lundi 27 avril 2020

La Royale pop !

Sur un tempo de Partenaire Particulier, Rex Appeal propose à La Faute-à-Rousseau canal historique une interprétation dynamique de La Royale, chant des Camelots du Roi écrit au début des années 20 par Maxime Brienne (†1926). Ça décoiffe certainement à la fin du banquet royaliste traditionnel mais il faut savoir en sourire :


Français, parlons avec courage
Nés sur le sol qu'ont rassemblés nos rois
Nous recevons en héritage
Un champ moins riche et moins grand qu'autrefois
C'est pourtant bien la même graine
La même terre aussi pourtant
Qui donc a pillé le domaine ?
Il faut savoir, il est grand temps.

Refrain
Si tu veux ta délivrance
Pense clair et marche droit
Les rois ont fait la France
Elle se défait sans roi.
Si tu veux ta délivrance
Pense clair et marche droit
Français, nous voulons une France
Mais à la France il faut un roi !


Sans ordres, sans chef et sans guide
Le peuple errant n'est qu'un pauvre troupeau
Le Nombre est un tyran stupide
Que les flatteurs poussent à son tombeau
Le pouvoir n'est que la proie
Que se disputent les partis
Pour sauver la France qu'ils broient
Autour du chef, soyons unis !
Refrain

Tu n'étais pas un prolétaire
Libre artisan des métiers de jadis
À l'atelier comme à la terre
Le roi seul fort protégeait les petits
Abandonné, l'ouvrier peine
Esclave hier, forçat demain
Entre les dictateurs de haine
Et ceux du capital sans fin.
Refrain

Protégeant nos foyers prospères
Le roi tenait nos rivaux désunis
La démocratie unitaire
A fait le bloc des Teutons ennemis
Menant les peuples aux carnages
Elle armera le genre humain
La paix n'est qu'aux mains du roi sage
Qui rompait le faisceau germain !
Refrain

Sur le pays sans monarchie
L'ennemi fond quatre fois en cent ans
Nous avons sauvé la patrie
Mais qu'a-t-on fait du prix de notre sang
Le roi, qui, si l'on croit l'histoire
Ne le versa jamais en vain
N'eût pas livré notre victoire
Au saboteur américain.
Refrain

Transformant en ghetto immonde
Notre Paris qu'on ne reconnaît plus
On voit la vermine du monde
Prendre gaîment la place des poilus
Vainqueurs, porterez-vous ces chaînes
Est-ce pour subir un tel sort
Que reviennent ceux qui reviennent
Et que sont morts ceux qui sont morts ?
Refrain

Enfin, des chimères fatales
Un grand penseur délivre nos cerveaux
Assez de sang et de scandales
Hommes petits qui criez de grands mots
Pour les rhéteurs, l'heure est mauvaise
Notre force est d'avoir raison
Et partout l'Action française
Fait reculer la trahison !
Refrain

dimanche 26 avril 2020

L'art du docteur


S'il est une chose que j'ai apprise lors du confinement viral, c'est bien que la médecine reste un art plus qu'une "science". Et c'est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Les démêlées des praticiens debout au chevet des malades avec les "docteurs de la Loi" assis dans les fauteuils du mandarinat illustrent de manière fort éclairante ce segment de la Comédie humaine : il est de tout caractère et tempérament dans le corps médical comme dans le reste de la société. Pour ceux des lecteurs qui ont suivi les épisodes de la crise Covid-19, raconter la bataille de communication entre les pouvoirs publics, les experts divisés et la patientèle nationale serait lassant. Il est plus intéressant d'évoquer la révélation contenue dans l'incipit de ce billet.

L'art n'est fondé que sur l'intelligence. Une denrée concurrencée par la science des algorithmes qui ne s'appliquent qu'à des statistiques. Les études validées par le complexe médicalo-industriel ont établi que tel symptôme a décelé tant de fois sur mille que le sujet examiné était en défaut sur telle fonction organique ! En foi de quoi, le diagnostic entrant dans les limites acceptées de pertinence, le protocole de soins sera celui du code déontologique, le calcul d'erreur étant acceptable dans une société donnée. Et en avant l'intelligence artificielle qui va soigner les gens sur la base du dossier médical numérique, pronostiquer l'intensité des pathologies statistiques plus ou moins coûteuses et la durée de mise à contributions des caisses.

Depuis l'aube du monde, la médecine est un art fondé sur de longues études cliniques, l'observation et la mémoire. Il convoque la curiosité et l'irrépressible envie de guérir son prochain. Tout indique que les efforts de la Silicon Valley en matière de santé publique sont tendus vers la prolongation de l'humain par un cyborg de sa création, divinisant les chercheurs qui aboutiront, plutôt que vers l'éradication des pestes.

On pourrait appliquer aux essais de l'Institut hospitalier universitaire du Pr Raoult de Marseille la maxime de monsieur Deng : qu'importe la couleur du chat s'il attrape la souris ! Le chat, c'est tout un art en soi ! A quoi les pontifes de l'académie répondent qu'il faut préserver les rites contre le vent et la marée du succès. Finalement cette suspicion est très française. Imaginez que Didier Raoult roule en plus en Ferrari ! On me dit dans l'oreillette qu'il chevauche en santiags une peu convenable Harley-Davidson. C'est une rumeur.



lundi 20 avril 2020

The ROC !

La pandémie du coronavirus de Wuhan a mis sous les feux de la rampe le gouvernement souverainiste de la République de Chine de Madame Tsaï. Malgré la campagne intense d'ostracisation internationale de l'île soi-disant rebelle par Pékin, la petite république de seulement vingt-trois millions d'habitants s'est fait un plaisir de démontrer ce que peut l'intelligence dans la liberté d'innover par opposition à la caporalisation sociale mise en action par le Parti communiste chinois qui entend gouverner au quotidien et dans leurs gestes de chaque jour un milliard et quatre cent quarante millions de gens !

Chacun sait maintenant que les relations binationales entretenues avec Taïwan (ROC) se heurtent systématiquement aux condamnations de la Chine populaire qui en est arrivée à insérer dans ses contrats publics étrangers la devise d'une seule Chine, même dans les accords de jumelages des villes. Mais le blocage est contourné par les "chambres de commerce" qui s'interdisent aucun trou noir sur la carte du commerce mondial. Et Pékin de harceler plus encore les pays déviants, jusqu'à ce que la Tchéquie il y a un mois les envoie se faire foutre ! (clic)

En fait c'est à l'Organisation mondiale de la santé que l'étau communiste s'est desserré contre l'avis du Secrétariat exécutif qui avait pris fait et cause pour la République populaire de Chine derrière son précédent directeur général, Margaret Chan, en excluant Taïwan de toute participation aux travaux de l'organisation même en qualité de simple observateur. Les succès du combat solitaire taïwanais contre la pandémie, tardivement déclarée par les fonctionnaires internationaux sous influence chinoise, alors que Taïpei prévenait déjà d'une épidémie dangereuse en expansion, a obligé des pays pragmatiques à reconsidérer leur position vis à vis de la Petite Chine, libre et démocratique. Ainsi la République tchèque s'est-elle officiellement engagée dans une recherche de vaccin avec les scientifiques formosans. Hurlements de Pékin. A mesure que vont apparaître les effets néfastes pour ne pas dire létaux des atermoiements du Parti communiste chinois à déclarer l'origine et la propagation du virus SARS-CoV-2, derrière les dénonciations trumpiennes, plusieurs pays accepteront les secours de l'industrie taïwanaise capable de produire neuf millions de masques par jour, des tests et tous articles sanitaires en rupture partout ! D'où la photo largement distribuée sur les réseaux sociaux que voici :


Coincé dans la ratière où il s'est mis lui-même à sucer Zhongnanhai, le directeur éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus argue maintenant d'injures racistes à son endroit provenant des milieux taïwanais sans pouvoir démontrer l'origine des attaques, ce que Taïpei dénonce comme la énième insulte de cette administration corrompue à son égard. Autant dire qu'avec l'arrêt du financement américain, les jours du Dr Tedros à la tête de l'OMS sont comptés ; il y aura fait la preuve d'un souci politique personnel peu raccord avec la gravité du moment. Il faut être solide pour contenir la marée montante du mépris et ce docteur-diplomate est sous-calibré dans l'emploi. Mais cette victime de la discrimination positive n'est pas le sujet du jour.

Taïwan n'a jamais appartenu à la République populaire de Chine. En fait elle n'entre dans l'Empire du Milieu qu'en 1683 sous la dynastie mandchoue des Grands Tsings. Jusque là elle sera découverte par les Portugais qui la nommeront Formosa, colonisée par les Hollandais puis par un général de pirates chinois qui fondera une dynastie éphémère. Les Tsings la perdront au traité de Shimonoseki de 1895, et elle sera réoccupée par les armées chinoises de Tchang Kaï-Chek, président de la République de Chine, qui s'y repliera en 1949. On sait la suite. Il apparaît donc que cette terre n'est pas chinoise depuis des temps immémoriaux comme le fait croire le pouvoir communiste.

L'Empire chinois sous aucune dynastie ne fut une thalassocratie régnant sur les mers dont il fut riverain. Au plus loin, l'empereur exerçait sa suzeraineté sur les rois des Ryûkyû à la limite de l'océan, et l'archipel inhabité des Senkaku, aujourd'hui disputé entre la Chine et le Japon, fut donné par l'impératrice douairière Tseu-Hi à un entrepreneur herboriste de la cour pour y cueillir des plantes à infusion - c'est l'origine de la revendication. Disons pour être juste, que des expéditions océaniques furent lancées au XVè siècle par l'amiral Zheng He, un eunuque hui, qui est encore aujourd'hui une icône de la grandeur chinoise. A la mort de l'amiral (1433), la Chine referma ses portes, détruisit les grands navires et vécut sur elle-même en complète autarcie, l'ouverture au monde étant terminée pour longtemps. Autant en fut-il pour aucune revendication outremer qui ne se manifesta jamais !

Mme Tsai Ing-wen, Présidente de la République de Chine

Taïwan a une histoire propre, une culture propre fortement influencée par la civilisation japonaise, et des pratiques démocratiques semblables aux nôtres. Pourquoi devrait-elle accepter la tyrannie brutale et obsolète du Parti communiste chinois ? La République de Chine n'a nul besoin de la République populaire, sauf à commercer sur un grand marché comme le font toutes les économies du monde. L'île est complètement indépendante. Mais sous la présidence de Mme Tsaï, l'île a ouvertement soutenu le mouvement de démocratisation à Hong Kong, ce qui n'a pas arrangé ses affaires dans les ministères de Pékin. La menace militaire s'en est accrue d'autant.

L'hybris de Xi Jinping à étendre ses limites de souveraineté maritime dans les deux mers de Chine sous la menace explicite d'une guerre navale n'a aucune justification historique, encore moins économique. Les canaux de collaborations économique et financière sont multiples avec tous les voisins de la Chine pour le bénéfice de tous. Déplacer l'escadre est pur orgueil ! Et dans le passé, ce genre d'arrogance poussant les autres à l'exaspération a conduit à des désastres. Qu'on se souvienne du Reich allemand de 1871 qui à la charnière du siècle dominait l'industrie occidentale de la tête et des épaules, fournissait les sciences et les techniques à tout le monde, mais a chopé le virus colonial et démontra à la thalassocratie impériale britannique qu'elle devrait compter désormais sur un concurrent qui à la fin la dominerait. Le Reich en mourut.

samedi 18 avril 2020

In memoriam Bevilacqua

Il faut marquer le coup au départ avancé de Christophe (1945-2020) parce qu'il le vaut bien :

Je l'ai rencontrée sous un ciel si bleu
Ce jour-là, j'n'avais pas mis de veste
Elle bronzait sans maillot de bain
Au fond de son jardin
En cueillant la rose pour ma boutonnière
J'lui ai dit "C'est pas sûr que je reste
J'ai toujours un billet open pour les pays chauds"
J'l'ai pas touchée, elle voulait pas
Je n'ai pas posé de question
C'est beaucoup mieux comme ça

Je l'ai rencontrée sous un ciel si bleu
Ce jour-là, j'n'avais pas mis de veste
Elle attend et je sens bien
Je sens bien qu'elle me teste
Elle voit l'incendie, encore du rouge
Elle me dit "D'accord, mais juste un zeste"
Elle me fait glisser tout entier
J'suis bien dans sa peau
J'l'ai pas touchée, elle voulait pas
Je n'ai pas posé de question
C'est beaucoup mieux comme ça

J'l'ai pas touchée, elle voulait pas
Je n'ai pas posé de question
C'est beaucoup mieux comme ça

Je suis reparti sous un ciel si bleu
Ce jour-là j'n'avais pas mis de veste
Elle a mis les voiles sur la jonque
D'un vieux joueur de coco
Où va-t-elle aimer?
Où va-t-elle mieux?
Où va-t-elle dormir quand elle me laisse?
Elle me fait glisser tout entier
J'l'ai pas touchée.

Source : LyricFind Paroliers : Boris Bergman/Daniel Bevilacqua


Voilà. Tout y est ! Et au format Scopitone en plus !
Bon voyage, Christophe, au paradis des chanteurs surdoués.



Le regard bienveillant de Serge Gainsbourg en dit long...

jeudi 16 avril 2020

De la brique élémentaire de notre civilisation, la famille

Le temps pascal, plus que le carême de souffrance, est propice à la méditation, une méditation enjouée. Dans un billet précédent, nous évoquions la légende d'une descendance du Christ pour regretter qu'elle n'ait point existé, et si oui, qu'elle ne se soit jamais manifestée même si les origines davidiques des rois de la première race ont été affirmées par le marquis de La Franquerie. Le beau roman que serait devenu l'Evangile ! Dieu s'est fait homme dans le Fils, dit le codex, pour souffrir et penser comme nous, à la superbe exception du mariage ! Dans son infinie science Jésus-Christ a certes su les difficultés, drames, tragédies ou passions de toutes sortes qui peuvent accompagner cette union fondamentale de l'espèce humaine, mais il ne les a pas connues. C'est en recevant un droit de réponse d'Olivier Véron, directeur des Provinciales, au mensuel Le Bien Commun de la Restauration nationale (on y reviendra) que j'ai découvert cette méditation sur la brique élémentaire de notre civilisation. Le texte, initialement destiné à Politique Magazine nous a été aimablement prêté par monsieur Véron. Dans sa présentation initiale on le trouve en cliquant ici en page 4 du document sous le brûlot Contre un article rétrograde publié par l’Action française.


Le Spirituel est charnel


Né au début des années soixante, dernier d’une famille de filles, j’ai pu tôt mesurer la défection à l’égard des pratiques religieuses puis l’implacable érosion du mariage au sein de la bourgeoisie de province. J’ai reçu en la matière un enseignement précoce, assidu et concordant, consciencieusement dirigé contre un sexe égoïste et brutal, sans aucun sens de la famille et inflexible aux sentiments : le mien.

Comme l’écrira beaucoup plus tard Pierre-André Taguieff : « Il faut reconnaître que le pouvoir hypermoral en place a généreusement offert une possibilité de rédemption au sexe maudit : le mariage homosexuel... La conversion à l’homosexualité devient une porte de salut pour les mâles soucieux d’échapper à la suspicion permanente... Mais cette méthode de salut ne fait pas l’unanimité dans la population, où persistent d’une façon regrettable des préjugés d’un autre âge...1 ». Je ne sais comment j’ai persisté dans une façon aussi peu recommandable et m’entêtais à me marier avec une femme et (lui) faire beaucoup d’enfants, mais lorsque après 1989 je m’insurgeai contre l’affa(d)issement de la société et commençai à vouloir identifier un ennemi et des griefs, je ne trouvai guère que cela qui me parut lourd de graves menaces : « Vous brisez les familles2 ». Par la suite, j’ai continué d’observer les ravages de cette vérité pas si naïve. Source de nombreuses névroses, dommage collatéral ou cible d’une vaste entreprise d’émancipation3, la famille, qui repose entièrement sur l’interdit de l’inceste, donc une forme originelle de chasteté4, est encore aujourd’hui davantage combattue que convoitée. Or c’est une institution fragile qui conditionne l’existence politique d’une nation5. On ne peut pas faire « l’injure aux chrétiens de penser qu’ils ne savent pas ce qu’est la Nativité », a dit Jean-Claude Milner, cependant peu de nos contemporains mesurent l’importance cardinale du mariage, institution légale qui encadre la naissance et lui donne sa portée politique.

Pierre Boutang a repris en métaphysicien et mis en évidence cette vérité maurrassienne qu’il formulait ainsi dès son premier livre, La Politique, la politique considérée comme souci (1948) : « Je nais ici, et non ailleurs, fils d’une famille, héritier d’un nom. Il ne dépend pas de moi que la spiritualité humaine et la civilisation ne se manifestent pas comme un système de volontés mais comme une histoire.» Quant à cette histoire, expliquera-t-il, « il n’est pas en elle de fait qui ne prenne sa profondeur dans un sentiment. C’est l’ensemble de ces sentiments qui constitue le domaine politique proprement dit, l’horizon présent de l’homme6.» L’Évangile certes nous dit : « si vous aimez ceux qui vous aiment, quel salaire aurez-vous ? les percepteurs même n’en font-ils pas autant7 ?» En dépit ou peut-être en raison de leur tendresse naïve, l’incapacité des familles à transmettre les vraies valeurs morales semble avérée. Les philosophes au moins depuis Platon, les religieux, les révolutionnaires et les législateurs ont cherché à établir ailleurs le fondement de leur République idéale. Aimer ses ennemis peut-être ? Encore faut-il savoir comment. Les catholiques ont tenté pendant quelques siècles de sanctuariser le mariage en assénant son irréversibilité, calquée sur la Nouvelle alliance, mais ils avaient inventé d’abord le célibat monastique et sacerdotal, qui semble avoir conduit ou prétendu à une sorte de primauté sur l’acte de chair et son domaine civique, la « primauté du spirituel ». Par la suite les psychanalystes ont découvert dans les tréfonds de la filiation le soi-disant complexe d’Œdipe, mais aussi que le besoin d’absoudre et la confession pouvaient se passer de sacrement8. Dès lors les plaies ont (re)commencé de saigner, les injustices, les vices et les lâchetés sans nombre qui émanent de la famille et du couple légitime, notre première société, sont apparus à tous sans rémission pour avoir engendré des traumatismes dont on ne se libère pas. Quelques nostalgiques n’ont pu éviter le procès sans appel qui a fait du refus de l’autorité du mariage unique et de la naissance (féminisme, jeunisme, islamisme) une règle bizarre, la seule. Les campagnes de scolarisation, le code civil, les divorces, les bourses d’État, le droit du sol, les lois fiscales, les avortements, les brochures des ministères, la pornographie, les réseaux LGBT, les programmes d’études internationaux, le préservatif, le mariage pour tous, les migrations, la procréation assistée, l’euthanasie réalisent le même but : non aider les familles à tenir (pour le meilleur et pour le pire), mais aider les citoyens à s’en émanciper.

Du « familles je vous hais » du pédophile Gide9 au « refus de continuer le monde » de l’antisioniste Genet10, en passant par le philosophe René Schérer dénonçant la mainmise de la famille bourgeoise sur l’enfance par l’interdit de l’inceste11, et le dominicain Marie-Dominique Philippe qui justifiait par « l’amour d’amitié » les abus sexuels dans le clergé, tout était déjà dans Sade12, et couvait puissamment contre l’amour conjugal détesté parce qu’il est la forme légale, triviale et contraignante qui donne à la naissance et aux sentiments qui s’y rapportent leur consistance politique nationale. Pour Sade « l’amour anal » est seul égalitaire, universel et transgressif. Cependant les centaines de procès et les quelques sanctions canoniques qui ont montré l’étrange et scandaleuse incurie de l’Église bien avant Sodoma (où un ancien catholique ayant fait son coming-out s’est rêvé en Jules Isaac pour homosexuels dans l’Église) ne nous ont pas persuadés que le moment était venu de liquider le mariage, au contraire : « Politique d’abord ! » Pourquoi une guerre aussi totale a-t-elle été livrée contre un principe aussi fragile, chétif, depuis l’humiliation tragique de la famille royale13 ? Voilà une vraie question. Celui-ci relève d’un sentiment fugitif de responsabilité qui a besoin d’être soutenu. Je le définirais par l’étonnante propension à rester auprès de la femme empêchée et le souci des enfants. Mais il est plus incertain et pas aussi universel qu’on l’imagine, car la culture gréco-hébraïque qui commence avec le rapt d’Hélène à Troie s’achève peut-être avec le valeureux Albert Cohen et n’a atteint un tel degré de puissance poétique et érotique qu’avec l’ensemble des raffinements culturels liés à ce que l’on appelle l’amour en Occident. Il commence, certes, avec l’instable et surpuissant noyau humain constitué par le désir charnel, mais il se prolonge en dépassant les pièges de la passion, se purifie peut-être par les refus de céder et se transmue en s’usant dans une descendance innombrable, dont le souci lui révèle sa propre nature historique et politique : procréation, éducation, répétition, progrès. La question n’est pas de savoir si l’homme a fait son Dieu à son image, mais d’où vient la force non seulement objective mais affective et symbolique de la paternité et de la filiation, qui provoque des névroses, certes, mais structure en profondeur (pour le meilleur et pour le pire) notre société.

N’est-ce pas d’abord une ruse de la nature qui implante puissamment en chaque individu le désir charnel, avec ce qu’il s’en suit pour proroger l’espèce ? On le croit, mais les plantes n’ont pas besoin d’un tel rituel pour croître et se reproduire. La puissance du désir chez l’animal et plus encore chez l’homme, dont les attentes s’augmentent des promesses de la psyché et de la culture, ne vient-elle pas alors équilibrer un autre principe structurant chez un être capable de se mouvoir et de s’enfuir, le libre arbitre ? L’égocentrisme est surtout dénoncé au préjudice du sexe mâle, mais la Bible (rédigée par des hommes) lui a confié la Loi, et c’est pourquoi elle affirme : « Ton élan sera vers ton mari et, lui, te dominera14.» Toute société reste établie sur l’attirance réciproque des contraires et ce qui en découle, la naissance, mais pour quoi ? Il semble que ce soit pour révéler par le fond de nos entrailles humaines l’acte de don gratuit qui est la manifestation même du Tout-puissant dans son geste créateur, et instituer en nous par tendresse infuse, à travers la durée des attachements terrestres, un attribut divin essentiel, l’amour. Cette capacité de se donner et de donner la vie est bien l’empreinte de Dieu en l’homme et n’est pas connaissable autrement que par les liens familiaux dont tout le monde (jusqu’ici) a l’expérience douloureuse : en se projetant et crucifiant hors de la fusion primitive, par le mariage précisément, ils deviennent le creuset de l’œuvre la plus infiniment précieuse et menacée de la Création, la seule pour laquelle nous avons un besoin impérieux de sainteté, l’enfance, don total et héritage public et absolu de Dieu.

Olivier Véron


NOTES
1. Pierre-André Taguieff, Des putes et des hommes. Tous coupables, toutes victimes chez Ring, 2016.
2. Cf. Les Provinciales (lettre) n°12, novembre 1990.
3. Cf. Pierre-André Taguieff, L’Emancipation promise au Cerf, 2019
4. L’emploi de ce terme mérite d’être développé, et nous tâcherons de nous y employer ultérieurement.
5. Cf Olivier Véron, « Le sens politique du mariage », in Dans le regard de Pierre Boutang. Babel ou Israël, chez Les Provinciales, 2019.
6. Pierre Boutang, La Politique. La politique considérée comme souci [1948], chez Les Provinciales, 2014, pp. 19 et 28.
7. Mtt V, 46.
8. « Pour le cérémonial tabou (...) la pénitence y est un élément plus originel que la purification », Sigmund Freud, Totem et tabou. Quelques concordances entre la vie psychique des sauvages et celle des névrosés, coll. « Connaissance de l’inconscient » chez Gallimard, 1993, p. 126
9. Cf. Simon Leys,« Protée : un petit abécédaire d’André Gide », in Protée et autres essais, Gallimard, 2001.
10. Cf. Olivier Véron, L’Avenir du printemps, Les Provinciales, 2014.
11. Cf « Le sens politique du mariage », art. cit.
12. Cf. Éric Marty, Pourquoi le XXe siècle a-t-il pris Sade au sérieux ? au Seuil, 2011.
13. Cf. Jean-Louis Bachelet, Sang Royal chez Ring, 2015.
14. Genèse, III, 16.

Mini postface. L'époque est au confinement international pour cause de pandémie. Les prosélytes de la famille sur-mesure, montable et démontable comme un meuble IKEA, qui demain marieront des bêtes, affrontent aujourd'hui les affres de la mondialisation du Lebensborn 2.0 : que faire des productions parvenues à terme si les clients où leurs mandataires ne peuvent plus venir en prendre livraison ? qui va payer les frais de garde et de nourrissement ? les gynécées tropicaux et les mères-maquerelles qui les gèrent, subiront-ils un délai de rétractation comme pour les ventes en ligne ? que faire du stock malade ? Autant de questions que les affranchis du mariage traditionnel se posent ! Et les adeptes du vieux principes de conception dans la joie d'en rire !

dimanche 12 avril 2020

Jésus le bien aimé

Marie Madeleine restait là dehors, à pleurer devant le tombeau. Elle se penche vers l’intérieur, tout en larmes, et, à l’endroit où le corps de Jésus avait été déposé, elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds. Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé le Seigneur mon Maître, et je ne sais pas où on l’a mis. »
Tout en disant cela, elle se retourne et aperçoit Jésus qui était là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus.
Jésus lui demande : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? »
Le prenant pour le gardien, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et moi, j’irai le reprendre.»
Jésus lui dit alors : « Marie ! »
Elle se tourne vers lui et lui dit :
« Rabbouni ! » ce qui veut dire : « Maître » dans la langue des Juifs.
Jésus reprend : « Cesse de me tenir, je ne suis pas encore monté vers le Père. Va plutôt trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.»
Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit.» (Jean 20, 11-18)


Parmi les quatre évangiles reconnus par les Pères de l'Eglise, ce texte de Jean est le plus crédible sur la résurrection de Jésus de Nazareth. Que s'y passe-t-il ? C'est plus probablement le récit qu'en fit Marie de Magdala aux apôtres auprès desquels elle accourut porter la nouvelle de la Promesse réalisée puisque rien de la saga christique ne tient sans la résurrection.

Sans aucun préavis, elle est confrontée au monde d'en haut, les anges l'attendent, le Seigneur l'attend. Elle ne le reconnaît pas ! Bien qu'intime du Christ au quotidien, et certainement éperdument amoureuse de celui qui l'a arrachée à l'opprobre publique de son métier, le plus vieux du monde, elle ne le reconnaît pas. Jusqu'à l'instant où il s'adresse à elle comme dans l'intimité, en l'appelant par son prénom. En ces temps imparfaits, on ne s'adressait aux femmes qu'en appelant leur condition : "femme !" Ainsi que le font les anges du tombeau. Ainsi que le fera Jésus à sa mère quand il s'adressait à elle en public.

Alors elle voit son seigneur et maître (rabbouni) vivant, et le touche de joie, teintée peut-être d'incrédulité comme on chercherait à saisir un hologramme. Il la dissuade aussitôt parce qu'apparemment il n'est pas "fini". Il n'est pas encore remonté à son père. Il y va. Peut-être s'agissait-t-il de son corps astral et non plus de la guenille humaine, ce qui expliquerait qu'elle n'ait pas reconnu l'élu de son cœur au premier regard ? Il s'en va. Les apôtres arrivent trop tard, c'est fini, les anges ont fait du rangement, impeccable. Seule Marie Madeleine est le témoin oculaire de la résurrection, les autres ne sont que témoins d'une absence. Les apparitions suivantes seront toutes à l'initiative du Ressuscité mais il a choisi sa Marie pour donner la première preuve.

Il l'avait annoncé : « Les publicains et les prostituées vous précéderont dans le royaume de Dieu, car Jean le baptiste est venu à vous, vivant selon la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; tandis que les publicains et les prostituées y ont cru.» (Matthieu 21, 28-32).

Sur la base de l'intensité du récit au tombeau, fondateur du catholicisme, on comprend mieux le mythe médiéval d'une descendance de Jésus et Marie Madeleine, et on regrette d'autant plus qu'il ne se soit pas réalisé, d'autant qu'elle avait choisi la Provence actuelle pour terminer ses souvenirs et rejoindre son bien-aimé.

jeudi 9 avril 2020

Office du Triduum


Saint-Georges de Lyon, église primatiale de rite lyonnais, vous invite au Triduum Sacrum de la semaine sainte qui commence ce soir à 18 heures sur vos écrans. Ierusalem, Ierusalem, Convertere Ad Dominum Deum Tuum ! Le programme des trois jours est ici.



Appel de l'abbé Hugues de Montjoye


Chers fidèles,

Cette Semaine Sainte qui approche, nous allons la vivre d’une manière inédite et, disons-le, avec une certaine tristesse : la plus belle semaine de l’année, si riche par la liturgie et les mystères qu’elle nous fait revivre, elle sera pour vous sans offices et pour nous sans fidèles ! Heureusement que « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8,28), et que l’amour de Dieu ne nous fera pas défaut. Dieu saura bien combler tous les cœurs assoiffés et avides de Le recevoir. Alors, élargissons nos cœurs, demandons-Lui pardon pour nos fautes, et prions pour ceux qui continuent d’offenser un Dieu si bon, et qui méprisent les avertissement de Dieu.

Je vous invite à lire les lamentations de Jérémie, spécialement lors du Triduum. Malheureusement nous ne pourrons vous offrir cette année l’office si beau et si touchant des Ténèbres. Nous vous proposerons de réentendre l’enregistrement de l’an passé (ndlr: pour les lecteurs de Royal-Artillerie ce sera celui de 2017), mais nous chanterons quant à nous les Ténèbres hors micro cette année. Nous penserons évidemment bien à vous.

Le Recteur

mercredi 1 avril 2020

Hécatombe coronavirale

Le confinement du gouvernement positif découvre à marée basse la haute administration qui reprend la main. Ne restent aux ministres que la pornographie de bureau, les dîners en scaphandre et la communication. Faire-part de décès en rupture. Condoléances différées à meilleure fortune. Rires étouffés.

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