jeudi 25 mars 2010

Le petit reître est "mort"

NSSarko est mort. Je ne sais qui l'a tué, de la Rolex ou du vulgaire, mais le camelot de trottoir qui ouvre devant le grand magasin son parapluie de cravates, n'arrête plus personne. Passe le passant sans tourner la tête ; même au mégaphone il ne percute plus. Histrion démocratique de la trempe d'un Berlusconi mais sans les sous du cavaliere, le jadis président de la République n'est que l'hôte encombrant d'un palais dont on va chercher à s'enfuir pour éviter les stigmates. Les deux années restantes seront une sorte d'agonie.

Les députés bientôt sortants donc inquiets ont donné le la, les traîtres au Centre en tête, qui cherchent à désolidariser leur propre image de celle très abîmée du pouvoir parisien. Sarkozy c'est le plomb dans l'aile, le catalyseur à mécontents, mais d'un côté aussi, le bouc émissaire inespéré pour une assemblée de godillots qui lui passa tous ses caprices pendant trois ans.

Croyant rameuter des catégories d'électeurs qui lui semblent proches – mais c'est une illusion d'optique – il affiche aujourd'hui ses cinq priorités¹ avec des airs de matamore qui font penser à ces grandes gueules du Quai de Rive Neuve : « Arrêtez-moi ou je fais un malheur ! ».
Et personne n'arrête !

beau mouton noir
Ainsi va-t-il charger, sus à la réforme de l'Europe agricole, pour préserver les voix de la FNSEA. Les paysans s'assoient sur le tracteur et attendent qu'on leur joue toute la pièce, en connaissant l'issue d'avance car ils savent le texte par coeur, ce qui n'est pas le cas du ludion de service, surgi de nulle part, allant vers nulle part. Historiquement, les nations du Nord sont ouvertes aux échanges intercontinentaux par la division internationale du travail, et elles jugent que la politique agricole commune renchérit les prix sur les étals (ou dans les barquettes filmées). La Grande Bretagne associée aux Pays-Bas et au Danemark mène la fronde. Ce sont trois pays agricoles exportateurs dans le mouton, le porc transformé, les fleurs, la volaille et les huiles. Ils ont l'oreille de la Suède et de … Malte, et de quelques autres qui se cachent !
Jusqu'à la commission Delors, la PAC était le sas d'entrée dans le Marché commun franco-allemand (agriculture contre industrie) et tout le monde achetait le concept un peu extravagant de la sécurité alimentaire, oubliant volontairement que tous les pourvoyeurs étrangers de nourriture vers l'Europe étaient dans la zone OCDE (pays neufs austraux) ou sous influence (colonies économiques). L'embargo des pistaches iraniennes ou des noisettes chinoises n'était déjà pas une vraie menace.
Depuis lors, par impéritie de gestion, par arrogance de vieux noble ruiné, par camelotage de parvenu, la France a perdu son chic d'intelligence, son aura européenne et les moyens de pression qui découlaient de sa position de chef de file. On voit bien comment l'équipe Sarkozy est baladée par tout le monde dans la crise grecque. Notre influence est nulle sinon epsilon. Comment dès lors protéger la PAC ? Par l'obstruction systématique des discussions qui détruira le peu de prestige que certains aveugles nous accordaient encore, ...jusqu'à ce que nous nous couchions à la vingt-cinquième heure : « Je suis prêt à aller à une crise en Europe plutôt que d’accepter le démantèlement de la politique agricole commune et de laisser la spéculation fixer de façon erratique des prix agricoles qui ne permettraient pas à nos agriculteurs de vivre décemment du fruit de leur travail » (N. Sarkozy, a capella le 24.03.2010).

séniors boulistes
La seconde priorité est la réforme des retraites françaises, patate chaude que se lancent les gouvernements depuis vingt ans (19 exactement depuis le Livre Blanc de 1991) et qui alimente la chaudière de l'opposition démagogique. Il n'y a que deux étages d'intervention : (1) régler l'arithmétique comptable tout de suite, (2) reconstruire un système sain sur des bases sociales rénovées (désoviétisées).
Il ne faut pas six mois comme l'annonce Sarkozy pour régler la comptabilité. Tous les chiffres sont archi-connus. Il faut une heure d'explication au tableau noir devant les téléspectateurs et une autre pour les décrets ! La condition sine qua non est la justice intégrale « au marc le franc » pour les pensions, et la destruction de tous les régimes spéciaux, à commencer par celui des parlementaires qui est une vraie insulte à la population. Remettre l'âge légal à 65 ans comme chez nos voisins², relever les cotisations des salariés, plafonner les pensions de la caisse nationale vieillesse, sont les réponses « simplistes » dont nous avons besoin.
Viendront ensuite les mesures de finition accotées à la redéfinition des solidarités intergénérationnelles qui sont aujourd'hui une épouvantable escroquerie. On peut prendre quelques mois pour discuter entre gens de bon sens du régime à prestations définies, à cotisations définies, à annuités, à points, à comptes notionnels, etc. L'Institut Montaigne a fait une étude l'an dernier (clic) qui conclue au big bang ! A lire tranquillement avant le désastre.
Mais dans cette affaire où doit s'imposer la volonté de préserver l'intérêt général, Sarkozy reculera in extremis pour quelques pourcentages électoraux, comme il le fit sur les régimes spéciaux fin 2007, qui furent réformés facilement …par leur remplacement par de nouveaux régimes spéciaux ! Chirac, lui pas mort !

La troisième priorité est de récupérer les voix de la médecine de ville, à qui on va confier la clientèle laissée sur place par les structures hospitalières regroupées au chef lieu. Ce que vient faire cette affaire dans le plan de résurrection est un mystère. Le président du Conseil de l’Ordre va donc conduire une mission pour « inventer un nouveau modèle de soins de premier recours ». On est dans le burlesque étatique puisqu'il n'est pas nécessaire d'inventer quoique ce soit, l'offre et la demande s'ajustant aisément après une courte phase d'observation. Si le terme de « marché » est un gros mot, il faut alors carrément revenir aux dispensaires de quartier, dont personnellement je regrette la disparition. Ils concurrençaient dangereusement la médecine conventionnée !

racailles devant le lycéeLa quatrième priorité électorale est... la sécurité. Nul ne pouvait faire plus mal. Nous avons élu en 2007 le chef de la police pour voir croître l'insécurité. Nous sommes bien un pays latin. Au lieu de frapper fort avec le gourdin disponible, on rédige de nouvelles lois et règles d'engagement, on ballade des équipes mixtes de diagnostic et pourquoi pas la cellule psychologique qui traitera de « l'insécurité ressentie » mais pas réelle ! Les Français, qui ont vu passer sous leurs fenêtres tout et son contraire en matière de sécurité publique, sauf l'affrontement décisif des forces de l'ordre et des bandes urbaines, ne croient plus à rien et achètent de la 3-en-1. Le programme d'investigation proposé ne lui gagnera pas une voix ; c'est trop tard. Il est jugé comme Tartarin de Tarascon (qu'il n'a pas lu), chasseur de lion apprivoisé !

La cinquième et dernière grande priorité nationale vise à rassurer les parents d'élèves, en sortant des classes normales les enfants inadaptés, parfois bien grands, que l'on dirigera vers un système bizarre de sections spéciales. Qui encadrera les monstres ? Sans doute pas le personnel de l'Education nationale qui se prend des gifles en tendant l'autre joue. Des karatékas peut-être sous le contrôle de Chantal Jouanno ! Mais comme la chose n'est pas susceptible d'attirer l'électeur en masse, il est probable que les SS ne trouveront pas de budget.

On voit très bien dans le choix que fait Sarkozy pour renaître dans les sondages, qu'il n'y a plus de projet pour la France. On est dans la gestion d'image et de buzz au dixième de point, gestion bridée par un affaissement des ressources fiscales et par des promesses faites à des corps sociaux dangereux (syndicats publics) ou mourants (PME perfusées aux exonérations que l'on ne peut stopper). Il n'y a aucune marge de manoeuvre, en écho au manque d'enthousiasme général.
Ce pays qui détient encore quelques atouts, devrait se reprendre en main en détruisant son Etat. L'Ordre sans l'Etat ! Une utopie à méditer tant le second nous a fait de mal.

port au Français
« Liberty Ships » pour les Kerguelen, on sait déjà qui sera nommé commandant de la flotte sans retour, et les autres ici se tiendront tranquilles.



Note (1): c'est le découpage retenu par La Croix.
Note (2): Age légal homme dans l'UE : Allemagne (67), Autriche (65), Belgique (65), Danemark (67), Espagne (65), Finlande (65), France (60),Grèce (65), Hongrie (62), Irlande (65), Italie (65), Luxembourg (65), Pays-Bas (65), Pologne (65), Portugal (65), Tchéquie (62), Royaume-Uni (65), Slovaquie (62), Slovénie (63), Suède (65)

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mercredi 17 mars 2010

Französisch Schweine

Mercedes BenzBrick and mortar ! Cette expression américaine inventée pour séparer les entreprises de fabrication des entreprises virtuelles de grand vent, la Deutschland AG se l'applique en réponse aux critiques des suceurs de roue qui pédalent dans la choucroute de l'euro. Dans la même veine que celle des récriminations occidentales à l'encontre de la Chine qui manipulerait son yuan pour avantager ses exportations, on prête aux Teutons d'écraser délibérément les salaires et donc le pouvoir d'achat populaire pour maintenir ses positions extérieures, privant ce faisant ses voisins d'un marché solvable.
A quoi le patronat germanique répond d'un coup de batte de baseball :
« Notre secret, ce n'est pas le prix. Nos principaux arguments de vente, ce sont la qualité et l'innovation. Avec le seul argument du prix nous ne pourrions concurrencer des pays à bas coûts comme la Chine.» Et vlan !

Le problème est que l'écart de compétitivité structurelle entre voisins ne peut être résolu par une énième réévaluation du deutschmark puisque toute la zone périphérique est passée en zone deutschmark ! Donc, au lieu de prendre le taureau par les cornes ici, on préfère critiquer le cousin germain d'en faire trop à son propre bénéfice. Ces enfoirés ne s'occupent que d'eux ? Mme Lagarde n'éprouve aucune honte à faire ces demandes¹, mais nous, si, car c'est l'aveu public de notre impéritie. Il en aura fallu du temps pour quêter à Berlin !


hambourg
Même ceux qui ne fabriquent rien comme les Anglais hurlent avec les caniches et critiquent le cavalier seul du uhlan qui les privent de vendre du vent aux Allemands. « Que devrions-nous acheter au Royaume-Uni ? Ceux-ci leur répondent-ils. Les services de courtiers en devises qui attaquent l'euro ? Des financiers de "private equity" qui désossent des entreprises traditionnelles locales ? Des spécialistes de dérivés de crédit qui parient sur le défaut de paiement de la Grèce ? » (Financial Times Deutschland)

La théorie des vases communicants soutenue par des arithméticiens primaires ne tient pas compte de l'environnement planétaire où circulent ces flux. Si demain l'Allemagne devait aller vers une balance commerciale zéro pour favoriser ses voisins incapables, le déficit énergétique global de la zone euro pèserait sur la devise unique et tout le monde s'appauvrirait.
La vraie question est surtout qu'il y a des pays qui n'auront jamais aucune possibilité de convergence dans le cadre du Pacte de stabilité, et qui devraient passer en zone sterling ou dollar. Les PIGS² en premier.

porscheQuand aux autres, ils n'ont d'autre choix que de suivre le modèle allemand (désolé, Marie-France) et de prendre la voie prioritaire d'une recherche de puissance à tout prix. Puisque nous prouvons depuis cinquante ans notre incapacité à réussir « seuls ou en réunion », profitons de l'émulation de nos vaincus. Je vais pétitionner de ce pas pour qu'on mette en décharge le soldat inconnu de l'Arc de Triomphe (qui pourrait bien être un schpountz) et qu'on le remplace par les ossements du maréchal Pétain ! La place reprenant son nom d'origine, l'Etoile, l'améliorant même en : Sept Etoiles. En l'état de décrépitude de ce beau pays où venaient vivre les dieux et les huns, mon résistant de père comprendrait qu'il faille un signal fort.

Puissance ? Nous avons déjà détaillé les mesures qui devraient être forcées pour y réussir dans plusieurs articles dont "Souverainisme". Nous ne donnons que la liste sans développer :

- Simplification drastique de l'Etat politique par suppression du bicamérisme, réduction de l'assemblée nationale à trois cents sièges, suppression d'une assemblée territoriale, limitation des cabinets ministériels, suppression des subventions aux partis politiques, aux agences périphériques, aux think tanks et à toutes associations à but politique, économique ou social.
- Simplification de l'Etat administratif par suppression de toutes redondances entre le gouvernement central et les collectivités territoriales, suppression des subventions aux conseils, commissions et agences périphériques spécialisées, suppression des chambres de commerce locales sous un certain seuil.
- Simplification de l'Etat social par suppression des subventions syndicales, rééquilibrage des comptes de la sécurité sociale en séparant complètement médecine publique et privée, réforme des retraites par abaissement des plafonds de la Caisse nationale vieillesse, contrôle strict des prestations aux étrangers, et justice sociale effective au marc le franc.
- Réduction des déploiements extérieurs en repliant la moitié de notre réseau diplomatique à l'exception des Alliances françaises, application exacte du Livre Blanc de la Défense, et cessation de la Coopération à fonds perdus.

Les fonds dégagés – si l'on n'accompagne pas tout de suite ce repli de l'Etat d'allègement fiscaux généralisés – pourront être mis en soutien de nos universités, dans la recherche et développement, dans la réhabilitation et la création d'industries de demain, et dans tout ce qui fera le futur de ce pays, à travers de structures sanctionnées par leurs résultats.

Certes, notre prestige sera fortement entamé, mais comme il se déployait sur une baudruche gonflée au souvenir de nos gloires enfuies, nous aurons les capacités de tenir notre rang, notre vrai rang, et ne nous épuiserons plus à courir dans des brodequins de 45 où mettre nos petits petons de 41.

machines textiles allemandes en batterie
Hélas ! Le régime démagogique actuel d'essence démocratique interdisant toute réforme de bons sens en France, nous devrons attendre la mise sous tutelle du Fonds monétaire international qui nous fera crever comme un pays du tiers monde. La crise grecque n'est que le prototype de ce qui attend les « pays cochons¹ » dont nous sommes le porte-grogne. Si par « bonheur » nous y échappions et pouvions continuer l'agonie présente indéfiniment, je suggèrerais que nous posions bientôt notre candidature à l'Union Africaine, où nous deviendrions - c'est certain par notre nouvelle composition démographique - le « primus inter pares » du grand siècle revenu.
Les lecteurs assidus de Royal-Artillerie savent que ça ne me gênerait pas tant que ça.

Et le roi dans tout ça, comme disait jadis de la mort Jacques Chancel à ses invités ? D'abord, je n'en ai entendu aucun sur le sujet. Quatrevingt-dix pour cent du discours sont un rapport à l'histoire qui ne va pas beaucoup servir pour la suite, car le pays et son environnement ont radicalement changé. Ce pays a conservé son ancien nom mais n'a plus rien à voir avec La France. Je le regrette plus que d'autres car plus enraciné que d'autres, la trompe de chasse en ré peut-être(?). Une exception quand même concernant Henri d'Orléans qui a essayé de sortir du registre compassé et a su explorer une « écologie divine » avec quelque talent. Royal-Artillerie en a fait un billet en son temps : Le Prince et la Gnose.
Pour ses concurrents, nous ne disposons pas d'éléments probants et les conseils qui sont censés pourvoir aux projets futurs ne m'apparaissent pas « futuribles ». Historiens et juristes forment tout le « shadow cabinet » qui s'occupe d'abord de dézinguer la concurrence en grignotant la paix d'Utrecht, le vice de pérégrinité et autres fadaises ! Donc pour moi, dans le pays où je peux vivre encore un peu, toute option est la bienvenue, même en dehors de la tradition qui m'apparaît de plus en plus comme un refuge incapacitant mais douillet.

excavatrice à lignite
On me dit dans l'oreillette qu'il serait temps de conclure car certains veulent rentrer se coucher. Soit ! Il ne fait aucun doute que l'état de délabrement matériel et moral de ce pays gavé d'atouts, trouve son origine dans la social-démocratie qui n'est que l'organisation des nuages de criquets. La capitalisation des richesses produites a toujours cédé devant l'urgence des cautères sociaux et la corruption des oligarques et de leurs fondés de pouvoir.
Le peuple est gravement intoxiqué à la redistribution forcée comme nous le montrent les troubles sociaux sans raisons graves, en oubliant qu'il n'y a plus de captifs fiscaux dans le monde moderne. Ou bien nous replions notre Etat, déployé aujourd'hui à la taille d'un empire mondial, et nous durcissons nos atouts en coupant tout le bois mort, atouts dont l'intelligence française n'est pas le moindre, ou bien nous subirons à terme le dictat des empires émergés qui feront la loi pour un siècle, avant de succomber eux-mêmes au désastre planétaire d'une terre surchargée. Sympa !
Vive le roi quand même.



Note (1): Mme Lagarde au Financial Times dimanche dernier :
"Il est clair que l'Allemagne a réalisé un travail remarquable dans les dix dernières années. Elle a amélioré sa compétitivité. Elle a fait durement pression pour abaisser le coût du travail. Quand on observe le coût de l'unité de travail en Allemagne, de ce point de vue, l'œuvre réalisée est admirable.
Je ne suis pas sûre cependant que ceci puisse constituer un modèle durable, ni une exemple généralisable à l'ensemble du groupe. Nous avons évidemment besoin de plus de convergence".
C'est vrai que les coûts salariaux sont maintenant similaires des deux côtés du Rhin.
A quoi répond le chancelier Merkel :
"Nous n'allons pas abandonner nos atouts au prétexte que nos produits sont peut-être plus demandés que ceux d'autres pays. Cela serait la mauvaise réponse à apporter à la question de la compétitivité de notre continent. Un gouvernement économique européen doit s'aligner sur les États membres les plus rapides et les meilleurs, pas sur les plus faibles". (signalé par l'Insolent)
Et toc !
Note (2) : Portugal, Irlande, Grèce et Espagne (Spain)

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vendredi 5 mars 2010

Le Piège de Goldsmith

Jacques marseilleJacques Marseille est mort hier. Formé à l'école marxiste, il avait exploré la caverne idéologique jusqu'au fond, et n'ayant trouvé que mensonges et manipulation, il en était ressorti intégralement libéral. Sa dernière flèche visait les plans de sauvetage bancaire des gouvernements socialistes de la planète, au motif qu'ils annulaient « l'alea moral » de la spéculation. La social-démocratie, qu'il avait en horreur, ne comprendra jamais que son interventionnisme à contretemps, toujours à contretemps puisque réagissant aux symptômes déclarés, ne réduit aucune fracture du corps social, draine le capital accumulé dans les bonnes périodes et sauve les malfaisants d'une faillite méritée, le tout sur fonds publics empruntés à l'étranger ! J'appris la nouvelle de sa mort, plongé dans Le Piège.

Par pur hasard, j'avais fait cette semaine du Piège de Goldsmith mon livre de cheval, entendez celui dans lequel je me force à oublier mon trajet quotidien dans l'inconfort des Transports Hubuchon, qui seront reconduits pour six ans par le veau francilien ! Je hais les cons et la plèbe ! J'adore les esprits clairs qui me changent du mien. Le bouquin a dix-sept ans et Jimmy Goldsmith est mort depuis belle lurette (1997). L'un et l'autre n'ont pas pris une ride, le second surtout !
Goldsmith, Marseille, même combat, ...tous les deux morts à 64 ans.
Libéralisme fatal ? tant pis !

Ce livre¹ se trouve en bouquinerie, mais aussi à la Fnac. Il nous parle du gros mensonge nucléaire, du cauchemar d'un pays sans usines et d'une agriculture malade des laboratoires. D'actualité donc ! Goldsmith était un libéral anti-maastrichien et anti-GATT (OMC) de l'école de Hayek, qui voulait que la libre pratique commerciale et industrielle soit périmétrée à un espace de développement homogène qui dans son esprit englobait toute l'Europe occidentale (ndlr: avec quelques "erreurs", mineure comme le Portugal ou majeure comme la Grèce). Il promouvait un marché commun des pays de l'Est adossé à un système d'échange bloc à bloc organisé pour hausser le niveau de vie des nation libérées, sans concurrence sauvage des ouvriers de part et d'autre.

Sir JimmyFarouche ennemi du Léviathan fédéral américain, véritable détournement du projet fondateur, et adversaire du copié-collé que préparaient les eurocrates, il brandissait l'intangibilité du principe de subsidiarité dans la CEE jusqu'à créer un Sénat européen qui ne veillerait qu'à ça. Sachant que « les législateurs légifèrent continuellement et que les bureaucrates, d'ailleurs publics ou privés, ont la particularité d'adopter comme objectif l'agrandissement et la perpétuation de leur bureaucratie », il préférait s'en prémunir au sommet, n'ayant pas confiance aux politiciens portés aux responsabilités par la démocratie d'images & communication. Un sénat libertarien en quelque sorte !
Personnellement j'échangerais bien ce sénat, "frein-électrique" de la Commission, contre notre digestoir gérontologique, ce qui viderait un beau palais pour mon roi et ses conseils.
Tout ce qu'il a prédit (avec bien d'autres) est arrivé. "Le piège se referme" est le titre d'un livre écrit par son frère Edouard en 2002 (Plon).
Trois exemples parmi d'autres : - la monnaie, - l'économie tertiaire, - la politique agricole commune.

1.- Le carcan de l'euro : Ne croyant pas à la vertu génétique des démocrates, il disait qu'une monnaie unique serait un carcan qui interdirait les ajustements monétaires comme sanction des insuffisances économiques locales. L'Allemagne (et toute sa zone deutschmark) a pensé a contrario qu'elle "forcerait" ses voisins (latins) à la gestion vertueuse de leurs finances publiques et leur transfèrerait en douce le surcoût de la reconstruction de la défunte RDA. L'Espagne, le Portugal et la Grèce subissent le carcan. La France et l'Italie vont suivre. L'Allemagne a étalé les milliards de DM de la reconstruction des länder orientaux sur tout le marché commun du serpent monétaire européen.
pièce allemande, porte Brandebourg
Personnellement et malgré le risque d'effondrement de la Grèce - qui me chaut peu -, je pense qu'il n'y a pas d'autres choix pour forcer les démagogues à meilleure gestion que l'épouvante de la banqueroute et la mise en tutelle du FMI conséquente qui dévastera la haute fonction publique. Quand des gens sérieux auront accédé aux manettes, nous pourrons rediscuter de l'autonomie financière des nations. Pour le moment, l'euro reste une sauvegarde, il n'y a pas sérieusement d'alternative.

2.- L'illusion de la croissance par les services qui faussent le PIB. Remplacer les activités de production de biens (industrie, agriculture) par des activités dépensières (santé, cadre de vie, tourisme), ou des activités financières (bancassurance) en acceptant la théorie ricardienne de spécialisation internationale et sa loi des avantages comparatifs, nourrit les statistiques économiques avant les élections, en masquant la paupérisation de la nation induite par les échanges internationaux.
Les écarts de niveaux de vie entre pays annulent ces lois de globalisation, car être forcé d'exporter biens et services à faible contenu de main d'oeuvre contre biens et services à fort contenu, revient, sans diminution de la population résidente, à importer massivement du chômage, et quand il devient structurel, de la pauvreté. Ce flux de pauvreté importée participe de l'entropie globale, les niveaux de vie nationaux à la fin de ce siècle devant être comparables à quelques nuances près pour l'équilibre global.
Lloyds de Londres
Si les délocalisations annoncées par le schéma ricardien semblent irrépressibles, il faut constater qu'elles détruisent tout notre tissu industriel de moyenne gamme, celui qui donne du travail, et ne sont remplacées par rien de durable. Et encore, Goldsmith n'a pu assister à l'émigration massive du tiers-monde non émergent vers nous, au moment où le pays marche à la banqueroute. Il serait mort deux fois.
Un grand pays doit produire lui-même la plupart de ses besoins, in situ ou ailleurs, en ajustant leur fourniture par le commerce international. Mais s'en remettre tout entier au marché, comme le fit l'Angleterre qui ne produit que du vent (parfois de l'ouragan) et des invisibles, présuppose la paix des bisounours. Heureusement pour elle qu'il lui reste le pétrole et Windsor. Ceci implique de laisser vivre chez nous les productions essentielles et donc, de les protéger en frontière. Reste à le faire intelligemment, voire à le faire tout court ! Sans en parler.

3.- PAC delenda est. L'intention initiale de produire intensivement sur place à prix garantis la nourriture dont l'Europe avait besoin, a ouvert un boulevard à l'amélioration de la productivité par la diffusion des résultats du génie génétique et de la chimie, succédant à la mécanisation à outrance. Au bout du compte ? désertification des campagnes et rupture du tissu social, dégradation en profondeur de l'environnement, animaux artificiels "malades de la peste", politique de compensations au bénéfice d'acteurs agricoles insatiables. Un grand désordre et une qualité générale de nourriture en baisse suivant la courbe des prix, sauf pour quelques happy few de la branchitude et les rescapés des communautés hippies des années soixante-dix.
le Causse
La pression écologique va heureusement renverser la logique productiviste en privilégiant les productions naturelles de proximité, pour amorcer une renaissance des campagnes. Il faudra matraquer dur le veau national pour qu'il cesse d'acheter de la merde. Peut-être ira-t-on, comme pour les cigarettes, jusqu'à imprimer sur certaines boîtes : "Peut nuire gravement à la santé ".
Les perdants, industries chimiques, labos de biotechnique et leurs innombrables experts indépendants, se défendront comme de beaux diables dans les vapeurs du chaudron de la nouvelle Inquisition, mais à terme nous aurons renoué avec le bon sens qui est de nos jours la denrée la plus rare. Il sera plus facile ensuite de promouvoir le Bien commun et sa garantie suprême.

Le troisième volet traité par le bouquin de Goldsmith est celui de l'électricité nucléaire. La question mérite son propre développement. Que choisir entre deux maux ? l'éternité de la radioactivité des éléments de centrales démantelées ou les foucades d'un bédouin de Cyrénaïque.

Tout ce que n'a pas prédit Jimmy Goldsmith mais que l'on déduisait logiquement de ses brillantes démonstrations, ...n'est pas arrivé. Il devait se méfier in pectore.

Selon la formule thatchérienne, l'aide au tiers-monde revenait à faire subventionner les riches des pays pauvres par les pauvres des pays riches. Elle avait tort. Sûr que les pauvres d'ici ont payé et paieront encore le tiers-monde pour une illusion de tranquillité, mais des pauvres d'ailleurs, beaucoup ne le sont déjà plus. Certes la loi Sevran de la bite des Noirs consomme beaucoup de fonds de développement, mais l'exemple de la Chine et des tigres asiatiques fait la facile démonstration de l'émergence d'une classe moyenne solvable au tarif OCDE, enterrant ce faisant les rapports² de la Banque Mondiale de 1992 qui les voyaient submergés par leur démographie en sous-estimant leur génie national.
Faire le riche, placer ses enfants, préserver ses vieux jours, devint le but de deux milliards de gens à l'esprit libéré des idéologies et canalisé dans la réussite personnelle. Le résultat est terrible pour nous et nos prospectivistes, mais magnifique pour eux. Ils pouffent à nos gémissements. On ne peut que souhaiter la même aventure à l'Afrique et à l'Amérique latine.
Chongqing
Mais n'oublions jamais que cette entropie générale subie par les "peuples développés" qui vont s'appauvrissant en termes relatifs, n'est que le prix à payer pour stabiliser une planète pleine à craquer, dès lors que les empires émergents disposent aujourd'hui du feu nucléaire ? Je défends cette thèse "communiste" réactualisée : plutôt pauvres qu'incinérés.

Autre prédiction qui ne cadre plus : Goldsmith fondait sur la France ses espoirs de redressement de la situation européenne, entre une Grande-Bretagne omnibulée par le dogme mondialiste qui la dévitalisait et une Allemagne confinée à la domination industrielle européenne mais protégeant la bonne santé de son marché naturel, dont son premier client et fournisseur, la France. La France d'alors lui paraissait en pleine mutation politique, abandonnant aux musées universitaires les vieilles lunes socialistes qui l'enchaînaient, et capable d'inventer une troisième voie qui ne soit pas la triste lubie gaulliste de la fusion des économies libérale et planifiée.

une mine de UK CoalOr la Grande Bretagne résiste bien. Elle reste encore le second compétiteur mondial en matière de finances et la Crise systémique n'a fait que redistribuer les cartes tirées d'un jeu neuf ; et puis, on l'oublie toujours, elle demeure un acteur pétrolier mondial incontournable, et même détient d'excellentes mines de charbon³ (fermées par le gouvernement Thatcher pour avoir la peau de la National Union of Mineworkers).
L'Allemagne est devenu un acteur industriel global bien plus mercantile que prévu, qui met sa politique étrangère en remorque de son économie, qui ne se soucie pas plus que ça de la santé de son pré carré, qui vend de la technologie sensible au tiers monde (TGV Pékin-Shanghaï), et peut même détruire certains fleurons industriels voisins si elle y trouve son avantage à court terme. Les soubresauts de la coopération germano-européenne parlent d'eux-mêmes. Daimler va lâcher EADS à qui veut payer.

Hélas pour l'espoir, la France, empêtrée pour longtemps dans ses trois déficits - en 17 ans ils ont explosé -, chargée d'une dette publique abyssale gagée sur rien d'autres que l'épargne populaire intérieure, sans rentes ni de situation, ni minière, sans idées ni projet, a décroché du peloton des décideurs mondiaux, même si le barouf élyséen cherche à masquer notre "inutilité". Les pays baltes et la Géorgie ne nous ont-ils pas "interdit" hier de vendre des bateaux de commandement à la Russie ? Ça en dit long.

Jimmy Goldsmith était également sympathique, hors-sujet. "Epouser sa maîtresse crée une vacance de poste", disait-il, mais plus sérieusement : la démocratie forcée à toute la planète associée à l'impérialisme culturel anglo-saxon est un viol des nations qu'elle déstabilise, avec des conséquences graves pour la paix stratégique. On y est en plein.
BelcastelUne nation saine doit être riche de villages, d'artisanats, d'une multitude de petites et moyennes entreprises couvrant un large spectre de métiers, ainsi bien sûr, que de grands groupes industriels ; mais le socialisme déteste la diversité et privilégie les grands ensembles dans lesquels il peut jouer sa partition en agitant le triangle de pouvoir "Etat-Patronat-Syndicats". Dling, dling, dling... Le socialisme internationaliste accouplé à la globalisation est le plus sûr chemin du déclin. On le savait, la preuve est maintenant là, au bout de soixante ans de gestion des deux partis de gauche dominants, dont l'un s'appelle "la droite" !

En conclusion, le Piège de Jimmy Goldsmith est un recueil de bon sens, écrit par un homme d'affaires crédible puisque milliardaire, qui aurait pu propulser le parti de Philippe de Villiers un peu plus loin que les 300 mosquées de Roissy. Mais la Providence en a jugé autrement ! En 1997, nous n'en avions pas assez bavé ! Peut-être nous ramassera-t-elle bientôt, dès lors que Le Piège s'est refermé ?

Note (1): Editions Fixot (Hachette) - isbn 2-87645-209-X
Note (2): Daly-Goodland (Département de l'environnement, Banque mondiale, 25.09.92)
Note (3): Pour les experts, le charbon est indispensable à tout bouquet ou scénario de transition énergétique à moyen et long terme. Les procédés modernes fournissant un combustible propre permettront de réactiver les mines anglaises (et galloises) d'anthracite.



Une faute d'orthographe, de grammaire, une erreur à signaler ? Contactez le piéton du roi à l'adresse donnée en bas de page et proposez votre correction en indiquant le titre ou l'url du billet incriminé. Si l'article vous a plu ou déplu, vous pouvez le faire suivre à un ami en cliquant sur la petite enveloppe ci-dessous :

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