samedi 26 mai 2018

De gueules au léopard lionné d'or


Nous départant des affaires d'actualité - les morts-vivants du monde vieux défilent partout en France aujourd'hui - nous proposons pour changer d'air l'évocation d'un fief important et méconnu du grand nombre, qui fut pourtant un des plus anciens de France et vécut selon sa loi jusqu'à sa réunion à la couronne de France par son dernier titulaire, Henri de Navarre et IV de France. Il s'agit de Rodez en Rouergue.


Les comtes de Rouergue et plus tard de Rodez naquirent en 585 sous le règne de Childebert le second. Le dernier comte fut un huguenot du nom de Henri de Navarre, plus connu sous celui de Vert Galant qui maintint le titre jusqu'en 1589 avant de rattacher le fief à la couronne de France qu'il avait acheté d'une messe. Ce qui fait mille ans d'histoire ! Comme toutes les possessions humaines, plusieurs dynasties se succédèrent. Mais nous allons nous arrêter au premier : le duc Nicet (d'Auvergne) comme le nomme Grégoire de Tours.

Nicet dépend du roi franc Gontran de Burgondie (532-592) qui, sans postérité, adopte pour lui succéder Childebert, son neveu orphelin (570-596) empoisonné par Frédégonde. Le duc tient les marches méridionales du royaume face aux Wisigoths qu'il combat avec la plus extrême sauvagerie en Septimanie. Couvrant de présents le jeune roi - il pillait beaucoup - il en obtint en 587 un fort agrandissement de ses intérêts propres et outre la qualité de patrice et la fonction de Rector de Provence à Marseille, reçoit les villes de Clermont, Uzès et Rodez. C'était la troisième la plus intéressante, de par son isolement loin des grandes routes d'invasion (Rhône et Garonne), au milieu d'un pays vert et riche, positionnée sur une croupe facile à défendre et néanmoins desservie par deux voies romaines qui descendaient du Périgord et de Lyon vers la Voie Domitienne. On ne sait malgré tout s'il y mourut. Cette époque fut celle de la fehde mérovingienne, sorte de vendetta sicilienne de cinquante ans, qui usera le sang des rois chevelus jusqu'à leur renvoi dans l'histoire par les couillus de Pépin-le-Bref.

Le comté de Rouergue est un territoire bien défini dans la géographie occitane. Appartenant au bassin drainant de la basse Garonne ; il est comme une coquille saint-jacques renversée dont on poserait le petit creux sur Montauban à l'extérieur de lui. Au nord et à l'est il recueille les eaux des plateaux méridionaux du Massif central, au sud, il est le balcon imprenable sur le Languedoc. Il faut descendre la départementale D25 entre Saint-Pierre de la Fage et Soubès pour comprendre. Au détour d'un virage serré se découvre la plaine du Bas-Languedoc, en bas jusqu'à la mer. Cet itinéraire n'est pas un anachronisme puisque le Pas de l'Escalette n'étant pas praticable autrement qu'encordé jusqu'à l'époque moderne, déboucher du plateau du Larzac au sud avec des chevaux ou des chars attelés obligeait à suivre ce chemin à flanc d'escarpement.


Le comté restera longtemps dans la maison mérovingienne puisque apparaît dans les annales du huitième siècle un Sigisbert (Gilbert - 750-820) fils de Habibai ben Natronai David d'ascendance juive mésopotamienne, dit Thierry d'Autun établi à Narbone (les Juifs sont toujours en communauté organisée à Narbonne), qui par sa mère Rolinde d'Aquitaine descendait de Clovis¹ et Clotilde par les femmes. Le monde, un village déjà, sans attendre la croisade !

Création du comté de Rodez

C'est à partir de la réunion du comté de Rouergue à celui de Toulouse que commencera l'insertion (enclave découpée) du fief de Rodez entre Tarn et Truyère au fur et à mesure de l'entrée dans l'assiette comtale des châtellenies établies de longtemps sur ce territoire et étonnamment nombreuses dans la montagne à vaches. Mais c'est un grand seigneur qui fonde une dynastie en cet espace et en quelque sorte le figera jusqu'à ce qui est aujourd'hui devenu le département de l'Aveyron. A noter que lorsque le comté passera plus tard aux Armagnacs en 1298, il renouera avec ses origines mérovingiennes.

Raymond de Saint-Gilles (1042-1105), cadet de Pons Guillaume de Toulouse et gratifié de charges symboliques, s'empare du comté de Rouergue détenu par captation d'héritage de sa cousine Berthe de Rouergue morte sans postérité en 1065 et qui était la fille de Hugues Ier de Rouergue. Il détient alors un vrai fief que le veuf de Berthe, Robert d'Auvergne, ne lui disputera pas, craignant sans doute la coalition de toute la maison de Toulouse.

Saint-Gilles est un sacré gaillard, toujours en mouvement, qui ne craint ni les maures ni les évêques (il est excommunié deux fois par SS Grégoire VII mais peu lui chaut). Après avoir ferraillé pour la Reconquista espagnole sous la bannière de Castille dès 1087 - il épousera en troisièmes noces Elvire de Castille, princesse richement dotée - il recevra en 1094 l'héritage de Guillaume, son aîné, mort à Jérusalem. C'est à dire que Saint-Gilles devient alors un des plus grands seigneurs du midi, avec Toulouse, Albi, le Rouergue, le Quercy et l'Agenais, en sus de ses vieux titres provençaux. C'est d'ailleurs l'Armée dite des Provençaux qu'il formera pour s'engager dans la Première croisade en 1097.

A l'effet de financer la guerre qu'il commence sur la dot d'Elvire (laquelle l'accompagnera en Terre sainte), il montera un système financier complexe de monnayage, mise en gage, vente de terres, et rachats au fur et à mesure des rentrées du pillage des batailles. Mais d'autres grands seigneurs financeront la mise de départ sur la vente des fiefs comme Robert de Normandie, ce qui explique aussi leur intense motivation à s'établir en Palestine. Egal des plus grands, comme Godefroy de Bouillon ou Hugues de Vermandois, Saint-Gilles en sera surtout le plus riche en disponible (en cash). C'est donc là qu'il gage Rodez à son vassal, Richard de Carlat, vicomte et administrateur pro domo, fils de Bérenger de Millau, pour mobiliser plus de moyens. Saint-Gilles mourut au siège de Tripoli en 1105. Le vicomte Richard († 1135) profitant des disputes incessantes entre Aquitaine et Languedoc obtiendra l'aliénation définitive du fief à son profit en 1112 sous foi et hommage à Alphonse Jourdain, nouveau comte de Toulouse, et hissa sa titulature au niveau d'un comté. Son fils Hugues (1090-1159) régira le fief comtal de plein droit.

On notera que Saint-Gilles n'avait pu détacher du comté de Rouergue que la moitié de la ville de Rodez, l'autre moitié du foncier appartenant à l'évêché, donc incessible. Malgré la bonne gouvernance de certains comme Hugues Ier qui donna le comté à son aîné et l'évêché à son cadet, cette partition sera le ferment de disputes incessantes qui donneront matière à de gros livres et obligeront l'intervention autoritaire de Louis XI. Si la mise sous séquestre du comté n'est pas le fait de cette division, elle contribuera néanmoins à gommer les effets néfastes au développement de la plus fière et plus ancienne ville au sud de l'Auvergne.

L'histoire des comtes de Rodez immergés dans la nation rutène commence vraiment avec les comtes Hugues du sang de Richard de Millau et connaîtra son apogée avec la dynastie d'Armagnac quand les deux comtés seront réunis le 10 mai 1298 par le double mariage de Cécile de Rodez et de Bernard VI d'Armagnac, le même jour que sa sœur Valpurge avec Gaston qui recevait le vicomté de Creissels mitoyen du sien. Ces possessions rapprochèrent les Armagnacs de la cour de France pour laquelle ils prirent fait et cause dans la Guerre de Cent Ans contre les Bourguignons, alliés des Anglais. Ces deux principautés seront réunies par le connétable de France Bernard VII d'Armagnac en 1403 pour former le grand domaine montagnard de l'orgueilleuse dynastie gasconne.

La translation

Avec Armagnac, le comté entra à son insu dans la lutte de pouvoirs et prestige entre eux et les rois de France, lutte qui s'achèvera par une guerre à mort entre Jacques d'Armagnac et Louis XI, qui, dit-on, le fit exécuter à Paris au-dessus de ses enfants habillés de blanc afin que le sang jailli de leur père leur soit bien visible. Avec le meurtre de Jean V à Lectoure en 1473 et la mort de son frère Charles Ier en 1497, dont la santé mentale avait été altérée sciemment dans un internement de quatorze années à la Bastille, les Ruthénois manifestèrent une prévention à l'endroit de la maison de France qui les piétinait et luttèrent contre la normalisation en particulier dans la réforme des couvents voulue par le roi. Charles ayant cédé ses droits à Alain le Grand, sire d'Albret, de la maison duquel naîtrait un jour Henri de Navarre à Pau, le comté revenu à la couronne disparut alors, mais le titre fut usurpé par les évêques de Rodez qui se firent comtes mitrés.

Jusque-là les comtes de Rodez furent une maison assez puissante et bien alliée qui ne le cédait en rien aux grands de Languedoc tels que les Saint-Gilles, Trencarel, Guilhem, Crussol d'Uzès, avec cette particularité d'être un territoire du nord au midi que ce soit par la mentalité rutène rémanente ou par les mœurs moins nonchalantes qu'en plaine. Les toits y sont d'ardoises et les doigts économes. La justice y connut de ces brutalités que le Bas-languedoc voisin sut éviter par un polissage des cours féodales mais les caractères étaient aussi plus durs.
Rodez et le Rouergue furent toujours des positions méridionales avancées de la France du Nord, les Rutènes étaient alliés aux Arvernes en leur fournissant des compagnies d'archers mais ne se mêlaient pas aux Volques et autres clans du sud. La province ne bascula pas dans le catharisme, ni plus tard dans la Réforme, alors que Rodez était une étape marchande importante entre Montpellier et la Rochelle. On y resta catholique sans états d'âme, contrairement à Toulouse, traversée par tous les vents de l'histoire. Au XIIIè siècle, les comtes de Rodez représentaient une puissance stable et par force respectée. Ils n'eurent pas à entrer dans beaucoup de disputes. Nul ne leur cherchait noise.

Maison d'Armagnac à Rodez

Des comtes et surtout des comtesses, furent inhumés au couvent des Cordeliers, le tout nouvel ordre mendiant des frères mineurs (franciscains) appelé à Rodez en 1232 par le comte Hugues IV. Bâti en 1246 sous le rempart occidental du bas-empire puis intégré à la nouvelle enceinte aux frais de la comtesse Béatrix, le couvent, son cloître, chapelle et sépultures furent vandalisées à la Révolution comme partout et les ruines rasées plus tard pour faire place en 1834 à la verrue louis-philipparde du palais de Justice actuel. Un petit Saint-Denis disparut au grand regret des Ruthénois qui ne manquent jamais de se rappeler au fenestras du Tribunal qu'ils marchent sur le rempart d'une nécropole glorieuse.

Y trouvèrent le repos au milieu de bien d'autres bourgeois de la ville :

- Mascarose de Comminges †1292, deuxième épouse d'Henri II de Rodez
- Cécile de Rodez †1312, épouse de Bernard VI d'Armagnac
- Jean Ier le Bon †1361 qui vécut sous sept rois de France et porta les armes de cinq d'entre eux
- Béatrix de Clermont †1364, épouse de Jean Ier d'Armagnac le précité
- Bonne de Berry, †1435, mère d'Amédée VIII de Savoie, épouse de Bernard VII d'Armagnac et Rodez, chef du parti d'Armagnac pendant la Guerre de Cent ans
- Les deux filles de Bonne de Berry mortes en bas âge
- Jacques d'Armagnac †1477 décapité par Louis XI
- Louise d'Anjou, son ép. †1477, cousine du roi précité (à noter que la chapelle des Cordeliers était sous le patronnage de saint Louis d'Anjou).
- ... (au bon cœur des lecteurs)



Le département de l'Aveyron, calqué sur la province de Rouergue, amputée du bailliage albigeois puis réformé de Saint-Antonin-Noble Val qui détonnait par rapport au reste du pays, continue l'histoire de ce territoire fort en caractère. Les Aveyronnais, que des migrations de fonctionnaires retraités du nord affadissent un peu, gardent néanmoins certaines traditions reconnues dans les départements limitrophes mais surtout cet esprit d'entreprise qui était et demeure leur marque. De grands patrons en proviennent, les établissements aveyronnais déportés à l'étranger sont nombreux, à Paris d'abord avec trois cent mille ressortissants, et partout ailleurs jusqu'à la ville argentine de Pigüé qu'ils fondèrent en pays araucan vers 1880, à la suite de la purification ethnique du général Roca qui avait fait place nette. Les communautés aveyronnaises sont également vivantes en Amérique du Nord.

Le pays fut très catholique, même dans le bassin houiller où l'on disait des messes au fond de la mine pour soutenir le mouvement social. Dans les années cinquante et soixante, quelques groupes perpétuaient aussi le souvenir des chouans du midi dans des réunions royalistes organisées sur les vieilles terres comme Buzareingues ou La Malène. La déchristianisation sévère du diocèse a emporté ses penchants royalistes. Mgr Ménard (Dreux 1910-1955-Rodez 1973), dernier évêque dans la grande tradition historique, était aumônier de la famille d'Orléans. Ses successeurs ont coupé les ponts avec le passé et le dernier a abandonné le magnifique évêché pour se réfugier dans le petit Carmel déserté plus facile à chauffer ! Le pays sans prêtres retournera-t-il aux druides ?

Poscriptum du 28 mai 2018 de Fabienne F.

Marguerite d'Angoulème et de Navarre (1492 -1549), sœur de François 1er et mère de Jeanne d'Albret (mère d'Henri IV) a hérité du titre de Comtesse d'Armagnac et de Rodez. Fille de Charles d'Orléans, elle épouse le duc d'Alençon quand son frère François 1er devient roi. A la mort de son rustre de mari, elle épouse en secondes noces Henri II de Navarre. C'était une intello. Elle a écrit " l'Heptaméron" , un recueil de nouvelles ! Sa statue se tient en bonne place, pas loin du Sénat, au Jardin du Luxembourg à Paris. Il y est bien écrit "Comtesse de Rodez" sur le socle. Sur la photo de la statue ci-dessous, on remarquera les perles autour du cou: Magaritès veut dire perle en grec, d'où son surnom de Perle des Valois et son bouquet de marguerites à la main.



Sources autres que familiales :

(1) http://www.genealogiequebec.info/testphp/info.php?no=101520

(2) https://gw.geneanet.org/zardoz?lang=fr&n=de+rodez&oc=0&p=cecile

(3) https://gw.geneanet.org/zardoz?lang=fr&m=TT&sm=S&t=Comte&p=de+Rodez

(4) http://www.persee.fr/doc/shmes_1261-9078_2004_act_34_1_1851

(5) https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1993_act_168_1_4332

(6) http://gallica.bnf.fr/bpt6k111606t Comté et comtes de Rodez d'Antoine Bonal

(7) http://www.chartes.psl.eu/fr/positions-these/ordres-mendiants-pouvoirs-rodez-xive-xvie-siecle Ordres mendiants de Rodez

(8) https://books.google.fr/books?id=21YBAAAAQAAJ&hl=fr&pg=PP1#v=onepage&q&f=false Documens historiques et généalogiques sur les familles du Rouergue de Hippolyte de Barrau

(9) https://www.lemonde.fr/voyage/article/2010/10/08/pigue-les-aveyronnais-de-la-pampa_1420174_3546.html

(10) https://www.ladepeche.fr/article/2011/12/26/1247659-l-eglise-a-ete-de-toutes-les-luttes.html


lundi 21 mai 2018

Nécrose du royalisme français

25 mai 2012

Il y aura six ans cette semaine que Richard d'Amphernet fut rappelé auprès de son créateur, par on ne sait qui d'ailleurs, tant la cause monarchiste avait besoin de lui ici ! A preuve, l'hécatombe des structures de propagande royaliste et d'abord l'effacement de l'Union royaliste Bretagne Vendée militaire qu'il portait à bout de bras. L'Institut Duc d'Anjou a depuis lors disparu, précédant Le Lien Légitimiste ; le webzine Vexilla Galliæ agonise tranquillement, sans parler même de l'Action française 2000 qui a fondu les plombs de la casse, tête haute ! L'Alliance royale est à l'étiage, on n'en entend plus parler ; la Restauration nationale est sous oxygène et survit par le canal de La Faute à Rousseau ; le légitimisme apparaît modeste et silencieux lors de messes du souvenir, et les conférences des uns et des autres accueillent toujours aussi peu de monde. A filmer les manifestations maintenues par des militants bénévoles qui ont pris à cœur une mission de tradition, on serre les plans, à hauteur d'homme, pour ne pas dévoiler des chiffres étiques. Les effectifs n'ont pas bougé, nous sommes toujours quatre mille en France, toutes obédiences confondues (c'est le piton dialectique de Royal-Artillerie où pendre la dispute arithmétique). Depuis la Libération, ni les princes, ni les chapelles n'ont provoqué le rallye que des gens engagés comme Richard d'Amphernet attendaient. La liste des découragés est longue, il n'y était pas inscrit, c'était sa force. S'il reste un modèle, faut-il encore être capable de lui ressembler !


Je relis les Mémoires d'exil et de combats du défunt comte de Paris pour m'apercevoir maintenant qu'il écrivait bien et qu'il faisait passer la chaleur de la flamme intérieure qui le brûlait. Les épreuves tragiques que traversait la nation à l'époque de la Seconde guerre mondiale avaient déclenché chez lui la noble mission de rédempteur à laquelle il se voua corps et biens. La découverte (trop) tardive du caractère manipulateur de Charles de Gaulle, dont il donne témoignage dans ses mémoires avec une certaine naïveté car il lui trouve des excuses, l'a durement atteint dans l'estime justifiée qu'il pouvait avoir de lui-même par l'inlassable effort d'établir solidement sa position au plus haut niveau possible quelles que soient les circonstances du moment.

Dans l'esprit des gens, il fut sans contestation l'héritier des rois de France tout au long de sa vie active, avant de succomber aux charmes vénéneux des bois de Chérisy. Ce n'est que lors du millénaire capétien de 1987 qu'est apparu sur scène le Bourbon d'Espagne, aîné des Capétiens et de fort belle allure, qui rallia une part importante des royalistes français fatigués de la maison d'Orléans ; mais jusque là, qu'on le critique ou qu'on le loue, le roi impossible ou attendu selon l'opinion de chacun n'était autre que le comte de Paris, n'en déplaise aux gardiens des lois fondamentales.

Henri d'Orléans au Manoir d'Anjou

Ses héritiers directs portent la marque d'un certain déclassement au sein de l'aristocratie française tant par les frasques du patriarche devenu rancunier à l'endroit de tous et de sa propre famille d'abord, que dans les affaires parfois scabreuses de la fratrie qui firent les délices de la presse populaire, sans parler de mœurs parfois triviales pour qui voudrait dominer moralement la nation. La génération montante doit s'atteler à la restauration de sa crédibilité avant que d'espérer prétendre. Si le mouvement royaliste encaissa la ruine d'Orléans, il n'a pas reconstitué les gros bataillons d'autrefois, ceux de ma jeunesse (quoique !), le scepticisme l'ayant partout emporté quant au produit incarné.
Disons pour être juste que la maison concurrente ne prend pas non plus le chemin du rassemblement qui nous est nécessaire en se profilant dans la succession du dictateur Franco comme on l'a vu récemment quand la dévolution de la ducature fut ouverte par le décès de la marquise de Villaverde, María del Carmen Franco y Polo, fille unique du maudit et aïeule du prétendant de Bourbon qui l'adorait.




Indubitablement quelque chose nous fait défaut pour voir la cause du roi briller comme elle le mériterait en France, pour autant que l'on soit aussi convaincu que moi de la pertinence d'une monarchie pour réparer cette nation et le pays qui l'abrite. Richard d'Amphernet par son absence nous le laisse deviner : c'est un homme qui fait défaut ! Un homme charismatique capable d'entraîner les autres, avec une foi dans sa mission chevillée au corps et qui ne ménage pas sa peine, dans le droit fil du défunt comte de Paris de l'époque utile. La monarchie raisonnée que nous privilégions ne peut percer dans l'imaginaire collectif que si elle est portée par plus grand que nous. Nous subissons le handicap de notre sous-calibrage et nous n'emporterons pas la décision au moment voulu, dans une prochaine rupture de paradigme comme la France aime les provoquer et comme nous avons l'habitude de la regarder passer. Nous ne toisons pas !

Peut-être les chapelains seraient-ils bien avisés de délaisser un moment l'histoire ancienne et d'analyser l'ascension d'un Emmanuel Macron, parti de presque rien, qui a réussi à créer la vague de surf qui le porta au sommet tout en construisant le mouvement politique qui l'y maintient actuellement. Quelle démonstration des effets d'une volonté implacable, agissant en terrain hostile mais avec une équipe de compétences resserrées, débordant tous ses adversaires en enracinant le concept gaullien de rencontre d'un homme et d'un peuple hors des partis, tel qu'on ne l'avait plus vu sous la V° République ! A la base, il y a de l'intelligence, un management sans failles et le goût de se compromettre politiquement en dehors des codes en vigueur. Et en plus, il monarchise la fonction, le salaud !

Au texte jeté sur ce blogue à l'annonce de la mort de Richard d'Amphernet il y a six ans je ne changerais rien. Le voici tel que jadis Gérard de Villèle l'avait transmis à Vexilla Regis en cliquant ici. Mais pour savoir tout de lui, il faut revenir lire l'hommage de Claude Timmerman sur le même site en cliquant là, il en vaut la peine.

SUNT FORTIA FORTIBUS APTA


En ce lundi de Pentecôte 2018

vendredi 18 mai 2018

L'OTAN, un deterrent qui marche encore !

La désotanisation a le vent en poupe ces temps-ci. Même le président de l'Union européenne, polonais de surcroît, a vilipendé l'imprévisibilité du partenaire américain, ouvrant ce faisant les voies d'une réflexion générale sur une nouvelle géopolitique de sécurité du sous-continent.

D'autres, comme les députés Mélenchon et Le Pen, avaient embrayé sur le retrait de la France du commandement intégré et par conséquent des structures de combat, telles par exemple qu'elles sont déployées aujourd'hui dans les pays baltes. Une approche superficielle du défi américain leur donne raison, mais en creusant on s'aperçoit du contraire. Revenons à nos moutons (le libellé "OTAN" offre 38 articles sur ce blogue):

Renfort NATO pour Tallinn


Dès l'origine l'Organisation atlantique fut conçue comme une force de dissuasion et non pas d'agression. Napoléon et Hitler s'y étaient essayé pour l'édification de leurs successeurs. Pour que ça marche, il fallait faire peur par tous moyens aux Soviétiques que l'on pensait mal-intentionnés. Staline avait englouti l'Europe orientale abandonnée par Roosevelt aux accords de Yalta, et il ne restait que cinq pays entre "eux" et "nous" : la Finlande, la Suède, Berlin, l'Autriche et la Suisse. La rupture du blocus de Berlin fut la première manifestation de résilience occidentale et elle précipita la création du Conseil de l'Atlantique, porteur de la future OTAN. Le confinement des ambitions hostiles soviétiques exigeait un contrôle serré de la mer baltique et la surveillance des débouchés occidentaux du plateau de Bohème qui avance comme un coin dans l'Europe occidentale. Suivez bien :

Les stratèges du NATO (on distinguera ici l'organisation géopolitique et le commandement militaire dans l'inversion des sigles OTAN et NATO) conclurent rapidement qu'en cas d'attaque sans préavis suffisant des services d'acquisition du renseignement, la ligne d'arrêt serait sur l'Elbe au nord et sur le Danube bavarois au sud, à partir d'où serait engagée l'artillerie atomique tactique pour désorganiser les divisions blindées du Pacte. On était et demeure encore aujourd'hui dans une stratégie de défense et dissuasion.

C'était l'essence même de la "riposte graduée", une échelle de répliques montant jusqu'à l'holocauste. Mais le dispositif ne vaut que si aucune place n'est laissée au doute dans la tête de l'ennemi, ce qui explique pourquoi l'on est passé de l'apocalypse automatique à la riposte graduée parce que le chaos nucléaire pouvait, dans la tête des Russes, faire réfléchir un président américain démocrate alors que l'atome tactique restait possible d'emploi (ce fut chez nous la même démarche avec les fusées neutroniques Pluton).
L'irritation des anglo-saxons au retrait du président français en 1966 fut grande à ce titre seul, mais comme s'il en fallait plus, le général fit dire au général Ailleret à Mons que les Forces françaises d'occupation en Allemagne ne monteraient plus au front tchèque, leur seule mission étant désormais de fermer la béance historique du nord-est français ; ce qui était une trahison de la stratégie engagée jusque là en alliance et une gageure d'une inouïe stupidité, à voir la vétusté des moyens déployées par l'Etat gaullien sur zone (j'en fus).
Si ce caprice, motivé peut-être par une rancune datant de la guerre, - on se souvient des réticences alliées à l'endroit du chef de la France libre - entamait gravement la dissuasion atlantique, le NATO para le coup en renforçant le dispositif allemand et en prenant un droit de regard sur les déploiements de fusées russes sur le territoire du Pacte. L'OTAN gagna la manche lors de la crise des euromissiles commencée en 1977. On se souvient de la phrase pragmatique du président Mitterrand à Bruxelles en 1983 : « je constate que les pacifistes sont à l'Ouest et les euromissiles à l'Est » quand défilaient par milliers les idiots utiles et les soutiens indéfectibles de l'URSS dans les villes occidentales sous couvert de non-violence à la Gandhi.

Renfort anglais en Estonie


Finalement l'Union soviétique recula comme elle l'avait déjà fait lors de la crise de Cuba. La dissuasion marchait correctement... puis l'empire du mal s'étant ruiné dans la course aux armements, le Mur s'effondra en 1989, rebattant toutes les cartes. A première vue, si l'OTAN avait une mission civilisatrice qui cadrait assez bien au contexte d'échanges transatlantiques de l'époque, le NATO devait être dissous en même temps que le Pacte de Varsovie, la Russie d'Eltsine ne présentant plus aucun danger au plan militaire, sauf à polluer durablement ses vieilles bases navales. C'est ce que contestèrent les pays de l'Est aussitôt libérés du joug russe. Pour eux, la dépression russe ne durerait pas puisque le pays disposaient de rentes minières colossales et encore mal exploitées et que reviendrait un jour la tentation hégémonique naturelle du "colosse". Il fallait au contraire profiter des circonstances pour se mettre à l'abri.
Le Pentagone se laissa tenter et vit son avantage à déplacer la ligne OTAN vers l'Est. Ce qui, à mon sens jadis, fut une erreur, mais se trouva justifié par la suite quand la Russie voulut mettre au pas les républiques constituant ses marches comme la Moldavie et la Géorgie, en morcelant ces entités établies ((sécessions de la Transnistrie, de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie).

Qui provoqua quoi ? Il est difficile de démêler l'écheveau. Les minorités russes en voie d'assimilation forcée dans les pays baltes et en Ukraine devinrent rapidement un gage chez les Etats libérés auquel répondit très vite la menace russe de régler une nouvelle question des Sudètes si le nouveau tsar était appelé au secours par ses "sujets" laissés découverts à marée basse. Et, constatant la pusillanimité d'Obama en Syrie, il le fit au Donbass, contre toutes les prévisions des services américains ! C'est l'origine du déploiement musclé des troupes NATO dans les pays baltes et en Pologne que dénonce Mélenchon, avec toujours la même porteuse sur la partition : faire peur !
Pour le moment le barrage tient, et la crise économique russe déclenchée par les sanctions occidentales qui suivirent l'affaire de Crimée, oblige le Kremlin à réduire son réarmement et ses provocations un peu enfantines. Mais ce confinement a ses limites dans la mesure où la Russie s'y adapte en s'industrialisant (enfin !) et en remettant en culture ses friches pour pallier la rupture des approvisionnements européens. Il faudra être prêt au réveil de l'ogre :)

Un Leclerc en Estonie



Alors que veulent chez nous les ténors du retrait ?

Que Poutine ne soit plus ennuyé et que la sainte Russie gère sa zone d'influence dans l'intérêt de la paix mondiale, les inconvénients de voisinage n'étant que des désagréments collatéraux passagers. C'est Munich 1938 ! Dans la ronde pacifiste on trouve de tout monde. Dans le camp anti-NATO (commandement intégré), des gens intéressés comme Marine Le Pen financée par des banques russes, Nicolas Dupont-Aignan dans son rêve gaulliste canal historique, et même... Jean Lassalle. Dans le camp des anti-OTAN, Jean-Luc Mélenchon par anti-capitalisme pavlovien, Jacques Cheminade et François Asselineau... et jusqu'au Yoda de la crypte, l'ineffable Bertrand Renouvin qui "aiment" les Russes et chez qui tout sujet, même l'héliciculture, traverse la désotanisation. Eric Zemmour n'a rien compris au film mais dénigre l'OTAN, canard sans tête, comprenne qui pourra alors que les autres la trouve trop grosse (la tête). Benoît Hamon de son côté ne quitte ni l'OTAN ni le NATO, lui au moins a réfléchi. Quant à Laurent Wauquiez, il a une approche utilitariste du NATO qui deviendrait un outil disponible pour des coalitions momentanées sur toute opération lancée dans le strict intérêt de la France et des droits de l'homme... comme on le fit dans l'affaire libyenne ?

Plus généralement tous les souverainistes sont pour quitter l'OTAN, les mêmes phosphorent sur l'indépendance d'un pays qui ploie sous la dette et grevé de déficits dans tous les compartiments du jeu, tous ! comptes sociaux, balance commerciale, comptes budgétaires, comptes industriels publics. Bon courage, les mecs, avez-vous tenté d'expliquer ça à vos gosses qui ont fait des études ?

Eurofighters allemands en Estonie



Synthèse :

L'imprévisibilité de l'Administration Trump dénoncée par le président Tusk est réelle. Elle handicape tous les plans à l'Ouest... comme à l'Est. Paradoxalement elle participe de la dissuasion atlantique en la compliquant. En contrepartie de quoi elle valorise le projet de défense européenne, que le Piéton du roi juge irréaliste sinon même impossible comme toute avancée européenne portée par la France d'aujourd'hui. C'est le pain noir de Macron.

Aucun dispositif d'alliance militaire crédible n'est en capacité de se substituer au NATO à l'heure actuelle. On fera sur ce blogue une analyse de la défense européenne plus tard. Et ce pays n'a pas les moyens d'y aller seul, sauf à se limiter à la rade de Brest et celle de Toulon.
Par contre le dispositif atlantique continue à faire peur à nos adversaires, d'autant plus que des puissances décisives comme l'Allemagne et la Grande Bretagne réarment dans ce cadre stratégique. Il n'est pas un jour que le Kremlin ne dénonce l'OTAN et cela nous laisse penser que la menace réelle ou ressentie les obsède. D'autant qu'ils la connaissent bien, et pour cause :
Les Russes ont une mission permanente auprès du Secrétariat général atlantique à Bruxelles. Elle dispose de tous les moyens utiles d'information sur la stratégie de l'Alliance (clic). Ça vous la coupe ? Faut pas.

Dans l'attente d'une solution de défense jouable pour la France, il vaut mieux tenir qu'espérer, préservons l'Alliance atlantique et n'en faisons pas un enjeu de politique intérieure.

mardi 15 mai 2018

Tsahal sans vergogne

La fronde de David !

Messieurs Netanyahou et Liberman ont porté un toast aux soixante-dix ans de la fondation d'Israël dont on se souviendra : 59 Palestiniens tués à Gaza, deux mille blessés. Merde, il en manque onze pour faire un compte historique ! Tsahal tient ses fusils d'assaut horizontalement comme nous l'ont montré les images des émeutes de Cisjordanie, et tirent au 5.56 NATO.

Contre des pierres !

Depuis l'avènement de Donald Trump à la Maison Blanche, il n'y a plus de question palestinienne, juste un problème palestinien en Israël, du même ordre que les émeutes raciales aux Etats-Unis, une effervescence qui se traite à coup de fusil par la police anti-émeute ! C'est Hubert Védrine qui signalait chez France-Info hier cette mutation de l'affrontement israélo-palestinien en question d'ordre public. Il n'y a plus rien à négocier avec les "autorités" de Ramallah, juste assurer l'ordre dans le bantoustan et punir les "cafards" comme les nomme le ministre de la défense.

Dès lors tout s'explique. Le massacre de Gaza est imputé au Hamas depuis la Maison Blanche et les agents d'influence de l'Etat hébreu répétaient hier en boucle qu'Israël a le droit pour lui, défendre ses frontières ! Contre des pierres ! C'est bien.

Charger à bloc la chaudière de la haine est sans conséquences, la sous-humanité concernée n'ayant ni les moyens, ni les soutiens extérieurs nécessaires à la confrontation, à l'exception de l'alliance chiite irano-libanaise que l'Administration Trump a l'intention de traiter à la coréenne ou de l'incinérer, voire plus si affinités. N'oublions pas que les Etats-Unis ont un affront à venger, celui de la prise d'otages de l'ambassade de Téhéran en 1979, qui ne sera lavé que par l'éradication de la clique islamique de Qom ; et avec des conseillers de la trempe d'un Bolton à la Maison Blanche, il y a des chances qu'on s'y essaie !

Les pays arabes font l'un après l'autre leur deuil de l'interminable question palestinienne qui ne figurera bientôt plus à leur agenda ; à commencer par l'Arabie séoudite dont le prince héritier a marqué son irritation l'an dernier devant les revendications impossibles de l'Autorité palestinienne. Tous les régimes sunnites sont hypnotisés par la menace iranienne réelle ou ressentie, sauf le Qatar et le sultanat d'Oman qui s'en accommoderont, et considèrent avec intérêt la puissance militaire de Tsahal qu'ils n'arrivent pas à égaler. Ceci devrait "libérer" les Palestiniens de la tutelle encombrante de l'impotente Ligue arabe, et favoriser la recherche de nouveaux sponsors. Les réactions internationales aux événements de la journée du 14 mai marquent les points d'ancrage possibles : la Turquie et l'Afrique du Sud sont en pointe et l'Asie lointaine commence à s'émouvoir. Quand des Chinois continentaux qui ne se connaissent pas me disent que la Terre irait mieux sans Israël, sachant comment sont formées les opinions politiques en République populaire de Chine, je me dis que Pékin commence à bouger. D'autres pays demandent des enquêtes ou convoquent l'ambassadeur israélien ; tous sont écœurés, parce qu'en occident, on ne tire pas sur les boucliers humains ! S'y résoudre à tous bons motifs est entrer en barbarie.

Liberman le barbare, clone de Poutine
Les Israéliens dans leur ensemble ne méritent pas la dialectique binaire et l'exposition dangereuse dans laquelle les maintient Benjamin Netanyahou et ses ultras, mais c'est le jeu démocratique qui a porté le Likoud en tête et donc le peuple. Il y a quelque part une responsabilité collective de la nation juive à la situation de fait, une occupation qui désormais en vaut une autre dont on n'ose parler. La justification originelle de l'Etat hébreu commence à s'estomper, beaucoup dans les chancelleries ont compris qu'autant de place on leur laisserait, autant ils en prendraient davantage. C'est le logiciel soviétique, ce qui est à moi est à moi ! Ce qui est à toi, on en parle ! Eretz Israël redevient fascinant pour les partis nationalistes et sectaires après la période de mésentente cordiale qui succéda aux Accords d'Oslo. S'il advenait que le renfort américain mollisse ou s'épuise, c'est la promesse d'une apocalypse à terme, le désespoir palestinien est trop fort pour que perdure l'apartheid.

Comment se réglera le défi démographique qui s'annonce au Proche-Orient ? Pendant que les Juifs se pavanent, les Arabes baisent. On a peur d'imaginer une solution finale à la Liberman !

lundi 14 mai 2018

La diagonale atomique de Donald Trump

Le retrait américain de l'accord nucléaire iranien convoque un peu plus de sérieux que n'en montrent les chaînes françaises d'information. C'est une affaire très grave, non parce qu'elle remonte à bloc la pendule des tensions au Moyen-Orient mais aussi parce qu'elle brise le consensus atlantique autour duquel tourne la planète quoiqu'on en dise. La guerre prévisible que mènera Israël d'ordre et pour compte Trump contre l'Iran, se fera sans participation européenne pour une raison très simple, l'Europe aura d'ici là disparu des écrans stratégiques, la France seule ne pouvant peser, la preuve en est faite par l'inanité des postures de séduction retenues par Emmanuel Macron. La Grande Bretagne est littéralement avalée par un Brexit de plus en plus douteux ; l'Allemagne se révèle être le nain diplomatique affairé aux affaires et c'est tout ; les autres pays suivant à leur rythme et souvent pas du tout.

C'est un article assez complet d'Emile Simpson, publié deux heures avant l'annonce du retrait dans Foreign Policy, qui cadre le mieux le problème : il s'intitule The Predictable Disaster of Trump’s Lonely Iran Strategy et vous pouvez le lire en cliquant sur ce titre. On le complètera utilement du "rapport d'étape" donné par Robert Malley au site Orient XXI et titré : Face à Trump, l’Europe peut encore sauver l’accord sur le nucléaire iranien... et éviter un embrasement régional. Malley fut négociateur à l'accord pour Obama.

courtoisie Gage Skidmore

L'exterritorialité des rétorsions promises par Trump affectera directement nos entreprises européennes - ce sont celles qui nous intéressent - mais aussi des entreprises russes ou chinoises qui commercent ou comptaient commercer avec les Etats-Unis comme avec l'Iran. Cette menace hégémonique est insupportable mais on ne voit pour l'instant que les prémices de négociations entre les deux rives de l'Atlantique alors que nous aurions pu attendre un "non" catégorique des principales démocraties occidentales. Donald Trump n'aime pas les négociateurs, il a viré Rex Tillerson pour ce motif. Il ne comprend que les contempteurs directs, les casques à pointe ! Justement Angela Merkel a dit son fait au mogul newyorkais mais il va falloir agir très concrètement pour peser.

Si on se recule au fond du chesterfield plein cuir de buffle, on voit que Trump délègue sa diplomatie active à des puissances locales qu'il manœuvre à sa guise par tous moyens et sans en calculer le prix. Il attaque la Chine par la Corée du Sud chargée de faire la paix avec le frère nordiste en banqueroute, et ça peut marcher s'il ne change pas d'idée pendant le mois qui reste à courir jusqu'au sommet de Singapour du 12 juin.
Au Moyen-Orient, il a mis ses billes en Israël, semble-t-il à l'incitation pressante de son gendre Kushner, le mari de sa fille Ivanka. Il va donner tous les moyens de se battre à Benjamin Netanyahou afin de casser le dispositif syrien organisé par les gardiens de la Révolution islamique et faire reculer le front chiite.
Les questions de face, d'honneur, de crédibilité intérieure pousseront l'Iran des mollahs à réagir et si le président Rohani a déclaré ne pas vouloir exagérer les tensions, n'oublions jamais que ce n'est pas lui qui commande les opérations militaires, ni la stratégie de la République islamique. La classe dirigeante constate déjà les dégâts de la libéralisation rampante dans les grandes villes iraniennes qui minent les positions sociales du clergé mais surtout celles des milices du régime qui représentent des millions de personnes. Une guerre permettrait de stopper cette dérive dangereuse à terme et assurerait pour longtemps les virements mensuels des soldes et salaires.

L'Iran et Israël sont sur des routes de collision depuis la présidence d'Ahmadinejad. Israël bénéficie pour le moment du soutien quasi-explicite des pays de la péninsule arabique (sauf le Qatar) que menacent les ayatollahs de Qom, ce qui peut inciter les faucons de Jérusalem à saisir l'occasion d'en finir avant que naisse une bombe atomique chiite. Mais la conflagration conventionnelle impliquera à coup sûr les Etats-Unis et tous ses moyens sur zone qui sont puissants. Comme Israël ne pourra jamais s'en sortir seul contre un pays qui sut résister à l'Irak de Saddam Hussein, il est à prévoir que les Marines devront débarquer en phase II sur la rive nord du Golfe persique, mais probablement seuls cette fois ! Nul ne prédit l'issue de cette hypothèse coup de poing qui ne pourra que s'éterniser.

S'il est impossible que les Etats-Unis soient battus, la conflagration ameutera des puissances locales qui verront l'opportunité de régler de vieux comptes, je pense à la Turquie sur sa frontière sud et à la Russie sur le Caucase. La plus sûre des conséquences sera la disparition de l'Europe occidentale du théâtre d'opérations et des enceintes diplomatiques, sauf la France, piégée par un traité militaire d'assistance automatique avec les Emirats arabes unis qui se déclenchera s'ils sont attaqués par l'Iran.

courtoisie Brendan Smialowski


L'Alliance atlantique ne résistera pas à ce vacarme qui dévoilera la même fracture qu'en 2003 lors de la guerre de Junior en Irak. Les pays majeurs de l'OTAN à l'exception du Royaume-Uni, avaient refusé de monter dans le bandwagon des faucons mouillés en route vers Bagdad. L'OTAN jusqu'ici n'avait de justification que par la terreur qu'elle inspirait à nos adversaires, terreur dénoncée par les idiots utiles, agents d'influence du Kremlin, qui n'ont jamais compris comment fonctionne ce deterrent. Le démantèlement de l'OTAN fera croître d'autant les "appétits de justice" du pouvoir russe qui vit encore dans l'humiliation de l'ère Eltsine et veut reconquérir ses marches. Les pays européens du glacis oriental auront du souci à se faire, autant peut-être que la Tchécoslovaquie en 1938. Trump voit-il vraiment ce à quoi le mène sa brutalité ? Je ne le pense pas.

Quant à nous, la tentation sera grande de se rapprocher plus tard de la Russie, signalant par là notre immaturité depuis la guerre civile européenne de 1939-1945 qui nous a jeté dans les bras d'un "protecteur". Avant de "collaborer" avec les empires centraux revenus (Russie et Turquie), organisons nos coopérations, déployons nos capacités de puissance, pensons d'abord à nous muscler. Ensuite, quand seront partis les administrateurs russes issus du KGB, sera venu le temps de coopérer avec des gens qui partageront plus de valeurs avec nous que n'en partage la démocrature russe d'aujourd'hui. Bonne chance à Alexeï Navalny demain au tribunal.


Terminons sur cette chimère de défense européenne dont on va parler en boucle dans un mois quand les entreprises européennes seront attaquées par l'administration Trump. On ne peut pas faire quelque chose de dissuasif et cohérent en Europe sans la Grande Bretagne, la France et l'Allemagne. La première est déjà en dehors de l'épure, il faut donc sortir de l'épure constitutionnelle continentale. La troisième traîne les pieds, mais la fermeture programmée du parapluie atomique américain va peut-être faire bouger les lignes dans l'opinion allemande, car tout se décide là ! Autour de ces trois puissances, on a besoin du Danemark et de la Norvège pour les détroits baltes, des Pays-Bas pour la Mer du nord et de l'Italie pour la Méditerranée. Si les autres veulent venir, pourquoi pas, mais aux conditions des précités. Le risque est néanmoins grand qu'on se perde dans une usine à gaz à vingt-huit comme aiment les monter les fédéralistes et les fonctionnaires de Bruxelles en peine de grandeur.

Demain mardi se réunissent à Bruxelles quatre pays impliqués dans l'accord nucléaire iranien : l'Allemagne, la France, l'Iran et le Royaume-Uni.

jeudi 10 mai 2018

À 60 ans du Putsch d'Alger


Ce dimanche 13 mai compte double, pour le souvenir du Putsch d'Alger de 1958 et pour celui de sainte Jeanne d'Arc bien sûr. Au-delà de la légende attestée par les minutes du procès de Rouen, Jeanne fut surtout un capitaine de guerre d'une rare intelligence du terrain, capable d'assimiler la tactique immédiate aussi rapidement que les vieux briscards qui l'entouraient, La Hire et Xaintrailles, Rais, Dunois. Elle sut aussi garder à l'esprit la queue de trajectoire de sa mission quand elle y inséra, contre l'avis de beaucoup, le sacre du dauphin Charles à Reims. Ce faisant, elle ôtait toute légitimité transcendée au prince de Lancastre et ralliait le maximum d'adversaires des Anglois pour les bouter hors du royaume. Cela se nomme stratégie ; pas sûr qu'à ce niveau d'expertise elle ait plu longtemps à la Cour.
S'il y a un mystère de la Pucelle, il est tout entier dans sa complète disparition sur Terre, à croire qu'elle fut emportée par les anges au Paradis, une sorte d'ascension. Bien sûr, on ne retrouva aucun reste de la crémation, mais n'apparut jamais un objet lui appartenant, sauf au Puy-du-Fou, ni l'anneau que l'évêque Cauchon lui avait pris, ni une pièce d'armure, ni l'étendard blanc, pas même une de ses épées. Quelque Chose a nettoyé la page d'histoire de tout artefact, de toute "relique", comme si l'on avait craint la naissance d'un culte. Elle ne fut d'ailleurs canonisée que cinq siècles après son supplice, ce qui fit longtemps tache sur la cappa magna des épiscopes français.
Postscriptum du 14: le Groupe d'action royaliste (GAR) a exhumé Le Ditié de Jehanne d'Arc (clic), un joyau de Christine de Pisan (1429) qu'on se plaît à réciter à haute voix.
Pierre Lagaillarde
Du Putsch d'Alger de 1958, on ne parle pas non plus en temps ordinaires. Fonder la Cinquième République sur un coup d'État militaire fait désordre dans les armoiries de la gardienne bavarde des droits universels de l'homme et du citoyen. Mais certains s'en souviennent (tititi-ta-ta), qui en éprouvent encore une grande joie, un peu de fierté, de mélancolie aussi, puisque le porteur de tous les espoirs du moment s'attela bien vite à les éteindre un par un, après en avoir garanti l'achèvement.
Il est trop tard pour raconter l'histoire de cette trahison qui épuise les nerfs. Le putsch avait déclenché une réaction populaire à l'avachissement général d'une classe politique liquidant les positions du pays les unes après les autres. Il ne fallut pas longtemps pour faire accepter au peuple qu'il avait tort de s'insurger contre le sens de l'histoire, mais pas celui de faire revenir l'Hermite de Colombey. On manipula les gens par des référendums à question double, privilégiant la lâcheté démocratique naturelle quand il s'agit d'effort. Préférez-vous garder l'argent ou développer les départements algériens ? c'était le sens des questions posées, enrobées de slogans grandiloquents comme la Paix des Braves pour impressionner Mimile. Quatre ans suffirent pour plier l'Algérie française.

L'Algérie fut larguée pour son malheur, et sans aucun remord pour les dommages collatéraux causés aux populations européennes et aux supplétifs indigènes qui s'étaient laissés enrôler. Cinquante ans d'indépendance n'ont rien apporté à sa population qui ne rêve que d'une chose : en partir ! Des lendemains dangereux s'approchent avec la succession de la momie ; pillage, spoliations et corruption de la nomenklatura n'étant plus supportables. Le printemps arabe tunisien était de la gnognotte en comparaison de ce qu'il se prépare en Algérie. Il suffit de lire régulièrement la presse locale. D'ici là, quand vous croiserez un gaulliste du canal historique, traitez-le de sac à merde, ça le surprendra !


L'Action française va marquer la journée du 13 mai par un cortège traditionnel de Jeanne d'Arc qui partira dimanche à 10 heures de la place de l'Opéra à Paris.


Courtoisie Kadou, Groupe action royaliste


mardi 8 mai 2018

Macron, un an !




Les factieux déclarés de La France insoumise affublent le président de la Vè République Macron d'une posture monarchique, à tort et à raison, mais c'est mal connaître le principe royal que de faire cet amalgame. A tort, puisque le président est littéralement créé par la Loi du Nombre d'une élection sans filtres, la plus toxique ; à raison, parce que depuis le début et "l'absence du roi", le candidat puis le président n'ont cessé de traîner à leurs basques l'ombre tutélaire du second corps du roi. Il y parviendrait presque en se départant du gouvernement des détails dans lesquels se sont noyés ses prédécesseurs, et particulièrement Nicolas Sarkozy qui restera dans l'histoire un grand débiteur de la nation pour ses frasques nationales et internationales : « orgueil, improvisation, diplomatie accaparée par les soupentes élyséennes, prix du gaz, programmes scolaires, retraites, chasse aux Roms, compassion électoraliste, suivi personnel de certaines affaires de droit commun touchant des amis, mise en accusation des juges petits pois, valse des préfets, grossièreté instinctive, confidences sur les films de Dreyer (?!)» (la liste des "détails" est de Jean Guiloineau). A l'évidence, Sarkozy l'énervé n'était pas roi. Macron serait un meilleur candidat s'il ne traînait pas le boulet d'être élu à la plus forte minorité, ce qui est contre-indiqué pour commander la levée en masse. Voir le billet récent sur Edwy Plenel.

Si le roi par principe est au-dessus de la mêlée, le président par construction est en mêlée. Mais Macron a ceci de particulier, qu'il ne s'est pas appuyé sur un parti parlementaire existant duquel il aurait fait évoluer les codes à son bénéfice comme Mitterrand à la SFIO, mais qu'il a créé un véritable mouvement de fond pour le porter à l'Elysée sans avoir à récompenser les caciques de la prébende institutionnelle. Sachant que la Constitution l'y obligeait, le parti fut créé ex-nihilo pour les élections législatives dans le sillage de la victoire, profitant à plein de la loi Jospin d'inversion du calendrier. Et la République en Marche passa sur le ventre de tous. La manœuvre était audacieuse mais limpide dans son exécution ; elle a plu !

Macron donne effectivement l'illusion monarchique, plus proche peut-être du modèle napoléonien, mais il y a loin de la coupe aux lèvres, sauf à boire la ciguë si d'aventure la révolte anéantissait la réforme comme s'y attèlent par l'agitation permanente les partis révolutionnaires (LFI comprise qui appelle une VI° République). Qu'en pense la nation ?


Au seuil de sa deuxième année, Emmanuel Macron est à 50% de popularité dans l'opinion. Le journal Libération a fait une petite étude là-dessus (clic). Le centre de gravité de l'acquiescement s'est déporté vers la droite, ce qui ne fait pas les affaires des nouveaux Républicains, déjà passablement étrillés aux législatives et entamés sur leur propre droite par des partis intransigeants comme le Front national ou Debout la France. Ce parti sans doctrine (ce n'est qu'une écurie de campagne électorale) peut se casser en trois morceaux, une partie se ralliant au gouvernement Philippe-Lemaire-Darmanin, une partie entrant dans un mouvement de droite dure à créer (certains attendent Marion Maréchal Le Pen), le reste devenant le canal historique étroit d'une tradition obsolète qui n'a pas su convaincre.
C'est la déception de la gauche du mouvement d'opinion macronien qui est surprenante et souligne la stupidité des électeurs : comment l'initiateur des réformes emblématiques du Code du Travail sous le quinquennat de François Hollande pouvait-il entendre les positions socialistes de défense des avantages acquis anciens et dépassés par le monde qui court ? D'ailleurs on conviendra que les syndicats professionnels se retrouvent largués en rase campagne par les partis politiques à l'exception du petit groupe d'insoumis qui crie plus fort que ses effectifs ne l'y autorisent. Le travail de conception et de législateur est dès lors assuré par le brain-trust des syndicats réformistes comme la CFDT et l'UNSA (SNCF) qui ce faisant, se valorisent aux yeux de leurs mandants, quand d'autres se ridiculisent dans leurs crispations d'un autre siècle.

Si les réformes passent (retraite universelle et formation professionnelle surtout), la méthode Macron aura dynamité la physique sociale de ce vieux pays arcbouté sur des conquêtes sociales devenues insoutenables dans l'état des finances publiques et paritaires. Par contre, il est à prévoir que la dynamique internationale s'épuise, la France n'étant pas au rendez-vous de l'Europe sérieuse dans ses comptes publics, et ne pouvant de ce fait démultiplier un regain de puissance à travers elle. On reviendra à l'empreinte très classique de la France en Afrique et au Proche Orient, deux croix lourdes et dispendieuses, sans bénéfice autre que la gloire fanée d'un empire disparu.

Je ne crois pas m'avancer beaucoup en disant que Macron a mangé cette année son pain blanc, mais qu'il reste le meilleur représentant du pays à l'extérieur, c'est en dire long sur les autres !


lundi 7 mai 2018

8 mai 1945 - victoire du jazz !


George Patton
La capitulation de Reims marque la victoire définitive des thalassocraties anglo-saxonnes sur les "empires du milieu" et pour ce qui nous concerne, l'extinction du concept de "France seule".

Nous avions ressenti en 1918 que l'engagement des Sammies à nos côtés avait démoralisé les armées du IIè Reich à tel point qu'émeutes et mutineries avaient fusé partout chez l'ennemi ; nous avions vaincu le boche qui ne voulait plus se battre, mais en alliance déjà ! Quoique sous notre commandement puisque Foch était généralissime commandant en chef des forces alliées du front occidental. En 1945, rien de tout cela, nous n'avons pas vaincu le Hun, il fut battu par d'autres, nous fîmes l'appoint, équipés et armés par les Etats-Unis. Nous perdîmes ainsi notre indépendance, gouvernés pour longtemps par la grande sœur américaine, même si le grand illusionniste Charles de Gaulle parvint à nous faire croire le contraire.

Moralité : il faut gagner les guerres que l'on déclare, on n'a pas d'excuses !

Et l'Amérique, dont on avait apprécié les orchestres noirs sautillants en 1918, envahit alors l'Europe occidentale de sa fameuse way of life dont le jazz fait partie. On roulait américain, fumait américain, buvait américain et dansait américain.

Ce monde allié s'éloigne de nous depuis l'arrivée au pouvoir de présidents très typés, moins cultivés* que d'habitude, plus démagogiques aussi. Avec Donald Trump on atteint un sommet d'inélégance et de brutale... efficacité ! Nos dirigeants sont déroutés par la franchise du nouveau pouvoir qui leur sort les quatre vérités en leur montrant la porte de sortie : vous voulez vous gouverner ? Commencez, connards, par vous défendre en augmentant vos dépenses militaires, le baby-sitting de l'Europe s'achève !
(*) Cela ne s'applique pas à Barack Obama

Les valeurs américaines s'estompent au profit du profit et des intérêts immédiats de l'Union. Prenons-en de la graine, construisons notre autonomie, réarmons, et cessons de nous tortiller dans des postures diplomatiques vaines. Si Trump parvient à dénucléariser la péninsule coréenne, c'est un siècle d'archives des chancelleries qu'il faudra jeter au feu. Gouverner avec des couilles, ne pas se leurrer par lâcheté, éviter les emboîtages de solutions en poupées russes, aller droit devant, se battre s'il faut, voila le concept nouveau ! Appliqué en 1936, lors de la remilitarisation de la rive gauche du Rhin, il aurait sans doute évité la seconde guerre mondiale et le déclassement de l'Europe qui en fut la plus durable conséquence.


Pour commémorer la victoire de 1945 contre l'Axe, voici donc une bonne heure de Stan Getz au saxe et Chet Baker à la trompette, mais vous pouvez couper quand vous voulez. Le top ! Enjoy !



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