jeudi 31 mars 2022

De la neutralisation de l'Ukraine

V. Arakhamia
*Arakhamia, le négociateur ukrainien* 
Mardi dernier, le gouvernement ukrainien a proposé aux représentants du Kremlin la neutralisation stratégique de l'Ukraine contre une garantie de sécurité automatique donnée par des pays choisis par les parties et actionnée par un article "Cinq" du traité à établir, comme il en va du fameux article 5 de l'Alliance atlantique (que personne n'a relu apparemment). Sont pressentis en caution solidaire le pays hôte des négociations, la Turquie, l'Allemagne, la Pologne, Israël et quatre des cinq puissances permanentes du Conseil de Sécurité de l'ONU. Cette neutralisation serait assortie d'un premier renoncement à faire partie de l'Alliance atlantique et d'un second s'interdisant de développer des armes nucléaires.
Le négociateur russe, Vladimir Medinski, a parlé de "discussions substantielles" en promettant que "les propositions claires" de Kiev allaient être soumises au président en vue d’un accord. A lire le démenti des Affaires étrangères de Moscou le lendemain soir, on a compris qu'Attila s'était mis en colère à l'idée qu'un de ses négociateurs, réputé pourtant le plus ultra, ait pu laisser croire aux chancelleries occidentales que la Russie arrêtait les frais. Il lui faut écraser l'infâme. L'infâme s'appelle Zélensky. Espérons que ce coup de sang quotidien lui détruira le cœur, mais en attendant la libération, on peut juger la proposition de neutralité ukrainienne intéressante, même si elle soulève des difficultés en l'état. C'est ce que nous allons voir.

Que pense la géopolitique de ce pacte de non-agression ?

Les pays de garantie seraient donc les Etats-Unis, la Chine, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Pologne, la Turquie et Israël ; la Fédération de Russie prenant forcément la garantie contre elle. Cela peut-il marcher ? Le doute est permis, et doublement, par la mauvaise foi récurrente du pouvoir russe à retourner tout mouvement déplaisant en une agression caractérisée contre lui, susceptible de lourdes représailles parfaitement motivées pour la communication intérieure du pouvoir. Autre pierre d'achoppement : cinq pays sur les huit cités sont membres de l'OTAN. Tout mouvement de l'un deux sera allégué par Moscou comme une menace des trente nations atlantisées. Nous ne résoudrons pas cette complexité ce soir. Par contre nous sommes capables d'examiner l'intérêt de chacun à monter dans le bandwagon de la neutralisation :

Etats-Unis d'Amérique : on sait que la politique étrangère des Etats-Unis est définie à moyen terme par le Sénat et mise en œuvre plus ou moins spontanément par le président pendant deux ans, soit la période courue entre l'élection présidentielle et les mid-terms. L'implication des Etats-Unis en Mer Noire dépendra de l'agenda du Sénat mais l'automaticité d'engagement à la défendre exigée par l'Ukraine peut aussi le rebuter comme en témoignent les termes exacts du fameux article 5 dans son original français faisant foi. A mâcher lentement pour comprendre :

Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.
Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales.

L'entrée en guerre n'est nulle part "automatique" et les Nations Unies demeurent l'alpha et l'omega de la réaction attendue. On dit beaucoup de choses sur la stratégie américaine, on lui prête beaucoup de projets sournois et pourtant elle est simple : l'Amérique se dit première en tout, ce qui n'induit pas nécessairement une tentation hégémonique irrépressible. Les deux théâtres de la deuxième guerre mondiale ont vu la capitulation des tyrans entre les mains américaines : il en reste tout le dispositif de défense actuel. Concernant l'Europe et contrairement à une idée répandue, il n'y a un majorat américain que pour la seule raison que l'Europe a refusé jusqu'ici de se défendre à ses frais. Le ferait-elle - en sabrant dans le coût dispendieux de ses modèles sociaux - que l'Amérique serait bien heureuse de n'y venir qu'en touriste, en voyage de noces ou d'études. Resterait le parapluie nucléaire américain jusqu'au désarmement combiné, ce qu'avaient entrepris les présidents américains à partir de Nixon avec les accords SALT.

Chine populaire : même si elle peut apparaître comme élément modérateur ayant les faveurs de Moscou, on voit mal la Chine se lier les mains dans un accord de défense automatique à l'ouest de l'Himalaya. Toute son empreinte occidentale vise à protéger la muraille (jusque parfois très loin au Kazakhstan) ou à capter des lacs d'altitude ou bassin versant utiles comme au Ladakh. On la voit mal s'investir dans un conflit potentiel compliqué, sans base-arrière, même s'il est susceptible de dégénérer en ruine de l'allié principal dans leur politique de terreur. Où est son intérêt bien compris, où est le profit ? Etre membre permanent du Conseil de Sécurité lui suffira-t-il à se décider de signer ? J'en doute.

Pologne et Turquie ont un intérêt direct en Ukraine puisqu'elle y ont laissé des plumes dans l'histoire et qu'elles sont en frontière du problème. Leur participation à un accord régional de défense rehausse en plus la présidentialisation de leur dirigeant dans la cour des grands. La Roumanie ne pourra pas s'y joindre à cause des massacres d'Odessa de 1941.

Royaume-Uni : qu'en dire ? Allié indéfectible des Etats-Unis et bénéficiant d'une garantie spéciale de défense (Accord de défense mutuelle entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni), Londres suivra son partenaire historique, mais pourra renforcer son allié polonais si celui-ci est impliqué dans une garantie à premier appel, en fournissant de l'armement et en tenant la mer à partir de ses propres bases navales en Ecosse et à Chypre.

Allemagne : on sait les réticences allemandes. La neutralité lui plaît, la sienne. Il a fallu secouer fortement Olaf Scholz pour qu'il sorte de sa sidération orientale derrière Gerhard Schröder et Willy Brandt. De son propre mouvement il ne viendra pas sur une garantie automatique d'autant que la population allemande reste très mitigée sur le choix d'un camp dans l'affaire présente. S'il a décidé de réarmer (attendons quand même le Bundestag) et de diversifier ses importations d'hydrocarbures, c'est qu'il anticipe à terme un retrait américain dès la ruine russe acquise. Il n'a pas décidé d'aller plus loin dans une crise qui coûte déjà beaucoup à son industrie, tant pour la sous-traitance que pour le marché de consommation russes. Le far-west de l'Allemagne est à l'est comme son avenir, et Berlin capitale est idéalement placée pour ce projet.

France : si je devais faire une conférence du soir dans un cercle royaliste je commencerais par les trois fleuves : la géopolitique française dès que fut constituée une nation ou ce qui y ressemblait, fut gouvernée par trois fleuves : le fleuve de Meuse-Saône-Rhône des Gaulois, le Rhin des Germains, le Danube des Slaves. Le territoire entre les deux premiers fut conquis de haute lutte sur les impériaux ; entre le deuxième et le troisième l'histoire fut celle des soucis plus ou moins créés par les autres ; au-delà du troisième s'étendait une terra incognita de la diplomatie française qui ne s'y sentait en rien concernée. Ça en jette ! Dès le XIVè siècle, les rois de France jugèrent hasardeux et de nul bénéfice à aller au-delà du Danube défendre des intérêts étrangers. La molesse française observée à la ruine du royaume de Jérusalem ou à la conquête ottomane des Balkans le signale, comme notre désintérêt pour le siège de Vienne. Mais il serait bien étonnant que le président Macron, réélu, ne succombe à la vanité de faire plus grand que grand, à l'image de notre grand toqué de François Premier, sans cette fois encore les moyens de nos rodomontades. L'affaire est entre les mains des Turcs. Macron a trois jours de munitions et Toulon est à 5 jours du Bosphore fermé à clef !

Israël ? L'Etat hébreu n'a rien à faire là, même s'il y a des juifs partout dans les deux camps en guerre. Surtout en position d'occupant de la Cisjordanie, Donbass des sources d'eau palestinienne. Eux aussi se poussent du col et veulent entrer dans le grand jeu. Parce que Poutine enrôle le Hezbollah ? Ce n'est pas sérieux mais peu visible dans ce monde si peu sérieux.

Le projet de neutralisation de l'Ukraine par les Ukrainiens est-il compromis ? Pas encore, mais en l'état il n'est pas jouable. Les conseillers de Kyiv à la table de négociation d'Istanbul ont-ils sondé les reins et les cœurs des nations appelées en garanties ? Ils n'en ont pas eu le temps et nul n'a vu encore de réactions occidentales à ce dispositif qui a quand même le mérite de proposer un os à ronger au petit csar pour le distraire de ses fureurs nocturnes. En pure perte ! Il continue le bombardement aveugle des quartiers d'habitation. On (Mi6-GCHQ) le dit désinformé par ses proches conseillers terrifiés.


Postscriptum : Le Monde (abonnés) a publié hier un entretien de Michel Eltchaninoff (avec Nicolas Truong) qui prouve la cohérence du raisonnement de Vladimir Poutine même si les réalités affrontées divergent de la doxa nationaliste russe. Un conservatisme inébranlable, une slavophilie à toute épreuve et un eurasisme assumé pour un natif de Léningrad, l'éloignent de l'Occident. Trois auteurs sont sur sa table de chevet : Ivan Ilyine (théoricien de l'Armée blanche), Nicolas Berdiaev (philosophe orthodoxe) et Nicolaï Yakovlevitch Danilevski (slavisme spirituellement supérieur). On accède à l'entame en cliquant ici. Le document .pdf sera disponible ici dès la semaine prochaine en envoyant un message par le formulaire de contact ci-contre. L'article du Monde est fouillé et succède à des analyses poussées de l'auteur sur le cerveau poutinien.

mercredi 30 mars 2022

Faits, méfaits et allégations

Toutes les guerres commencent par un mort, un premier mort, et il a partout le même nom dans toutes les langues du monde ; il s'appelle "Vérité". Ainsi l'avait dit Kipling au petit Mowgli autour d'un feu de camp au fond de la jungle.
Dans l'affaire d'Ukraine il faut toujours garder ce proverbe à l'esprit, sans qu'il ne doive empêcher non plus de comprendre la situation à l'aune des allégations fournies par les parties en conflit. Un gros mensonge en dit souvent autant qu'une simple vérité. Mais ça demande plus de temps d'analyse que n'en ont à leur guise les experts et autres professionnels de la guerre qui hantent les plateaux télévisés. Méfions-nous donc de l'assurance platronnée par les intervenants. Les meilleurs sont parfois timides.

Tout le monde s'est royalement trompé depuis le sur-bluff initial de Vladimir Poutine qui éludait toute invasion, jusqu'au pessimisme affiché du CEMA Burkhard donnant il y a quinze jours, quinze jours justement aux forces ukrainiennes pour capituler ; lequel pronostic était repris en boucle sur la piste aux étoiles des commentateurs en 2ème section. Bon, on ne va y passer tout cet article non plus.

Dans ce combat contre la vérité il y a les justifications historiques de la russification de l'Ukraine pour endosser les discours de Poutine niant toute originalité à cet "assemblage" de pays issus des partages européens et de la guerre froide. S'y mêle l'Orthodoxie, tout un roman ! Des conférenciers ou éditorialistes de notre bord ont acheté la boîte à outils historiques du Kremlin parce qu'elle instrumentalise l'histoire à l'explication de la situation présente qui s'oppose à la logique découlant de la saccade d'événements antérieurs voire carrément anciens. Il ne laisse de m'étonner que nos penseurs ait gobé si facilement les reconstructions historiques d'un dirigeant, à la limite inculte, sans creuser un peu plus sous le vernis de la propagande. Chaque lecteur les reconnaîtra sans qu'il soit besoin de les nommer. Sauf qu'une fois encore leurs savantes conclusions croisent à angle droit les réalités du terrain. Et plus que toutes autres, la nation niée mais précipitée en bloc par la guerre ! Que vient faire la Galicie polonaise reprise par l'Autriche dans la schmilblick de 2022 ? la fondation du port d'Odessa par Catherine II quand la ville fut dépeuplée plusieurs fois et la dernière de tous ses juifs ? Les appartenances territoriales du passé ne sont pas pertinentes tant les populations ont été brassées, tuées, rebrassées en ces contrées. A l'exception aujourd'hui de la municipalité fédérale de Sébastopol et des enclaves russes sur la côte du Donbass (les Russes y remplaçant jadis les Ukrainiens morts de famine, et à nouveau en 2014 vidées des derniers Ukrainiens de souche) toutes les villes sont passées à l'Ukraine, même les villes russophones de Kharkiv (quatre fois détruite dans le passé), Marioupol et Odessa. Et les petits bleds partout, même indécis au départ de la crise, ont rallié rapidement la Résistance, toujours derrière leur maire, quel que soit l'idiome employé au marché du coin. Il faut dire que l'animosité criminelle déployée par l'Union soviétique en Ukraine est facilement remontée des profondeurs de l'histoire à force de bombardements russes. Subitement, on se souvint des contes de la veillée parlant des horreurs d'avant-guerre ! Parlant de l'holodomor !

S'il est un match dans le match que l'Ukraine a gagné c'est celui de la communication, et ce, grâce au président Volodymyr Zelensky dans le rôle de sa vie, comme au maire de Kyiv, Vitali Klitschko dans le combat de ring de sa vie. Comme quoi, l'Ecole de Guerre n'est pas l'alpha et l'omega de la capacité à vaincre : un peu d'intelligence, un peu de résilience mentale ne nuit pas. Le pays en ce moment a la chance de les avoir ! Mais ne laissons pas croire que la communication du Kremlin a échoué en Russie : le peuple adhère à la fable de la menace de destruction des Russes par l'Occident diabolique.

table de négociation Istanbul

Que penser de l'échange de bons procédés entre les délégations russe et ukrainienne à Istanbul ? On se souvient des trains de blindés russes remontant soi-disant vers leurs casernes d'origine avant que ne soit lancé l'assaut vers le Sud avec d'autres. On imagine les mêmes colonnes blindées quittant leurs position retranchées autour de Kyiv et faire demi-tour, s'il ne s'agit pas de la relève de la garde par des unités recomplétées et réinstruites. La Vérité a la chance de disposer d'un réseau satellitaire de renseignement qui compte les points et les compare à ceux échangés sur le tapis vert d'Istanbul. Tenons-nous en aux faits et ne conjecturons pas plus que de raison. Poutine ne peut pas faire la paix à son détriment. Ça le tuerait ! Mais il est une hypothèse crédible : les pouparlers de paix, s'ils sont connus des unités élementaires russes, vont déclencher une certaine inappétence au combat de l'infanterie russe chez laquelle nul ne voudra jouer le rôle du dernier mort avant clairon de l'armistice.
On parlera bientôt de la neutralisation stratégique garantie de l'Ukraine telle que la propose Kyiv.

jeudi 24 mars 2022

Nouveau Secrétaire général AF

Après Juhel, Steinbach, Bonnaves, Tilloy, Kayanakis, Pujo, Perceval et Bel-Ker, Francis Venciton est arrivé. La Vieille Maison vient de choisir son nouveau Secrétaire général au banquet des quatrevingt chasseurs, plus sûrement chefs de section et présidents fédéraux comme le déclare l'Action française sur son site officiel (clic). Bienvenue à l'impétrant !

Francis Venciton
Francis Venciton fut le second de François Bel-Ker. La notice AF précitée vous dit tout et la Wikipedia déjà un peu. C'est le bon choix. Le bon choix pour faire quoi ? On attendra le compte-rendu de séance pour mieux le comprendre. Erudit actif et motivé, ne gardant pas la canne dans sa poche, il va affronter la sortie de crise : tous les mouvements politiques se savent au seuil de profonds bouleversements de la société politique française, bouleversements provoqués par la faillite citoyenne du régime de la Vè République dégénérant de coup d'Etat en coup d'Etat par amendement de la Constitution originelle de 1958.
Le facteur déclenchant pourrait être le faible taux de participation à l'élection présidentielle déjà pliée et aux élections législatives toujours truquées par une loi électorale protégeant les sortants et les combines d'appareils. En un mot comme en cent, le peuple n'en veut plus, qui vote avec ses pieds, surtout du côté de la jeunesse, laquelle n'observe même pas le processus électoral dont elle se contrefout. Son "monde" est numérique et mondialisé, les cuisines partisanes de notre belle république en soins intensifs ne l'émeuvent pas. C'est je crois le gros défi finalement pour Francis Venciton : déborder des groupes militants surformés à la conquête d'une jeunesse à convaincre que la politique va, quoiqu'elle en pense, s'occuper d'elle et gravement !

Peut-être que le reset stratégique global actuel, qui va rebattre toutes les cartes d'Ushuaïa à Vladivostok, serait une façon d'entrer en conversation. Faut-il encore avoir une image nette de la projection en jetant les grilles d'analyse qui ont échoué et en privilégiant une lecture savante de l'espace-monde actuel. Eriger ex-nihilo un système géopolitique adapté à une paix durable sur terre est le défi mondial qui n'a d'égal que le réchauffement climatique. C'est un gros travail, certes, mais la jeunesse attend qu'on la hisse à ce niveau. Aux monarchistes convaincus de le faire puisque la politique des intérêts particuliers enchéris d'émotions décisives nous a conduits aux portes du cataclysme nucléaire. Davos avait tout faux.

mardi 22 mars 2022

Présidentielle, on entre dans la ligne droite

le démagogue de Daumier
Les chroniqueurs ont bien du mérite à vouloir nous intéresser à la campagne électorale. Macron dans un fauteuil et le reste dégage ! Hâbleur comme les aime un peuple politiquement immature, fan de promesses et vessies, Emmanuel Macron est pour ce peuple le menteur archétypal de l'exercice démocratique : promettez, promettez, il en restera bien quelque chose au soir du 24 avril. Lire sa liste de courses au Carrefour du coin achèvera de vous sentir pris pour un con, par un candidat qui a passé cinq ans à ignorer ses promesses de la campagne précédente et à mépriser qui n'est pas lui. Ils sont onze à concourir. Les voyez-vous, les houzards, les dragons, la garde ? Humour :

Nathalie Artaud (1,5%) déroule l'insurrection qui vient comme en 2017 avec une abnégation qui force l'estime, à se demander si finalement il ne serait pas plus court d'en passer par là et de foutre en l'air les bourgeois ! c'est comme les cochons.

Philippe Poutou (1,5%) n'en démord pas et parle plus vite que Besancenot. Fin dialecticien, tout le monde le comprend. Une analyse plus fine distinguerait ce qui le sépare de Mme Artaud à part le sigle du parti révolutionnaire. Sachant qu'il n'a comme elle aucune chance en l'affaire, il se lâche et y va carrément. Ce n'est pas pour me déplaire même si je ne roule pas en Ford automatique. Et Jean Lassale lui a donné son parrainage de député, quand même !

Nicolas Dupont-Aignan (2%) obtient le renfort symbolique mais ô combien médiatique de Brigitte Bardot qui fait une infidélité au Front national. Je n'ai jamais compris son rôle de maraudeur gaulliste à totem d'immunité sur ses terres, et pour quelqu'un qui aspire à être remboursé - ce coup-là Charles Gave s'est méfié - je le trouve courageux d'avancer des propositions irréalisables sur les "dépendances" françaises chez un pays en faillite générale ; sans doute sait-il qu'il ne risquera jamais de les mettre en œuvre et que ce qui compte c'est de gagner la chaufferette parlementaire au mois de juin avec la pension de retraite qui va bien ensuite.

Anne Hidalgo (2%) force l'admiration pour la pugnacité de sa campagne dans les bas-fonds des sondages. Elle ne lâche rien, absolument rien, à croire qu'elle envisage de reprendre le parti socialiste en main au mois de juin prochain pour sauver encore ce qui peut l'être. Formera-t-elle un arc rédempteur avec François Hollande, Bernard Cazeneuve et quelques autres pointures de Solférino - il leur en reste quand même ? Le mal de chien qu'elle se donne la qualifie pour ce poste de rénovateur de la vieille SFIO.

Fabien Roussel (2,5%) a la bonne tête sympathique qui devrait lui permettre le remboursement. Certes il est plombé à mort par le parti des cent millions, mais il fait avec, avec le sourire. Personne n'écoute ce gentil camarage, il est là pour sauver le groupe de députés communistes à l'Assemblée nationale.

Jean Lassalle (3%) : je voterai pour lui afin qu'il soit remboursé et pour saluer sa juste obsession rurale et la clarté de son programme compréhensible par tous.

Yannick Jadot (5%) n'imprime pas. Même s'il a traîné le boulet Rousseau trop longtemps (comme Ciotti chez Pécresse), il devait avoir un boulevard "climatisé" devant lui, et il n'a pas fait d'erreur sur l'Ukraine. Il exige la rupture immédiate des contrats de gaz russe, s'estimant en guerre contre Poutine et donc en capacité de souffrir un peu du froid sans gémir, quand les Ukrainiens sont en train de tout perdre et la vie parfois. Est-ce le refus de l'option nucléaire dans le mix énergétique français ? La classe laborieuse a viré sa cuti sur l'atome qui jusqu'ici procurait du travail et il ne faut pas de si longs développements pour lui faire choisir l'uranium.

Valérie Pécresse (10,5%) est en vrille, et ce n'est pas son programme qui est en cause mais sa personnalité qui ne correspond pas au profil du poste. Au lendemain de sa victoire des qualifications, elle aurait dû s'imposer comme patronne indiscutable, et pour bien le montrer, virer Eric Ciotti de l'équipe. Point barre. Retourne à Nice avec ta pelle et ton seau. De toutes façons, elle aurait dû comprendre là que les 40% de militants qui s'étaient portés contre elle voteraient Zemmour. Pourquoi faire semblant, perdre du temps et laisser l'autre lui pourrir le programme ? Mystère. Dans la foulée, il fallait aussi jeter Stéfanini complètement dépassé, comme le faisait remarquer Rachida Dati. Serait-elle restée seul maître à bord avec son équipe de campagne rapprochée comme Florence Portelli, Agnès Evren et Christelle Morançais, qu'elle aurait propulsé une présidentialité qui lui fait gravement défaut, même si elle améliore chaque fois son image en débat en retrouvant son naturel. Zemmour en a fait les frais récemment.

Eric Zemmour (11%) a accumulé les bévues, à moins qu'il n'ait exposé son moi profond. Confondant lecteurs et électeurs, il s'est cru immunisé de tout délire sans voir deux brisants particulièrement dangereux sur la mer des sarcasmes, à savoir les enfants d'Ozar Hatorah (l'histoire des os est impardonnable) et l'admiration à peine amoindrie de Vladimir Poutine dont il se retient d'en expliquer le ressort, mais pas assez. Il n'est pas le seul, mais "comprendre" Poutine ne lui va pas au teint. Refuser les réfugiés ukrainiens en France est une erreur colossale, même si des explications filandreuses ont suivi, le mal est fait ! Le renfort magique de Marion Maréchal n'a eu rien de magique. Juste un frémissement comme avec Gilbert Collard et encore !

Jean-Luc Mélenchon (12%) est le meilleur débatteur et animateur de meeting politique. Son programme est cent pour cent collectiviste, anticapitaliste, bolivarien, qui annonce une nouvelle dictature du prolétariat, mais c'est bien dit, articulé, cohérent. Sauf de la gueule, il plaît. Il ne créera pas la surprise à cause de la guerre en Ukraine dont il est un explicateur intarissable, côté manche, normal ! Le prolétaire voit chaque soir les images de la destruction terroriste d'un pays dont on apprécie les femmes et il n'acceptera aucun biais entre deux à faire la part égale. Nul n'est neutre en l'affaire, sauf les abrutis, il en reste encore, tel un conférencier de profession prisé par l'extême droite, mais on y reviendra à ses dépens.

Marine Le Pen (18%) reste sur son couloir, bien derrière Emmanuel Macron, mais n'est-ce pas la rançon de l'ADN de la gestion Le Pen d'un parti qui aurait pu fédérer toutes les droites dures si elle avait sû s'y prendre. On éjecte beaucoup au Rassemblement National, même la blonde nièce coqueluche des fachistes qui cartonne au sud de la Loire ; et pour cette troisième cuvée, tout espoir s'évanouit alors qu'on pouvait faire jeu égal avec le sortant à 31% (MLP18 + EZ11 + NDA2 + LR-epsilon). Je sais, nous sommes en Gaule, la République des présidents de tout et de n'importe quoi (de pétanque mais pas que).

les pêcheurs à la ligne (50%?) qui détiennent la clé de la légitimité de l'impétrant, et sans doute entre leurs mains la pérennité du régime. Les motifs de s'abstenir sont divers et variés et on estime les non-inscrits à douze millions d'électeurs potentiels. Mais il est un motif qui domine les autres, c'est le trucage du scrutin législatif au motif hypocrite de majorité, qui barre l'entrée de l'hémicycle à de larges fractions de l'électorat. Qui ignore un scrutin majeur comme les législatives ne participera à aucun autre. La seule certitude entourant ce problème est que les syndicats de sortants n'y veulent rien changer. Un résultat sous cinquante pour cent de participation sera le détonnateur d'un changement de paradigme. Attendons !

dimanche 20 mars 2022

Le Russe sous l'opprobre

Vlad le Dément a joui. Dans sa doudonne doublée kevlar, il a reçu la pluie d'applaudissements de quatrevingt-dix mille personnes selon la police, sans doute plus, selon les organisateurs du grand raout anniversaire de la prise de Crimée au Loujniki de Moscou. Il ne manquait que les flambeaux pur gaz tout autour du stade pour se croire à Nuremberg de la haute époque !

Pendant les applaudissements, la dénazification de l'Ukraine se poursuit, et pour nous montrer que le paramètre du temps long est bien pris en compte, on tue les nazis au berceau, c'est plus sûr ! Vos chaînes d'information-propagande en continu vous narrent par le menu les positions des uns, les réglages de l'artillerie russe, un coup long, un coup court, mais ce qui est très surprenant n'est-il pas d'apprendre que l'infanterie russe en situation de boucler Kyiv, s'enterre !

Quand les armées françaises ont creusé des tranchées en 1914, c'était pour ne plus reculer devant la pression offensive allemande, surtout après la première bataille de la Marne. Les Russes craignent-ils une offensive ukrainienne ? Le rapport des forces ne l'exige pas. Il est une hypothèse : l'état-major piétine, la logistique s'embourbe, le moral décline, creuser des tranchées occupe et réchauffe ! Mais il est une conséquence mal appréciée peut-être par le Grand Quartier Général de Vlad le Dément : une fois les sections à l'abri, au chaud et nourries convenablement, il sera très difficile de les faire jaillir aux échelles d'assaut pour embrocher le peuple frère à la baïonnette qu'on est venu sauver. Zède alors !

chars detruits

Les destructions aveugles des quartiers d'habitation n'ayant d'autre effet recherché que la terreur, à moins qu'il y ait des nazis têtant le sein dans les abris anti-aériens, désignent clairement le pouvoir russe come "terroriste". Qui dit terroriste, dit cour internationale de justice ou cour ad hoc jugeant les crimes de la guerre d'Ukraine. Si le régime des Silowiki tombe - on détecte des signaux faibles de défections vers l'étranger - j'en connais qui vont sentir la chaleur du feu de la Sainte Inquisition, pour ne citer que deux des plus en vue : Gerhardt Shröder (Gazprom), François Fillon (Sibur), en oubliant la longue cohorte des idiots décorés comme Jean-Pierre Chevènement ou Jacques Sapir, Gérard Depardieu ! Ignorons les candidats qui se tortillent devant les caméras au rappel de leur admiration coupable !

Les sanctions pleuvent, que la Russie ne pourra longtemps affronter, même si le Kremlin survivra à tout jusqu'à la fin, sa fin. Si McDonald a fermé ses restaurants comme KFC afin de signifier aux gens de la rue qu'on ne les aime plus, ce sont les producteurs de puces et logiciels qui ont coupé les ponts : Apple, Samsung, Ericsson, Intel, PayPal, AMD, IBM, Nvidia, Qualcomm, ARM, Toshiba et tant d'autres qui ne veulent pas devenir des IG Farben au tribunal. Et cela est problématique pour la Russie. En même temps, la Chine populaire refuse à la Russie des pièces détachées aéronautiques produites en occident. La contrebande s'ouvre de beaux jours. Mais ce qui est plus grave au plan moral c'est l'inévitable amalgame qui est fait à l'étranger entre la dictature et le peuple russe, dans sa culture d'abord mais aussi pour ses mœurs à la guerre. Les exactions nombreuses des troupes engagées en Ukraine signalent un grand laisser-aller dans la discipline, des unités livrées à elles-mêmes qui tirent sur les voitures de réfugiés, qui tuent des femmes au fusil à lunette, qui commencent à piller pour... bouffer. Un reportage entre autres ? ici ! Non, ce ne sont pas des Tchétchènes, des Ossètes ou des Syriens mais des Russes. On les savait sauvages, ils le sont.

Aussi déprogramme-t-on partout des pièces, des opéras, des artistes et même des chefs d'orchestre au seul motif de leur nationalité ; certains bibliothécaires vont jusqu'à sortir les auteurs russes des rayons ! C'est comme si, au fil des images d'horreur, les Russes étaient devenus des "Boches" que l'on appelle aujourd'hui des "Orcs". En France en 1940, sauf à la NRF, on ne triait pas les bons et les mauvais Allemands depuis qu'ils avaient envahi le pays. C'est pareil aujourd'hui. A moins d'une révolution de palais qui passe la serpillière à l'asile de fous, le monde libre se dirige vers une ostracisation du Russe, sans retenue. Au point de voir par exemple le gouvernement anglais - mais pas que lui - se saisir de biens appartenant aux oligarques sans attendre aucun jugement de cour. L'Etat de droit est en guerre, le droit viendra à son heure.

Hier samedi, dans un entretien donné à BFMTV, l'ex-président Porochenko appelait depuis Kyiv Emmanuel Macron à venir le rencontrer (ndlr: comme l'ont déjà fait le 15 mars les premiers ministres de Pologne, Tchéquie et Slovénie avec Jaroslaw Kaczynski) pour soutenir la défense héroïque de la capitale. Malgré tous les avis contraires de la Cour de l'Elysée, M. Macron devrait jouer son va-tout : y irait-il, qu'il serait réélu au premier tour !


PS : Les Ukrainiens nous supplient de fermer l'espace aérien. Nous savons les risques d'une cobelligérance. Mais il est une menace qui pourrait être actionnée avec un peu plus de courage que n'en montrent nos chefs : tout aéronef militaire russe faisait route droite sur une frontière OTAN sera engagé à une certaine distance par l'artillerie anti-aérienne de l'Alliance. D'ailleurs l'état-major russe s'en méfie, qui lance ses frappes aériennes à longue portée depuis l'espace aérien russe. Ce serait un bon début de complications pour eux.

samedi 19 mars 2022

Algérie, 60 années de perdues ?

Alger la Blanche
* Alger la Blanche *

Soixantième anniversaire de la mise en application des Accords d'Evian de 1962, décrétant le cessez-le-feu pour donner l'indépendance à l'Algérie. C'est pour nous un jour triste. Nous serions tentés de refaire l'histoire de ce déchirage, comme on dit dans la navale, mais de vrais historiens s'en chargent à notre place. Il fut une époque où l'on offrait ici aux enfants sages les Contes et légendes d'Algérie, illustrés d'aquarelles qui les faisaient rêver. Les filles avaient des yeux noirs en amande extraordinaires. Suivaient les Mille et une nuits de Shéhérazade chez le calife de Bagdad et quelques histoires mystérieuses de djinns du Maroc. Plus grands, on nous offrait des aventures sahariennes qui ouvraient un espace incroyable avec des hommes bleus, des képis blancs, et les camions Berliet. Tous les gosses connaissaient Bidon V, Tombouctou ou Tamanrasset, le nadir de Dunkerque ! C'est loin ! Le Sahara, L'Algérie si proches jadis se sont beaucoup éloignés des préoccupations françaises, et aujourd'hui c'est le jour des nostalgies, des condamnations, des rêves brisés des colons au bon sens du terme, mais aussi celui du souvenir de morts inombrables pour aboutir à la libération éphémère d'un peuple floué, bientôt confiné dans les limites d'une idéologie mortifère venue des pays de l'Est ; avant destruction de l'économie du quotidien. Pour beaucoup de jeunes français c'est un jour sans intérêt particulier malgré le tapage de saison.

L'Algérie nouvelle, qui était sur une trajectoire de concurrence de l'Espagne avec la sûreté d'une rente pétrolière en garantie, perdit un million d'Européens et autant de savoir-faire pour commencer ; des millions d'autres fils ensuite, votant avec leurs pieds vers tout l'espace de la francophonie jusqu'au Canada, parce que le nouveau pouvoir ne cherchait qu'à partager entre soi le butin colonial phénoménal que la France y laissait, au lieu de développer un pays prometteur. Pour tout arranger, on y tua beaucoup !
Le drainage des cerveaux (Hammouche) et des bras (Cairn) continue aujourd'hui, ce qui arrange un pouvoir incapable de leur donner leur juste place dans une économie pétrifiée. De tout cela le piéton ferait des pages, comme pour le 50ème anniversaire (clic), s'il n'était pas autant fatigué des désastres. En guise d'inventaire de la sphère mentale algérienne après soixante années de stage d'autogestion, nous avons décidé de laisser la parole à un Algérien de souche qui a fait ses études en Algérie, a exercé dans le troisième cycle algérien, et pas un compradore au sens maoïste ! Intuitif, érudit et d'excellente plume :

Rabeh Sebaa, né en 1951, est docteur en sociologie. Enseignant-chercheur et coordonnateur des enseignements d’anthropologie culturelle et d’anthropologie linguistique et responsable du projet "l’Algérie dans la Méditerranée" à la Faculté des sciences sociales d'Oran. Essais, nouvelles, chroniques, M. Sebaa est dans tout ça. Il n'est pas monomaniaque, et quand il analyse l'état présent de son pays ou plutôt le tréfonds de l'âme algérienne d'aujourd'hui, on y gagne à l'entendre. Voici son article paru le 12 février dernier dans le journal Liberté-Algérie (source). Il n'y a rien à ajouter, l'indépendance et la réislamisation qui la suivit sont un terrible échec.
NB: Par crainte d'une rupture éventuelle du lien hypertext vers la source, nous publions l'article in extenso ci-dessous après en avoir sollicité le droit auprès de la rédaction dans les règles du Qui ne dit mot consent.


Arcatures sociologiques

« L’insignifiance est un mode de pensée, de perception et d’action particulier à l’œuvre dans une société.» (Cornelius Castoriadis)

De l’impudence de l’exubérance à l’arrogance de l’ignorance

Ces faussaires de moralité. Des énergumènes qui ignorent tout de ce que peut bien représenter la symbolique de l’acte de croire. Et de toutes les symboliques d’ailleurs. Ces propagateurs endurcis sont les révélateurs caractéristiques d’une société qui souffre d’un dramatique déficit éthique.

Rabeh Sebaa
La fulmination psalmodiante est de retour. Foi contre foi. Passéistes et rédempteurs se tirent furieusement dans les pattes. Clamant chacun son authenticité et sa véridicité. Montrant chacun la voie irrécusable de la véracité. Le chemin irréfragable de la loyauté et de l’authenticité. De nouvelles anciennes injonctions nous reviennent. Jusque dans l’enceinte des lycées. Portées par des enseignants prêcheurs. Des enseignants zélateurs. Des enseignants propagateurs de sornettes sous forme d’injonctions. Des injonctions à l’allure de sommations. De nouvelles vieilles intimations, arborant des mines de provocation. Des fanfaronnades obsolètes prétendant tirer les oreilles à une société qui a toujours vécu calmement ses croyances. Ses croyances naturelles. Ses croyances conviviales. Des croyances de partage et de solidarité. Une société qui n’a cure de toutes ces vociférations rugissantes. De toutes ces onomatopées bruyantes au nom de la prétendue pureté inexpugnable. Brandissant de présumés préceptes intouchables, de supposées vertus indiscutables et de prétendus dogmes irréfutables. La brèche par laquelle se faufile immanquablement le moralisme culpabilisant. Culpabilisateur. Un moralisme qui exhibe sèchement les crocs et l’emblème noir du sectarisme furieux. Enragé, vindicatif, acharné et monstrueux. Que l’Algérie refuse de toutes ses forces de voir se réitérer. Au moment où tous les Algériens sont en accord avec leurs croyances coutumières. Leurs traditions familières. Des lieux de culte comme des parcelles de leur sacralité ordinaire. Des lieux de recueillement et de méditation. Des balises de leur mémoire communautaire. Une mémoire bourrée de symboles et de repères. Et c’est pour cela que leurs univers cultuels et leurs espaces culturels n’ont strictement besoin d’aucune fossilisation. D’aucune momification. D’aucune pétrification. Des cultures vivantes, des cultures vibrantes. Des cultures irrévocablement rétives à toute fixation. À toute immobilisation. Des cultures qui habitent le mouvement et le mouvement les habite.

Il est parfaitement insane de vouloir ramener une histoire et une mémoire à la glaciation de l’inertie. Au désir morbide des vociférateurs et des gesticulateurs se prosternant assidûment sur l’autel brumeux de l’immobilité. Quelle que soit la version ou la variante défendue, elles puisent toutes, leur sève vaseuse dans les eaux stagnantes d’un syncrétisme idéologique totalement étranger à la sociabilité intrinsèque qui vibre au tréfonds palpitant de l’Algérie intelligente. Une Algérie qui avance. Malgré tout. Et qui n’a que faire de tous ces sermonneurs hirsutes. Une Algérie qui est en train de livrer le plus exaltant des combats : se réconcilier avec elle-même. Célébrer les retrouvailles de soi. Les retrouvailles avec soi. Malgré un enchaînement de parenthèses et de bien saugrenues hypothèses. Des parenthèses qui ressemblent à des bulles asphyxiantes et qui lui ont coûté en femmes courageuses et en hommes valeureux. Mais qui a continué à marcher. La tête sur les épaules. Et les yeux pointés sur le front de l’horizon. Cette Algérie avec ses petites habitudes. Avec ses petits caprices. Avec ses multiples déceptions. Avec ses innombrables déconvenues. Ses déboires. Ses désillusions. Ses désappointements et ses désenchantements. Avec ses séries de petites joies et son chapelet de grandes colères. Ses incommensurables souffrances. Pour revenir, à chaque fois, à la vie et à la raison. Après des périodes entières à vivre le calvaire et à faire semblant de respirer. À s’étrangler parfois. À s’énerver pour des broutilles. Et à supporter toutes les humeurs massacrantes. Et les valeurs ignoblement massacrées. Par tous ceux qui ignoraient tout de sa détermination, mais qui sont les premiers à le crier avec une assommante ostentation. Avec pour cible privilégiée toutes ces femmes dignes.
Toutes celles qui passent leur journée à s’acquitter loyalement de leur tâche. À travailler ou à étudier. Avant de rentrer pour une seconde journée de travail, encore plus chargée. Après un détour pour des courses épuisantes dans plusieurs marchés. Les sachets bleus récalcitrants à trimballer. Dans un semblant de transport aléatoire. Pour être coincées, à l'arrivée, entre casseroles brûlantes et marmites débordantes. Le tout arrosé par les sautes d’humeur d’un de ces maris ou fils zélateurs parmi les braillards invétérés de la rue. Prolongeant leur diktat dégoulinant de religion à la maison. Demandant. Commandant. Ajoutant. Retranchant. Puis recommandant. Jusqu’au moment du service. Assuré par les femmes, évidemment. Dans le silence qui sied à l’ingurgitation. Et la solennité lourde de la mastication.
Après cela, il reste encore la vaisselle. Les femmes retournent à leur cuisine. Et les pêcheurs à leur espace mâle. Avec des acolytes aussi mal inspirés. Pour les bavardages et les galimatias de la soirée où tout est passé en revue. Des déviations de la société à l’aridité de la vie sans une prétendue spiritualité. Molestant au passage quelques pauvres diables qui ont un mal fou à joindre un seul bout. Et qui sont les victimes toutes désignées de ces pillards de la foi. Ces faussaires de moralité. Des énergumènes qui ignorent tout de ce que peut bien représenter la symbolique de l’acte de croire. Et de toutes les symboliques d’ailleurs.
Ces propagateurs endurcis sont les révélateurs caractéristiques d’une société qui souffre d’un dramatique déficit éthique. Ils sont le signe d’un manque de probité religieuse drastique. Tout en passant le plus clair de leur temps à clamer haut et fort une moralité mirifique. Ignorant totalement le désarroi et la détresse exacerbée chez le prochain. Malgré une foi supposée universaliser la convivialité et l’amour d’autrui. Et que cette flambée d'exubérance aggravée transforme en enfer chez les plus désorientés.

Nonobstant l’excès d’exhibition de toutes les formes d’altruisme et de toutes les espèces de générosité. Où chacun y va de son indulgence et de son humanité. Chacun de ces zélateurs se fait le chantre attitré de toutes les bienfaisances et de toutes les bienveillances.
Pourtant, personne n’a rien oublié. Personne n’a effacé la page sanglante qui a fait couler des larmes à l’Algérie. Au nom d’un projet sinistre. Enfagotté dans un discours patibulaire. Et relayé par une soi-disant communauté internationale qui voulait voir tout un pays mordre la poussière. Et ingurgiter les bouillons de l’incongru. Au nom d’on ne sait quels versets frelatés. Au nom d’on ne sait quels préceptes empestés. Et de quelle bêtise entêtée. Une bêtise voulant obturer les pores de respiration de l’Algérie. Lui voiler les yeux et la conscience. La plonger dans l’immobilité du noir épais. L’empêchant de pétiller, de rire et de chanter. Lui ligoter le regard. Lui taillader les entrailles. Et transformer ses horizons en murailles. Cette Algérie qui veut vivre et aimer. éperdument. Se laisser emporter par la fougue incandescente de ses rêves indociles. Et irrévocablement indomptés. Les rêves fous que ses filles sublimes savent porter altièrement comme des diadèmes éblouissants. Et que ses garçons turbulents chevauchent allègrement comme des arcs-en-ciel en furie. Éclaboussant le monde morne de leurs couleurs éthérées. Noyant tous les avenirs rétifs de leur luminescence incommensurablement démesurée. Ces avenirs insurgés qui s’étaient longtemps éclipsés. Prétendant qu’ils s‘étaient égarés. Loin de l’Algérie.

Ces avenirs sauront retrouver le chemin tortueux mais exaltant de mon pays. Pour le réinventer et s’y lover chaleureusement. Pour l’habiter durablement. Pour s’y incruster profondément. Tout en enfantant d’autres avenirs. Pour tous les avenirs à venir.


En voulez-vous plus ? Pouvais-je faire mieux ? Non !

Je terminerai par un mot de circonstance prononcé par Hélie de Saint Marc devant ses juges, qui résume le sentiment d'écœurement des officiers français à l'annonce du largage de l'Algérie : « On peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir, c’est son métier. On ne peut lui demander de tricher, de se dédire, de se contredire, de mentir, de se renier, de se parjurer.» Et pourtant c'est bien ce que Charles de Gaulle et ses liquidateurs exigèrent d'eux jadis.

Myosotis


Autres arcatures sociologiques par Rabeh Sebaa pour ceux qui voudraient creuser ces questions, pour ceux aussi qui aiment l'Algérie :

- Entre les misères de la maladie et les maladies de la misère
“Les affres du dénuement n’altèrent en rien la saveur de la probité” (Fedor Dostoïevski)

- Pour une méditerranéité réappropriée
"L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne” (René Char)

- Libidinalités dérobées, deshumanités enrobées
“Dans la féminité, il existe une part de divinité” (Ibn El-Arabi)

- Comme une plaie grise sur le corps agité d’une nymphe insoumise
"Chaque fois que je la regarde, je deviens un noyé heureux" (Romain Gary)



jeudi 17 mars 2022

Le prince débouté

Mgr Jean d'Orléans

Le prince Jean d'Orléans est débouté de son action en justice contre la Fondation Saint-Louis pour ce qui l'opposait à l'occupation de la maison Philidor au domaine royal de Dreux. Condamné aux dépens (5000 euros), il doit aussi verser les loyers dûs tout au long de la période d'occupation abusive, soit à la louche, cent cinquante mille euros. Ses conseils se sont plantés qui lui feront grâce peut-être des honoraires, quoique toute peine mérite salaire ! Le jugement a fait l'objet d'un article dans l'Echo Républicain de Chartres qu'on peut lire ici.

Le wagon de la déroute était lancé à toute vapeur dès le départ, le départ étant l'injonction du feu comte de Paris et père du présent qui en février 2011 intimait l'ordre à son fils d'évacuer les lieux en ces termes : « Je te demande fermement de retirer les objets ou meubles que tu as déjà déposés illégalement ». C'est à partir de cette date et jusqu'au jour de la fuite en Egypte début septembre 2020 que Royal-Artillerie a calculé les loyers en souffrance (1300€ x 115 mois).

Le prince et ses conseils ont oublié - mais comment l'ont-ils pu ? - qu'ils vivaient en pays de droit écrit. Il ne fut pas un jour que le microcosme orléaniste n'ait demandé à connaître la pièce fondant la revendication de Jean d'Orléans, non pour lui nuire mais pour renforcer ses conseils qui, de l'extérieur, semblaient insuffisants. Qu'ils n'aient pas compris non plus que le principe d'une fondation soit justement de mettre des biens patrimoniaux à l'abri de l'appétit des héritiers, nous laisse dubitatif sur leurs capacités d'analyse ! Que cherche donc le nouveau comte de Paris ? C'est une déclaration de son avocat parisien, Me Jacques Trémolet de Villers, lors de l'audience du 18 janvier 2022 à Dreux, qui propose une clef quand il dit : « Il est le gardien du domaine royal de Dreux et de la chapelle. C'est le sens d'un devoir presque professionnel qui a poussé le prince Jean à s'installer dans le berceau des Capétiens et même des Robertiens pour en assurer la préservation ».

Jean d'Orléans, qui a cessé de travailler chez autrui en 2006 mais n'a rien entrepris de remarquable depuis lors, a-t-il formé le projet d'une gérance de tout le patrimoine historique de la famille d'Orléans ? Très près de ses sous, comme on le sait quand furent libérés certains biens meubles de la succession d'Henri l'Ancien au bénéfice des héritiers spoliés, est-il assuré que les très nombreux ayant-droits lui confieront le patrimoine libéré des griffes crochues des fondations ? Parce que la maison Philidor est le petit morceau :

Deux autres procédures ont été lancées par le débouté, l'une à nouveau contre la Fondation Saint-Louis pour récupérer les biens de la famille d'Orléans que lui avait confiés Henri l'Ancien (Amboise, Dreux, Miromesnil, Bourbon l'Archambault, ND de la Compassion...); l'autre avec son frère Eudes contre l'Institut de France pour annulation du legs d'Aumale et rétrocession du domaine de Chantilly à la famille. Rien que ça ! Les Français qui en chient comme des Russes accepteront-ils le gouvernement d'un rentier réfugié dans un gîte du département de l'Aude et qui vit d'espérances provoquées ? Je ne le crois pas.

Où est la promesse de la présentation d'Amboise, quand le fils du "dauphin" fut adoubé en 1987 par le patriarche pour lui succéder dans la prétendance à la couronne de France ? Le microcosme avait accepté bon gré mal gré qu'Henri le Jeune n'avait plus la résilience mentale pour assumer la charge d'une position aussi exposée que la revendication de roi, après l'abandon du domicile conjugal au seul motif d'un amour-passion. On briquait au Fait-Neuf les boutons de laiton du projet capétien renouvelé avec un jeune homme plein de promesses et de dipômes bientôt. Las, le désordre moral de la branche cadette ne fut pas conjuré. Les démarches scabreuses de Jean d'Orléans ouvrent un mauvais procès contre le régime monarchique qui n'a pas besoin de ça. Le principe prime le prince et cette fois plus encore !

mercredi 16 mars 2022

Poutine in RA bis-repetita

Il est rare de réchauffer les plats sur Royal-Artillerie, mais relisant un article fuligineux de 2014 qui avait mis le feu à la rédaction du site royaliste La Faute A Rousseau, le Piéton se surprend à ne pouvoir le refaire tant il reste encore d'actualité. Certes Obama, Merkel, Abe sont partis, mais Poutine demeure, ô combien ! Voici les deux paragraphes essentiels de cet article (source):

La force brute est périmée, Barack Obama le sait, Angela Merkel le sait, Xi Jinping le sait, Shinzō Abe va le comprendre, Poutine le saura trop tard (l'opinion des autres est sans importance pour lui). Dans notre globalisation, dans notre monde interconnecté en permanence à la vitesse de la lumière, la vie et la bonne santé des nations dépendent de tous les autres. Comme le dit de la Chine Qiu Xiaolong² in Cyber China, "le monde se transforme en un gigantesque réseau de relations où chaque maillon, étroit ou distendu, visible ou invisible, unique ou multiple, ne tient que grâce au tissage serré de l'ensemble". Les exemples sont nombreux. Les hypothèques pourries détenues par Freddie Mac et Fannie Mae aux USA ont mis le feu à la planète. Le tsunami japonais a arrêté les chaînes automobiles européennes. Un krach immobilier d'une mégapole chinoise entraînera immédiatement un bridage du crédit de la BPC qui se répercutera en quelques semaines partout. Alors, quand ça ne marche plus, quand l'espérance s'éteint, quand le futur est plus gris que le présent, les peuples d'aujourd'hui se lèvent, s'organisent et remplacent leur dirigeants, dans le sang s'il le faut. Les régimes les mieux affermis tombent ; et, à l'exception du pouvoir alaouite de Damas, la liste des "tyrans" balayés s'allonge. Le chantage russe est de déchirer le gigantesque réseau qui ne pense pas comme son président et fait mine de le menacer, la Russie dut-elle en périr ! Folie.

Vladimir Poutine est un homme des années cinquante, un brejnévien qui compte ses fusées, un fana du balcon stalinien. Il a d'ailleurs stoppé les négociations de réduction du nombre d'ogives, c'est le signe d'un décalage mental. Il ne veut pas assimiler l'hypothèse que les Occidentaux puissent plier l'économie mondialisée russe à relativement peu de frais, et que, si la "folie" dénoncée par Frank-Walter Steinmeier ne cesse pas, ils vont le faire. A quoi serviront les quarante mille pions de la Sainte Russie disposés en troupes d'occupation du Donbass quand les capitaux russes et étrangers se seront faits la malle ? Avec quel argent se développera une industrie de fabrication incapable de croître seule ? D'où viendront les ingénieurs étrangers indispensables à la modernisation de l'immense fédération perdue dans les classements internationaux si les garanties locales sont annulées parce que le droit international est violé ouvertement et plusieurs fois ? Avec quoi nourrira-t-on in fine les « masses laborieuses et démocratiques » si l'édition des factures de pétrole et de gaz est sévèrement empêchée ? Le stratège s'en moque, l'intendance suivra, comme aurait dit l'Autre ! Mais ce temps est fini. Les peuples ne savent plus souffrir comme avant.
[Royal-Artillerie le 1er mai 2014]


Ainsi il y a huit ans, ce petit blogue de rien du tout avait converti ses analyses géopolitiques en prédictions, ce que les grosses cylindrées du secteur n'avaient pas osé. Une fois n'est pas coutume ! Plus sérieusement, le point d'impact au sol de la dérive mafieuse de Vladimir Poutine est clairement aujourd'hui en Ukraine. Qu'il multiplie les Stalingrad ne changera plus rien à son destin de Tyran fou, enfermé dans une bulle de terreur au milieu de complices obligés et payés des fortunes pour partager l'opprobre avec lui ; lui qui ne sortira de sa rélégation mentale que pour descendre au bunker de la Chancellerie du Reich ou pour s'agripper au pupitre du tribunal de Nuremberg. Les Russes hors du Kremlin, abrutis de propagande comme vient d'en témoigner Marina Ovsyannikova sur Channel One Moscou avant d'être arrêtée, ne doivent pas être démonisés, mais il en restera quelque chose contre eux chez tous leurs voisins déjà prévenus et dans le monde. Les idiots utiles français et ceux surtout qui ont été rétribués d'une façon ou d'une autre vont se faire petits quand va tomber Poutine et qu'on va ouvrir les classeurs. Ça va puer comme à l'inventaire de la Stasi en 1991.


D'autres articles sur Vladimir Poutine dans Royal-Artillerie ?


calendrier Poutine 2022

Пусть Владимир Путин горит в аду!




cul de lampe

Flash Actu : M. Hu Wei*, vice-président du Centre de recherche sur les politiques publiques du Bureau du conseiller du Conseil d’État, président de l’Association de recherche sur les politiques publiques de Shanghai, professeur à la Shanghai Jiao Tong University, expert associé au Charhar Institute, recommande au président Xi Jinping de laisser tomber Vladimir Poutine avant qu'il ne soit trop tard, dans un article des 5 et 13 mars publié sur le US-China Perception Monitor et (mal) traduit par la revue Conflits. On prendra connaissance de ses recommandations étayées en cliquant ici. Que sa position sociale reste inchangée dans les jours qui viennent nous indiquera que le gouvernement central chinois pèse ses arguments.
* Hu Wei, Ph.D., began his education in 1982 at Fudan University, Shanghai. After he finished his graduate program, he became a young faculty member at Fudan University in 1989. He was Professor of Government, Department of International politics, Fudan University, and Deputy Director, Fudan Institute of Politics and Public Administration. He has been awarded the ‘Excellent Young Teacher of Shanghai’, and has been selected as the member of both China’s and Shanghai’s ‘Cross-century Talent Project.’ Focusing on political theory, policy analysis and Chinese politics, he has undertaken two academic projects of the Chinese National Social Science Foundation and many other research items. Among his works are Politics of Judiciary, On Politics: China’s Current Development from a Perspective of Political Science, Governmental Process in Contemporary China, and more than 50 papers, as well as 10 books to which he contributed, including Chinese Encyclopedia (volume of political science) - Notice Harvard-Yenching Institute.

lundi 14 mars 2022

Une défaite amère

J'ai perdu ! Après la chute du Mur en 1989, la rupture des barbelés aux frontières intérieures du Pacte qui s'ensuivit, je m'étais mis dans la tête que le commerce serait désormais le meilleur antidote à la guerre. Commercez, commercez, il en restera toujours quelque chose. A tel point que recevant de temps en temps des délégations de clients étrangers, mon premier toast de bienvenue reprenait cette antienne : Depuis l'aube du monde, la rencontre entre les hommes fut l'occasion d'échanges et souventes fois les prémices d'une amitié. Kampé ! Ça plaisait beaucoup.

Les Flamands, les Hollandais, les Danois, les Allemands, tous héritiers de la Hanse, avaient pris ce même parti-pris : le commerce d'abord, gage de richesses et de paix. C'est ainsi que furent créés les grands organes régissant les pratiques commerciales gouvernant les flux générés par les bourses de matières et denrées. Après le GATT (1948-1995) vint l'OMC ; et toutes les grandes institutions financières de dévelopement et commerce qui huilaient les échanges s'étendirent aux espaces qui avaient été libérés de l'idéologie marxiste. Le monde était alors dirigé par des gens d'une certaine épaisseur et pour ne citer qu'eux : Georges H. Bush, Mikhaïl Gorbatchev, Margaret Thatcher, Helmut Kolh, Jiang Zemin et même François Mitterrand. Cahin-caha on approchait de la fin des "histoires". Il y avait tant de monde à nourrir depuis qu'on avait compris que par le développement des échanges c'était devenu possible, que toute l'énergie se concentrait sur ce projet mondial qu'on appellera plus tard mondialisation aboutissant à la globalisation. Les grosses nations exportatrices comme l'Allemagne et le Japon ne se posaient aucune question. Etait-il intelligent de produire ici à des prix deux fois plus chers que ceux des mêmes achats qu'on savait faire ailleurs ? Les Allemands bâtissaient des usines partout, les Japonais aussi qui avaient en plus décidé de financer ex-nihilo la flotte commerciale de Chine populaire en leasing. Des centaines de porte-conteneurs, des milliers de feeders sillonnaient la planète pour assurer le transport de tout à des prix si bas qu'on ne les calculaient plus pour faire un prix de revient. La pulsation du système économique mondial ne semblait pouvoir être arrêtée, au bénéfice des inventeurs de l'idée certes, des acteurs et des back offices aussi, mais surtout au bénéfice des plus mal lotis qui découvraient une chose incroyable : l'espoir enfin d'une amélioration possible de leur sort, sinon l'évasion de leur progéniture du champ de la misère. C'est mon radotage sur l'entropie globale. Il faut constater l'enrichissement relatif des masses laborieuses asiatiques que tous les géographes des années 60 condamnaient à une misère éternelle sur la foi des paramètres démographiques rapportés aux ressources exploitables, pour comprendre ce qu'a produit l'invention de la DIT* dans la mondialisation libérale. Le seul continent qui n'a pas décollé franchement est celui qui conserva la tutelle néocoloniale par enrichissement exclusif de la classe dirigeante. La remarque s'applique aussi à l'Afrique du Sud.
Division internationale du travail

poster transports internationaux


Puis vinrent les beaufs. Dans les années 2000, deux empires renaissant des cendres de l'Histoire donnèrent successivement la main à des dirigeants de division 2 : la Fédération de Russie se choisit un ivrogne notoire et fier de l'être, auquel succéda pour le protéger des fruits de sa prévarication, un lieutenant-colonel du KGB, capacitaire en droit ; la République populaire de Chine, un fils de prince ayant obtenu son certificat d'études primaires. Celui-ci se toqua du projet impérial rebaptisé The China Dream qui visait à repousser les frontières du pays aux marches impériales incluses dans l'Empire des Grands Tsings, quoiqu'il en coûte en dépenses budgétaires pour y parvenir par la voie d'un réarmement massif, toute la nation, toutes ses entreprises publiques et privées, tous les cadres du Parti étant convoqués au succès du projet, sans murmures ni reproches, dont l'échéance ultime est le 30 septembre 2049. Ce jour-là la Russie aura perdu l'Amour. Justement, à Moscou, le colonel-espion devenu maréchal du Kremlin faisait le même rêve de reconstitution de l'Empire des Romanov dont son prédécesseur avait autorisé la translation des restes à Saint-Pétersbourg pour une inhumation télévisée. Il se guide sur la carte des minorités russophones laissées à découvert par le reflux de l'URSS. L'affaire se termine par la guerre d'Ukraine. Se termine parce que si les batailles de Kyiv, Kharkiv, Marioupol et Odessa ne sont pas perdues pour lui à cette heure, son pays est naufragé, l'Occident ayant décidé d'avoir peur, d'avoir froid pour qu'on en finisse une bonne fois avec ce genre de dément nucléaire ! A l'autre bout du monde, se discutent voies et moyens de faire la guerre à Taïwan, mais le retex de l'affaire d'Ukraine semble freiner les élans chinois. A tout le moins, le concept rhénan de paix mondiale par le commerce s'effondre !

En quarante-huit heures, l'Allemagne acte de son erreur tragique, réarme de cent milliards, reconstruit ses dépendances énergétiques pour sortir du piège russe de Merkel et Schröder. Elle est suivie par tous les pays du monde libre. L'imagination créative en action est un tropisme occidental : il n'est pas un jour sans qu'une idée de souveraineté nouvelle ou retrouvée ne traverse nos instituts de prospective. J'ai confiance, même si le gué sera plus long à traverser qu'on ne le croit. Il faut espérer que les dirigeants chinois, ceux qui ont encore cent sous de jugeotte, comprendront qu'il n'y a pas que le chrome et l'acier des armes pour abattre un pays. Le talon d'Achille est son économie si elle est entrelacée aux autres. C'est le message que la cohésion du monde libre envoie aux dictatures : celui de la barbichette.

La mondialisation va-t-elle néanmoins survivre aux appétits de cons terribles comme les deux précités ? Le monde est en réseau. Placé devant le futur antérieur, nul au monde n'a envie de revenir aux espaces étriqués d'antan, espaces géographiques et mentaux, même si la culture des particularités nationales restera le jardin de l'intimité des peuples. Les pays érémitiques n'ont aucun avenir.

fillette cambodgienne

samedi 12 mars 2022

Dans un fauteuil !

« Quand je me compare, je serais tenté de me préférer » (François Mauriac sur l'œuvre littéraire de Charles Maurras, quel salaud :)

fauteuil cuir marron
Je ne sais vous, mais la campagne présidentielle ne m'intéresse pas. Et ce d'autant plus que la guerre d'Ukraine nous a founi la pierre de touche à révéler chacun dans sa vérité profonde. Mon entourage se désole ; j'ai terminé "anéantir" de Houellebecq qui est le roman de la campagne 2027 et ça m'a bien suffi. Anéantir, c'est du lecteur qu'il s'agit, et plus il avance en âge, plus sûre est sa nihilification ! Houellebecq nous remet les pieds au sol au champ des réalités.
Je ne déteste pas M. Macron mais je ne l'aime pas. C'est un bateleur, un chiqueur dirait Boutang, tel que la démocratie en a besoin pour faire vivre le concept, qui empile chèques et promesses mais n'en fera qu'à sa tête une fois réélu, à se demander qui commande vraiment derrière le rideau. Brizitte en Tseu Hi ? Le plus grand reproche de ma part reste néanmoins son indolence à réformer l'Etat pachydermique français et à réduire la dépense publique qui nous jette dans des déficits et dettes colossaux. Mais comme l'annonçait la réflexion de l'auteur narcissique du Bloc-notes au Figaro, par comparaison le "reste" est pire !

Un seul des candidats déclarés était capable de prendre l'emploi de président et de tenir la position sous le feu, parce qu'il l'a démontré auparavant : Michel Barnier. Il n'en avait peut-être pas si envie que ça puisqu'il est passé sous les fourches caudines du congrès des Républicains où il fut battu par la gouaille ciottique. Nous avons un panel d'amateurs, pas tous sympathiques - je pense à Mélenchon - que je ne vois pas impressionner l'Assemblée générale des Nations Unies par exemple, ni même être écouté sérieusement par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne. Le problème est que l'élite du pays a fui depuis longtemps la politique qu'elle trouve crasse et basse en toutes circonstances, ne laissant sur l'estran de la démocratie que les crabes, même pas, les étrilles ! Aussi ai-je décidé de ne pas verser dans la politique du pire (la pire des politiques, disait le Martégal) et de voter nul.

Non pas nul-nul, mais "sans effet". On se comprend. S'il s'agit de conserver son droit-à-dire, même si le principe du scrutin est dévié par la loi électorale et par l'agenda non dissimulé des partis qui en tirent profit et monnaie, je mettrai le bulletin de Jean Lassalle dans l'urne. Et peut-être que si je suis largement suivi, un message de bon sens impératif sera envoyé au vainqueur, Emmanuel Macron. Il n'y plus aucun doute, même avec la fission éventuelle du noyau atomique. Quant au débat d'entre-deux-tours, laissez-moi rire : faudrait-il encore qu'il y en ait deux.

jeudi 10 mars 2022

En tuer pour ne pas être tué !

pucelle du 501RCC
501°RCC - EN TUER !
La guerre de libération tourne au crime de guerre. Les bombardements sauvages de la ville portuaire de Marioupol, le seul gage sérieux dont disposera le tyran Poutine lors de l'armistice inévitable - on ne peut longtemps affronter tout le monde ensemble et au moment - indiquent que l'état-major russe subit une pression inconsidérée pour aboutir dans un délai imposé dans l'affaire d'Ukraine, le choix des moyens les plus répréhensibles étant de leur responsabilité !
Les images satellitaires ne mentant pas - les métadonnées ne sont pas traficables - la destruction aveugle de quartiers habités est documentée. La Russie applique une politique de terreur sur un peuple-frère, ce qui est rare dans l'histoire des horreurs ! Tant la résistance active et passive des gens du commun que les lenteurs de l'invasion "vue d'avion" démontrent que le prétexte originel de l'opération spéciale accueillie par des rosières en gerbes est parti en fumée dans une odeur de cheddite. Poutine et son cancer sous cortisone est assis là comme un con au bout de la grande table. A mesure du tic-tac de l'horloge, il devient plus dangereux.

La dernière trouvaille russe est celle du laboratoire ukrainien de biotechnologie produisant de la peste, de l'anthrax et du choléra. Pourquoi se priver d'une lichette de saloperie à la frontière du Donbass afin d'accuser sans vergogne Zélensky le Chimique ? La Chine a confirmé cette révélation, d'autant mieux qu'elle est à l'origine de la fable du collier de perles des labos américains de biochimie qui l'encerclerait. Evidemment, l'allégation a profité des doutes de la communauté internationale sur l'étanchéité des labos de Wuhan, pour charger l'ennemi. C'est pourquoi le Renseignement anglo-américain a diffusé immédiatement l'information pour éventer l'attaque sous faux drapeau.

Moscou a déclaré avant-hier que tous les civils avaient quitté la capitale et qu'il n'y restait que des combattants. On entend bien que l'armée russe a désormais licence de tuer tout ce qui bouge à Kyiv. On attend de voir quand même si cette fière armée vêtue de neuf, adepte de l'artillerie lourde, une fois posée au sol, fera montre d'autant de courage baïonnettte au canon qu'elle en a montré depuis le ciel sur la maternité de Marioupol. Quant aux hordes tchétchènes capables de tout derrière des boucliers humains, les Ukrainiens savent déjà que de les faire prisonniers sera pire encore tant pour les rations que pour les "horaires". La neutralisation sans haine lui sera préférée. La bienséance nous interdit de traiter ici du mode d'attrition des effectifs.

Mais il y a aussi de bonnes nouvelles. La Légion Condor, euh... (c'est pas le moment), la Légion internationale d'Ukraine aurait signé trente mille contrats étrangers, dont ceux du GVF (Groupe des volontaires français) ; et il en vient toujours. Ces brigades internationales se constituent d'anciens militaires ayant pris la chaleur du feu et de rambos civils qui montreront aux premiers de quoi ils sont capables sans tatouages. C'est exactement la bonne réplique à l'engagement de supplétifs par Moscou pour faire le sale travail. Sachant que le Congrès des Etats-Unis va voter aujourd'hui quelques millards de dollars d'armement complémentaire pour l'Ukraine, on devine que les engagés volontaires étrangers ne se battront pas avec des lance-pierres. On attend avec impatience la dénonciation par M. Lavrov de ce procédé déloyal de renfort des forces domestiques nazies. Il a déjà prévenu qu'il ne leur appliquerait pas l'article 4 de la Convention de Genève, à se demander ce qu'il respecte encore. Ce type est un gag ! Au stade où nous arrivons au quinzième jour de la guerre-éclair, et compte tenu de la volonté d'asségier les villes à défaut pour l'état-major de pouvoir manœuvrer librement dans les plaines, le seul élan qui vaille est d'en tuer, en tuer, en tuer, comme on le dit au 501ème Régiment de chars de combat.

Vers une certaine indépendance

Nous avons parlé déjà de la mort annoncée de notre modèle social devenu insoutenable par insuffisance de valeur ajoutée produite par le travail des Français, il en est une autre : la mondialisation. Enfin, peut-être est-ce présomptueux d'enterrer la mondialisation des mœurs, des envies et des goûts sous la férule des GAFAM, mais il est un paradigme formidable qui maintenant pue la gangrène gazeuse, c'est la division internationale du travail (DIT). Depuis que la mine du monde (FDR) et l'usine du monde RPC) se sont déclarées ouvertement hostiles au monde libre qui les menace par le poison de la démocratie (plus simplement par la promotion des libertés individuelles), nous devons ramener leurs contributions essentielles aux économies clientes (nous) à la proportion de nuisance opposable dans une économie de guerre affrontant une rupture des flux. En trois mots : diminuer nos dépendances ! Certes dans le monde entrelacé d'aujourd'hui, l'indépendance est un horizon qui recule à mesure qu'on l'approche, mais cette quête du nouveau graal n'est pas stérile. Nous pouvons vivre mieux en rapatriant du travail chez nous et en augmentant notre sûreté.

Petite incidente philosophique : La mondialisation fut promue et acceptée par la terre entière parce qu'elle était une promesse d'entropie entre des mondes trop inégaux, le tiers et le nôtre. Nous perdions un peu au bénéfice de peuples nombreux que le principe de la DIT allait développer afin qu'ils ne nous fassent pas la guerre. Cela marcha à fond avec les pays d'Asie du sud-est hébergeant des nations industrieuses. Moins en Afrique, chez les contemplatifs de leurs droits. Mais dès lors que l'entropie nourrit une hostilité non feinte contre le monde donneur, il n'y a pas de raison de continuer le transfert. Nous venons d'atteindre ce point d'interrogation. Un grand pays mondialisé comme la Chine populaire va commencer à phosphorer sur les brisants de sa diplomatie de loups combattants.

porte-conteneurs

A cause de la rupture d'harmonie provoquée par l'invasion russe de l'Ukraine et le chaos énergétique mondial qu'elle engendre, tous les pays, y compris d'ailleurs les deux précités, vont faire l'inventaire de leurs dépendances, exercice toujours repoussé chez nous au nom du libéralisme, seul moyeu de développement de l'économie mondiale dans l'esprit de Davos. Dans le même mouvement, une seconde équipe lancera les recherches de dépendances alternatives pour les biens et denrées d'importation ; une troisième s'attellera au rapatriement de productions stratégiques sur le sol national, voire en zone de proximité sûre. Je mise vingt patacas que M. Macron passera commande des trois études chez McKinsey, chez Deloitte et chez Arthur D.Little, tant notre technocratie est encrassée de suffisance et d'insuffisances. C'est neuronal. Mais parlons un peu de notre cher vieux pays dont les dépendances multiples sont anciennes, n'en déplaise aux souverainistes. Quelques idées :

Si le Royaume-uni fut dans le passé notre allié obligé à la guerre, après avoir été l'ennemi héréditaire, c'est d'abord pour l'essence. De ce côté, nous prenons la trajectoire d'une quasi-indépendance énergétique en relançant les centrales nucléaires et en continuant à développer les énergies alternatives aux énergies fossiles d'importation. Il y faudra du temps mais avant dix ans nous en verrons les effets. Qui dit hydrocarbures, dit aussi chimie organique et plastiques, mais en quantités bien moindres.

Ni fer, ni charbon cokéfiable en France = pas d'acier. Mais il y en a partout ailleurs dans le monde, faut-il encore savoir placer des contrats d'approvisionnement dispersé, sans laisser les prix s'enchérir. Et pour la première fois dans ce billet : être capables d'assurer la sécurité des convois. Dans un monde hostile, cette précaution va s'imposer à tous les flux, nous n'y reviendrons pas. On a le même problème avec l'aluminium et tous les métaux à transformer. Les solutions sont les mêmes : disperser, sécuriser.

Tant pour l'énergie que pour les matières premières de base, il serait avisé de former un Lloyd's énergie et un Lloyd's matières entre acteurs du segment économique, qui veilleraient à maintenir la dispersion des approvisionnements et la tenue des cours dans une optique de sécurité. Ce serait plus efficace et moins cher qu'une nouvelle agence de planification. S'il est très difficile, sauf au tableau noir, de rapatrier les filières de production de biens de consommation, les industries ancillaires d'amont et d'aval des secteurs précédents sont identifiables facilement et peuvent être reconstruites sur les moignons subsistants qu'il faudra recapitaliser. La tache d'encre peut s'étendre à partir d'elles.

Pour la masse des industries de transformation, peut-être suffira-t-il de libérer les entrepreneurs des entraves grotesques qui les lient et accepter qu'ils y fassent fortune pour voir revenir un tissu industriel digne de nos souvenirs. C'est la seule voie aussi pour aborder aux rivages des nouvelles technologies. Sera-ce le plus difficile à imposer aux censeurs politiques de la république de gauche ? Peut-être, avant incinération du lest socialiste.

La question agricole est moins prégnante en termes de souveraineté. On fait des kiwis à Sumène. Pour huiler la circulation générale et la consommation des denrées, sans doute faudra-t-il clouer à la porte de la grange certains patrons de centrales d'achat, comme ça, juste pour le fun. Et ça calmera tout le monde sur l'empilage de marges et la paupérisation éhontée des exploitants. Nous avons un secteur agro-alimentaire puissant, sachons le protéger de la technocratie bruxelloise et de la prédation écologiste. Ce secteur n'a besoin de personne pour conquérir des marchés.

Il est d'autres secteurs que nous avons développés dans Les Sept Atouts qui n'ont pas besoin de secours d'urgence, même si nous devons veiller à leur bonne santé surtout dans le domaine militaro-industriel. La France en outre participe de l'inventivité génétique occidentale et y prend plus que sa part. Un avantage de l'Occident, même désindustrialisé, est qu'on y sait tout faire et que nous sommes encore à la source des inventions fondamentales. Le reste du monde suit, améliore, déploie, mais l'étincelle originelle vient de nous. Ne nous décourageons pas !

Une question qui revient souvent, grâce ou à cause de M. Macron, c'est l'européanisation des solutions de cette remontada. Sans être dirimant, confier notre survie aux institutions européennes est dangereux, surtout à vingt-sept ; d'abord par le temps interminable qu'il y faudra investir. Sans couper aucun pont, il ne faut pas attendre l'Europe, pas plus qu'il ne faille attendre l'Allemagne dans la mise en production des armes indispensables à notre sécurité (par exemple). Il y a deux pays qui dans l'ensemble des coopérations d'armement ont toujours répondu présents, ce sont l'Espagne et l'Italie quand le "plan de charge" était honnêtement distribué. Travaillons avec eux déjà et mesurons nos ambitions à l'aune de nos capacités. Nous saurons un jour ou bientôt si charbonnier est à nouveau maître chez lui !

mardi 8 mars 2022

Quatre remarques et un enterrement

char russe près de Lugansk

L'armée blindée russe se signale par un grand Z blanc peint sur le flanc des chars et des transports de troupe. La signification est vaseuse : est-ce le Z de la direction de l'ouest, le Z nazi de la cible Zelenskiy, l'initiale du prénom de la maîtresse du major général Guerrasimov, le héros de Crimée commandant la 41è Armée, Zhannochka peut-être, hélas pour elle déja veuve de la main gauche, tué sous les murs de Karkhov hier, après que son adjoint Sukhovetsky y ait péri au début du mois ? Le mystère reste entier, mais s'il en est un qui rit jaune, c'est bien Zorro Zemmour, zélateur de Musculator, qui a ravalé sa salive au faux-pas du "oui mais" dont est coutumière l'extrême-droite française. Chacun sait bien que les condamnations de ce bord sont de pure forme en période électorale, parce que 99% de la population française compatit aux malheurs de l'Ukraine, et qu'en régime de suffrage universel direct, chaque voix compte. Mais à connaître ce milieu, on devine sous le bruit de la compassion forcée, la porteuse de la petite musique soutenant Poutine malgré tout. La destruction de Grozny, la destruction d'Alep n'ont jamais soulevé d'inquiétudes dans ce camp habitué à éponger l'ardoise. Les barils de poudre largués par les hélicoptères de Bachar el-Assad dévastaient immeubles et civils de tous âges que des parlementaires français prenaient l'anisette en terrasse à Damas en se laissant filmer par la propagande du régime.

S'il en était besoin, avec les têtes de pioche il est toujours besoin, le mouvement vers l'Ouest des trois républiques évadées de l'Union soviétique que sont la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine, indique à l'opinion compréhensive qu'elles y cherchent refuge contre l'Hégémon dément du Kremlin ; et que ce n'est pas l'Ouest qui avance vers l'est mais l'inverse. Que la Finlande et la Suède ouvre des discussions avec l'OTAN pour entrer dans le commandement intégré ne doit pas les émouvoir non plus. Ce sont bien sûr pour eux les abrutis du Pentagone qui avancent, et quand passe l'escadrille de la chasse russe sur l'île de Gotland c'est parce que son GPS a été brouillé par les méchants Finlandais. Il sera intéressant de savoir combien prendra de temps l'acceptation par l'extrême-droite que la translation géostratégique est à l'inverse de ce qu'elle dénonçait jusqu'ici ! Mais le programme électoral est imprimé et ça coûte cher. On y trouve donc encore le projet de retrait du commandement intégré atlantique alors que grossissent les prémices d'une guerre mondiale par dépit (Philippe de Lara s'en inquiète), et que nous ne sommes pas plus capables de nous défendre seuls que nous ne l'étions en septembre 39 ; peut-être moins encore, vu les dotations matérielles de type démonstrateurs dont nous disposons aujourd'hui. Réarmons, putain, réarmons tout de suite !

Dans cette guerre déclarée, une chose ne laisse de m'étonner : la capture des avoirs extérieurs de la Banque centrale de Russie. J'en sais la raison, j'en sais les effets, mais on ne bloque pas un trillion de dollars impunément. Le précédent de l'Afghanistan taliban n'en est pas un, les réserves confisquées sont d'origine budgétaire américaine. Bruno Le Maire a parlé de guerre économique "totale". Le séquestre des liquidités russes et l'arrêt à venir le 12 mars des échanges instantannés par le réseau Swift sont des sanctions nucléaires contre une économie somme toute peu résiliente et portée seulement par ses échanges extérieurs. Contrairement aux négateurs de toute efficacité des sanctions (Iran, Syrie, Russie), je pense que l'effondrement de la bourse de Moscou et du rouble appauvrissant la classe moyenne basse à très court terme ne pourra pas être tempéré par la propagande lourde d'un pouvoir acculé devenant dangereux pour tous. Le Russe informé du caractère tchétchénien des opérations n'en voudra rien croire. Pour l'instant ! Mais en 2022 l'information finit toujours par percer le mur de la censure, d'autant que le pouvoir n'a pas coupé les télécommunications avec le reste du monde et qu'arrivent des descriptions et des images qui contredisent l'opération spéciale de dénazification sous les fleurs et les vivats de la foule libérée. Acculé, Poutine va-t-il péter les plombs et tirer ?

Le quatrième point est la fable chinoise du poulet et du singe : on tue le poulet au sol pour effrayer le singe dans l'arbre. A ce qui suinte des allées du pouvoir chinois (voir les sites choisis par RA), les stratèges si sûrs d'eux jusqu'ici sont carrément sur le cul à observer la vitesse incroyable et la masse destructrice des sanctions décidées par le G7 et l'UE. Ils en mesurent toutes les conséquences et les appliquent au pantographe sur l'économie chinoise en cas d'une invasion de Taïwan. Même s'il est un peu tôt pour l'affirmer, je crois pouvoir écrire dans un mois que Poutine a sauvé Taïwan. Outre la possibilité que l'île rebelle entrerait dans une résistance inexpugnable (la géographie montagneuse de Taïwan s'y prête cent fois mieux que les plaines d'Ukraine) obligeant les troupes chinoises à excéder le temps imparti par l'état-major avant réaction musclée des Américains et des Japonais, les sanctions économiques et financières déstabiliseraient durablement la société industrielle et manufacturière chinoise, dont le premier marché est l'Amérique du Nord, jetant à la rue des cohortes immenses de chômeurs vindicatifs. Dans le passé, le pouvoir chinois a toujous reculé devant une répression sanglante car le peuple Han est éduqué depuis le berceau aux vertus de la révolution marxiste léniniste. S'attaquant au peuple des gueux laborieux et fiers, il passerait sous le drapeau fasciste. Merde alors !

L'enterrement est celui de l'amitié russo-ukrainienne. Poutine attaque deux grandes villes emblématiques de l'Ukraine russe, Kharkov et Odessa, qui lui étaient tout dévouées il y a deux mois encore. Les dévastations et le malheur des gens exposé par tous les canaux de communication, comparés à une propagande russe imbécile tenant d'une époque révolue, auront durablement retourné les populations "russes" vivant en Ukraine, d'autant qu'elles n'ont senti jusque là aucun effet de la nazification du pays ; même si le front du Donbass fut chaud tous les jours depuis 2014 ; mais avec l'avion de la Malaysian Airlines en prime, la cause était entendue. Ce qui est plus grave encore est que la prévention naturelle des pays de l'Europe de l'Est contre les Russes comme peuple slave attardé va se diffuser en Europe occidentale, et on peut parier que l'amitié franco-russe en soit atteinte assez largement tant que Poutine vivra malgré les efforts d'apaisement des zélateurs intéressés ou pas dans leur fortune. Que meure Poutine est la seule véritable porte de sortie de cette guerre protéiforme contre nous. Cela fera un bel enterrement avec les flonflons et les pom-pom girls tout droit venues de la Nouvelle Orléans !

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