lundi 29 mai 2023

Miscellanées de Pentecôte

A tout seigneur... le pélé de Chartres 2023 est un franc succès avec un doublement du nombre de pèlerins. Un reportage, paru dimanche sur une chaîne mainstream de la télévision, s'est attardé, en marchant, sur le tronçon "tradi" de cette merveilleuse aventure, nous spécifiant qu'il s'agissait de catholiques "pré-conciliaires" suivant la messe en latin, marquant, ce disant, un progrès indéniable du journalisme de consommation. Que des jeunes pleins de joie, prêtres en soutane et moines en capuche ! on n'a pas vu l'abbé de La Morandais.

une colonne du pèlerinage de Chartres

J'ai suivi sur le canal 592 l'avalanche des résultats de la présidentielle turque qu'Erdogan a finalement gagnée avec 52% des suffrages. Le renfort décisif de la diaspora très nationaliste - elle ne subit aucun désagrément de la crise économique domestique et ne voit que le pouvoir de nuisance internationale de la Sublime Porte dont elle est fière - a consolidé le succès très net du Sultan dans la voie électorale, qui avec 25.433.000 voix contre lui n'est quand même pas plébiscité. Son concurrent, attaché à redresser la situation socio-économique et financière du pays et à virer les réfugiés syriens, n'a pu remporter les enchères électoralistes en Anatolie. Ceci dit, c'est pareil chez nous, mais en plus subtil.

Fois mille : un voisin est venu hier me demander de lui prêter mon jeu de clés en pouces. "Deux minutes" lui ai-je répondu, à quoi il me dit "prenez en mille, j'ai tout mon temps". Allant à l'atelier, je me suis mis à faire un peu de calcul mental par hygiène, pour trouver que mille secondes faisaient un gros quart d'heure. Je lui en fis part en lui donnant la boîte et nous nous mîmes à calculer :
Mille fois mille, soit un million de secondes font presque une douzaine de jours (11,6) ; mais mille fois plus, soit un milliard de secondes nous portent à 32 ans (31,7) et mille fois plus encore, un trillion, nous fait bondir de 317 siècles ! Mazette. C'est l'époque de Cro-Magnon. Ça sert à quoi, me direz-vous ? A méditer sur notre avenir.

Justement, en soufflant sa bougie de centenaire, le gourou Kissinger a bien capté que l'intelligence artificielle rebattait toutes les cartes géostratégiques par le monde. La puissance pure développée en continu par l'IA va donner le lead aux pays qui la maîtriseront, c'est à dire aux peuples les plus intelligents. S'il ne doute pas des Chinois, il exclut déjà les Russes. Quant aux autres c'est selon. A mon avis, le degré de liberté créative fera la différence. La France aurait sa chance si l'Etat se désengageait de l'économie qu'il veut absolument diriger malgré ses insuffisances.

Parlant de la technocratie, d'un œil distrait j'ai vu sur l'écran bleu que le Premier ministre Borne avait traité le Rassemblement National d'Enfants de Pétain. Depuis un moment déjà elle cultive une image de socialiste pénétrée de compétences et de raison, mais elle oublie que dans un régime démocratique, d'images donc, il faut avoir la gueule de l'emploi, ce qui lui fait défaut. Sur le fond de l'histoire, c'est vrai, mais on peut arguer en bon dialecticien (comme Sébastien Chenu) qu'ils (les enfants) n'ont jamais été majoritaires. De vrais résistants ont soutenu le Menhir.

Terminons sur le gag du jour : l'excellentissime Rishi Sunak - le Trudeau anglais bronzé à l'année voire le Macron britannique avec du blé - a déclaré au DUP de Belfast qu'après les nouveaux accords européens en Mer d'Irlande, l'Ulster avait la chance inouïe d'un accès privilégié à la fois au marché britannique, le cinquième du monde, et au marché unique européen, le plus large et solvable au monde. A quoi le Labour a répondu avec perfidie que c'était la situation dans laquelle se trouvait tout le Royaume Uni avant le désastreux Brexit. Le clown Farage, Nigel Farage, la coqueluche des souverainistes français, en convient : le Brexit a complètement merdé.
Les Rosbifs jettent aujourd'hui tous leurs maux dans le plateau "Brexit" de la balance quand, avant 2016, ils les mettaient tous dans celui de "l'Union européenne". Il faut dire qu'ils en chient comme des Russes depuis qu'ils se sont aperçus que la terre était beaucoup plus basse que ce qu'en disaient les Bulgares qui la cultivaient jusque ici. Leurs récoltes pourrissent dans les arbres et sur pied. Je ne vois pas chez nous Philippot aller aux fraises. Et Singapour-sur-Tamise ne ruisselle pas sur les inforthunés. Mais il n'a pas plu ce week-end, c'est déjà ça.

S'il en manque une, la voici : ils ont viré Patrick Cohen de Radio-France. Je vais m'acheter une livre d'oignons.

jeudi 25 mai 2023

Le Lys royal au duc d'Anjou


Ce carillon, hourvari et fanfare de trompes musicales "Lys Royal" fut créé par Le Débuché de Paris en l'église Saint-Roch de Paris pour le jubilé de l'institut de la Maison de Bourbon en présence de son protecteur statutaire le duc d'Anjou le samedi 13 mai 2023. Petit reportage illustré sur le site de l'IMB en cliquant ici.
Le Piéton regrette de ne l'avoir pas su, tant pour la visite à l'hôtel de Soubise de l'exposition sur la famille royale de Louis XVI aux Tuileries que pour la messe du cinquantenaire à Saint-Roch. Mais bon, avec trois jardins au printemps, on ne peut patrouiller le blue web en permanence ni le carnet du Figaro.

Mais ce qui aura marqué la journée autant que les trompes musicales c'est le speech de Mgr Louis de Bourbon qui est accessible par ici sur le site de l'IMB. Votre blogue favori s'autorise à commenter l'allocution du prince dans ses saillants.

Après avoir noté que le "Centre de documentation [ndlr: prévu par les fondateurs] qui aurait pu recueillir archives et documents divers... n'a pas pu voir le jour", sacré bémol pour la suite, il insiste par deux fois sur la "progressivité" de l'essor, se rappelant sans doute la paresse des Bauffremont qui irritait tant son père. Puis il noie les lauriers que l'IMB pouvait s'attribuer dans les manifestations du Millénaire capétien en réinsérant dans les mémoires "d'autres associations qui avaient vu le jour localement. Un véritable réseau [qui] existait alors pour faire rayonner la cause allant de Lille à Marseille et Nice, de Toulouse à Nancy, de Nantes à Lyon, de l'Aquitaine à la Bretagne". Il enfonce le clou peu après : "fort d’une notoriété retrouvée, l'ensemble du mouvement se réorganisait avec de nouvelles structures dont un Secrétariat et diverses associations ou fédérations régionales d'associations culturelles."

S'il ne parle pas du recadrage musclé de l'Institut fait par le prince Alphonse et encore moins du lancement de son propre Institut Duc d'Anjou destiné à palier les lenteurs et insuffisances de l'IMB, il achève son intervention sur les encouragements à l'endroit de la tout nouvelle "Fondation Maison de Bourbon" créée pour démultiplier l'action patrimoniale et culturelle, avouant en creux que l'Institut actuel n'y parvient pas de manière satisfaisante. On notera aussi que le texte ne présente aucun bilan flatteur du passé - qu'est-ce un millier de membres pour une organisation aussi capée ? - insistant plutôt sur le développement à venir.

Une chose est sûre, le papelard n'a pas été rédigé par un rédacteur de l'IMB mais par la plume personnelle du prince Louis, et les critiques feutrées mais évidentes sont aussi la marque de son autorité, en quoi il nous étonne un peu. Sans doute que les combats menés en Espagne au bénéfice du souvenir de son arrière-grand-père Francisco Franco et de la préservation du legs franquiste l'ont-ils mûri et assuré de son rang : "Eres nuestro rey" criait le petit peuple nationaliste à don Luis-Alfonso, venu manifester en Valle de los Caidos contre l'exhumation du Caudillo. C'est un homme qui a beaucoup appris pour s'installer dans la problématique dynastique. A tout prendre, je préfèrerais l'athlète au penseur dans les jours de gros temps. Que les royalistes français en tiennent compte s'ils ont le projet de réaliser un jour la restauration d'une monarchie.

lundi 22 mai 2023

Le mâle alpha n'est pas celui qu'on croit

Le contraste est saisissant entre un comédien ayant sauté la rampe de l'avant-scène pour s'investir à fond dans la défense de son pays en guerre, avec une allonge diplomatique que bien de ses alter ego peuvent lui envier ; et là-bas, le gnome maléfique confiné dans son bunker anti-atomique étanche à toute réalité, qui ne réagit qu'aux déférences de cour. Un homme sain, intelligent et pugnace malgré l'usure de la guerre ; un culturiste de la virilité rongé par ses échecs.

drapeau séoudien
Après sa tournée européenne d'augmentation du courage occidental, on attendait une forme de consécration personnelle au G7 d'Hiroshima mais c'est à Djeddah, au 32è Sommet de la Ligue arabe que l'effet le plus négatif pour Poutine a été produit. Des analystes sérieux nous donneront-ils les raisons tortueuses qui ont poussé le prince héritier séoudien à faire venir M. Zelensky dans cette enceinte, lui donnant la primeur tant au pupitre qu'à l'exposition médiatique ? Normalement, c'était la Russie poutinienne qui devait bénéficier indirectement du retour à la banque du tyran prodigue, en faisant un pied de nez à la coalition occidentale que l'Alaouite doit affronter encore par procuration. Or, mis à part la déclaration "téléphonée" du refus des ingérences étrangères dans les affaires intérieures par le raïs syrien, il fut question comme à l'accoutumée des éruptions géopolitiques qui minent le monde arabe, telles que l'apartheid israélo-palestinien, la révolte syrienne, la révolte houthie, la guerre civile soudanaise et les vœux pieux habituels sur la corruption et la répression des opinions publiques (clic). Mais on ne parla que de Zelensky.

Pour notre part, j'y vois trois raisons :

(1)- par le traitement très ordinaire réservé à Bachar al-Assad, MBS montre à la Russie qu'elle ne gouverne rien plus loin que ses frontières et surtout dans l'OPEP+ ; la Ligue arabe ne lui doit rien et n'entend pas se charger de ses intérêts ;
(2)- par le traitement exceptionnel réservé au bras armé du G7, montrer à l'Occident global que le monde arabe ne lui est pas hostile pour peu que l'ingérence dans les affaires de l'Orient compliqué diminuent sensiblement ;
(3)- par la réintégration de sa bête noire de Damas, montrer à Israël que les Accords d'Abraham ne lient pas les Etats signataires au-delà des textes approuvés, surtout depuis la rencontre sinoportée des dirigeants iraniens et séoudiens qui doit tout changer... au Yemen, en Syrie et en Irak (mais il y a loin de la coupe aux lèvres).

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A Hiroshima, le président ukrainien a eu la possibilité de parler à des "clients" de la Russie comme l'Inde et le Vietnam (voir la liste des participants) mais pas au Brésilien Lula - que faisait-il là ? - qui met les belligérants dans le même sac et qui s'est retrouvé bien seul assis quand tous les autres se sont levés pour l'accueillir. Par sa seule présence, il a aussi endossé la mise en garde du G7 à la Chine populaire d'arrêter de se payer de mots dans le champ diplomatique tout en déstabilisant des régions entières par des moyens déloyaux. La même Chine qu'il observe dans son agitation diplomatique en Asie centrale dans une concurrence ouverte mais niée avec Moscou.

Sergueï Lavrov peut maugréer tant qu'il voudra dans sa barbe, son influence diplomatique n'est désormais proportionnée qu'à son pouvoir de nuisance (essentiellement le grain), pouvoir que les alliés de l'Ukraine ont entrepris de réduire à presque rien. La Russie de Poutine-Patrouchev n'a plus de projet à vendre à ses partenaires autre que celui de répandre la mort, à son occident pour commencer. Cet obsession morbide va couper la Russie du reste du monde et l'enfermer dans sa paranoïa que bientôt plus personne ne voudra partager. Une puissance régionale, disait Obama, un empire érémitique enfermé aujourd'hui sur sa désolation. Quel contraste ! A Kyiv, un homme crédible dans sa lutte contre l'agression étrangère, montrant un esprit ouvert, présidant un pays libre de gens libres ; là, une jachère immense qui fonce vers son destin coréen sous la férule d'un tyran fébrile et peureux qui se déplace d'un bunker à l'autre dans un train blindé, et ne sortira plus de chez lui depuis son incrimination à La Haye. Ici, on déborde d'ingéniosité pour palier les carences et vaincre dans son bon droit ; là, une jeunesse éduqué est en fuite, une logorrhée risible dans sa primitivité ou déspérante de bêtise se répand sur les ondes, des savants sont emprisonnés parce qu'ils n'ont pas livré au despote l'arme fatale commandée, des élites sont à l'affût de combines pour sortir du piège ! (info +) La Russie de Poutine est presque un album de bandes dessinées. Ils en sont venus à cartographier les nœuds et fuseaux de communications sous-marins européens et les champs d'éoliennes pour instrumentaliser une menace latente, à défaut de faire vraiment peur par ce qu'ils ont montré jusqu'ici en vraie grandeur. On se rengorge ce soir à Moscou de la "prise de Bakhmout", un abcès de fixation de moindre importance tactique, après huit mois d'assauts acharnés et combien de dizaines de milliers de morts ! Est-ce fini ? Le casse-noix est en place.

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Entretemps, j'entendais réciter le catéchisme russe par des analystes du microcosme royaliste et assimilé, tout à leur adoration du Grand Mâle Blanc contrarié par l'Amérique dégénérée, croyant, sans rien savoir au fond, que la guerre d'Ukraine n'est pas notre guerre. Ils nous rappellent les grands anciens qui pensaient que l'affaire des Sudètes n'était pas non plus notre affaire, avant que le tyran de l'époque ne se jette sur ses voisins, l'encre de Munich à peine sèche. Que deviendraient les Baltes et la Moldavie si la paix par capitulation - la seule acceptable par Moscou - aboutissait, sachant que la signature russe est sans valeur depuis 2014 ? Ce ne serait toujours pas notre guerre ? Difficile de faire plus lâche. Le microcosme a une fâcheuse tendance à entrer dans tous les tunnels bouchés de l'histoire, à la poursuite de ses anachronismes, sans rien connaître de la charpente stratégique du monde réel. Hélas ! Trois fois !

lundi 15 mai 2023

Et la révolution bordel !

Las des foutaises césariennes de la classe politique aux manettes qui gouverne par interdictions, j'ai relu le billet de Bertrand Renouvin déplorant la crise démocratique (ici) et j'ai écouté avec attention le dernier débat des Visiteurs du soir animé par Frédéric Taddeï sur la chaîne "fachiste" CNews (là). Vous pouvez tout aussi bien faire comme moi et vous dispenser du énième billet de Royal-Artillerie sur la démocratie en crise, en visionnant cette émission avec, entre autres, Olivier Dard et François Bousquet. Est passé aussi ce même samedi à la télé, l'excellentissime Richard de Sèze qu'on ne présente plus, pour son dernier bouquin En arrivant au paradis*. Sinon quoi ?
Note* : Ce livre est présenté par l'auteur sur Ligne Droite.

graffiti

La démocratie est en crise génétique en France et dans les pays latins parce qu'on n'y apprend pas à contenir ses émotions et à dominer son sujet au-dessus des contingences personnelles. En Europe, on voit que la carte des désordres civiques latents ou exposés est circonscrite à l'arc latin, prolongé jusqu'à la péninsule grecque. Il y a depuis quelques mois la même effervescence en Angleterre mais pour d'autres raisons qui tiennent d'abord à des mesures de coercition coûteuses pour les gens, décidées par une classe politique usée jusqu'à la corde, qui s'est mis la tête dans le sac du Brexit.
Ce régime, plaqué sur des peuples effervescents qui croient être les patrons de leur nation, est un paradigme complexe dont le réglage fin convoque des vertus spéciales qui ne sont pas données à tous. L'Europe du nord y atteint, parce que ses gouvernements écoutent la base - le défi de l'immigration y est emblématique et par exemple, le criblage des entrées au Danemark a ramené l'extême-droite à l'étiage (2%) en appliquant simplement les mesures réclamées par les gens. Sinon, comme disait l'abbé Sieyès, l'apathie du peuple est requise pour que ça fonctionne... mais pas garantie non plus, ajoutons-nous. A défaut, le citoyen doit être mis en confiance de ses dirigeants - un peu de charisme ne nuit pas - ou carrément dépolitisé : la politique, il y a des gens pour ça ! En Gaule aussi ?

La politisation du peuple date ici de la Révolution française quand les actes furent jugés "au nom de lui". On revint deux mille ans en arrière, au pavois gaulois des tribus ingouvernables. Mais la Révolution ne changea pas les chaînes de pouvoir, elle les maintint différemment, sauf que l'aristocratie laissa la préséance à la bourgeoisie. Ces deux groupes n'étaient pas tout inclus dans les deux ordres de la Noblesse et du Tiers comme on le croirait. Bien des administrateurs de talent du royaume venaient de la roture et des bourgeois d'affaires étaient devenus des nobles fiscaux. Le plus sioux fut pour eux de saisir le prétexte de la "liberté" pour se jeter sur le labeur en l'atomisant afin de le mettre à leur merci. Et il y a des cons insoumis qui, le poing levé, se réclament de cette prédation. Quand le peuple s'aperçut que les mouches avaient changé d'âne pour que tout redevienne comme avant, il se souleva, en 1830, en 1848, en 1870, en 1936, posa le fusil en 1940, expulsa les rationnaires de la IVè République en 1958, et ceux qui l'étaient devenus sous la Vème en 1968 ; il dit stop en 1981, en 2005 et se souleva à nouveau en 2018 (GJ), quel que soit le régime en place finalement. Le bouillonnement continue aujourd'hui, non tant contre une réforme mal faite des pensions par répartition de Ponzi que par un agacement général contre la morgue des pouvoirs publics captés par une élite déconnectée des réalités, sous la férule d'un satrape aussi fier que limité dans l'emploi.

Comme le disait la philosophe Barbara Stiegler chez Taddeï, quand Bruno Le Maire déclare connaître le "peuple" parce qu'il l'a rencontré (sic), il s'exclut du demos pour gravir l'Aventin du cratos qui nous surplombe. Le même avait prédit qu'il ne ferait pas un grand score à la primaire UMP car il était trop intelligent, trop décalé de la masse. Cette position d'instituteur d'un peuple incapable d'ordre et de vision est partagée par l'actuel chef de l'Etat, et déteint sur tous les ministres et cabinets qui rédigent en continu projets de loi, ordonnances et décrets. Outre l'abscondité des textes, les intérêts du peuple sont trop souvent écartés au profit, non pas du bien commun qui les prime, mais du bien de quelques-uns qu'il faut pérenniser. A la fin, le peuple submergé par une gouvernance imbitable leur dit merde. Aux deux-tiers, disent les instituts de sondage. A ce niveau de rejet, la machine démocratique se grippe, d'autant plus que le vase d'expansion de l'Assemblée nationale ne joue plus son rôle d'amortissement, à cause de la bordélisation systématique des débats, qui laisse croire que l'antiparlementarisme primaire a fait son lit dans l'hémicycle. Pas besoin de refaire le pont de la Concorde du 6-Février, les députés vont se détruire tout seuls. "Tous pourris" dit la rumeur ? Ils en rajoutent.

Quid de la suite ?
Soit M. Macron dissout l'Assemblée nationale le 15 juillet prochain, soit il ne le fait pas. En ce dernier cas, il entre dans la spirale de la révolution. C'est l'histoire de L'insurrection qui vient. Soit il dissout la chambre en recherche d'une majorité qu'il peut d'ailleurs obtenir par un réflexe d'ordre du corps électoral. Encore une "chambre introuvable". Soit il ne dégage pas de majorité claire et entre dans le tunnel des compromis au cas par cas avec qui veut bien de lui. Son narcissisme laisse augurer d'une démission en réponse à ce qu'il prendra pour un affront personnel. Ce qui ne résoudra rien si le cadre politique (=constitutionnel) reste le même. C'est pour ça qu'il faut retirer l'essentiel de l'Etat du carnage politique d'une démocratie en crise récurrente parce qu'il s'est inscrit dans la durée. Reste la question à mille dollars : par qui le remplacez-vous dans les capacités requises ? Vertige du vide.

vendredi 12 mai 2023

L'affaire de Saint-Brévin

plage et cabane de St Brévin les Pins
Jolie station balnéaire que Saint-Brévin les Pins, et riche idée du préfet que d'y avoir installé en 2016 un centre d'hébergement d'urgence, suite au déménagement d'une jungle de Calais. Au moins purent-ils aller à la plage ou pêcher à la balance d'une de ces cabanes perchées emblématiques du lieu. Il ne se passa rien de "négatif" jusqu'à ce que le maire ait décidé de déménager le centre dans des locaux municipaux vacants près d'une école primaire de la ville. Info : Le centre d'urgence de 50 places installé en 2016 dans un ancien local EDF sera fermé après la mise aux normes d'un local municipal à vendre pour accueillir une centaine de personnes. C'est la même association nantaise qui gère les deux trucs.

Sur la carte de France des conflits latents en xénophobie s'est allumée une loupiotte rouge sous l'estuaire de la Loire. Bien que docteur en médecine, le maire de Saint-Brévin n'a pas eu l'intelligence de laisser en l'état une situation sans histoires. Il fallait comme tout maire qui se respecte, faire quelque chose au prochain conseil municipal et déménager les asilés, en voilà une idée qu'elle est bonne ! Manque de pot, l'accès au bâtiment passe par la grille de l'école primaire et même si "ces gens" ne sont pas dangereux a priori, on ne sait jamais qui viendra demain. Okay ?

Donc rallye anti-nègre et contre-rallye pro-nègre sur la lumière rouge et c'est parti comme en 14 au début de cette année ! La presse vous narre par le menu les exactions des excités du remplacement en montant le son au maximum sur l'ultra-droite, tandis que le maire, écœuré, préfère partir plutôt que de rapporter sa décision au prochain conseil municipal. En sept ans, le centre a vu passer quatre centaines de réfugiés paisibles, ce qui sur une population que quatorze mille habitants n'est pas non plus Le Camp des Saints de Jean Raspail.

Allons au fond. La xénogreffe recherchée par tous les gouvernements d'Europe, à la seule exception de celui du Danemark, ressemble plus à un bâton merdeux que personne ne veut prendre à pleine main. Il y a des motifs d'y souscrire, principalement de main d'œuvre, comme il y a des motifs de la refuser : l'impossible intégration de certaines communautés musulmanes dans le tissu civilisationnel européen et l'agenda civique des réseaux fréristes parfaitement décrit par Michel Houellebecq dans "Soumission", sont ceux qui reviennent sans cesse. Notre dernière approche du défi migratoire reste valide, que nous vous invitons à relire ici (il faut descendre un peu dans l'article). Nous n'y revenons pas.

Le cirque de Saint-Brévin découle du jacobinisme d'Etat qui préside à tous ses actes de gouvernement. Les crânes d'œuf de la technocratie n'ont pas compris une chose pourtant simple. Dans une affaire un peu délicate comme l'insertion d'un centre d'asile dans une société urbaine de moindre taille, l'astuce est de demander l'avis de la population. Si la consultation refuse le centre, les autorités chercheront à le placer dans une ville plus grande de la région. Si la consultation accepte le centre - ce qui est le cas lorsque la capacité d'accueil est basse rapportée à la population de la ville (pas comme à Saint-Beauzille de Putois (34) en 2016 dans le même contexte (Calais) - ce résultat démocratique sera opposable à toute contestation et basta ! Et la contestation en voirie organisée par des partis ou groupuscules radicaux sera passible de répression après interdiction de manifester contre l'avis populaire.
Mais non ! Fidèle à ces ancêtres conventionnels, le gouvernement républicain tranche et coupe jusqu'au plus près du citoyen, avec la certitude jamais démentie de mieux savoir ce qui est bon pour le peuple. Aux étages subordonnés, il y a la même réaction. Tel maire brandit son élection sur un programme attrape-tout pour justifier d'une décision qui n'y est pas mais qui sera prise par délégation du corps électoral local. Et il y a l'orgueil de l'édile qui n'est pas moindre que celui du chef de l'Etat élu par le peuple en délire... sur un socle d'un quart des suffrages exprimés, soit bien moins rapporté au nombre des inscrits, et moins encore sur celui de la population en âge et capacité de voter.

Les thuriféraires de la République-en-valeurs ont plein la bouche de la démocratie, mais c'est finalement après l'exercice imposé de la campagne électorale, ce dont ils se méfient le plus. Si en plus de voter, les gens avaient aussi des idées, où irions-nous ? Changer de peuple ne fut pas dans l'histoire qu'un slogan. Les insultes répétées de M. Macron à notre endroit en témoignent. Il est très vite agacé. Chez les contestataires venus à Saint-Brévin vider l'abcès, il y a plus qu'une alerte contre l'empreinte étrangère qui risquerait de devenir indélébile ; il y a pour eux matière à défier l'Etat vertical qui n'entend rien. Et un soupçon de xénophobie pour le goût.

mardi 9 mai 2023

France, danger droit devant !

Le colloque Action Française du 13 mai précèdera le cortège traditionnel AF de Jeanne d'Arc du lendemain dimanche. Son thème est "La France en danger" et les intervenants sont énumérés dans l'affiche reproduite ci-dessous. Allez-y.

affiche rouge du colloque avec François Marcilhac, Laurent Henninger, Roch de Cauvigny, Anne-Laure Bonnel, Jean Messiha, Bernard Lugan, Jean-Frédéric Poisson, Philippe Mesnard, Pierre-Yves Rougeyron et Hilaire de Crémiers

A côté des intervenants habituels qu'on ne présente plus, sont invités Laurent Henninger et Anne-Laure Bonnel.
Laurent Henninger est un spécialiste "défense" réputé qui a publié des ouvrages de référence sur la question. Il est certainement intéressant d'entendre quelqu'un qui est allé au fond du "danger" que représentent la méprise stratégique franco-russe et les sous-dotations des armées françaises dans un monde en révolution (Babelio).
Anne-Laure Bonnel est une journaliste d'extérieur, reporter de guerre qui va où d'autres vont moins (Donbass, ronds-points, Liban etc). Rapporter des réalités de terrain peut vous faire accuser de ménager la chèvre et le choux, mais revivifier la première victime de la guerre, la vérité, n'est jamais inutile dans un monde où la désinformation fait rage (Gala).

Espérons que ces deux-là auront la plus longue exposition dans ce colloque, puisqu'on connaît déjà ce que diront les autres.
La France en danger ? Parlons-en.

Puisqu'on a commencé par la guerre, faisons-en le premier paragraphe.
(1) Au plan stratégique, la France est en danger de vanité, d'abord sur ses outremers, mais aussi dans ses responsabilités continentales à tenir son créneau au rempart de l'Alliance. La guerre d'Ukraine a dévoilé au grand public des insuffisances graves dans l'équipement de nos unités appelées à combattre en haute intensité, sans même parler d'une masse critique pour le combat de mêlée qui n'existe pas. Les bons esprits (qui redoutent que des crédits sociaux soient détournés vers le réarmement) soutiennent que notre position géographique en fond de court nous dispense du déploiement de masses blindées sur le Rhin. Ils se trompent, car une guerre européenne, hybride et classique, n'aura pas de front. Elle sera partout.
Faute de disposer de moyens de défense conséquents, nous serons un poids mort, revenus de notre arrogance génétique et définitivement déclassés. Réarmons quoi qu'il en coûte !
En zone indo-pacifique, nous sommes à la merci d'intrusions de forces navales ou paramilitaires étrangères qui pourraient submerger certaines îles et s'y maintenir avec le concours d'une population retournée par une propagande habile. Certains ont vu comment nous nous sommes fait jeter du Sahel.
Simple aparté : si nous avions disposé en Nouvelle Calédonie d'une base navale défendue et dotée de moyens adéquats de projection, le retournement australien n'aurait peut-être pas eu lieu.

(2) Après ce sous-investissement, parlons du désinvestissement. Ce qu'on appelle la "fuite des cerveaux" n'est pas une expression galvaudée, comme le grand remplacement de Renaud Camus. Il y a un mouvement d'exorbitation de chercheurs et de jeunes entrepreneurs qui fuient une société sclérosée et revendicative pour se réaliser ailleurs. Exemples nombreux, jusque dans les couche CSP-. L'insuffisance crasse de la classe politique française et le goût technocratique des complications a fini par motiver d'aucuns coincés de partout malgré leur courage ou leurs bonnes idées à partir. Nous aurons bientôt une diaspora française dans tous les pays du monde comme les Chinois ont leurs Chinatowns. Les "quartiers français" (avec bordel de luxe obligatoire) seront autant de relais pour les migrants francophones. La valeur qui est ajoutée au loin ne l'est plus chez nous. Malheureusement l'horizon ne s'éclaircit pas, le tapage le plus bruyant contre nos blocages provenant des masses archaïques de la gauche plurielle agrippée au codex antique du socialisme à compte d'autrui comme la moule au bouchot. Le socialisme nous a coulé ; on en redemande !
Après la saignée des deux guerres mondiales qui ont couché la fine fleur du pays, voila que la dictature des bureaux fait décamper les praticiens de l'intelligence, mettant en danger la remise à niveau de notre pays, ouvrant ce faisant la voie du toboggan de notre inéluctable déclin. Il nous restera qui ?
Petit aparté : quand je vois partir de purs produits des communautés asiatiques sensées s'incruster, je doute encore plus de notre attractivité.

(3) Qui les remplace ? Eric Ciotti, en perdition dans le champ politique, vient de découvrir l'eau chaude de l'immigration soutenue qui menace nos us. Hélas, les migrations sont le propre de l'homme autant que le rire. Sinon nous serions tous encore dans la vallée du Grand Rift éthiopien. S'il est peu douteux que des technocrates onusiens cherchent à faciliter la montée des populations pauvres vers les nations riches, l'affaire se présente plutôt comme une simple mécanique des fluides : dépression, surpression, contrepression ou dit autrement sur Royal-Artillerie depuis trois lustres : entropie générale jusqu'au gap acceptable des niveaux de vie. La faible appétence des populations européennes à se salir dans les travaux pénibles appelle à son remplacement qui veut bien, des populations laborieuses sans espoir d'aucune amélioration de leurs conditions d'existence chez elles. C'est la surpression. La contrepression vient des mesures de freinage des Etats européens sans solution d'intégration des nouveaux venus, tant au plan économique et financier qu'au plan des frictions civilisationnelles. On a le cas aujourd'hui des réfugiés soudanais qui, où qu'on les questionne, au Tchad, en Egypte, au Sud-Soudan ou en Libye, déclarent tous vouloir atteindre l'Europe et sa pax romana. Ce n'est pas un mirage pour eux. Tout ça pour un concours de bites entre généraux soudanais en érection mentale. Et on touche là du doigt le moteur de l'émigration continue en Afrique : la contre-gouvernance des élites autoproclamées qui ont capté les pouvoirs civils presque partout. Rares en Afrique, mais il y en a, sont les pays gouvernés par la raison. La solution ? il n'y en a pas. Un peu comme avec la hausse des océans. Après on peut faire des moulinets contre le complot des illuminati...
Dernier aparté : les mesures de régulation de l'immigration sont connues, certaines peut-être moins:
  • Licencier tout le personnel politique à poste jusqu'au rédacteur de cabinet ;
  • Déporter les mêmes aux Kerguelen, Saint-Paul, Nouvelle Amsterdam et Crozet, l'ivraie comme le chiendent repoussent ;
  • Rapporter le regroupement familial ;
  • Réguler les entrées licites aux quotas ;
  • Récupérer et concentrer les clandestins pour puiser dans un vivier d'OS afin de fournir les secteurs en forte dépression ;
  • Régulariser les travailleurs à temps plein cotisables (l'appel d'air est un leurre, il ne diminue jamais) ;
  • Respecter la sueur d'autrui et dételer les chômeurs professionnels.

(4) Le dernier danger avant le prochain est l'état de calamités des finances publiques en France au sens large, qui va nous autoriser à candidater pour un siège prestigieux à l'Union Africaine. On ne va pas y revenir aujourd'hui, ni lors du colloque du 13 mai apparemment ; sauf à redire quand même, que tant les marchés par le biais des taux de prise en pension de nos bons du Trésor que le Fonds monétaire international par ses remontrances appuyées, vont entamer notre souveraineté en encadrant notre gouvernement de contraintes semblables à une mise en tutelle.
Mais le jour où les jeunes générations comprendront qu'elles se sont fait baiser dans les largeurs par les hypothèques prises sur leurs têtes, bonjour les pogroms dans les EHPAD ! Anciens, séniors ou simplement vieux, ne vous départissez pas du sachet de ciguë !

affiche AF Jeanne 2023 pour le 14 mai à 10h à l'Opéra

Bon colloque ! Bonne Jeanne !

samedi 6 mai 2023

Charles III, un bon vieux roi

Charles III en uniforme
La presse audiovisuelle française se pourlèche les babines, l'Audimat crève le plafond et la seconde de publicité est bien plus chère. La presse écrite ne sait pas trop - qui lit encore le journal chez les masses laborieuses et démocratiques ? - et elle s'est engagée dans le tunnel traditionnel du roi-potiche sans pouvoir politique ; comme ça, nul ne sera ici dépaysé. Mais c'est tout le contraire ! Même si le roi d'Angleterre n'entre pas dans la dispute politicienne - il y a autant de tocards en face qu'en France - il a une fonction d'envergure par bien des aspects, à commencer par le captage de la position suprême qui évite au pays d'avoir un condottiere demi-habile et roué, en capacité électorale d'y atteindre et péter plus haut que son cul, en se prenant pour le roi du monde. Chez nous, les exemples abondent sans qu'il soit nécessaire d'en remettre ! Nous en subissons actuellement les effets. Des autres pouvoirs du roi anglais (armées, église anglicane, ouverture du parlement...) il faut retenir celui d'obliger le premier ministre élu par les Communes, à venir chaque semaine entendre ses conseils, son acquiescement, ses remontrances. Et rien de tel pour remettre les esprits à leur juste place.

Nous, Français, sommes liés par le droit écrit et normalement rien ne se passe qui ne soit prévu et imprimé. A l'inverse, nos voisins britanniques fondent leur vie politique sur la Pratique, se contentant d'un cadre constitutionnel général qu'il n'est pas nécessaire d'amender chaque fois que les oies cendrées changent d'itinéraire. C'est sur la Pratique que se fonde la construction monarchique anglaise et c'est pour cela que nous ne la comprenons pas. Et curieusement encore moins dans le microcosme royaliste français où chacun cherche dans les grimoires où est le béton de ses convictions. Le Bill of Rights date de 1689 et le système de Westminster qui l'explicite fut rédigé par le constitutionnaliste Walter Bagehot en 1876. Si l'on fit des concessions au temps qui passe en 1701 et en 1911, le principe a traversé les âges et finalement le concept n'a pas pris une ride. Mais pour nous, cartésiens, les textes ne donnant aucun pouvoir politique au souverain anglais ou si peu, nous décrétons qu'il n'en a pas, n'imaginant pas une seconde que l'on puisse en pratique supplémenter un texte en se fondant simplement sur la Coutume. Cette pratique de la coutume peut tout aussi bien laisser une certaine liberté au roi Charles de dire son fait à l'opinion dans les cas graves, en quittant le mutisme (entêté parfois) de sa mère. Dira, dira pas ? On verra.

Par ailleurs, si la pérennité du modèle britannique est assurée en grande partie par sa monarchie, l'impermanence du monde n'est pas stoppée pour autant. Avec moins de gants que n'en prenaient les petits Etats de la couronne avec Elisabeth II, des majorités nouvelles y recherchent leur propre souveraineté en créant des républiques.
Depuis que l'Inde et l'Australie n'en attendent plus rien, le Commonwealth est réduit à un club de fumeurs de cigares, le moteur anglais ayant fini par caler ! Le Brexit a montré qu'il n'y avait aucun substitut à la communauté européenne sur cet espace mondial, qui réponde aux attentes du Royaume-uni tel qu'il devient après ce divorce. La City conserve certes ses positions, mais le reste semble à vau l'eau.

Plus embêtant est l'augmentation du son, côté "woke". Deux campagnes sont lancées pour que le nouveau roi accepte publiquement de compenser des siècles d'esclavage d'une façon ou d'une autre, mais on parle aussi de pénalités financières jusque sur les avoirs de la famille royale. La seconde campagne couvre toute la colonisation anglaise dont il est demandé au roi de se repentir avec plus de solemnité que par les regrets exprimés ci et là lors de voyages officiels. Des organes de presse comme The Guardian sont sur la brèche depuis un mois pour que leur "cause" avance. Ce sont les réactions du roi sur ces sujets précis qui marqueront son règne, plus que son inclination évidente pour l'écologie du quotidien qui lui a fait faire des choses exemplaires avant tous les autres.

Quoi qu'il en soit, les peuples du Royaume-uni célèbrent le couronnement de leur roi dans la joie. La monarchie est aussi une fête, des cartes commémoratives, des mugs, des t'shirts, de la vaisselle au chiffre, des bougies et le souvenir impérissable des défilés, les chevaux de la Garde, le carrosse et tout le diable-qui-rit son train.


logo officiel du couronnement - style bleu




Royal-Artillerie a publié plusieurs billets sur la monarchie anglaise dans l'intention de faire comprendre le réglage fin de ces institutions exotiques. Les voici :
- Changing The Guard
- Rule Britannia...
- Le Jubilé du siècle
- Longue vie au roi !

jeudi 4 mai 2023

Ambiance provinciale à la veille des Etats

Demain, il y a 234 ans, s'ouvraient à Versailles les Etats Généraux qui allaient liquider l'Ancien régime. Au lieu de grands développements nous avons choisi d'évoquer les mœurs sociales des années qui les précédèrent en province dans une petite ville cévenole et l'exemple vient de Sumène*.

« Le chevalier Joseph Henry du Fesq, marquis de la ville territoire et dépendances de Sumène, seigneur de Saint Julien, Solanon, Férussac et autres places, était un fort bel homme ayant la cervelle un peu à l'envers ; mais jovial et lutineur de filles, aimant sonner de la trompe de chasse comme aussi de banqueter avec la jeunesse. On lui donna un conseil judiciaire** qui fut M. de Massanne.
« Ce seigneur bon vivant était bien le chef qu'il fallait à cette société du 18è siècle tant aimée des faiseurs d'opéras comiques : gentilshommes égrillards, abbés coquets, bourgeois grognons, intendants fripons, paysans madrés, et les femmes toutes mignonnes, toutes jolies, avec un esprit d'enfer et une vanité de démon, tout cela poudré, pailleté, lisant des vers et prétendant à la sensibilité de Jean-Jacques ou de Diderot.

« Les meubles avaient une grâce charmante, les habits un luxe ravissant et les femmes portaient ces étoffes de soie chiffonée feuille morte ou gorge de pigeon dont la nuance effacée faisant ressortir la blancheur de leurs dents et l'éclat quelquefois emprunté de leur teint. Certes Sumène était bien reculé, bien confiné. Ses dames sentaient fort la province et ses cavaliers n'auraient pas donné le ton à la Cour. Cependant, il s'y trouvait une société assez nombreuse, aimant fort le monde et reflétant en raccourci les manières et les opinions du siècle. Beaucoup ayant couru les garnisons et les villes rapportaient les mœurs et les usages de Paris et des provinces.

« Le marquis de Sumène avait gardé les allures du mousquetaire. MM de Ménard et de Boisserolle brillaient par la légèreté et la raillerie voltairienne. MM. de Massanne étaient aimables cavaliers. Le vieux M. de Labro portait chaque matin un bouquet aux dames avec cette galanterie un peu surannée qui sied si bien aux vieillards. On y trouvait l'abbé de Villaret et l'abbé de Ménard ; les graves parlementaires comme MM. de Boisserolle et de Ménard père n'y manquaient pas. Les marchands eux mêmes alors moins cloîtrés qu'aujourd'hui dans leurs chiffres et derrière leur comptoir, cultivaient l'épigramme et le madrigal, surtout ceux qui venaient de Lyon, Marseille et Bordeaux. On y avait une tessiture de philosophie. M. de Sumène recevait l'Encyclopédie et M. Durant l'aïné passait de bonnes heures dans son jardin en la compagnie de Jean-Jacques Rousseau, Raynal et des autres. On y faisait des vers à la mode de cette époque [...]. On y faisait quelque peu l'amour, on n'en doute pas.

« Cette jolie société avait bien quelques défauts ; elle était frivole, pointilleuse, jalouse, possessive, mais elle allait mourir souriante et parée, et notre démocratie aura bien de la peine à enfanter sa pareille pour la politesse et l'esprit. »

L'auteur*** rejoint là le mot de Talleyrand-Périgord :"Qui n'a pas vécu dans les années voisines de 1780 n'a pas connu le plaisir de vivre" auquel j'ajouterais "pour peu qu'on ait du bien"


Note *: Dans l'arrondisseemnt du Vigan (Gard)
Note **: ou dit autrement, un curateur
Note *** : Histoire de Sumène écrite pas Isidore Boiffils de Massanne en 1864

vue de Sumène

Faible d'esprit mais excellent cœur n'ayant jamais vexé personne, le marquis Joseph Henry du Fesq s'éteignit en février 1814. On l'ensevelit sans mausolée ni épitaphe au milieu de ses anciens sujets. Deux mois plus tard, à l'annonce de la proclamation de Louis XVIII comme roi de France, M. de Massanne en grande tenue précéda la foule enthousiaste des Suménols à l'église paroissiale pour entonner le Te Deum. L'auteur du livre précise qu'alors « les catholiques chantèrent beaucoup, crièrent beaucoup mais ne firent aucun mal ni dommage aux patriotes. Tous les partis maudissaient Bonaparte. » Puis vint la Terreur blanche, sans que le sang ne coulât à Sumène, mais c'est une autre histoire, histoire qui se continue encore dans cette ville jadis prospère devenue aujourd'hui un village nécessiteux.

mardi 2 mai 2023

Fitch alors !

Dans un billet resté fameux de Royal-Artillerie*, on soutenait que dans l'état de calamités avancé où se trouve notre pays, il sied de sauver l'essentiel pour qu'il ne soit pas emporté par la crue des taux d'intérêts que les banques centrales annoncent, au milieu de tous les déficits qui plombent déjà notre société avachie et son économie déglinguée. L'essentiel, comme son nom l'indique, c'est le "régalien". On y est : Fitch Ratings dégrade la note de l'Etat français.

Qu'est-ce à dire ? Que les analystes de risque les plus importants de la planète mettent la solvabilité de l'Etat non pas en doute, mais en débat. Certes, après la claque de janvier 2012 qui, Sarkozy régnant, nous a dégradé de AAA à AA+ chez S&P's, il ne fut jamais évoqué les bons russes en parlant des bons du Trésor français. Il en sera de même cette fois, l'Etat étant adossé au bas de laine français qui sera mobilisé sans retenue en cas de pépin. Mais si Moody's et Standard & Poor's vont au rallye en juin, les taux de prise en pension de nos bons à 5 ou 10 ans vont fatalement augmenter, creusant un écart sensible avec ceux appliqués aux émissions de la Banque centrale allemande. En conséquence de quoi, nous aurons à financer une ligne budgétaire du service de la Dette plus chère, entamant d'autant les arbitrages en faveur des nécessités politiques du pays. Moins d'argent pour l'essentiel, plus d'argent pour les prêteurs étrangers, nos zinzins et pour la BCE. Elle, va remonter ses taux.

diagramme des horaires de cotations
A entendre le surintendant Le Maire et le silence de Macron, la gifle de Fitch leur en touche une sans faire bouger l'autre ! Mais ils vont vite déchanter à entendre monter dans la presse internationale les sarcasmes et sombres prédictions sur la France ingouvernable, surtout par des amateurs. L'émeute parisienne du 1er mai a fait le tour du monde. Les analystes les plus pointus lisent aussi le journal.

Une synthèse utile de La Finance pour tous sur les agences de notation vous en dit plus en cliquant ici.

Sauf miracle, il sera quasiment impossible de résorber nos déficits budgétaires et sociaux d'ici la fin du quinquennat de M. Macron. Faute de perspectives politiques, il n'a de réponse au mécontentement que du quoiqu'il en coûte, et la situation de nos comptes publics ne pourra que s'aggraver, quels que soient les artifices employés et la cavalerie des échéances. Le risque est donc une nouvelle dégradation de la note après la loi de finances rectificative qui sera déposée au sein d'un collectif budgétaire à la fin de l'automne prochain devant un parlement où le gouvernement n'a pas de majorité. Tout refus actera le pourrissement de l'action publique et retentira dans les salles de cotations outre-atlantique. On aimerait que ça se passe autrement, mais le comportement dédaigneux du président et de ses ministres qui, comme des paons, se jugent au-dessus du bon sens populaire, va forcément amplifier la crise politique à la Rentrée. Dissoudre et disparaître sera alors la seule échappatoire avant que de démissionner lors des vœux de nouvel an. Alors descendra le messie dans les jardins de l'Elysée. Y-a-t-il un féminin à "messie" ?

En attendant, vous pouvez suivre tout ça sur le site remarquable de l'Agence France Trésor (clic) où opèrent de super-pointures. Ne pas se priver de fouiller dans les pages, il y a tout.

lundi 1 mai 2023

Vlad Ze Minus

Tapis ! Je vois ! L'affaire va se jouer en un seul pot comme au poker. La guerre ukrainienne de déception est à son comble et augure une offensive générale depuis que les Etats-Unis ont déclaré que 98% des armes promises avaient été livrées à Kyiv. La belle assurance des plateaux-télé moscovites a cédé le pas à des interrogations de plus en plus angoissées, chacun se demandant s'il verra un jour la victoire, surtout depuis que sautent des bombes dans les grandes villes, comme jeudi à Moscou où un centre financier très récent a couvert le ciel d'un gros panache de fumée noir anthracite pendant plus d'une heure ; et samedi dans un parc pétrolier de Sébastopol, ville sacrée de la vache éponyme. L'eurasiste Douguine a été raté mais sa fille a payé pour lui ; le milblogueur Tatarskii (500k abonnés) a recu le cadeau attendu qu'il emporte en enfer ; Igor Guirkine se dit menacé ; d'autres suivront. En face d'eux, les oligarques fortunés tombent comme des mouches, par les fenêtres. Bientôt, puissants et fonctionnaires du Kremlin commenceront à avoir peur ; peur d'une défaite en Ukraine qui ruinerait le pacte de famille à la sicilienne déclenchant la lutte de tous contre tous, peur de la Résistance infiltrée capable de les tuer comme des blaireaux. Cette peur se communiquera-t-elle au leader suprême ? Déclenchera-t-elle l'armaggedon tant redouté s'il est cornerisé ?

Vladfimir Poutine en avril 21 pour 20minutes

Poutine s'est mis tout seul dans la seringue. Il n'a jamais été au niveau que méritait la Russie avec son histoire, ses vraies élites scientifiques et culturelles et ses rentes minières inépuisables. Tout était là pour développer une industrie de biens de consommation à proximité du marché de consommation le plus solvable de la planète, l'Union européenne. Il n'a rien compris au film et, comme un ado de 16 ans dans un jeu de rôle, il a voulu jouer Ivan le Terrible à lui tout seul, après avoir décidé que faire peur était plus à sa portée que de faire intelligent ! Il n'est pas le stratège que d'aucuns célèbrent. Le serait-il que depuis son avènement au pouvoir il y a vingt-trois ans, il aurait lancé pour de bon la transformation de l'économie russe. C'est certes un opportuniste, adroit, tacticien, mais finalement adepte du petit jeu parce qu'il le maîtrise. En fait c'est au départ un agent lambda des services spéciaux qui a vu de la lumière passant par une fente dans un immeuble de pouvoir. Il s'y est glissé. A le voir engloutir des milliards dans une flotte de combat alors que, sortie des métropoles, la Fédération de Russie est une Afrique froide (le chancelier Schmidt disait "une Haute Volta avec des fusées"), on mesure la puérilité de ses obsessions. Il a refusé la mondialisation pour la même raison que les souverainistes français : le défi n'est pas à sa portée, intellectuellement, et il ne sait pas comment rehausser ses capacités économiques dans une autarcie choisie. Ça le dépasse complètement.

Il y a neuf ans jour pour jour, j'écrivais un pamphlet contre Poutine que la droite dure et jusqu'à ses extrêmes adorait. Contrairement au rédacteur, il n'a pas pris une ride. Voici le papier, salut à François Davin :

[Vladimir force B - 1er mai 2014]
L'empire de la Force remplace-t-il au Kremlin l'empire de l'intelligence ? L'équation ukrainienne n'est pas soluble dans la géométrie primitive du pouvoir actuel qui n'a pas compris l'énoncé du théorème. Il ne s'agit plus entre les nations du monde de comparer les tonnages des flottes, le blindage des chars, la portée des canons, même s'il est prudent d'en garder l'essentiel ; la force brute d'antan est remisée aux magasins d'accessoires à défilé, pour nourrir le rêve des chasseurs de décorations. Ce qui compte et classe les nations les unes par rapport aux autres c'est la richesse économique, l'innovation et les capacités financières. L'acier de Stalingrad est oxydé. C'est ce que leur dit l'ancien cadre du parti communiste allemand Merkel au téléphone chaque jour.

Monsieur Poutine appelle à la confrontation de force qui valorisera son mandat et provoque sans relâche son cousin du sud qu'il sent mal affermi, mal allié. Il guette le faux-pas qui lui donnera le prétexte - la bombe du chemin de fer de Moukden - il sent la victoire facile, rapide, criméenne. Le chef des "coalisés" - car le nouveau Csar se croit cerné - est un nègre, élégant certes, prolixe au pupitre, mais de peu d'histoire en bagage et d'un tempérament non violent, finalement un démocrate américain à l'emblème de l'âne, un Carter. Lui Poutine, est dans la trace des empereurs de la Sainte Russie, qui voit l'opportunité d'une revanche à la liquéfaction de l'Union soviétique. Il prendra la pose pour la postérité sous les aigles décroisés. Les "occidentés" ne se battent pas ! Il en est averti par la retraite de Syrie. Les pleutres, les lâches brandissent des menaces virtuelles mais la VI° Flotte n'a pas passé les Détroits. Elle a peur, c'est sûr. Ils n'osent pas toiser la puissance nucléaire russe. La Tchétchénie, la Géorgie leur ont montré ce qu'est une Russie en guerre ! Hélas, Monsieur Poutine n'a rien compris au film, et ses thuriféraires français pas plus !

La force brute est périmée, Barack Obama le sait, Angela Merkel le sait, Xi Jinping le sait, Shinzō Abe va le comprendre, Poutine le saura trop tard (l'opinion des autres est sans importance). Dans notre globalisation, dans notre monde interconnecté en permanence à la vitesse de la lumière, la vie et la bonne santé des nations dépendent de tous les autres. Comme le dit de la Chine Qiu Xiaolong in Cyber China, "le monde se transforme en un gigantesque réseau de relations où chaque maillon, étroit ou distendu, visible ou invisible, unique ou multiple, ne tient que grâce au tissage serré de l'ensemble". Les exemples sont nombreux. Les hypothèques pourries détenues par Freddie Mac et Fannie Mae aux USA ont mis le feu à la planète. Le tsunami japonais a arrêté les chaînes automobiles européennes. Un krach immobilier d'une mégapole chinoise entraînera immédiatement un bridage du crédit de la BPC qui se répercutera en quelques semaines partout. Alors, quand ça ne marche plus, quand l'espérance s'éteint, quand le futur est plus gris que le présent, les peuples d'aujourd'hui se lèvent, s'organisent et remplacent leur dirigeants, dans le sang s'il le faut. Les régimes les mieux affermis tombent ; et, à l'exception du pouvoir alaouite de Damas, la liste des "tyrans" balayés s'allonge. Le chantage russe est de déchirer le gigantesque réseau qui ne pense pas comme son président et fait mine de le menacer, la Russie dut-elle en périr ! Folie.

Vladimir Poutine est un homme des années cinquante, un brejnévien qui compte ses fusées, un fana du balcon stalinien. Il a d'ailleurs stoppé les négociations de réduction du nombre d'ogives, c'est le signe d'un décalage mental. Il ne veut pas assimiler l'hypothèse que les Occidentaux puissent plier l'économie mondialisée russe à relativement peu de frais, et que, si la "folie" dénoncée par Frank-Walter Steinmeier ne cesse pas, ils vont le faire. A quoi serviront les quarante mille pions de la Sainte Russie disposés en troupes d'occupation du Donbass quand les capitaux russes et étrangers se seront faits la malle ? Avec quel argent se développera une industrie de fabrication incapable de croître seule ? D'où viendront les ingénieurs étrangers indispensables à la modernisation de l'immense fédération perdue dans les classements internationaux si les garanties locales sont annulées parce que le droit international est violé ouvertement et plusieurs fois ? Avec quoi nourrira-t-on in fine les « masses laborieuses et démocratiques » si l'édition des factures de pétrole et de gaz est sévèrement empêchée ? Le stratège s'en moque, l'intendance suivra, comme aurait dit l'Autre ! Mais ce temps est fini. Les peuples ne savent plus souffrir comme avant.

La situation de crise prolongée aura certes un impact sur le commerce mondial des énergies fossiles mais le désastre annoncé en zone russe rémunérera la posture démodée d'un ancien agent du KGB, poussé au faite du pouvoir par un pacte de non-agression et de protection de la coterie sortante, ne l'oublions pas. Enfermé dans le mental d'un dresseur d'ours, le président autiste n'écoute plus que les conseils qui le rassurent dans la victoire annoncée, victoire à portée de rêve. Entre-temps, l'économie s'effiloche, les coffres se vident, le chômage s'étend et le troisième acte pourrait bien être à terme, après la chute du Csar au pied petit, la transformation de cette économie de rente à l'africaine en une proie du capitalisme mondial ! Quel tombé de rideau pour une pièce créée par... l'acteur Ronald Reagan !


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