lundi 31 août 2020

"Moment" de l'histoire

Moment, s.m. s'entend en mécanique du produit d'une force par sa distance à un point ou à un axe ; c'est ainsi qu'on dit que la somme des moments de deux composantes est égale au moment de leur résultante, par rapport à un point quelconque pris dans leur plan (Maurice La Châtre, Dictionnaire universel, Paris 1854)

 


Comme l'affirmait Vaïsse Villiers - je ne le sus que plus tard après être passé mille cinq cent quatre-vingt-seize fois devant sa plaque de rue pour aller à l'école - l'histoire est cyclique, une roue lente toujours en mouvement sur un moyeu qui orbite dans l'univers du Destin. Aussi souriais-je souvent par la suite d'entendre que l'histoire ne repassait pas les plats sans parler du fameux sens marxiste de l'Histoire qui permit à la France de se retirer de toutes ses positions pour devenir la nation qui pérore en souvenir de sa grandeur. Je compris aussi pourquoi de grands esprits avaient investi tant d'énergie à produire des leçons édifiantes à l'attention de leurs contemporains comme Grandeur et décadence de l'Empire romain, qui n'était finalement qu'un solennel avertissement. Il est plus que temps de mettre en perspective - si ce n'est trop présomptueux - la décadence de l'empire occidental !

Est-il besoin d'en faire la démonstration ? Même pas, la démographie négative et la part étrécie de richesses produites par l'Occident rapportée au total de l'activité humaine sur terre parlent d'elles-mêmes. Ce reflux est-il une décadence ? C'est le début d'une bonne question à laquelle tous les gouvernements répondent non, plutôt un ajustement historique de la tectonique des continents. Sans revenir à Dioclétien ou Charlemagne, nous retrouvons aujourd'hui l'époque pré-industrielle où les maîtres du moment étaient au Milieu du monde, ce qui ne se voyait pas autant qu'aujourd'hui puisque ceux-là n'avaient aucune envie de s'impliquer plus loin que les marches impériales. Prospérait au-delà des sables de l'océan steppique l'Europe des nations combattantes, en guerre permanente (7 ans, 30 ans, 100 ans...) jusqu'à ce qu'au XIXè siècle, la putréfaction de l'empire mandchou ne les attirât et leur permît de mettre en coupe réglée le Centre du monde pour s'en repaître. La cupidité générale déséquilibra les appétits réputés légitimes - à chacun son empire mondial - jusqu'à jeter tous les uns sur tous les autres pour qu'à la fin, l'Occident se dévore lui-même. Deux guerres mondiales ont réglé pour longtemps la question des suprématies. L'épuisement occidental à s'entretuer a laissé revenir contre lui les empires défunts qui renaissent de leurs cendres. Le balancier de Vaïsse Villiers qui s'était perdu derrière Alpha du Centaure, revient. Sa masse inertielle est monstrueuse, à voir les dégâts qu'il a déjà causés. Et nous le regardons grossir, sidérés ! Nous ne faisons que ça.

Les dirigeants occidentaux qui ont blindé leurs modèles socio-économiques dans les rets des organisations internationales sont empêtrés dans des logiques mercantiles et morales de premier échelon. Ils brandissent des libertés dans certains domaines qui rapportent et des obligations impératives dans d'autres qui les gênent. Ils ne voient pas les enjeux ou les laissent aux analystes stratégiques que l'on ne lit pas. De vista ? point ! mais, le nez dans le guidon, un contrôle tatillon des peuples réputés indociles et plus intelligents qu'eux. Le futur lointain n'est appréhendé que par les cerveaux numériques de la Silicon Valley pour faire court, et plus du tout par les états-majors partisans qui gèrent nos sociétés civiles dans le champ des mœurs plutôt que dans celui des équilibres pérennes. Quand chez nous on en arrive à jouer le redressement du pays sur un Gosplan bureaucratique donné à un politicien raté, il y a de quoi affûter les pointes des rapières. A les voir s'agiter comme des papillons sous la lampe, on laisse naître en soi le sentiment que le système prétendument démocratique a sélectionné le fond du panier, la division 2, les recalés de la Production, des bavards diarrhéiques, des mangeurs de mots, des intellectuels assis selon le mot d'Audiard ; alors qu'il nous faudrait des cons qui marchent. Mais regardez la distribution ! La plupart des noms entreront demain comme insulte populaire dans Le Petit Robert. Rien ne bouge. Cette sous-classe politique nous laisse subir notre environnement géopolitique. La France est le paillasson du monde.
Ce n'est pas partout pareil, à preuve :

Le mandat américain de Donald Trump, un richissime promoteur et animateur télé avec pas cent sous d'idées mais du bon sens, aura plus fait pour contenir les assaillants de l'Occident que tous les clubs dédiés à l'hégémonie de l'American Way Of Life. Son ego démesuré l'a précipité contre "l'Impossible" et malgré les prévisions catastrophiques des instituts payés au mois, il l'a fracassé. Souvenez-vous, on ne pouvait affronter la Chine qui était devenue l'usine du monde et détenait un matelas impressionnant de bons du Trésor, des encaisses gigantesques en devises prêtes à s'investir à milliards dans les routes de la soie, une marine de guerre en constante augmentation, des projets de développement partout jusqu'en Afrique ou Papouasie, et le top du top, une fabrique universitaire qui déversait des dizaines de milliers d'ingénieurs chaque année comme CocaCola des canettes à Dunkerque ! Il fallait négocier intelligemment et retraiter pas à pas en attendant la démocratisation inévitable d'un peuple ayant goûté aux joies de la société permissive de consommation, sans parler de l'effondrement des banques régionales percluses de créances bonnes à jeter à la décharge. On attendait les désordres civils intérieurs qui finiraient par casser l'élan irrésistible du monstre capitalo-communiste aux intentions douteuses. A l'évidence Trump n'a rien compris à ce raisonnement tout en finesse. Il a juste comparé les chiffres de la balance commerciale : action !

On pourrait en dire autant des prétentions insupportables de la théocratie iranienne à vouloir imposer la nuit islamique sur tout le Moyen Orient. Israël a signalé aux services américains que l'Iran laissait tomber le corset nucléaire en investissant tout son disponible dans la conquête de l'Irak pétrolier et dans l'implantation de bases en Syrie visant Israël. Non seulement Trump est sorti du traité nucléaire, mais il a fait tuer le numéro deux du régime islamique, le général Souleimani, proconsul des ayatollahs à Bagdad, en attendant de faire plus à la première occasion. Le message a été reçu cinq sur cinq. Les mollahs ont fait des funérailles grandioses en menaçant le monde entier, puis ont abattu par erreur un avion civil chez eux. Les autorités irakiennes et les tribus arabes qu'elles représentent ont pris les Iraniens en grippe et Israël continue de casser en Syrie le dispositif des Pasdaran au fur et à mesure qu'il est reconstitué. Les menaces réitérées sur le Détroit d'Ormuz n'inquiètent que les écoles de journalisme, les acteurs régionaux sachant que la côte iranienne de Bandar Abbas sera vitrifiée au premier dommage consenti par la Vè Flotte en Mer d'Oman. Sans doute la France de son côté, impliquée durablement dans le Golfe persique par ses accords imprudents de défense, se rassure-telle de la pugnacité de la brute au chien de prairie mort sur la tête. Qu'en sera-t-il de son éventuel successeur avec ses deux heures de lucidité quotidiennes ? C'est un autre article, mais on se prépare à un coup d'Etat en Iran donnant tous les commandements aux Gardiens de la Révolution en péril ; pas la révolution, le système de prédation nationale des Gardiens. Un troisième article ? D'autres zones à soucis reçoivent la même attention trumpienne au premier degré entre deux greens, que ce soit le scandale du partage des charges de l'Alliance atlantique, le merdier coréen, et moins dangereux mais plus rémunérateur en voix, l'immigration hispanique, la loi & l'ordre et les maquiladoras mexicaines... D'où LA question : Donald Trump arrivera-t-il à bloquer le balancier de Vaïsse Villiers ?

Bien sûr que non ! C'est affaire de fondamentaux. L'histoire des hommes obéit à des tendances lourdes que rompent provisoirement des éruptions violentes comme les guerres, la peste, les calamités naturelles ou la fission atomique, ce qui ne veut pas dire que ces tendances ne puissent être déviées quand elles ne peuvent être contrées. Et là nous voyons que le régime démocratique qui administre nos sociétés et qui devrait veiller à leur perpétuation est complètement inadapté. Elles doivent être gérées à l'horizon du siècle, mais ce sont des gens souvent mal élus sur des horizons si proches d'eux - cinq à six ans - qui décident et l'inadéquation du régime politique en devient risible comparé aux enjeux.
L'impermanence du monde a toujours un sens, même si ce sens n'est pas une ligne droite vers le paradis soviétique mais plutôt une orbite à plan mobile qui va et revient. L'histoire du monde depuis la haute antiquité nous le prouve. En foi de quoi, on ne peut conduire un pays au jour le jour. Le facteur temps long doit être intégré à l'épure de la gouvernance, et nous en sommes si loin ! Tout le monde peut comprendre ça, même autour d'un feu de palettes sur le rond-point. Sans en faire une obsession, ce régime parlementaire de chahut institutionnel n'est pas capable de parer le retour du balancier mégatonique que nous allons prendre en pleine poire. Inde et Chine ne nous feront pas de cadeaux ; elles ont des comptes à solder. Et l'Afrique, milliardaire en désœuvrés, nous garde un chien de sa chienne puisqu'il faut bien trouver un responsable à son déclassement. La Russie prendra son gain ! L'Europe fera des proclamations morales ou juridiques, l'Amérique du Nord se ramassera chez elle pour encaisser le choc de la boule de démolition.





Nous avons besoin dès aujourd'hui d'un Etat fort, pugnace et commandé, capable d'affronter les empires revenus, seul ou en coalition. Le nôtre est un Etat totalitaire à moitié crevé qui exhale une odeur de gangrène gazeuse et coûte un pognon de dingue* en perfusions. Nous devons resserrer notre Etat sur le domaine régalien strict et débander les voraces qui nous privent de l'essentiel. Une parasélite politique pléthorique, des dizaines de milliers d'associations ou syndicats incapables de vivre sur cotisations, un système social ravagé par une fraude aux prestations et pensions quasiment consentie, un clergé médiatique concordataire (un milliard d'aides à la presse), des saltimbanques payés à ne rien foutre, des étages administratifs redondants où se cramponnent les rationnaires de la République, leurs fils et leurs neveux. La situation confuse et insécure crée un sentiment général d'étouffement chez les masses laborieuses ! Brisons les contraintes accumulées au fil des campagnes électorales. Les périodes de moindre coercition furent souvent celles de grande créativité, inventivité, solutions pratiques, du moins de ce côté-ci de la Sainte Carte**. Les "commandeurs" dans l'âme sous-estiment toujours les capacités de l'espèce humaine à s'organiser en autonomie quand on l'abandonne à elle-même. Ils mangent sur des schémas hiérarchisés qui remontent de l'îlotier de quartier qui vérifie les masques jusqu'au général d'armée qui écrit sa page dans l'encyclopédie, en passant par tous les grades de la prébende publique. Ainsi le régime actuel bouffe-t-il plus de la moitié de la richesse produite pour exister.
Les gens capables d'entraîner et d'organiser les autres au niveau du quartier, de la ville, de la province ont souvent de meilleures capacités d'anticipation que les habiles et les malins qui se font élire sur des promesses sans lendemain. Trouvons ces gens capables et lançons des Exodus à Saint-Nazaire, direction les Kerguelen pour nos surnuméraires, à moins que quelque pays ne nous les prenne en route. Et n'oubliez jamais que la parasélite ne disparaît que quand on lui fait peur (comme en mai 68).

Au-dessus des collaborations de premier et deuxième niveau, au pays des vingt ou cent républiques nouvelles contractant entre elles, il nous suffirait d'avoir un roi, un roi actif en ses conseils, qui représenterait notre pays, son âme, sa continuité, veillerait à notre défense avec "ses" armées, et à qui s'adresseraient les autres nations pour échanger plans et projets de commun bénéfice. L'anarchie*** plus un ? C'est ça ! Il faut faire confiance aux hommes de bonne volonté et de bon sens plutôt qu'à ceux qui font métier de vivre à nos dépens. Le vrai modèle à la fin, c'est une grande confédération helvétique, couronnée pour cause de paradigme gaulois. Si nous ne savons pas la faire, invitons des Suisses à l'organiser chez nous. Ce ne serait pas la première fois que la France en carence appelle des étrangers doués à son service. La liste en est très longue, jusque dans la foration des fûts d'artillerie sous Louis XV.
A suivre...


Notes :

* Collectivisme en reconstruction :
- 56% du PIB en dépense publique
- la fiscalité la + forte de l'OCDE et peut-être du monde.
- les plus forts impôts de production en Europe après la Grèce (on va les diminuer dans le plan industriel de relance)
- un Etat qui se mêle de tout et si mal, mais considère le domaine régalien comme sa variable d'ajustement
- une Justice misérable (on jugera Balladur en janvier prochain pour les rétrocommissions de... 1995!)
- une économie administrée par l'Etat, que l'on appelle "mixte" où le secteur public est presque partout déficitaire
- le record mondial de lois, règles, règlements et normes avec une perversité particulière à aggraver les directives européennes
- la remise en question régulièrement de la propriété privée
- l'incapacité à assurer l'ordre de base

** La carte appelée aussi "la carte interdite"

*** Ce billet est le dix-huitième de Royal-Artillerie avec le libellé "anarchie"

vendredi 28 août 2020

Sahel, la grosse fatigue

Le putsch malien a signé l'échec de la "pacification française" et peut-être son terme. Sur Orient XXI, Rémi Carayol fait l'analyse de notre intervention au Sahel, depuis le raid de M. Hollande sur Tombouctou jusqu'à la démission du dilettante socialiste IBK ces jours-ci. Après avoir évoqué la complexité explosive du Mali ethnique - Bernard Lugan avait fait le tour de la question structurelle dans ses bulletins mensuels "L'Afrique Réelle" - l'auteur qui se cantonne à relater la théorie des injonctions parisiennes à l'endroit du protectorat, fait sans l'assumer explicitement (ses lecteurs ne le comprendraient pas) le procès de la démocratisation à outrance, fameuses élections magiques, que le nouvel ordre mondial exige de tout régime en crise, comme il en va ce tantôt du régime confessionnel des Libanais. Aparté : le résultat le plus "probant" n'est pas au Liban mais en Irak où les communautés légitimées par leurs groupes parlementaires font masse pour se détruire à travers leurs milices.

Même si lundi, M. Macron demande au président Aoun un cabinet de mission, sous-entendu composé exclusivement de compétences utiles au pays, après avoir pris fait et cause pour le Hezbollah, nous ne sommes pas loin d'imposer à nouveau au Liban comme au Mali un gouvernement de coalition qui là-bas comme ici n'est que le compromis d'un partage des "affaires". Ces syndicats d'ententes frauduleuses n'ont partout réussi qu'à déporter un maximum d'argent dans les paradis bancaires. On parle ces jours-ci des millionnaires comme Karim Keïta (fils d'IBK) exfiltré en Côte d'Ivoire près de ses comptes, ou Zoé Kabila (frère de Joseph et gouverneur du Tanganyika) en délicatesse avec les donateurs américains. On peut les prendre un par un, c'est sans fin. Rolex ? Pas assez cher, mon fils ! On laisse tomber Ibrahim Boubacar Keïta pour corruption aggravée par un régime clanique légitimé par les urnes, avant de reconstruire un régime aux mêmes normes démocratiques mais plus obéissant ? Ce n'est plus de la politique étrangère mais l'idéologisation d'une mission de contention des fermentations populaires, nourries par le sous-développement chronique de l'Afrique noire.

Democracy, the God that failed ! écrivait Hans Hermann Hoppe. Qu'importe, ça sonne bien aux oreilles de l'opinion internationale et dans les enceintes onusiennes, la démocratie. Alors on persiste dans cette dérive qui finit par faire beaucoup de morts. Bien sûr, disent les normateurs, c'est parce que ces peuples sont immatures qu'ils sont incapables d'appliquer la vraie démocratie de Westminster qui les sauverait de l'abîme. A lire l'article de Carayol, on comprend bien qu'il n'est pas venu encore le temps des réalités. La guerre des partis, soutenue par Paris pour faire émerger une sacro-sainte majorité, est-elle plus supportable que la guerre des clans, des tribus, celle des civilisations nomades contre leurs voisines agro-pastorales ? Le coup d'Etat malien nous répond que non ! Les putschistes demandent du temps pour organiser la cohabitation de tous à l'intérieur de frontières internationales sures et reconnues. Trois ans c'est peut-être beaucoup mais dix-huit mois au moins sembleraient un délai efficace pour aboutir. Nous n'oserons pas brouillonner une feuille de route, mais il nous semble préférable de fédérer les intérêts tribaux dans un grand conseil des chefs coutumiers plutôt que de demander par millions les avis éclairés du berger peul, du planteur bambara, du marchand de graines et de sodas, du gonfleur de roues songhai et du pêcheur d'anguilles pour la distribution des maroquins. A le faire malgré tout, autant que la démarche soit purement décorative pour un régime fédéralisé par le haut. Reste Barkhane :


Les conseillers de M. Macron pensent-ils toujours tenir le Sahel depuis les plateaux mauritaniens jusqu'au Darfour avec un corps expéditionnaire de cinq mille hommes, même bien équipés ? Le théâtre d'opérations fait 36 degrés de longitude (du 12°W au 24°E) soit un dixième du globe terrestre. Les Américains ont dû faire un calcul rapide en 240 signes pour leur Commander-in-Chief et plient les gaules. Je ressors ma vieille carte 953 Michelin et je m'étonne que les Compagnies sahariennes aient pu tenir le territoire (sans doute moins peuplé) de l'Atlantique au Fezzan ! Elles enrôlaient des goumiers provenant de tous les groupes ethniques sahélo/sahariens, Maures, Bédouins arabophones, Toubous du Niger, Touaregs et autres ethnies de l'Est. Elles étaient autonomes, vivaient en autarcie, savaient tout faire et pratiquaient la vadrouille plus souvent que la vie de fort ; tactique qui sera reprise plus tard avec les commandos de chasse en Algérie. Nul ne met en question la détermination des commandants français au Sahel, mais Barkhane est un bien gros marteau pour écraser la mouche terroriste qui pond ses œufs partout en profitant du contexte psychologique. Va-t-on s'intéresser un jour au fond des choses ? A la compétition pour les maigres ressources, à la haine tribale remontant à la traite arabe, à la concussion généralisée mais parfaitement documentée chez nos services, au déni de tout vivre-ensemble... et en tirer les bonnes conclusions ? Mais sans jamais cesser de se demander où est la queue de trajectoire : dans quel but ultime sommes-nous là-bas ?


La doxa française est de protéger au Sahel l'Europe de l'infiltration des malfaisants du défunt califat. Oui bon ! Tous les attentats européens sont l'œuvre de résidents nationaux. Croit-on les combattre en patrouillant le désert ? Un truc m'échappe, et si nos partenaires européens sont de bonne volonté, peut-être doutent-ils maintenant de notre expertise, au vu des résultats moyens moyens. Le dispositif Tacouba cassera du terroriste, c'est sûr puisque l'Europe forme les meilleures forces spéciales, mais le cadet sans avenir de la fratrie de cinq à qui sera proposé un fusil, une moto et une femme n'aura pas besoin d'apprendre les hadiths du Prophète pour rejoindre la guérilla. La ressource est inépuisable, comme la misère quotidienne et morale de peuples éternellement sous-développés.

Finalement, nous en sommes partis trop tôt !

mercredi 26 août 2020

Du sable sans masque

L'été en pente douce, on annonce la pluie. Ce clip est spécialement dédié à la brigade de gendarmerie des Saintes-Maries de la Mer qui ne ménage pas ses sueurs, et il participe aussi au jubilé du MLF - cinquante ans déjà - qui fit le martyre des plumards à l'antique. Par précaution, on n'y voit aucun sein nu et la prise a été exterritorialisé au Brésil, hors d'atteinte des bigots et des jalouses. La lambada fut la danse la plus torride de l'été 1989 pour le bicentenaire de la Révolution française. Non c'est une blague, Kaoma ne le savait pas ! Malgré le souci d'authenticité qui gouverne ce blogue, ce n'est pas le clip officiel mais un mixage du plus bel effet qui nous finira la semaine. Remarquez que les modèles sont tous au naturel et ignorent les cliniques de l'avenue Alphand. Que de la race !


Et pour ceux des boomers qui veulent impressionner encore les millennials, voici les paroles en version originale à apprendre par cœur (c'est du lusitanien) avant de se jeter sur la piste :

Chorando se foi quem um dia so me fez chorar
Chorando se foi quem um dia so me fez chorar

Chorando estara ao lembrar de um amor
Que um dia nao soube cuidar

Chorando estara ao lembrar de um amor
Que um dia nao soube cuidar

A recordacao vai estar com ele aonde for
A recordacao vai estar pra sempre aonde for

Danca sol e mar guardarei no olhar
O amor faz perder encontrar

Lambando estarei ao lembrar que este amor
Por um dia um instante foi rei

A recordacao vai estar com ele aonde for
A recordacao vai estar pra sempre aonde for

Chorando estara ao lembrar de um amor
Que um dia nao soube cuidar

Cancao riso e dor melodia de amor
Um momento que fica no ar

A recordacao vai estar com ele aonde for
A recordacao vai estar pra sempre aonde for

Chorando estara ao lembrar de um amor
Que um dia nao soube cuidar

Cancao riso e dor melodia de amor
Um momento que fica no ar


mardi 25 août 2020

À la Saint-Louis des lances !

Canal royal de Sète

Sète, une ancienne île bleue venue d'Italie ou créée par Colbert, va savoir, une ville d'hommes - les copains d'abord - et de marins, célèbre pour ses enfants, Brassens, Paul Valéry, les Fonquerne et... Manitas de Plata, Sète ne serait pas cette curiosité qui défie les modes et le temps sans les joutes de la Saint-Louis, institution sérieuse s'il en fut jamais à l'ombre du Mont Saint-Clair. Un reportage Thalassa, réalisé par Sophie Kerboul en 2012, nous fera passer une poignée de minutes en bonne compagnie pour la fête du saint roi, mort du typhus à Carthage ce même jour de l'an 1270. On y comprendra que l'affaire n'est pas folklore de masse pour tourisme de masse mais haute lutte de huit sociétés qui s'achève en apothéose au Grand Prix de la Saint-Louis. Le nom du vainqueur acquiert l'immortalité, pas moins ! Savourez :

vendredi 21 août 2020

One Shot !

BILAN du CMRDS 2020

(29/08/2020)


270 campeurs
18 intervenants
40 conférences et cercles d'études
15 personnels logistiques

!





 PORTES OUVERTES EN GRAND !


jeudi 20 août 2020

Cadet Rousselle aux Émirats

La frégate Forbin inaugure le mouillage de Mina Zayed en 2009

L'accord d'Abraham est le résultat de la mise en tension du Moyen-Orient par la théocratie iranienne. Les camps se forment à l'approche d'une guerre ouverte entre les deux obédiences musulmanes. La Chine populaire renforce en armes et en moyens de toute sorte, l'allié millénaire de l'Empire du Milieu. les Etats-Unis tentent de former au sud du Golfe persique un bloc ayant une profondeur stratégique permettant la manœuvre. La Chine est motivée par les importantes ressources pétrolières de Mésopotamie ; les Etats-Unis autosuffisants en pétrole, réduisent leurs soucis à la pérennisation de l'Etat hébreu, le chouchou des Evangéliques américains... et des juifs de New-York.

S'invite dans le schmilblick la Turquie, pas vraiment invitée et le cul entre deux chaises, qui rêve de revenir aux frontières du califat historique aux dépens des Arabes. Pour le moment l'écho est plutôt celui d'un refus du néocolonialisme ottoman mais les services sont tous sur le qui-vive, tant le Sultan de la Porte est imprévisible. Ceci étant posé, on voit aussi que l'Accord d'Abraham agit comme un révélateur argentique sur chaque pays et dévoile au public la lassitude générale des soutiens aux Palestiniens dont les organisations corrompues et imbéciles réclamaient encore hier le droit au retour des réfugiés.

Evacuons cette question collatérale que la presse mouline en continu :
Fin 2018, on comptait 5442947 fiches palestiniennes actives à l'UNRWA -Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. L'UNRWA annonce en 2020 qu'elle en a 5,6 millions. Il existe environ un million de réfugiés non-inscrits, susceptibles de demander un numéro en cas de droit au retour. La population citoyenne d'Israël est de neuf millions de gens dont six millions de Juifs ou déclarés tels. A côté d'eux sont installés 4,6 millions de Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza en sus des résidents arabes israéliens. On n'imagine pas un gouvernement juif accepter l'installation supplémentaire de l'équivalent de sa propre population pour former à ses portes un Etat plus gros que lui. Mais c'est plutôt la communauté médiatique internationale qui remet balle au centre le problème palestinien, les soucis des chancelleries arabes sont ailleurs et plus graves. Fin de la blague.


Derrière les Emirats arabes unis ou à côté d'eux, se rangent les intérêts bien compris de chacun. Oman est géographiquement au cœur du défi persique. Pour ne pas tenter le diable, Elana DeLozier du Washington Institute, signalait hier soir que le nouveau sultan d'Oman venait de reconstruire son Etat duquel il ne gardait que les fonctions de chef d'Etat et de chef des Armées. En vingt-huit décrets, Défense, Affaires étrangères, Finances et Banque centrale sont dévolues à des ministres, pas tous de la famille, mais le sultan Haitham reste Premier ministre en titre, assisté de trois vice-premiers gérant le domaine réservé. Ceux qui connaissent quelqu'un à Mascate peuvent cliquer ici. L'Omanais sait qu'il ne peut rester neutre avec le Yémen en feu à sa porte et de l'autre côté, riverain du Détroit d'Ormuz sous le feu des canons iraniens. Ainsi augmente-t-il les garanties du sultanat en n'étant plus la pièce indispensable de l'échiquier, cible éventuelle d'escadrons de la mort des gardiens de la révolution qui ne se sont pas privés de cibler dans leur communication les tours de verre dans lesquelles complotent les cheikhs.

L'autre pays qui se prépare à la guerre est le petit royaume de Bahrein, une île de pas 800km² coincée entre la côte séoudienne et le Qatar pro-iranien. Sa chance est d'abriter deux bases navales importantes de l'US Navy. Il fait peu de doute que la maison royale cherche les mots pour le dire avant de satisfaire son protecteur.

Quid de la France dans tout ça ?


Nous sommes mouillés jusqu'au cou même si les officines de gauche concentrent l'analyse sur l'avenir compromis de la Palestine arabe pour ameuter l'opinion française au bénéfice de leurs clients. En fait le piège... à loup est sur le Golfe, pas au Liban ou à Ramallah, encore moins à Bamako. Impatient de faire l'acteur sur le Golfe persique, pourtant zone britannique des Sykes-Picot, Jacques Chirac signa, après le Koweit et le Qatar, un accord de défense avec l'émirat d'Abou Dhabi, à divers motifs peu stratégiques que nous n'étalerons pas ici (chars Leclerc et avions Mirage 2000). L'accord affichait une solidarité franco-arabe contre l'Iran de... Valéry Giscard d'Estaing (eh oui !). Voulant faire plus que son prédécesseur décrété impotent, Nicolas Sarkozy établit une base navale au port de Mina Zayed en 2008 pour activer la guerre si besoin était, malgré une vision stratégique encore plus mesurée que celle de son prédécesseur. On peut maintenant que ça risque de chauffer parler de l'accord qui nous tient :

Bien sûr il est secret (?!) quoique les milieux généralement bien informés affirment que c'est une assurance à première demande. Le téléphone sonne et nous attaquons. On ne va pas aller faire les miquets au Conseil de sécurité, non, nous attaquons ! Incertitudes, ambiguïté ? Nous attaquons ! Mais j'ignore si les moyens militaires inscrits dans l'accord sont limités ou illimités. En régime de croisière, les forces françaises prépositionnées se limitent au 5è Cuirassiers, à l'escadron Lorraine sur Rafale, au commandement et à la logistique d'une force française de l'Océan indien et à l'antenne d'acquisition de renseignements armée par la DGSE ; ce qui fait environ sept cents personnes sur le payroll. La Royale fait escale régulièrement à Mina Zayed pour recharger les frigos. Donc, que les lecteurs fidèles se rassurent, les Français seront au cœur de l'action. Rien à voir avec la chasse aux freux au Sahel, ou le five o'clock tea de la FINUL. Une petite carte pour finir ?

Cliquer pour agrandir

mardi 18 août 2020

Le Proche-Orient vu d'un drone

L'Orient compliqué, qu'ils disaient dans les chancelleries du XXè siècle ! La cause nationale arabe, création d'une Palestine moderne, a épuisé la patience et les subsides des tuteurs des organisations palestiniennes. A voir les réactions européennes favorables à l'accord diplomatique entre Israël et les Emirats, la patience de la Commission européenne est pareillement usée. Seuls les Etats qui instrumentalisent les réfugiés palestiniens contre l'existence même d'Israël comme l'Iran, ou ceux qui redoutent des représailles orchestrées par les clans intégristes comme le Koweït et le sultanat d'Oman, refusent l'accord. Et pourtant le Soudan ouvertement, Bahrein très bientôt vont monter dans le band-wagon. Les relations normalisées feront dès lors une large tache d'encre sur la géographie arabe, ce qui influencera inévitablement l'existence même de la Ligue arabe, dont le destin semble plus proche du club de colonels anglais en retraite que d'une union stratégique qui impose un agenda.

Prince héritier d'Abou Dhabi
Shaykh Mohammed bin Zayed Al-Nahyan
On ne va pas s'enfoncer dans le dédale de la "Rue arabe" et partager l'émotion des uns et des autres, d'autant que je doute de la pleine sincérité des Palestiniens accrochés par un micro-trottoir. Mais lançons le drone au-dessus du Proche et Moyen-Orient pour voir les choses en gros. Il y a trois acteurs majeurs aujourd'hui sur la région, la Turquie islamique d'Erdogan (80 millions hab.), la République islamique d'Iran (82 millions d'hab.) et la République arabe d'Egypte (100 millions d'hab.) dont l'islam est religion d'Etat et la Charia source du droit. On pourrait dessiner trois concentricités en amalgamant à chacun ses clients pour avoir un effet de masse. Quand on aura fini, on comprendra tout de suite pourquoi l'Etat hébreu de seulement 9 millions d'habitants cherche à composer en permanence en offrant à ses interlocuteurs ce qu'il sait faire le mieux, la guerre et les technologies de pointe en tous domaines. Israël est un peu dans le rôle de Sparte. Deux acteurs majeurs sur trois se sont déclarés contre l'accord historique et le troisième, l'Egypte, a explosé de joie ! Venons-en maintenant à la question palestinienne d'aujourd'hui.

La revendication palestinienne, qui à l'origine prônait la destruction pure et simple de l'Etat d'Israël, se limite à demander aux instances internationales la reconnaissance d'un Etat arabe indépendant dans les frontières de 1967 ayant Jérusalem pour capitale et capable d'accueillir les familles des réfugiés de 1948 exerçant leur droit de retour. C'est clair, moral et toussa sauf que la proposition coupe à angle droit l'autre revendication, celle d'Eretz Israël qui doit manger tout l'espace disponible entre la mer et l'Euphrate. Manque de pot, le second a gagné la guerre (plusieurs fois), le premier l'a perdue par procuration. La théorie communiste d'une guérilla perpétuelle comme suite à donner à une défaite a fait long feu puisque Israël en a accepté le défi et a pris des mesures drastiques pour l'éteindre, quoiqu'il en coûte aux autres ! Les proxys arabes qui entendent les imprécations stériles des dirigeants palestiniens depuis cinquante ans sont fatigués. Certains doutent même que les chefs palestiniens soient suivis par les populations qui semblent souhaiter avant tout une vie normale avec du travail, un logement et une perspective d'éducation des enfants. Il ne faut pas avoir fait Saint-Cyr pour comprendre qu'Israël agite l'hologramme d'une normalisation pacificatrice en récompense de l'abandon de la revendication identitaire. Ceux qui poussent inlassablement les Palestiniens à la résistance éternelle se gardent bien de vivre parmi eux, aux conditions de leur quotidien.

Au-delà, les gouvernements arabes ont depuis longtemps compris que l'ostracisation des Juifs bridait un développement corrélé à leur démographie positive, au motif fumeux de l'impossible concrétisation du rêve d'un peuple sans Etat depuis toujours. Pour rehausser leur propre sécurité, deux ennemis d'Israël, l'Egypte et la Jordanie, ont passé l'éponge afin de s'attaquer plutôt à d'immenses défis domestiques. Cette reconnaissance enfreignant la doxa victimaire ne leur a pas porté tort. Au tour des "riches" arabes de reconsidérer maintenant le blocage palestinien de la Ligue arabe qui bride leur transition post-pétrole par un développement accéléré des industries de pointe en tous domaines, le luxe et le trade ne suffisant pas à assurer la pérennité de leurs économies et la richesse de leurs familles. Quatre cas particuliers :

Le Koweït est à l'origine une enclave découpée dans l'Irak où commandent aujourd'hui les Arabes des marais sous domination iranienne. L'émir qui craint une réaction explosive sur sa frontière, a déclaré en rester au statu quo.
Bahrein (ancienne possession persane) a été fortement déstabilisé par la communauté chiite et abrite une base navale américaine. Pour se garantir contre l'Iran, Bahrein va sans doute rejoindre le "club des traitres".
Le Qatar a été expulsé des organes de coordination du Golfe à plusieurs motifs dont celui de financement d'organisations terroristes et de propagande impie (Al-Jezira). Il est soutenu activement par la Turquie, l'Iran et le PSG.
Le sultanat d'Oman est la puissance historique qui a donné son nom au bassin inférieur du Golfe persique, la mer d'Oman, et qui a longtemps possédé sur la rive nord l'enclave de Gwadar aujourd'hui pakistanaise. Le nouveau sultan a les difficultés propres à la région mais en plus, son pays est adossé à l'Hadramaout yéménite, un foyer terroriste actif que personne ne sait éteindre à cause d'une géographie trop favorable aux nids de freux. Oman, trop près des côtes iraniennes, ne bougera qu'en dernier.

carte du Moyen-Orien

Reste la complication séoudienne ! Le dauphin MBS, qui a fait le pari d'une transition rapide du royaume vers une économie occidentalisée diversifiée, se heurte au wahhabisme conquérant, soutien indéfectible de la famille des Séoud aussi longtemps qu'elle les autorise à régenter les mœurs et à exporter le salafisme. Sans objectiver ni nier les relations techniques entre les services israéliens et les siens, l'Arabie heureuse fait le mort dans la question présente en attendant sans doute de voir où serait le gras d'un ralliement ? Elle affronte l'Iran au Yémen et se prépare à une guerre ouverte avec la théocratie perse par dessus ses voisins. Peut-être veut-elle mesurer d'abord la sincérité et l'efficacité de l'engagement des Israéliens dans son perpétuel combat contre le chiisme. Nous ne dirons rien des pays spectateurs empêtrés dans des problèmes internes quasi-insurmontables qui les raient de la carte : Syrie, Liban et Irak.

Voilà donc la photographie d'altitude de la région au moment. On ne peut clore l'article sans féliciter Jared Kushner et l'Administration de son beau-père pour avoir mis au jour l'Accord dit d'Abraham ; ni évoquer le destin promis à Gaza par les riches arabes après le retrait de Tsahal et des colonies juives, pas moins qu'un petit Dubaï sur Méditerranée ! avant que le Hamas ne capture le pouvoir pour en faire un ghetto intégriste et un foyer terroriste poursuivant la chimère d'une destruction d'Israël avec des bombes humaines et des cerfs-volants ! « La Palestine n'est pas à vendre » déclarent l'OLP et le Hamas qui ne vivent que de la charité fraternelle et de l'aide onusienne. Faudrait-il encore qu'elle ait quelque valeur ! Finalement les peuples sont toujours les cocus de l'histoire et de ses démagogues.

vendredi 14 août 2020

"Blue Homeland"

Préambule

L'agitation quasiment hystérique du président turc en Méditerranée orientale ne peut être comprise sans connaître Le Plan. Comme le "China Dream" de Xi Jinping, Recep Tayyip Erdoğan a son "Mavi Vatan". J'en ignorais les détails jusqu'à ce que je croise sur le site de l'IIMSR le capitaine de frégate en retraite Eyal Pinko qui m'expliqua tout ça par le menu. La doctrine turque s'appelle "The Blue Homeland". A partir d'ici c'est le marin israélien qui parle à travers une traduction belle infidèle typiquement RA [temps de lecture 9 minutes]:



The Blue Homeland

La doctrine Blue Homeland (on ne va pas traduire), qui fut annoncée par l'amiral turc Cem Gurdeniz en 2006 sous couverture du gouvernement, a pour but de consolider le contrôle turc des trois mers, pour affirmer l'influence régionale et internationale de la Turquie tout en accédant aux sources d'énergie, dans une démarche de souveraineté pour gérer sa croissance et la pression démographique sans dépendance d'aucun pays. Derrière les objectifs déclarés de la doctrine Blue Homeland, la Turquie cache celui d'annuler les effets du Traité de Lausanne qui fut imposé aux Turcs en 1923. Ce traité imposé après la Première guerre mondiale à la chute de l'Empire ottoman réduisit ses marches et les laissa sous contrôle occidental pour presque cent ans bientôt. Jusqu'aux années 2000, la Turquie put jouir des faveurs occidentales et américaines qui lui permirent d'affirmer sa souveraineté tout en se protégeant de la menace communiste. A la chute du bloc communiste et de l'affaiblissement de la Russie, la Turquie fit face à des besoins énergétiques corrélés à sa croissance économique et démographique (80 millions d'habitants aujourd'hui et un pronostic de 90 millions en 2030). L'énergie est le moteur de la croissance turque [...] mais ses sources d'approvisionnement sont toutes étrangères : les fournisseurs sont la Russie, l'Iran, l'Irak et la Libye. La Turquie a importé en 2018 plus d'un million de barils/jour de pétrole et 51 milliards de mètres-cubes de gaz de ces pays. La géoposition des sources étrangères d'énergie oblige la Turquie a être active militairement pour assurer un flux continu comme par exemple au nord de la Syrie et de l'Irak, en Libye et sur la Corne de l'Afrique. D'un autre côté, la Turquie affronte politiquement ces pays (Russie, Iran, Irak, Libye) même si ceux-ci ne le souhaitent pas vraiment. Par exemple, les tensions et la coordination délicate des combats face aux Russes dans le nord de la Syrie illustrent la finesse du jeu russo-turc qui par moment croise à angle droit les intérêts politiques, militaires et économiques turcs. Cependant, la probabilité d'un conflit ouvert entre la Turquie et la Russie (en général et en Syrie particulièrement) est très basse.

L'analyse turque du besoin d'indépendance énergétique conduisit à formuler la doctrine Blue Homeland dont le but, déjà mentionné, est de maîtriser des sources d'énergie et de créer un espace libre de contraintes dans ce domaine. Deux zones de contrôle sont assignées par la doctrine Blue Homeland : La première zone comprend les trois mers qui bordent la Turquie : Méditerranée (ndlr: orientale), Mer Egée, Mer noire. La seconde zone est stratégique (ndlr: pour les appros) ; elle comprend la Mer rouge, la Caspienne, la Mer d'Arabie et le Golfe persique. La domination turque et l'accomplissement de la doctrine BH se manifestent par un déploiement de la puissance navale sur ces mers, y compris par le contrôle de réservoirs de pétrole et de gaz. Un autre aspect de l'affermissement d'une supériorité réside dans le soutien politique aux pays de la région considérée, l'établissement de bases militaires et l'entraînement de forces militaires locales susceptibles de se ranger à ses côtés. Ainsi la Turquie a construit des bases militaires et navales en Somalie, au Soudan, en Libye et au Qatar, avec formation des soldats, fourniture d'armement, munitions et autre soutien militaire. Dernièrement, on a lu que la Turquie avait envoyé en Libye depuis la Syrie deux mille mercenaires et des conseillers militaires qui travaillent en son nom pour défendre et maintenir en place le gouvernement libyen.


Construction d'une puissance navale

La marine turque opère régulièrement en Méditerranée, en Mer noire (surtout devant la Bulgarie) et en Mer Egée sur les approches orientales des îles grecques. La marine turque a commencé à manœuvrer aussi en Mer rouge, dans le Détroit de Bab el-Mandeb, en Mer d'Arabie et sur le Golfe persique, et même conjointement avec le Pakistan. La coopération avec le Pakistan est basée sur une perspective stratégique de développement d'une présence permanente turque en Mer d'Arabie (ndlr: Gwadar) jusqu'aux golfes de l'Inde. La Turquie a compris que sa topographie terrestre couverte de montagnes était un avantage défensif qui la protégeait d'attaque au sol. Les frontières maritimes qui s'étendent sur trois mers, sont en revanche son point faible en un sens, mais constituent aussi une opportunité pour sécuriser des approvisionnement énergétiques indépendants et son expansion tout à la fois. Ce raisonnement, bien dans les traces de l'histoire ottomane, a conduit Erdoğan à initier un programme de construction d'une force navale appelé "Milgem", très peu de temps après son accession au pouvoir. Ce programme bénéficie de fonds et moyens abondants mais affirme aussi que l'établissement de la Turquie comme puissance régionale et internationale passe par le développement d'une technologie locale et d'une industrie turques indépendantes. L'industrie de défense turque est centrée sur le développement et la production de vaisseaux, avions et systèmes d'arme avancés pour l'armée en général et la flotte en particulier. Plus encore, la Turquie a pour ambition de devenir un leader mondial dans le commerce de l'armement, ce qui lui permettra d'influencer pays et politiques des pays, comme il en va dans les modèles américain, chinois et russe.

Dans le projet "Milgem", quatre corvettes ont été développée et construites pour la lutte anti-sous-marine, une autre pour l'acquisition de renseignement, quatre frégates surface-surface et quatre autres pour la lutte antiaérienne. Toujours dans ce projet, quatre corvettes modernes ont été construites pour la marine pakistanaise ces dernières années. De même ont été construits pour la marine turque trente-trois chalands de débarquement d'infanterie et de blindés sur les côtes ennemies. Le développement de capacités de soutien au débarquement sur les plages permet à la Turquie d'opérer sur les îles orientales grecques et d'en prendre le contrôle au cours d'une campagne. La Turquie construit en plus dans ses propres chantiers navals six sous-marins code U-214 allemand sous licence et appui des chantiers HDW (ndlr: Howaldtswerke Deutsche Werft AG, Kiel). Ces six sous-marins turcs (incorporant des capacités anaérobies qui autorisent une longue endurance en immersion) doivent être opérationnels de 2021 à 2027 et rejoindront la flotte des dix sous-marins classiques que la Turquie exploite depuis longtemps déjà. Le summum de la construction des forces navales turques est le porte-avions qui mettra en action les chasseurs F-35. Le porte-avions qui est attendu en opérations pour 2021, accroît sensiblement les capacités opérationnelles de la Turquie en Méditerranée et en Mer rouge, en insistant particulièrement sur la Libye, le Soudan et d'autres pays de la région. La Turquie envisage même de construire un second porte-avions. Il n'y a aucun doute qu'un groupement aéro-naval développera de manière décisive ses capacités de dissuasion. Durant les prochaines années, la marine turque mettra en ligne :

- 16 avions de reconnaissance
- 40 hélicoptères
- 16 sous-marins (avec les 6 HDW en construction)
- 21 frégates
- 35 torpilleurs
- 32 chasseurs de mines
- 1 navire de commandement et soutien à longue portée
- une douzaine de navires ancillaires

La marine turque enrôle environ 260000 personnels, y compris des commandos et des fusiliers-marins régulièrement entraînés par les Etats-Unis, et qui sont équipés de missiles anti-char, de blindés et d'armes de combat au sol. Ces troupes ont accumulé une grande expérience dans les campagnes de Syrie et de Libye, expérience qui leur servira à améliorer capacités opérationnelles et doctrine de combat.


En résumé

La vision Blue Homeland qui est active depuis les années récentes n'est pas que celle d'Erdoğan, l'homme fort de Turquie, mais s'accorde avec une aspiration nationaliste qui convoque la Turquie à retrouver l'influence politique et économique qu'avait obtenu en son temps l'Empire ottoman. Ce sont des considérations politiques et économiques qui conduisent la vision du Blue Homeland dont l'essence-même est d'offrir à la Turquie l'indépendance dans les domaines économiques et énergétiques. L'indépendance énergétique turque dépend de sa capacité à exploiter et contrôler les eaux de la Méditerranée, de la Mer noire, de la Mer Egée, de la Mer rouge et du Golfe persique. La doctrine Blue Homeland bâtit une force navale conséquente pour la Turquie qui comprend non seulement des douzaines de nouveaux navires et aéronefs mais aussi la technologie et les capacités domestiques de construction navale, la production d'aéronefs, celle des capteurs de données et plus généralement l'armement. L'effort de construction des forces turques va apporter dans les années à venir une puissance navale de plus de cent quarante navires (y compris les sous-marins), plus de soixante aéronefs (dont des chasseurs) et des milliers de troupes de marine. Cet effort est soutenu de démarches politiques et militaires telles que la formation d'unités au combat et leur équipement dans des contrées éloignées comme la Libye, le Soudan, le Qatar et le Pakistan. Début mars 2019, la marine turque a conduit l'exercice de guerre le plus important depuis sa création. La manœuvre qui fut appelée "The Blue Homeland", a suivi et validé la doctrine turque établie en 2006 et a donné le tampon final sur ses capacités militaires, en surface et en immersion, dans l'attaque des côtes et le débarquement. Les ambitions navales turques sont devenues réalité treize ans seulement après qu'elles furent déclarées. [...]
Erdoğan sait qu'Israël, la Russie, la France, l'Egypte, l'Arabie séoudite, la Grèce et Chypre ne soutiennent pas ses ambitions politico-économiques, et c'est pourquoi il applique à pas lent la Doctrine afin de ne pas être surpris en train de menacer la stabilité régionale (ndlr: c'était peut-être vrai au printemps dernier, ça ne l'est plus). Mais l'achèvement de la doctrine BH assurera à la Turquie son indépendance énergétique et lui permettra d'être une puissance maritime, économique et politique régionale capable de contrôler les eaux de la Méditerranée (orientale), de la Mer Egée, de la Mer noire et de la Mer rouge. [fin de l'article de Eyal Pinko]


Commentaires

Il y a plusieurs étages à commenter. Le premier point qui fasse débat est la légitimité ou non de la démarche géopolitique de la Turquie islamique qui vise à revenir sur les marches de l'empire défunt, qui fut aussi un califat. Le traité de Lausanne a dénié toute souveraineté maritime à la Turquie en Mer Egée au bénéfice des héritiers de la vieille thalassocratie hellénique. L'affaire aura tenu 97 ans. La Turquie réarmée peut reprendre les îles orientales grecques, parce que c'est vital pour elle, donc inéluctable. Elle laissera peut-être les populations résidentes vaquer à leurs occupations touristiques, mais l'eau sera rouge ! Cette provocation enfreint le droit, l'alliance atlantique et les bonnes mœurs des chancelleries mais quand on a dit ça, on n'a pas avancé beaucoup. La situation en Mer de Chine orientale et méridionale est comparable avec celle en Méditerranée orientale. Ou bien on négocie un amendement au traité de 1923 qui ne lèse personne, ou alors on fait la guerre à la Turquie. Qui va la gagner ? Celui qui aura les Etats-Unis et la 6è Flotte avec lui.

L'étage en-dessous est dans le rapport de puissance, de puissance tout court. Le talon d'Achille (gag) de Recep Tayyip Erdoğan est son économie domestique qui est assez mal en point, sans parler de sa monnaie qui est une piastre sans valeur. Pour devenir puissant, il faut une chaudière économique performante, à défaut, beaucoup de rentes minières à valoriser comme le fait la Russie de Poutine lente à s'industrialiser. La brutalité de l'administration AKP est la cause du blocage économique et la classe moyenne en est persuadée. A 867b$ le PIB turc est en bas du Top-20 au même niveau que celui des Pays-Bas. Ce n'est pas beaucoup pour un pays de 80 millions d'habitants qui veut construire une escadre de suprématie. Mais, comme on le voit ailleurs, crève le paysan s'il faut couler l'acier. Sauf insurrection générale !

Le dernier étage est le nôtre. Faute de succès intérieurs, le président Macron compense ses déboires nationaux par une agitation extérieure tous azimuts. Que l'on sauve le Liban, pourquoi pas, même si la corruption endémique de la kleptocratie locale est le plus sûr gage d'échec. Quoique les rapports qui rentrent montrent que les intervenants extérieurs comme la France ne s'encombrent plus de pseudo-autorités locales en pleines magouilles. Si les moyens choisis sont "spectaculaires" (dixit Erdoğan), ils nous engagent peut-être plus que de raison, surtout si on les renforce encore en Mer Egée. Que ferions-nous si un sous-marin grec torpillait le navire de recherche sismique Oruç Reis en haute mer (photo) ? Nous avons déjà essuyé un vent de la part de l'Amirauté turque en voulant arraisonner un cargo escorté à destination de Tripoli. Allons-nous nous ranger au côté de l'escadre grecque et ôter les tapes de bouche ? Quatre autres marines sont intéressées à la question : la 6è Flotte US, celle de sa Gracieuse Majesté au point d'appui de Gibraltar avec la RAF sur la base anglaise d'Akrotiri à Chypre, l'escadre italienne et l'escadre russe de Sébastopol. Avons-nous parlé à ces gens ? Il semblerait que la 6è Flotte américaine envisage de nous mettre des bâtons dans les roues. Je laisse à chacun le plaisir de délirer sur les suites à attendre d'une confrontation gréco-turque en Méditerranée orientale. [Fin des commentaires]

lundi 10 août 2020

Don Juan Carlos au pays de l'Or noir


Dans l'affaire Juan Carlos, il y a les interprétations, l'accusation et la défense aveugles, et il y a les faits. Deux sont sûrs et posent problème plus qu'on ne le croit à tel point que même en Espagne ces questions ne sont pas réellement creusées pour l'instant après la fuite à Varennes du roi émérite.

Les cent millions de dollars signalés par la Justice suisse sont apparemment des retro-commissions balladuriennes puisqu'il n'est pas imaginable que le roi ait été remercié par les Séouds pour avoir pousser à la roue du TGV séoudien. Normalement ce devait être l'inverse. La question est donc : que récompensait la monarchie séoudienne avec cent millions de dollars à titre personnel et discrets ? D'autant que le roi n'était pas connu pour faire des affaires, même s'il œuvrait régulièrement à la promotion d'accords commerciaux à l'étranger, surtout en Amérique latine (récupération de l'économie argentine) et sur le Machrek arabe (Maroc, Algérie, reconnaissance d'Israël très tardive en 1986). Alors j'émets l'hypothèse à vérifier que la maison des Séouds a remercié le roi pour son soutien dans l'ouverture de l'Espagne aux wahhabites dont les imams salariés du Golfe prêchent dans des mosquées financées par les pétro-monarchies, sans parler des salles de prières salafistes éparpillées un peu partout où l'on éduque les paumés aux rites médiévaux. Le retour de l'islam en Espagne date de l'époque franquiste quand des accords formels ont été passés avec la communauté musulmane résidente dans les années 60, pour croître ensuite sous Juan-Carlos Ier qui vit s'édifier de magnifiques mosquées, à Madrid et sur l'ancien territoire d'Al-Andalous, toutes financées de l'étranger. Cf. la Wikipedia des mosquées espagnoles. Disons en passant que leur architecture est soignée pour être raccord avec les splendeurs architecturales du califat historique, et que toutes ont érigé un minaret de grande hauteur. Ajoutons aussi que la Commission islamique espagnole serait entre les mains des Frères musulmans par procuration ; mais on ne prête qu'aux riches.

Mosquée King Abdul Aziz al Saud de Marbella


Le second fait est l'atterrissage du roi émérite à Abou Dhabi et déjà son refus d'en bouger. S'il est sûr qu'aujourd'hui pour cent millions t'as plus rien, cela n'empêche pas d'avoir un mandat d'amener international exécutable dans la plupart des pays prétendument démocratiques. L'Amérique latine, un temps pressentie - la presse allait donner le numéro de la rue où Juan-Carlos se cachait en République dominicaine - l'Amérique latine donc était-elle à l'abri d'une procédure ? Les choses changent à chaque élection/révolution et le bain culturel ne compense pas l'angoisse d'Interpol. Par contre les pétro-monarchies du Golfe persique mettent à l'abri leurs riches amis sans qu'ils n'aient plus rien à craindre.

Ce billet ne tient aucun compte des spéculations sur la mésentente des familles au palais de la Zarzuela, sur l'accord tacite ou explicite du président du gouvernement, pas plus que des affirmations de Corinna Larsen zu Sayn-Wittgenstein (atchoum), amie de cœur du vieux paillard et mère de toutes les salopes à soixante briques la passe (c'est exagéré).


Si Don Juan Carlos s'est fait entôler par une croqueuse de diamants, on peut attendre la suite le sourire aux lèvres. Si les cent millions séoudiens rémunèrent l'accès des idéologues wahhabites à la communauté musulmane espagnole, c'est autrement plus grave, à la fois moralement en pays chrétien, mais surtout à gérer par la Fiscalia de Madrid ! Ça ne fait peut-être que commencer quand la Casa Real a pu croire un moment que l'exil étouffait les développements dangereux pour le couple titulaire actuel. Mais ce n'est pas gagné si l'on sait qu'un Centro de Investigaciones Sociológicas a fait un sondage en mai 2020, avant donc la fuite à Varennes. La république l'emportait de justesse à 51% mais la monarchie n'arrivait pas à convaincre plus de 34% des sondés (source HispanTV). On était en mai ! On imagine aisément que la fracture s'est creusée depuis la nouvelle de l'exil rocambolesque à Abou Dhabi. Aujourd'hui 55% des Espagnols voudraient qu'un référendum tranche la question du régime et 35% jugent que la monarchie pose problème (source N&R). Il faut que 2/3 du parlement espagnol approuvent le lancement d'un référendum ; reste à calculer finement de qui serait constitué le tiers réfractaire et bloquant. Mais l'appétit de nouvelles prébendes républicaines peut faire basculer les indécis au motif de "faire trancher le peuple" pour encaisser les bénéfices bourgeois. Nous terminerons par une motion de soutien au roi Felipe VI et sa charmante reine qui se donnent à fond depuis le début de leur règne pour perpétuer la monarchie de Bourbon en Espagne, dynastie régulièrement exilée depuis Carlos IV. Vive le roi !


L'Alhambra de Grenade et la Sierra Nevada au fond

Semer le roi à tout vent !

Temps lecture: 8min + 9min vidéo
Ensemencer l'opinion à l'idée du roi fut le leitmotiv de Royal-Artillerie dès sa création en 2005 (À Propos). L'idée n'est pas d'hier, de grands esprits sous la Révolution recommandaient de ne jamais cesser d'évoquer le roi pour que ne disparaisse pas la monarchie dans l'esprit populaire. Ce travail patient et la fureur sanglante des alternatives a conduit à la Restauration monarchique de 1814 pour revenir à l'état de paix, l'année suivante, jusqu'à ce que l'oligarchie d'alors se sente débinée et retrouve le goût du pouvoir, juchée sur les épaules d'un peuple au labeur, éternel cocu de l'histoire. Ce fut la monarchie de Juillet avec le roi des bourgeois, préoccupé par sa survie et soupçonneux de tout. Il gouverna ce pays pendant dix-huit ans en louvoyant autour du juste milieu sans réel affect populaire et, bien que fondé de pouvoir de la Forge et de la Banque, le couple royal finit par s'enfuir jusqu'au Havre sous le nom de Mr and Mrs Smith. Nous ne militons pas pour revenir au roi de Juillet ! Entendons-nous bien, si la démocratie en action a parfois sauvé la nation comme en 1848, son honneur en 1870 ou son avenir en 1958, l'infantilisme chronique du corps électoral français qui, unique en Europe, gobe tout et n'importe quoi, nous a conduit de revendication sociale en revendication sociétale au désordre actuel, qui n'est que les prémices du désastre annoncé par un virus de rien du tout. Ce n'est sans doute aucun pas par la démocratie que ce pays se relèvera. On a fait le tour de la question et ses pouvoirs semblent sous-calibrés rapporté à l'enjeu qui n'est pas moins que la survie de la nation française... dans le plus beau pays du monde mis à sac par une élite corrompue. Il faudra autre chose que la palabre parlementaire ou cantonale (démocratie directe) ! Quelque sorte de dictateur à la romaine, nommé pour le temps nécessaire à nettoyer la merde des écuries républicaines. Faudrait-il encore savoir préparer la nation au sursaut ! Nous en sommes loin.
Dans une vidéo conduite par Kévin Primero l'an dernier, Yves-Marie Adeline revient sur son essai d'acclimatation du roi en France à travers une précampagne électorale dans laquelle il avait réussi à entraîner l'Alliance royale, son parti. On sait qu'il a payé de sa poche pour vérifier son intuition, et sortir du bois lui a coûté cher et pas seulement en argent mais aussi en considération des autres chapelles de la contemplation. Pensez donc ! il n'avait pas déclaré de prétendant en douane ! Rien que pour cela il mérite notre attention :


Comme il l'a avoué par la suite au moment de rendre son tablier, les Royalistes ne l'ont pas suivi. A diverses raisons ils n'ont pas cru au canal électoral pour faire la propagande du roi, au motif éternel de ne pas se salir les idées ; et ceux qui bougeaient encore dans le microcosme se sont réfugiés dans les abonnements de presse et la lecture des blogs morts (dont celui-ci) en guise de militance. Quelques excités s'étripent encore au nom du roi sur de rares fora, à nul effet. On crie parfois, on écrit sans être lu (ici aussi), on affiche en sauvage dans les rues sans déranger le chaland qui passe. Celui que je vous propose ci-dessous maintenant a fait un bilan d'exploitation de l'agit'prop royaliste. Adrien Abauzit présente rapidement le catalogue de ses recommandations pour hâter le retour du roi, à commencer par la lessive mentale des esprits pollués par les mille et une idioties colportées par le clergé républicain et ses maçons. On l'écoute et on en parle :


Parmi les terrains en culture, il cite et commence par le « concept ». C'est peut-être le problème bloquant. Le peuple français ignore ce qu'est la monarchie qu'il se représente plutôt sur papier glacé n'ayant d'autre compte à lui rendre que sa popularité auprès des influenceurs cathodiques. Et ce ne sont pas les nouveaux surbronzés, échappés de monarchies dictatoriales, qui aideront à tordre le bras à cette idée fausse. Les avantages de la monarchie nationale ne se découvrent qu'en l'opposant à la démocratie d'étage national. Garante des libertés de premier échelon, elle gouverne l'Etat le moins susceptible d'enfler par intrusion dans la société civile qui heurte les libertés basses. Le temps long que donne la permanence en haut peut encadrer un projet d'envergure, quand la démocratie est un combat incessant où les vaincus d'aujourd'hui renverseront demain leurs vainqueurs pour s'en repaître. L'intérêt général n'existe pas sauf à travers le prisme partisan ; il n'y a personne au-dessus de la mêlée - on sait tout ça... Depuis l'instauration du quinquennat, nous vivons le renversement démocratique perpétuel parce que l'impermanence autorise l'espoir de tous les chefs de parti de gouverner un jour, même par surprise, afin de s'établir socialement avec leur famille. L'envie proudhonnienne est à son comble ; à moi, à moi, à moi, c'est mon tour ! Même de flamboyantes nullités, à voir que plus cons qu'eux ont réussi, y croient. Brisons-là notre mauvaise humeur.

Plus difficile pour le peuple des Bronzés, le « concept » monarchique traditionnel est architecturé sur la transcendance qui relie le roi à l'autorité du Christ, ce qui a généré cette idée de droit divin que certains ont pris pour la libre-pratique de toutes les turpitudes imaginables. Les bons auteurs sont illisibles par le populaire - essayez vingt lignes de Jean Bodin - un digest de saint Thomas d'Aquin serait-il une vulgarisation utile en trente pages ? Tentons le De regno ad regem Cypri, traité politique à l'attention de Hugues III d’Antioche-Lusignan ? C'est mieux que Le Prince de Machiavel mais l'existence évidente de Dieu au XIIIè siècle est-elle évidente de nos jours encore ?Non, et pourtant toute la charpente monarchique occidentale repose sur cette phrase du De regno : « Il faut que tous les rois du peuple chrétien soient soumis au pape comme au seigneur Jésus-Christ lui-même. En effet, ceux de qui dépend la responsabilité des fins antécédentes doivent être soumis à celui dont relève le soin de la fin ultime et être dirigés par son autorité ». Le premier ordre du royaume serait donc le clergé ! L'agnosticisme généralisé des peuples d'Occident va l'interdire et débander les rangs du roi transcendantal, même si un nouveau contrat social proche de la doctrine sociale de l'Eglise a ses chances dans la situation de désarroi des laissés-pour-compte qui forment une majorité des habitants de ce pays, à en croire les scores de soutien aux Gilets jaunes au début de leur insurrection (84% au plus haut fin 2018). Mais remettre le clergé aux affaires ne se discute même pas. Ce qui ne doit pas empêcher la rechristianisation du pays qui ne peut nuire, sauf à importer chez nous tous les astro-physiciens du royaume de Saba ! Mais par qui alors ? L'Eglise du pape François se bride d'elle-même. Relever le défi monarchique en commençant par la religion est un tunnel bouché. Il faut faire autrement.

M. Abauzit cite dans son message « la république des Lumières » et la « France réelle », vieux slogan maurrassien celui-ci, qui opposait le fonds réel du peuple français aux pouvoirs usurpés par l'Etat légal au moyen de la supercherie démocratique. Le gros problème aujourd'hui est que les Lumières en leur temps ont produit chez leurs disciples une loi d'acception et référence universelles qu'on appelle Déclaration des droits de l'homme. Et ça, il n'est pas né le tribun de préau qui chevauchera le taureau fou de leur suppression ! On peut faire une thèse de quatre cents pages sur la nocivité des "droits", il n'empêche qu'ils sont gravés dans le marbre pour l'éternité comme les Dix commandement du Sinaï, et qu'il faudra accepter que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.
Quant au "pays réel", c'est un pays rêvé, inaccessible étoile ! Les révolutions agraires et industrielles d'après-guerre, couplées à une immigration de masse, ont durablement chamboulé notre société, ses codes, ses coutumes au péril de notre civilisation. Le pays réel n'est plus celui de Charles Maurras. Par contre l'Etat invasif actuel, que Maurras appelait Les Bureaux, doit être combattu par tous les moyens et ramené à l'intérieur du périmètre régalien où il doit être purgé d'abord et renforcé ensuite. Tous les autres domaines publics doivent être purgés des normateurs, bureaucrates et autres curés du progressisme social et anthropologique, carrément, et quoiqu'en disent les gnomes de Bruxelles ou les juges de la Cour européenne des droits de l'homme ! Nous ne sommes ni Hongrois, ni Polonais à qui l'histoire n'a cessé de répéter où faire. Va-t-on à l'anarchie de la démocratie d'opinions, changeantes, fluctuantes ? Dans Le Père Goriot, Vautrin déclare : « il n’y a pas de principes, il n’y a que des événements ; il n’y a pas de loi, il n’y a que des circonstances : l’homme supérieur épouse les événements et les circonstances pour les conduire. S’il y avait des principes et des lois fixes, le peuple n’en changerait pas comme nous changeons de chemise ». Bonjour le bordel ! Nul n'a su réguler l'anarchie même si le libéralisme à outrance finit pas porter de beaux fruits comme l'anticipe l'Ecole autrichienne d'économie, mais aux dépens de qui ? Du peuple, toujours ! Or disait Pierre Boutang, « le droit du prince naît du besoin du peuple ». Il faudrait donc "prouver" que c'est le régime de la monarchie qui répond le mieux au besoin du peuple. Et quoiqu'en pense Balzac, le peuple a besoin de principes, les gilets jaunes des ronds-points étaient des gens à principes. La monarchie a les siens ; reste à les vendre.

Sans doute est-il présomptueux de vouloir propager l'idée d'une royauté traditionnelle de droit divin, donc transcendée. Alors commençons par la monarchie stricto sensu. Sans opposer les deux concepts monarchie et royauté - le second peut découler du premier en cas de succès - on peut les distinguer. Le monarchisme privilégie une loi de gouvernement des hommes dont la pertinence est rationnellement démontrée ; le titulaire de la charge n'a besoin que des qualifications réclamées par l'emploi, qui d'ailleurs peuvent être très exigeantes selon la situation du moment. C'est le but à atteindre qui importe. Tandis que les royalistes es qualité reconnaissent la transcendance (le roi est second en tout dans un souci de tempérance du despotisme naturel du prince) et ils enferment le titulaire dans un corset de prescriptions aux origines souvent floues mais d'acception commune chez eux. Chaque pays a son propre corset royaliste alors que le principe monarchique est universel. Sans remonter aux ancêtres, les deux penseurs contemporains de la monarchie sont le professeur autrichien Erik von Kuehnelt-Leddihn (†1999) et le professeur allemand Hans-Hermann Hoppe (Démocratie, le dieu qui a échoué).

Les difficultés de tous ordres sont telles dans le retour du roi en France que je privilégierais l'approche technique plutôt que l'approche par les rogations et les flagellations. Laissons de côté pour l'instant le vitrail magnifique et démontrons la supériorité technique de la monarchie dans le gouvernement des gens, comme le font les deux auteurs précités, et opposons-la aux déficits d'intelligence du régime actuel qui ne survit que par sa voracité à contraindre tout un chacun à lui confier sa vie et ses pensées. Laissons de côté la transcendance quitte à y revenir plus tard. Lundi prochain commence le soixante-sixième Camp Maxime Real Del Sarte de l'Action française près de Roanne. On va y reconstruire un Etat nous dit le programme. Prions le Ciel pour que celui-ci soit un jour fort en l'essentiel et débandé pour tout le reste, afin que fleurissent partout ces libertés basses qui nous manquent tant ! Au fait, la Saint-Barthélémy c'est bien le 24 août ? Entre le 4 qui abolit les privilèges et le 24, il y aurait de quoi faire !



Cépatou mais pour Roanne, faudrait s'y mettre !

lundi 3 août 2020

Voyage, voyage...


Tous privilèges abolis demain, partons libres au nouveau monde savourer un espace illimité. La voie mythique des temps modernes est la Route 66 qui relie Chicago à Santa Monica sur l'Océan pacifique en 2278 miles. La Wikipedia nous explique tout ça très bien, je fais un don et vous cliquez ici. La meilleure façon d'avancer reste la moto entre copains copines pour ressentir la camaraderie indépassable du biker américain ou du motard français en club. Un clin d'œil aux choppers et... roulez bolides ! On redevient sérieux dans huit jours.




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