR Nikola Petrovic Njegos est l'arrière-petit-fils du roi Nikola Ier (1841-1921) dont les enfants furent mariés aux grandes dynasties européennes, Oldenbourg, Beauharnais, Mecklembourg, Savoie, Hesse et même Karageorgévitch. Pour la généalogie des souverains du Monténégro, on peut cliquer ici.

Une opposition à ne pas négliger, l'église orthodoxe serbe qui reste le dernier "parti de l'étranger". Mais les choses devraient se régler avec quelques donations et d'aimables contraintes, comme en Russie. Pour le moment le métropolite Radovic a blindé son 4x4 dès fois qu'un laïc royaliste se prenne pour un héros !

Deux sourires pour finir.
Le dernier roi du Monténégro n'était pas du genre à se laisser surprendre, même par son photographe. Hélas, la maison de Serbie finit par le dépouiller.

le roi

Adorable sépia colorisé de la famille royale au grand complet. S'ils remontent le spectacle, il feront un carton !

famille royale

jeudi 18 mai 2006

Populicide ou Génocide

La Chambre des députés qui n'ont plus grand chose à débattre entre la dévolution des affaires sérieuses à Bruxelles et les scandales parisiens qui bloque les pompes ministérielles, va statuer sur le génocide arménien, non pour le confirmer, ce qui est déjà fait, mais pour pénaliser éventuellement les commentateurs qui ne seraient pas dans l'axe officiel.
Cette triste affaire semble émouvoir le Landerneau politique français et les officines historiques bien plus que la tragédie nationale de la Révolution française qui débonda un torrent de sang que le peuple commence à découvrir. Et notre Vendée alors ? "La Vendée" c'est un populicide, ainsi que l'avait qualifié Gracchus Babeuf.

Westermann le boucherKleber défait l'Armée Catholique et Royale le 23 décembre 1793 à Savenay. Le sympathique Westermann (ci-contre) qui s'était distingué dans la prise des Tuileries du 10 août 1792 mais surtout par ses atrocités en campagne à l'Armée des Côtes de La Rochelle, témoigne de l'achèvement de l'ACR avec son emphase habituelle :
Nous fîmes une boucherie horrible ; les dernières pièces de canon, quelques caissons, équipages, trésor, etc..., tout tomba en notre pouvoir. Marceau et les autres généraux, avec les représentants du peuple Prieur et Turreau, suivirent l'ennemi sur la droite. Très peu leur échappèrent ; partout on ne voyait que des monceaux de morts. Moi, je me suis sauvé sur la gauche ; tous furent noyés ou taillés en pièces. Les brigands qui échappèrent à la mort en cette journée furent traqués et tués ou ramenés par les habitants des environs. Dans la banlieue de Savenay seulement, plus de 6000 ont été enterrés. C'est ainsi qu'une armée, forte au moins, le 22 frimaire, de 80 à 90 000 hommes, fut complètement détruite dans douze jours par le génie et le courage des soldats républicains, qui tous, pour ainsi dire, ont amassé des trésors des dépouilles des ennemis de la république ... Il n'y a plus de Vendée, elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l'enterrer dans les marais et les bois de Savenay ... Suivant les ordres que vous m'avez donnés, j'ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, massacré les femmes qui au moins pour celles-là, n'enfanteront plus de brigands. Je n'ai pas de prisonnier à me reprocher, j'ai tout exterminé.
Westermann sera arraché à l'affection des siens par décapitation le 3 avril 1794 à Paris.

L'éradication vendéenne prévue par les décrets des 1er août et 1er octobre 1793, avait été reportée jusqu'à l'anéantissement de l'ACR. La terreur ayant été institutionnalisée par le décret du 10 octobre 1793, l'ACR défaite à la Noël, la solution finale est lancée sur les plans du général Turreau, le 21 janvier 1794. Quel anniversaire !

Extrait du décret de la Convention du 1er août 1793, renouvelé en termes quasi-semblables le 1er octobre.
Article premier : le ministre de la guerre donnera sur-le-champ les ordres nécessaire pour que la garnison de Mayence soit transportée en poste dans la Vendée.
Il sera envoyé par le ministre de la guerre des matières combustibles de toute espèce, pour incendier les bois, les taillis et les genêts. Les forêts seront abattues, les repaires des rebelles anéantis, les récoltes coupées et les bestiaux saisis. La race rebelle sera exterminée, la Vendée détruite.
Les femmes, les enfants et les vieillards, seront conduits dans l'intérieur; il sera pourvu à leur subsistance et à leur sûreté, avec tous les égards dus à l'humanité... Les biens des rebelles de la Vendée sont déclarés appartenir à la république.

TurreauSix divisions seront formées en douze colonnes qui vont pénétrer la Vendée d'est en ouest sur des itinéraires parallèles. Depuis la côte atlantique le général Haxo reçoit l'ordre de former huit colonnes qui devraient "travailler" de la même façon d'ouest en est en direction des douze colonnes déjà lancées, formant un emboîtement d'où rien ne devrait réchapper. Haxo se conduira en soldat régulier, sans haine ni fébrilité, mais toujours sur la piste de Charette, sera tué par les insurgés le 21 mars 1794 à Clouzeaux. Ailleurs, le massacre jusqu'à extermination sera général.
Les sites sur la guerre de Vendée donnent le détail du dispositif et la liste des exactions. Celui-ci est synthétique et assez clair. Les colonnes Turreau sont créditées de 40 à 200 000 morts selon l'angle d'évaluation. Qu'importe finalement ; entre les recensements de 1787 et 1800, la Vendée a perdu 350000 habitants ! Une paille ?

L'émotion finira par s'emparer des édiles républicains résidant en Vendée qui firent rapport au Comité de Salut Public à Paris. Turreau fut rappelé au mois de mai, arrêté en septembre, jugé en décembre et ... acquitté. Après plusieurs postes de haute distinction jusqu'à ambassadeur aux Etats-Unis, il mourra le 10 décembre 1816 dans son lit, absous par Louis XVIII, baron de Linières et chevalier de Saint-Louis.

Il fut reconnu exécutant zélé mais irresponsable des ordres reçus. Pour aller au fond des choses, il faudra tout de même questionner l'indulgence de Louis XVIII. La conclusion reste difficile à avaler quand on sait qu'il fut à l'origine des plans d'éradication et que les plans concurrents de pacification sévère mais juste d'un Kléber furent écartés par la Convention au profit des siens. Pour être complet(?) il faut dire aussi que son plan d'extermination succédait à un projet d'amnistie que la Convention avait refusé, ce qui l'incita à appliquer strictement les décrets. Le moins qu'on puisse dire est qu'il y mit du coeur.

On stigmatise le génocide comme étant l'application légale d'une volonté d'extermination d'une catégorie de population, exprimée par un Etat. Vendée 1794, nous y sommes en plein, les textes et leur application sont confirmés par les témoignages et rapports de chaque bord.

Que se passe-t'il en France pour que la République se passionne pour des génocides lointains et jamais ou si peu pour ses propres turpitudes. Que l'on proclame dans l'Hémicycle le "génocide" en lieu et place des Etats génocidaires ou des peuples victimes est déjà très prétentieux. N'est-ce pas plutôt de la mission des Nations-Unies ? Mais que l'on pénalise légalement la liberté de dire des bêtises ou des énormités à ce sujet est franchement outré. Dans le cas du génocide arménien les témoignages de parties tierces au conflit sont terribles et nombreux. Les nier aujourd'hui participe de la Connerie fasciste que l'on a déjà vue s'appliquer à la Shoah. Il n'est pas besoin de loi pour appeler un "c.." par son nom. Cette attitude de dénigrement scabreux d'une horreur avérée, a certainement coûté le pouvoir à certain tribun populiste en 2002 et les resucées lyonnaises de son vice-machin universitaire auront le même impact en 2007. Tant pis !

Dans le cas de la Turquie, on ne peut quand même pas laisser de côté la déclaration solennelle du gouvernement Erdogan qui se soumet d'avance aux conclusions d'un comité d'historiens turcs et arméniens qui devrait travailler sur cette tragédie, à Istanbul en 2006. Ainsi sera-t'il désormais, si la loi de pénalisation passe à la Chambre, plus facile de débattre de cette horreur à Istanbul qu'à Paris. Un comble ! Une histoire officielle écrite par un soviet de nains de jardin.

A moins que d'aller au fond des choses ne laisse découvrir que les Français et les Anglais d'alors, dans la fièvre du dépeçage de l'Empire Ottoman, ont suscité les fermentations arméniennes pour s'en affranchir ensuite, laissant au sabre turc les nationalistes imprudents ?

Avant de nous quitter passez sur le mémorial virtuel anti-arménien, vous serez édifié du chemin à parcourir dans les esprits. Et sur un site qui fonctionne comme un mémo : cliquez .

mardi 16 mai 2006

ET IN ARCADIA EGO

le Grand Manuscrit de Rennes
Le succès du Da Vinci Code ne se dément pas. L'Eglise catholique met en batterie l'artillerie de fortifications. Des prélats de la plus haute dignité montent au créneau, comme Mgr Amato, secrétaire du saint Office (Congrégation pour la doctrine de la foi) qui a demandé de ne pas aller voir le film "perversement anti-chrétien", ou Dom Aletti, SJ, de la Commission Biblique Pontificale aujourd'hui dans Le Figaro. Les médias sont pris d'assaut par les évêques, les rédacteurs des publications chrétiennes, et même plus incroyable encore, par l'Opus Dei ... sous vos applaudissements ! Retour de flamme de la chaudière religieuse après le scandale tapageur des caricatures du faux prophète, ou péril en la demeure du père ?

Pour préparer la sortie en salle du film "pervers" de Ron Howard, la revue mensuelle "Il est vivant!" propose un numéro spécial de 16 pages. L'hebdo "Famille Chrétienne" publie de son côté une série spéciale de quatre numéros consacrés au Da Vinci Code, pour montrer le vrai visage de l'Eglise. "Alpha" publie : "Le Da Vinci Code, une réponse" : un attrayant livret de 32 pages pour découvrir pas à pas les principales questions posées par le livre de Dan Brown et le film. Le Forum pour la Nouvelle Evangélisation a publié un nouveau dépliant :"Da Vinci Code, une supercherie ésotérique". Les éditions de L'Homme Nouveau viennent de publier une bonne étude qui réfute l'essentiel en 48 pages : "Décoder Da Vinci Code". A noter que tous ces boulets sont bien sûr payants. Mais l'Ordre des Prêcheurs nous offre gracieusement son démontage dominicain en cliquant ici. Ne comptons pas les articles de la presse "civile". Ne comptons pas les articles de la presse "spirite". Bref, c'est chez nous le grand émoi. Le coup fumant du siècle.

Mais c'est aux Etats-Unis que la contre-attaque est la plus forte. La congrégation des évêques américains monte elle-même en ligne avec son Jésus Décodé. Sans doute parce que les peuples du Nouveau monde s'avèrent plus fragiles que ceux de l'Ancien qui en ont vu d'autres : Nudistes adamiens, noénisme sponsorisé par les vignerons de Cana, calvinisme genevois, arianisme wisigothique et son succédané moderne, le catharisme, manichéisme œcuménique, et les nestoriens qui métastasèrent jusqu'en Chine ; ils y sont toujours d'ailleurs. Notre dernier christ était à Montfavet, qui fit rire toute la Provence !

Dans la grande tradition romaine de réduction des hérésies a minima quelles que soient les pertes, on pourrait attendre une excommunion ex-cathedra de Dan Brown et de Tom Hank, s'ils n'avaient pris la précaution d'abjurer l'un pour le Veau d'Or, l'autre en Orthodoxie vague, afin d'éviter le barbecue de la Sainte Inquisition revenue, ou plus prosaïquement la honte sur leurs familles retranchées de la communauté biblique. L'étape suivante devrait être la croisade d'éradication par le fer et par le feu ! Les prêcheurs sont en route. Charlie-Hebdo aussi.

Où est l'outrage ?
Résumé en trois lignes :
Il existerait depuis le XIIe siècle un mystérieux Prieuré de Sion protégeant un secret majeur. Et ce secret n'est rien moins que la présence du sang de Jésus dans la dynastie mérovingienne, qualifiée de seule lignée royale légitime en France.

Que le calice du Graal ait été Marie-Madeleine au sens qu'elle aurait transmis le sang de Jésus le Nazaréen, ne saurait amoindrir la foi dans l'Evangile que l'on suive ou non la piste mercantile de Dan Brown. Personnellement il ne me gêne pas que le Messie, pour la naissance de qui trois rois d'Orient étrangement pareils à Cham, Japhet et Sem, firent le voyage, ait choisi de vivre en prince austère entouré d'une famille, et je trouverais plus de cohérence à l'histoire s'il s'avérait qu'il fût "le roi perdu" des Juifs (I.N.R.I.), et ses disciples, une cohorte de Zélotes armés qui mettaient en danger le colonisateur.

Je ne vois pas ce qui affaiblit Le Message dans les élucubrations de Dan Brown, pur produit de l'édition américaine ! La réaction me semble exagérée.

Par contre on imagine bien que la construction patiente d'un mythe christique assimilable par tous - le Christianisme est une religion de masse -, est entamée par cet ouvrage délicieusement sulfureux, dès lors que des âmes simples s'enticheraient du nouveau feuilleton "Amour, Gloire et Beauté" qui a plus d'arcanes mystérieux que l'ancien, très daté maintenant.

Da Vinci Code est un pur produit de marketing pour la ménagère de quarante ans, semé dans le sillon féministe américain de libération et paritarisme, au moment où l'on considère sérieusement la candidature d'Hillary Clinton au poste suprême, comme on le fait de Ségolène Royal en France. Marie-Madeleine aux longs cheveux de soie, princesse libre dans sa tête et dans son corps, dépositaire exclusive de la Vérité et du Graal par la volonté du Seigneur, tenait tête à Simon Pierre, le secrétaire général du mouvement et premier pontife de l'Œuvre humaine. Comment voulez-vous refuser désormais la prêtrise aux femmes ? le mariage aux prêtres ? C'est le retour de la papesse Jeanne, la Curie au kärcher !

Mais il y a plus grave que la guérilla Da Vinci.
Les mêmes qui vont gober les affabulations* de Dan Brown, et ils sont des millions, vont être, de part et d'autre de l'Atlantique, appelés à voter pour un chef d'Etat dans un période très difficile pour leurs nations respectives. Les Etats-Unis doivent se dépéguer de l'Irak qui va détruire leur âme et couler leur économie ; la France doit enrayer son déclin, à peine de disparaître des écrans politiques et être assujetties au monde anglo-saxon.

On se réjouit que la démocratie, flambeau de l'intelligence, remette son destin entre les mains de gogos du modèle de ceux qui vont prendre les charters cet été en short et crème à bronzer pour voir ...... Sion !

PS**(*) La légitimité ancienne des Mérovingiens est peut-être l'unique pierre d'angle vraie de l'ouvrage. Cette dynastie qui se disait troyenne, avait quelque chose de magique reconnu par tout le peuple, à tel point que ses concurrents pépinides, les vizirs Iznogoud du calife, durent usurper le pouvoir avec d'infinies et longues précautions, et attendre l'adoubement public de la Papauté qui n'a pas sourcillé devant le parjure. Les Carolingiens se sont dépêchés d'épouser des princesses mérovingiennes (pour récupérer du vrai sang bleu ?) et de s'allier à la maison wisigothique bien plus orientalisée qu'eux-mêmes, et que certains disent juive. Mais qu'un rameau dynastique mérovingien ait drageonné jusqu'à nous est bien improbable ; par les femmes peut-être.
Puisque tout a commencé par une femme.

cénotaphe de Pontilles
" Jésus, remède des blessures, unique espoir des pénitents,
dissous nos fautes par les larmes de Madeleine. "
(épilogue du "grand parchemin")



PS**: lire Post-scriptum et non Prieuré de Sion.

samedi 13 mai 2006

Le faux bloc national

Le prochain café politique de Jean-Philippe Chauvin aura lieu, sauf imprévu, à Versailles le samedi 27 mai. Il sera consacré aux définitions et aux théories de la nation. Rapportez-vous à son blog pour les détails en cliquant ci-dessus.

JPC : "Ce thème me semble d’autant plus important que la nation française a une histoire particulière, et que, contrairement à d’autres nations européennes, la France est d’abord le fruit de l’action de l’Etat : « les rois ont fait la France », affirmait le chant « La Royale », et l’idée nationale, c’est-à-dire la conscience de former une nation, naît après les « débuts » de la France. C’est sans doute une explication possible de « l’exception française » et de son rapport particulier, unique, au monde et à l’Histoire…"
La "nation française" sous-tend bien des concepts dont le plus évident est le nationalisme, valeur ou problème selon son point de vue, que se disputent plusieurs partis politiques, jusques et y compris le Parti communiste français ! La nation auréolée de toutes les vertus sinon de tous les vices, est-elle cette vérité "éternelle" qui fait de la France une exception universelle ? Pas sûr.

Si la revendication nationale a atteint son maximum de la Révolution à la Seconde Guerre mondiale, on peut remarquer qu'elle s'estompe depuis lors, mais aussi qu'elle n'était pas si vivace qu'on le soutient, auparavant. Faisons un sort au début de la nation française.
L'hymne royaliste devrait dire que "Les rois francs ont fait la France". L'extension du royaume franc et du domaine royal son centre, a été réalisée par la conquête guerrière bien plus que par l'influence d'un apport civilisateur qui comparativement était souvent inférieur au niveau atteint par les terres capturées. Ces terres pétries par l'empire romain puis ressurgies des royaumes wisigothiques, avaient beaucoup d'avance sur le reste de l'Europe.
Leurs arts et leurs universités étaient déjà incomparables. Les gens du Sud ne s'intéressaient quasiment pas à ceux du Nord qu'ils prenaient pour des parvenus de la civilisation. Le Nord était omnibulé par ses problèmes continentaux et les disputes d'apanages anglo-saxons. Le Sud qui avait fini par repousser l'Islam, jouissait. Les cours méridionales faisaient envie. Cela n'allait pas durer. Prenons une fenêtre d'évènements historiques pour illustrer le propos :
1200 - 1230
Aragon & Languedoc
La décomposition de l'empire carolingien qui finalement fut éphémère, avait laissé renaître l'autonomie du quart méridional du pays, ce royaume gothique envahi par deux fois dont la dernière, la conquête maure, avait été un désastre. Le Sud était partagé entre trois grandes et puissantes maisons qui étaient de plus apparentées entre elles :

Le Sud-est, outre-Rhône, était aux mains des comtes de Provence jusqu'aux marches de l'Italie. Les comtes avaient reconnu en 1200 la suzeraineté de l'empereur germanique, senti comme moins prédateur.

Le Sud, celui du Golfe du Lion, était à la famille de Saint-Gilles qui bien que feudataire des rois de France, régnait en puissance souveraine sur le Haut Languedoc, la Narbonnaise (sauf Montpellier-Maguelone), le sud du comté de Rodez et même un morceau de Provence. Cette famille s'était croisée en Palestine avec de grands succès militaires comme les batailles de Dorylée et d'Ascalon. Il y a un château Saint-Gilles ruiné à Tripoli du Liban ! Une chanson de geste à la charnière des XII et XIII siècles, parle d'Elie de Saint-Gilles en pays sarrasin.

A la mitoyenneté de l'Espagne se trouvait la grande maison d'Aragon qui possédait en sus de son domaine hispanique, la Catalogne septentrionale, le Roussillon qui la prolonge, et toute la côte d'Agde à Mauguio avec la perle montpelliéraine en son centre.

Cette situation coupait le roi de France de la Méditerranée, mer intérieure où se faisait presque tout le trafic de l'Europe. Philippe-Auguste ne put s'y résigner que lorsque la campagne périlleuse de Bouvines l'obligea à se modérer. Par contre ses héritiers eurent l'occasion de tenter la percée et ne la laissèrent pas passer. Cette occasion fut l'hérésie des Albigeois.

Excommuniés déjà en 1179 au concile de Latran pour manichéisme, les Albigeois offrirent le prétexte d'une croisade franque, prêchée par le légat pontifical Pierre de Castelnau aux fins d'une complète extermination des hérétiques, et menée dès 1209 par le baron le plus noble du Nord, Simon de Montfort. La croisade tourna au génocide sous la formule célèbre de l'abbé de Cluny, "Tuez toujours, Dieu reconnaîtra les siens". La croisade dura dix-neuf ans. Les maisons princières furent défaites, leurs vassaux chassés de leurs justices, et villes et campagnes saccagées, leurs populations massacrées. Le sac de Béziers par les ribauds du roy coûta trente mille victimes. Pierre II d'Aragon, dit le Catholique, vainqueur des Maures, accourut horrifié au secours de Toulouse mais fut écrasé avec toute sa chevalerie à Muret en 1213 (il existe un lycée Pierre d'Aragon dans cette ville). Albi, Lavaur et toutes les villes du Haut Languedoc furent dévastées à un point tel que Raimond de Toulouse préféra composer et ouvrit sa ville en 1215.

sceau de raimond
Simon de Montfort en pays conquis, confisqua le comté au profit de ses compagnons de guerre à qui il concéda des fiefs régis jusqu'en 1789 par la coutume de Paris. Simon tué sous Toulouse qui s'était refermée, son fils Amaury continua la "pacification" puis céda sa place au roi Louis VIII qui l'avait fait secourir, et qui lui-même vint mourir sous les murs de Montperrier en 1228, pour la plus grande joie des peuples du Sud. Raimond VII de Toulouse, épuisé, finit par faire amende honorable afin de sauver ce qui pouvait l'être encore. C'est 1229, la paix de Paris (voir la thèse Villeminoz de l'Ecole des chartes). La Sainte Inquisition s'établit à Toulouse et le nettoyage fin commença. L'Eglise participa au charognage des fiefs.

En 1270, sous Louis IX, Languedoc était réuni définitivement à la couronne de France, la France accédait de jure à la mer, la langue franque supplantait la langue romane. Il n'y eut aucun consensus. La Provence quant à elle, ne deviendra française qu'en 1482.

Les cruautés "françaises" restèrent longtemps imprimées dans les mémoires, et les gens du Sud se méfièrent longtemps des "francimans". Finalement, à l'exception notable du clergé local, toute la Septimanie, seigneurs et manants, s'était levée contre les nouveaux Huns. Il en restera un goût de fiel dans la bouche des méridionaux jusqu'à ce qu'arrive l'heure de la revanche, la Réforme. Pratiquement tout le Languedoc bascula dans la Réforme. Les cités qui restèrent papistes sont connues encore aujourd'hui pour cette "particularité". A nouveau, le pouvoir royal dut engager une guerre de pacification qui s'avéra sanglante.

Lorsqu'on regarde maintenant l'histoire moderne du Sud, on traverse de génération en génération des crises d'urticaire qui démontrent que le pays est resté longtemps en révolte sourde contre "la France". Le brassage de la révolution industrielle, les deux guerres, le retour des pieds-noirs, l'immigration "barbaresque", ont modifié la composition des populations, mais pas complètement le ressentiment. Il suffit d'être de là-bas pour appréhender cette réserve vis à vis de "Paris". Marseille n'est-elle pas la seule grande ville qui tourne complètement le dos au reste du pays ?
La nation française est-elle ressentie en Languedoc comme en Berry, Pays de Loire ou Picardie ? Certainement pas ! On pourrait utilement examiner la superbe arrogance de la France vis à vis de sa province occidentale longtemps considérée comme une colonie; la Bretagne.

Il y aura du pain sur la planche au café politique du 27. Et c'est tout l'intérêt.

mercredi 10 mai 2006

Vademecum du Cybertracteur

Dans un élan de générosité gracieuse, Royal-Artillerie met à disposition de la sphère royco-rangers douze affichettes sur photos destinées à soutenir une campagne politique, voire électorale. A cette heure, ces affichettes sont inédites et libres de toutes améliorations souhaitables.

Le parti pris est de suggérer la monarchie à des gens du commun qui sont à cent lieues d'y avoir jamais pensé pour les temps actuels ou futurs. La provocation, l'outrance comme la revendication populiste sont contre-productives et évitées.

Avec parfois un zeste de décalage, le tract peut appeler des questions et sans doute quelque ironie ; en évitant celle-ci qui reste du domaine de l'agilité dialectique, nous avons osé poser une question "bateau" à chaque fois, avec une amorce de réponse.

Pour la colle et les frais de tirage, veuillez vous rapprocher de votre chapelle de prédilection.

PORTEUSE DU TEMPS

Spaceship (original 1024x768px - 117ko)
spaceship


Q? : La France est une puissance moyenne en déclin relatif qui ne survivra pas autrement que dans une alliance plus large.
R. : C'est dans l'alliance que la France doit combler toute la place à laquelle elle a droit. La France est un pays de techniques de pointe, elle a sa chance si les pouvoirs politiques lui laissent le temps de se muscler et de convaincre ses alliés qu'elle maintiendra son axe d'effort.

Cybercruiser (original 1024x768px - 63ko)
cybercruiser


Q? : Pourquoi le roi serait-il plus intelligent que le directeur du CNRS R. : une fois le régime relancé, le roi gère le long terme et forme son successeur dans ses projets. La recherche scientifique est avide de pérennité et de constance dans la mise à disposition des moyens nécessaires. Elle appréciera de se savoir soutenue bien au-delà des échéances électorales.

Blés (original 449x600px - 95ko)
blés


Q? : En quoi le roi serait-il mieux placé pour convaincre les céréaliers de la Beauce d'arrêter l'épuisement des sols en réduisant leurs rendements ?
R. : La révolution écologique ne peut se faire que sur deux ou trois générations pour vaincre les résistances mentales des productivistes et éviter le saccage économique du monde agricole. Il faut beaucoup de temps et ne pas zigzaguer. Un pouvoir permanent qui privilégie les mêmes priorités au-delà des échéances électorales est le seul qui aboutira à sauver les terroirs français.


PORTEUSE DE L'ESPERANCE

Sunrise bleu (original 333x502px - 32ko)
sunrise bleu


Q? : Pourquoi le roi ramènerait-il l'espoir dans ses bagages ?
R. : Les gens ne croient plus à rien. Les jeunes talents partent à l'étranger. Le peuple a besoin d'un point fixe pour s'identifier. Et un peu de fierté d'être encore français, ce que la classe politique aux manettes ou celle qui la guette pour la replacer, n'évoquent pas vraiment.

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Q? : Votre roi ce serait donc Merlin l'enchanteur ?
R. : Débarrassé des luttes politiciennes et des complots hebdomadaires qui guident sa survie, le pouvoir suprême aurait la liberté d'esprit d'un plan de remise en route appuyé uniquement sur des vérités, bonnes ou moins bonnes à dire. C'est la liberté des idées qui relancera la machine France.

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Q? : Et comme par enchantement, votre roi va nous donner de l'énergie.
R. : Le roi donne les buts à atteindre pour la Nation car il dispose du recul nécessaire et désintéressé. C'est donc un repère mobilisateur qui se déplace sur le spectre du bien commun, comme le soleil dans le ciel. Et la nuit, il dort, il ne ressasse pas les peaux de bananes à l'intention de ses concurrents !

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PORTEUSE DES VALEURS SURES TFP

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Q? : Qui peut lutter contre les délocalisation de la mondialisation ? un roi ?
R. : Sisyphe ou personne ! C'est un combat perdu d'avance qui peut engloutir tous les moyens de la nation. Il faut comprendre que nous sommes en guerre économique mondiale et que la meilleure défense c'est l'attaque. A nous de phosphorer pour découvrir les produits de demain à fabriquer chez nous et les méthodes de production dans l'excellence qui rabattront du travail sur le pays. La production française a bonne réputation, il faut l'arracher aux contraintes tatillonnes pour qu'elle se régénère.

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Q? : Familles, je vous hais !
R. : Quand ça va mal, on n'a rien trouvé de mieux pour sauver les individus. Pourquoi dans nos rues il y a si peu de SDF du tiers-monde ? Parce qu'ils gardent à la main la corde familiale.

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Q? : Ce sont les nationalismes qui ont fait du XXè siècle le siècle des plus effroyables tueries.
R. : Le patriotisme n'exacerbe pas le nationalisme. C'est le fil rouge qui permet à chaque génération de retrouver ses marques sur son sol. Le patriotisme n'est pas arrogant ni suprémaciste. Il vient de nos pères dont beaucoup reposent sous des croix blanches impeccablement alignées, et doit continuer jusqu'aux enfants de nos enfants. C'est une transmission de mémoire.


PORTEUSE DE L'AFFECTION POPULAIRE

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(à suivre ...)

Finalement si la présente note a pu faire réfléchir les concepteurs de la communication de la Cause, elle a presque tout fait !

dimanche 7 mai 2006

La chevalerie nécessaire

En ces temps de putréfaction d'un régime agonisant, on se surprend à rêver à des mythes enfuis depuis longtemps. J'ai besoin d'air frais, d'eau claire, de pures demoiselles, gentils damoiseaux, preux chevaliers. Toute la ménagerie romantique au son du cor au fond des bois, rappelant les mânes de Roland, Perceval, Lancelot, Arthur partis quérir le Graal, afin d'oublier pendant une heure la misère morale dans laquelle on veut nous étouffer.

A voir le succès écrasant d'ouvrages comme le Da Vinci Code, qui veulent faire revivre l'âge d'or supposée de la monarchie première, qui veulent annoncer "le retour du roi", le grand monarque, ses ascendances davidiques, et pourquoi pas la judaïté des Gaulois ou des Goths, on mesure l'appel d'air pur nécessaire à chacun pour supporter un quotidien souvent minable. La saga des Anneaux participe elle-aussi de cet engouement, vécu dans une crasse idéologique que l'on aurait jamais crû rencontrer après l'effondrement de l'empire du mal.
En fait la menace que l'empire soviétique était parvenu à nous faire assimiler complètement par le vacarme adroit d'un prompt engloutissement sous un déluge de fer et de feu, obligeait nos nations repues à se tenir propres. L'ours abattu et sa peau mise en tapis, on vient danser dessus la farandole grotesque de nos moeurs décadentes, moeurs que nous voulions exporter dans le monde entier dans les fourgons de la globalisation, comme la World Gay Pride de Jérusalem par exemple, mais que certaines nations réveillées commencent à nous refuser. Et nos grands esprits de prédire l'imminence d'un choc des civilisations.

Qui pourrait bien avoir lieu, tant notre "way of life" est en train de dégoûter de monde, autrefois tiers, aujourd'hui émergent, ce monde relativement neuf dans ses perceptions modernes, mais qui voit ses valeurs essentielles fondre comme beurre au chaudron sur un feu de dollars.

Il y a réaction !
Non pas tant sur les traditions ou les coutumes qui appartiennent au domaine des signes de reconnaissance et gardent toutes leurs chances de survie dans les rapports du clan, mais déjà pour préserver la consolidation du socle civilisationnel de ces empires revenus parmi nous, que la folle globalisation menace d'entamer.

Malheureusement, en Europe et en France surtout, l'équation du déclin, inéluctable en l'état des modèles retenus, n'est pas clairement posée. La vérité fait peur ! A nos hommes politiques qui pressentent un coup de massue s'ils la disent, mais aussi aux gens du commun qui ne tiennent pas à connaître l'étendue du désastre promis, et se perdent dans une fébrilité de consommation ou d'épargne, comme pour oublier leur mal aux dents.

Or notre démographie normale est négative, les surplus annoncés par l'institut statistique sont éminemment dangereux pour notre civilisation.
La proportion d'actifs devient incapable de porter à bout de bras le nombre impressionnant des inactifs. La France est devenu un pays de vieux.
Les systèmes de prévoyance et de sécurité sociale sont en faillite, et ne peuvent plus compter sur les abondements du Trésor depuis que l'on sait que notre dette publique est bi-trillonnaire en euros, ce qui met son service et a fortiori sa réduction, hors de portée. Nous vivons à crédit comme des cigales. La crise financière peut être extrêmement sévère pour la classe moyenne et basse.
Notre jeunesse est devenue encore plus peureuse que ses aînés et se bloque, ou se laisse bloquer, dans un immobilisme jamais vu chez cette classe d'âge.
Nos moeurs se liquéfient au motif de la liberté de chacun de se "réaliser pleinement", provoquant de multiples déchirures dans le tissu social que l'on veut maintenant reprendre par les coutures du communautarisme, système parfait pour exacerber les antagonismes. Ce dont nous avons le moins besoin dans notre situation.

Plus que jamais il nous manque un axe, un dessein national, et quelqu'un de chair et de sang pour l'incarner. Une nation, c'est comme de la limaille de fer ; les grains sont de toutes tailles, mais pour les mettre en ordre il suffit d'un champ magnétique. La monarchie incarnée dans un roi crée ce champ magnétique.
Le roi est un aimant d'organisation.

le roi mythique
Il faut tout demander à ce prince réclamé que certains attendent depuis si longtemps, de génération en génération. Il doit avoir une âme de chevalier et la distinction naturelle qui se porte avec. Je le souhaite intelligent, perspicace, travailleur, résistant à la fatigue et plutôt adroit et libre de raisonnement parce qu'il aura fort à faire pour redresser la barre. Pugnace, tenace, politique et beau. Car il devra susciter l'affection, provoquer l'engouement d'un peuple remuant et ingrat, finalement pas si exceptionnel que ça même s'il s'en vante partout !

Après deux cents ans de républiques à éclipse, un lavage de cerveau généralisé, la destruction de la foi chrétienne, l'enkystement de la caste des médiocres dans le corps administratif de la nation, l'affaissement durable de notre économie, la pusillanimité de nos forces de sûreté, la confiscation du système éducatif par les maîtres, la subversion de notre magistrature, et bien d'autres désagréments à surmonter, celui qui reprendra la main devra n'être rien moins qu'extraordinaire.

Bien sûr le principe monarchique prime sur la qualité du titulaire pour son efficacité et devrait permettre de se passer de cette ardente exigence, mais pour instaurer à nouveau ce régime, à peine de n'en voir que les prémices sinon au plus loin ses cent jours, on ne pourra pas se passer d'un personnage véritablement d'exception pour "réamorcer".
Le roi du vitrail ? Le roi de l'affiche ?

samedi 6 mai 2006

La Culture du roi

Affiche Mathieu 2006La nomination d'un "ministre de la Culture" laisse percer l'intention très gaullienne de l'Etat de se mêler de tout. Les étrangers qui nous visitent sont chaque fois un peu surpris d'apprendre que la "culture" française est dirigée par le gouvernement. Et de se demander aussitôt avec quelque effroi, si ce n'est pas la vraie raison de notre formidable acculturation. Nous n'aurions pas la culture infuse, nous serions vaccinés de force.
Les foyers français ont le "gaz à tous les étages", l'eau courante, l'adsl et la culture. C'est un package. Le Français lit aussi beaucoup, du moins à ce qu'en peuvent voir nos visiteurs qui empruntent le métro ou l'autobus parisiens. Et l'étranger reste incapable d'assouvir sa perplexité !

Depuis la nuit de l'histoire antique la culture suit les lois de la gravitation et de la pesanteur. Elle décore la scène parcourue par le prince du moment sur son ordre, et descend jusqu'au niveau d'appréciation du vulgaire comme pluie tiède. Certains peuples ont l'obligation d'apprécier positivement cette livraison d'art, à peine de se voir refuser toute estime et donc toute écoute des étages décideurs. Le peuple français est de ceux-là. Même s'il est admis que le pouvoir le traite de veau.
Quand la culture remonte du peuple, on l'appelle folklore. C'est déjà plus rustique.

Au moment de dégraisser fortement l'Etat afin de le compacter et le durcir sur ses pouvoirs régaliens, se posera cette question de l'inclusion ou pas de la culture au coeur des soucis du prince, dès qu'on aura fixé les limites de la sûreté intérieure et extérieure de la Nation, celles de la justice, celles de l'éducation de base et autres intérêts primordiaux, comme les hôpitaux publics et les asiles d'aliénés.
Et la Culture ?

D'instinct nous allons choisir de ne pas l'inclure dans le faisceau de pouvoirs régaliens. Et essayons de nous justifier

S'il ne s'agissait que de l'administration comptable des services publics culturels, on pourrait décider que les grandes entités soient gérées depuis l'état central dans un souci de cohésion, les étages régionaux et communaux ressortissant quant à eux de l'échelon local. Bibliothèques, théâtres, music halls, quines et courses au sac n'ont rien de régalien. Par contre l'Opéra de Paris ou le Louvre ne peuvent être abandonnés aux édiles municipaux qui mettraient vite en place un système de dépouilles au gré des majorités. Il suffit de connaître les tentations des petits satrapes municipaux pour en être convaincu, même si la démocratie locale prime sur ces tentations faciles à dénoncer. La gestion de ces grands vaisseaux restera dans le giron de l'Etat central.

Mais la Culture n'est pas que gestion. Elle est d'abord création ; et aucun cabinet ad hoc n'a jamais rien sorti vraiment dans le domaine des arts, de la littérature ou de la philosophie. En histoire peut-être, au gré des vents mauvais de la repentance. La création se nourrit de la liberté mais aussi de la contrainte, du génie intérieur de chacun mais aussi de ses insuffisances, de sa propre culture et expérience accumulée, mais aussi de l'instinct. Enfin et surtout, de l'étincelle qui fait des productions humaines, de l'art.
Le milieu est aussi un bouillon d'émotions, d'enthousiasmes, perfidies, complots, mines et pièges, et de grandes joies qui sont difficilement appréhendées par le "technicien".
Tout cela semble un peu compliqué à organiser dans les "règles de l'art", la part d'intuition est trop grande pour confier la Culture à des administrateurs.
Le dernier en vue, Bozonnet de la Comédie Française, s'est vautré récemment dans la bauge de la censure comme un goret, pour une affaire de moeurs politiques qui ne le regardait pas ; d'autant qu'il est apparu à tous qu'il n'y avait rien compris, mais avait obéi par réflexe à la pensée officielle, sans que les instances supérieures ne lui aient rien demandé, en plus !

Comme on le voit, il n'est question au départ que de personnes dans la Culture, pas de règlements ou procédures. Ceux-là arrivent ensuite pour justifier la position juteuse de contrôleurs en tout genre. Mais ils n'y donnent que peu ou pas d'impulsion.

L'histoire des arts de France montre à l'envi que la volonté du prince fut chaque fois déterminante. Les rois Louis 13, 14 et 15 l'ont démontré, comme Napoléon III d'ailleurs qui eut la longueur de règne juste suffisante. Et les présidents éphémères de notre dernière république ont tous abondé au tonneau du mécénat présidentiel : Pompidou et Beaubourg, Giscard et Orsay, Mitterrand et le Louvre, Chirac et ses Arts Premiers. Même quand les affaires du pays ne vont pas fort, la ténacité du prince palie les déficits et réoriente des moyens vers "sa marotte".

Si la Culture est définitivement une question d'hommes et pas de gnomes, il serait avisé d'en affecter sa protection et sa vie (ou son développement) à des hommes plutôt qu'à des bureaux. Ainsi le maire, le président du conseil général, le président de région, chacun à leur niveau de citoyenneté, et in fine le chef de l'Etat, auraient à endosser personnellement les fonctions de "ministre de la Culture" avec pleins pouvoirs attachés à leur aire de responsabilité.

Ainsi pourrait-on dire que la Culture doit appartenir aux pouvoirs régaliens de chaque étage de gouvernement, incarné dans la "meilleure" personne de la sphère considérée. Au final, on ne changerait pas grand chose au niveau suprême du pouvoir sauf à se débarrasser de ces courroies de transmission imbues de leur vanité telles que nous les présente le trombinoscope de la Rue de Valois. On distribuerait par ce choix la personnalisation de la fonction par tous le pays. Avec au niveau supérieur l'avantage indéniable de la durée dans l'hypothèse d'un changement de régime (dans le bon sens).

Postulat à critiquer : la Culture ne participe pas des pouvoirs régaliens. Elle est de la sphère privée du prince, et des élus.

nécessité de l'espérance
Exposition Mathieu ouverte tous les jours, sauf le lundi,
de 12h30 à 18h30 du 5 mai au 2 juillet.
Petite Ecurie du château de Versailles
Entrée libre
01 30 83 78 00

vendredi 5 mai 2006

La plaque tarde

Piqûre de rappel

Malgré l'émoi suscité par le refus des représentants de l'Etat d'apposer sur la Chapelle expiatoire la plaque confédérale commémorant le massacre des gardes suisses du 10 août 1792, la plaque est toujours sur une étagère des Invalides, visible ou non, je ne sais. L'obligation de mémoire reste bafouée, et de manière inélégante, ce qui ne peut surprendre dans notre république déshonorée.


drapeu colonel de la garde
Le site du colonel Driot (cliquez sur le garde) consacré à la médaille de la Fidélité et de l'Honneur donne une estimation des pertes. C'est un complément indispensable à notre précédente note Aux Suisses de la Garde du 10 décembre 2005 :

le garde chargeLe Régiment des Gardes-Suisses comprenait en principe, un effectif de :
- Etat-Major ......................... 70
- Officiers .......................... 77
- Sous-Officiers et Soldats ....... 2.018
En 1787, le régiment avait été réduit en raison des difficultés de recrutement et le 8 août 1792, il comprenait un effectif d'environ 1.500 hommes répartis en un Etat-major, et quatre bataillons (le 1er bataillon rue Grange Batelière; le 2e à Rueil; les 3e et 4e à Courbevoie).

Les victimes de la journée du 10 août 1792 comprirent :
- 1.500 tués et 3.000 blessés parmi les assaillants;
- 2.400 Gardes nationaux, 950 Suisses, de nombreux volontaires royaux (dont 120 Officiers de l'ex-Garde Constitutionnelle et 200 fidèles à la royauté); des gendarmes et du personnel du Château (130 serviteurs), soit 4.500 personnes défendant les Tuileries avec 12 canons. Peu en réchappèrent.

En ce qui concerne les Suisses, 600 hommes et 15 Officiers furent massacrés aux Tuileries et 100 blessés environ furent emprisonnés; dans cette même journée, y compris ceux qui étaient dans les casernes, 150 furent emprisonnés aux Feuillants et 246 à l'Abbaye, au Châtelet et à la Conciergerie. Au total 876 Suisses dont 26 Officiers et 850 sous-Officiers et Soldats furent tués ou massacrés le 10 août et les 2 et 3 septembre.

Le lieutenant de l'ex-Garde Constitutionnelle Nicolas Laurent de Montarby (1769-1818) en prenant le Commandement d'un détachement de 30 Suisses privé de son chef, M. Saint-Venant de Forestier, sut les préserver de la folie sanguinaire de la foule et le lieutenant Coquet, de la Garde Nationale Parisienne qui nourrit 12 Suisses pendant trois semaines chez lui, sauva ces derniers du massacre, au péril de sa vie.
Enfin, 17 Officiers et 200 sous-Officiers et Soldats sortirent de Paris sous des déguisements et le nombre des rescapés du régiment (qui reçurent la Médaille) ne fut que de 389, dont 21 Officiers, sur un effectif d'environ 1.265.


Si la pétition Vallet-Baux réussit à vaincre l'inertie officielle, il est à craindre que le pouvoir ne négocie une lâche "compensation" pour apaiser les effusions conventionnelles qui ne manqueront pas de naître dans les rangs des révolutionnaires de coton qui battent en permanence le pavé médiatique, en évoquant les victimes de l'autre bord, les sans-culottes, sur quelque support répondant à la plaque confédérale. Ainsi les lions seront-ils pesés avec la canaille. C'est impossible. Il suffit pour le comprendre de lire ce que le colonel Pfyffer d'Altishoffen dit dans son récit (cliquez sur le garde) de cette journée funèbre, d'une manière simple et émouvante :

garde« Le régiment environné des périls et harassé de fatigues, déploya dans toutes ces circonstances, un caractère inaltérable de sang froid, d’ordre, de discipline. Il conserva dans le service la ponctualité des temps calmes. On n'épargna rien pour corrompre les soldats du régiment des gardes Suisses; promesses, menaces, séduction de principes, exemple des autres troupes, tout fut employé, rien ne les ébranla; leur fidélité jeta l'ancre au milieu de la tempête politique qui les investissait de toutes parts. Un décret de l'assemblée constituante avait anéanti la discipline; il n'eut jamais aucune influence sur le régiment; ce furent les soldats eux-mêmes qui réclamèrent le maintien de leurs antiques règlements; le corps entier ne formait qu'une famille, dont le sort et les intérêts occupaient également les chefs et les subalternes. Le major baron de Bachmann était l'âme du régiment. »

On doit honorer la fidélité au serment et l'honneur du soldat, pas la furie de l'émeute.

La mémoire publique de ces hommes simples et exceptionnels à la fois, est aujourd'hui à la merci des humeurs de nains politiques qui se vantent de faire l'histoire dans des compromis de béguinage sur la tendreté des gâteaux mous. Le ministre de la Culture et repris d'amnistie est du même tonneau que le roi de la Fête et marchand de sable qui préside aux séances de l'Hôtel de Ville. L'un comme l'autre sont des bateleurs communautaristes aux ordres de la bienpensance mainstream. Ils croient faire l'opinion alors qu'ils y sont tenus comme chèvres au piquet. L'important est d'en donner le plus possible à leur clientèle ; l'important c'est l'estrade, les flashes, la musique, la cohue, les guirlandes, le défilé du zoo alternatif et puis se voir le soir à la messe du Vingt-Heures.

Les dirigeants trop sérieux de la Confédération helvétique n'ont pas pris leurs conseils au bon endroit. Pour honorer leurs morts, il fallait offrir aux folles de Paris, de la Bastille à la Chapelle, un "big bazar tonitruant" avec majorettes bernoises (ça existe ?), les fanfares de Lucerne, des chars bigarrés avec des lions de ménagerie, puis la musique des gardes pontificaux et deux bataillons d'evzones grecs, le tout clôturé par six rangs de Harley-Davidson en strings de cuir et casquettes "horde sauvage".

...... et la plaque aurait été posée !

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