vendredi 28 décembre 2012

Huit siècles en vingt jours... pschitt !

Le 27 décembre 1788 (il y avait 224 ans hier), le ministre Necker publie les articles qui régleront la tenue des Etats-Généraux du royaume, convoqués à Versailles pour le mois de mai suivant. Le mécanisme de la bombe à retardement est enclenché. Tic-tac !
- Louis Auguste de France enfant -
Vingt jours ! Le diamant de la monarchie absolue est carbonisé par le mécontentement populaire en trois semaines.
Au delà de la relation minutieuse des faits qui signalent tous la marche du régime au Néant, les historiens s'accordent à dire que le roi Louis XVI, quelle que fut son éducation de qualité supérieure à celle des princes de son temps, n'a pas le tempérament qu'exige la situation du royaume. Qui "nomma" roi Louis Auguste de France ? Les lois fondamentales du royaume. C'est dire peu qu'elles se sont trompées. Certes leurs défenseurs soutiennent à raison que la loi de dévolution automatique est bourrée d'avantages et que la dépression momentanée de la chaîne dynastique causée par un moindre maillon n'altère en rien la suprématie du schéma à long terme. C'est vrai : la France parvenue à la suprématie continentale s'est faite sur cette courbe dynastique de huit siècles. Mais la rupture a bien lieu, ruinant l'ouvrage des quarante rois. Comment ? Relire les livres d'histoires, les biographies et hagiographies du roi Louis XVI. Le pourquoi est plus intéressant aujourd'hui que le comment. On peut accessoirement passer voir Jonas au Lys Noir qui, dans sa promotion des Bourbon-Busset, amalgame des choses très intéressantes sur la Révolution française à partir du feuillet n°10.

On connait en chimie les proportions explosives d'élements inertes pris isolément. Le "flash" s'opère dans l'éprouvette politique d'abord. Mais nous, royalistes, accusons la subversion philosophique de la société et la récession économique due aux intempéries. On oublie l'égocentrisme des élites qui servaient le roi "quand l'occasion se présentait" et eux-mêmes d'abord. C'est commode, mais ce n'est que l'environnement difficile du temps ; et des rois de la chaîne en eurent de bien pires à gérer. Que l'on songe aux bouleversements générés par les croisades lointaines, à la peste noire, aux attaques du Saint-Empire, aux guerres franco-anglaises sur notre sol, aux guerres civiles dites de religion, à la Fronde...

Aux fermentations sociales parfaitement connues, aux difficiles conditions d'existence du moment, le gouvernement et la Cour opposent le jeu d'un pouvoir stérile calfeutré chez soi et ne décident rien d'utile plus que d'en parler et s'en plaindre. Dans sa correspondance avec le comte de La Marck, Mirabeau, devenu un court moment conseiller privé du roi par son apostasie, se désole de gens amorphes, velléitaires et capricieux, à la fin, parfaits intrus dans la séquence historique (sources 1 et 2). De gouvernement du pays il n'y a point. On pare au plus pressé, on bascule l'idée du jour sur celle de la veille sachant qu'elle ne durera pas plus.

- La reddition anglaise à Yorktown - 
L'affaire était quasiment jouée quand le roi-géographe en ses conseils où il baille, décida de chasser l'ennui dans sa guerre d'Amérique (1778-1783) pour laver l'affront anglais fait à son aïeul au traité de Paris (1763). Les intentions sont généreuses et stupides, en dehors même de la libre pratique donnée en France aux idées des agitateurs américains. Stupide deux fois :
(1) la guerre vide les caisses du Trésor royal - on notera que les Insurgeants apprenant l'engagement français s'empressent de réduire leurs impôts militaires à proportion - et cette pénurie budgétaire met le royaume à la merci des effets destructurants des phases climatiques insupportables pour le peuple ;
(2) la guerre ouverte déclarée à la première thalassocratie du monde, qui à l'évidence va se venger, ne vise pas la pieuvre à la tête, mais lui coupe seulement un bras, c'est tout ! Son sang de pieuvre c'est l'argent qu'elle sait mobiliser contre tous ses contempteurs. La France n'échappera pas au bec intact.

Aucune analyse de cette opération exotique ne peut contredire ces deux stupidités. Il est difficile de croire qu'un roi aussi intelligent n'ait pas anticipé ces deux effets et qu'il se soit abandonné aux encouragements de tous ceux qui poussaient les feux de leurs propres projets. A trancher l'alternative, il ne s'est jamais trompé en prenant comme toujours ensuite, de deux décisions présentées, la mauvaise.

Maupéou
Le royaume est par ailleurs confronté à une exigence de réforme structurelle profonde depuis que le pouvoir a décidé sous Louis XIV la normalisation du modèle, sans y parvenir. Les premières études sont poussées par Vauban (1633-1707), puis seront continuées par presque tous les ministres jusqu'au physiocrate Turgot. Aucune de réelle importance ne percera, à l'exception notable du renvoi des parlements par Maupéou, garde des Sceaux de Louis XV, mais d'abord fils d'un premier président du Parlement de Paris, qui connaissait l'infestation de ce second pouvoir !

Pour sa partie achevée, la centralisation est fatale en ce qu'elle fait converger les mécontentements vers la clef de voûte du régime. Si avant Louis XIV le roi n'est que l'Etat, la "fonction publique" maintenant les chemins, creusant les canaux, faisant haute justice et la guerre plus qu'à son tour, après lui il devient en tout l'arbitre du dernier ressort. Qui dit arbitre dit plaideur perdant. S'il ne s'agit que de la Cour, on joue, si l'on y a goût, de l'influence des coteries bruissantes et désoeuvrées - ce que déteste faire Louis XVI - mais quand il s'agit des affaires publiques hors les murs, il faut assurer, et avec Louis XVI la fonction arbitrale devient translucide hélas. Il "décompresse" à la chasse quasi-quotidiennement comme un khan mongol et n'est manifestement pas intéressé par la politique politicienne qu'il laisse au vent qui vente du Cabinet. Son frère Artois ne fera pas mieux qui, devenu Charles X, remettra formellement sa tranquillité entre les mains de ses ministres.
La grande affaire du temps est la convocation des Etats Généraux qui devrait tout régler une bonne fois. Mais Louis XVI a-t-il lu suffisamment de cahiers de doléances pour s'imprégner de l'état d'esprit du royaume¹, qui devient de plus en plus hostile aux dérives vécues localement du vieux régime féodal ? De toute la construction pyramidale ayant atteint le XVIII° siècle, il n'y a que lui à être encore aimé ; le reste est détesté par le populaire quand ce n'est pas moqué.
Faut-il être aveugle pour ne pas voir la pulvérulence de la noblesse parisienne qui agiote et trafique sur les faveurs, en compétition avec le haut clergé pas moins pourri, les deux piliers termitiques du royaume ! Pour un ouvrage resté fameux sur la Révolution, l'abbé Liévin-Bonaventure Proyart titre Louis XVI détrôné avant d'être roi (1800) ! Ce livre est en ligne.

A quoi sert-il dès lors de s'arc-bouter sur les rites d'une procédure civique comme le vote par Ordre ? Quand tout s'enfuit, on se braque sur la vieille coutume en innovant de bonne et mauvaise foi, pour retourner aux fondamentaux dont le peuple est le corps majeur quand le Ciel est muet. Mais il faut du populisme efficace, gouverner l'affaire, passer sur le ventre des importuns, activer les sicaires et ne pas sommeiller dans le fauteuil au su de tous ; des centaines de paires d'yeux peuvent se pousser du coude et murmurer aux Etats : "le roi dort".

Dernière cause discrète, plus délicate à affirmer, est la sacralité de la fonction, non en elle-même mais par la lecture qu'en fait le titulaire. Sacré à Reims, le roi se sentirait-il intouchable ? Alis aquilæ. Ce qui lui laisserait croire que sa politique impolitique serait absoute un jour par son mentor, et qu'une embellie lui serait offerte par le Ciel. Son éducation très pieuse ne laissera d'étonner de fins politiques qui pressentiront un blocage éthique lors de futures circonstances graves. C'était bien vu, sauf la pitoyable irrésolution qui se cachait derrière : le dernier qui parle a raison à condition que lui-même, têtu, en prenne le contre-pied ! Mais le royaume avait-il eu le choix ? La Loi avait dit Louis-Auguste !


- 4 août 1789 - 
Vingt jours ! Comptez sur vos doigts du 14 juillet au 4 août 1789 ! Aux désordres sociaux, aux fermentations progressistes d'une aristocratie corrompue, à la ghettoïsation d'une Cour dépeuplée éloignée à Versailles, s'ajoutent le pourrissement du régime politique lui-même et le désordre de l'Etat² dans son ultima ratio, les armées. Si l'on n'engage pas les régiments c'est moins par pusillanimité qu'au motif du défaut de sûreté des compagnies.
L'Etat pré-normalisé initié par Louis XIV ne peut fonctionner correctement sans l'égalité de tous devant la justice, l'accès aux emplois sur compétences, l'égalité fiscale proportionnée aux capacités contributives de chacun. Or, abus, privilèges et contradictions fourmillent, les institutions féodales demeurent, mais vidées de sens par les lois césariennes, tout est disparate, rien ne coïncide.
La réforme de l'Etat, poursuivie dans sa forme moderne par Calonne et qui s'achèvera brutalement sous l'Empire, ne peut être laissée au milieu du gué, pataugeant dans tous les inconvénients d'une transition qui n'en finit pas d'agonir, avec de chaque côté du chemin des profiteurs à l'affût, attisant les déboires et disposant de gros moyens de subversion, comme le duc d'Orléans plus tard Egalité, l'arbre qui dans l'histoire cacha la forêt des ambitieux. Ce ne pouvait être pire.

Ainsi se retrouve-t-on à l'été 89 avec un régime féodal décrépit poussé à sa caricature, quasiment irréparable tant le système est vermoulu. Y pose-t-on la main que tout vient en poussière ! A l'issue des vingt jours, c'est la Nuit du Quatre Août qui enterre 1290 ans de monarchie de droit divin née avec le "sacre" de Clovis, pas encore formellement certes - il faudra deux mois au roi pour comprendre et accepter les décrets - mais qui ruine toute la charpente féodale, le principe chevaleresque "foi et hommage" de longtemps oublié, les vassaux sont devenus des clients, et dans le même ouragan, la Transcendance indispensable au Projet français. Tabula rasa !
La Noblesse, convaincue de son anachronisme et finalement moins intéressée à la rénovation de l'Ancien régime qu'aux essais prometteurs d'un régime nouveau à l'anglaise, le Haut Clergé riche et honteux pas moins "moderne", ni l'une ni l'autre ne résisteront longtemps au vent de l'histoire qui souffle des loges, pire même, dans une course éperdue au brevet d'égalité, ils surenchériront dans la déconstruction du royaume. Il y eut véritablement implosion. La vérité est qu'en 1789, il n'y avait plus de royalistes à Paris. Quelle conséquence en tirer de nos jours pour nos lendemains qui tardent à chanter ?

La question posée autrement : que conserver de l'Ancien régime dans la restauration qui vient : les pouvoirs régaliens absolus³ ? Les Lois qui produisirent trois frères, fossoyeurs malgré eux de la monarchie capétienne ? L'alliance du Trône et de l'Autel... (no comment) ? Les provinces, circonscriptions charnelles de terroirs homogènes dotés de leur vie propre, peut-être ? Le foisonnement des libertés par une large décentralisation des pouvoirs non strictement régaliens, assurément ? Chacun peut continuer cette liste juste amorcée ici et continuer cet article pour lui-même.




un fer à gant




Notes
(1): celui du baillage du Vigan est explicite, et même si l'on peut douter d'une rédaction domestique, il n'en a pas moins été signé 258 fois à Sumène le 14 novembre 1788 (la pétition de 1788 à Sumène).
(2): on lira avec profit sur la Gallica le mémoire de Turgot au roi, décrivant le foutoir administratif de son royaume : Des Administrations provinciales. On comprend qu'il n'ait pas eu longtemps la cote.
(3): absolus = indépendants de la bascule des majorités et des lobbies, selon la définition du CNRTL : dont l'existence ou la réalisation ou la valeur est indépendante de toute condition de temps, d'espace, de connaissance.

mercredi 26 décembre 2012

Boxing day à Florange

Ce billet est une commande récapitulant les billets précédents sur ce sujet. Elle est parue dans l'Action Française 2000 du 20 décembre 2012. Elle entre en archives RA le lendemain de Noël, jour férié de la St-Etienne en Alsace-Moselle (boxing day) .

Les quatre cents kilomètres à la mer pénalisent les deux haut-fourneaux de Hayange, dit-on au siège d'ArcelorMittal. Avant de poursuivre, précisons que Florange n'est que l'adresse des bureaux du site sidérurgique contesté, qui s'étire dans la vallée de la Fensch, au nord de Metz, sur un maillage ferroviaire privé exploitant 250 kilomètres de voies. Sur ce site intégré, on va du magma à la canette à boisson en partant du coke fabriqué à Serémange et du minerai aggloméré à Rombas vers les hauts-fourneaux de Hayange, qui coulent la fonte pour l'aciérie de Serémange-Erzange. Les brames passent aux laminoirs à chaud puis à froid, écrouissage, étamage à Ebange. Depuis l'arrêt de la phase liquide les brames viennent de Dunkerque, mais l'excellence est dans le train à froid dont ArcelorMittal ne veut se séparer car l'outil, qui livre entre autres les constructeurs automobiles allemands, est réputé pour sa qualité.

Ainsi que l'expliquait Serge Fuss de la CFDT après l'arrêt technique du second haut-fourneau, l'intégration complète du process, phase liquide et laminage à froid, est « un grand atout économique, car cela nous permet, par exemple, d’utiliser les gaz des hauts-fourneaux et de l’aciérie pour faire fonctionner les laminoirs. La sidérurgie est très haute émettrice de gaz à effet de serre, mais chez nous, le bilan carbone est beaucoup plus favorable qu’ailleurs : peu de transports, hormis le minerai qui arrive par voie fluviale, les expéditions qui partent par le même chemin ou par la voie ferrée, et des hauts-fourneaux qui polluent presque deux fois moins que nos concurrents, car nous maîtrisons l’injection de poussières de charbon qui freine la formation de gaz carbonique ».

Et d'autres mettent en avant que la clientèle des produits finis est à proximité, voire sur place à Florange même comme Tata-Steel Rail et Thyssen-Krupp Presta, et que la distance moindre des bassins industriels de transformation en aval amortit quand même un peu le coût d'approche des matières premières apportées de la mer.
Deux rapports ont conclu à la viabilité du site intégré : l'un officiel, établi par une commission ad hoc dirigée par M. Pascal Faure fut remis en juillet dernier au gouvernement qui semble-t-il ne l'a pas lu, sauf M. Montebourg ; l'autre, interne, déniché récemment par les syndicats, est réfuté par la direction financière de la firme qui n'aurait pas chargé la mule de tous les coûts induits qu'elle doit porter. Il y a pour le moins un gros doute. Le rapport Faure devrait être passé au crible d'un expert, un sidérurgiste (Francis Mer à tout hasard, ancien patron d'Usinor-Sacilor et ministre des finances de Jacques Chirac), sur la base des calculs faits par ArcelorMittal dans le deuxième rapport. Ce serait plus logique que de continuer la partie de poker-menteur entre MM. Mittal et Ayrault où l'on sait d'avance qui ramassera le pot.


Les HF de Hayange

On pourrait alors poser une question toute simple : pourquoi ArcelorMittal persiste-t-il à vouloir garder la cokerie de Serémange afin de fournir les hauts-fourneaux de Dunkerque qui retourneront les brames ainsi coulées aux laminoirs d'Ebange ? C'est son affaire, me direz-vous ! Mais vous tirez sur 400km le charbon primaire puis sur 400km le coke en retour et sur 400km ensuite les brames dans l'autre sens, détruisant l'économie de l'alternative. A moins que de stopper les deux hauts-fourneaux de Hayange ne sécurise l'importation de brames russes qui en 2011 arrivaient par vingt mille tonnes/mois !

Si après les deux rapports précités, il était confirmé pour la troisième fois par cette contre-expertise que le site intégré de Florange est viable économiquement, il serait alors temps de bloquer le dépeçage indien et d'exproprier l'opérateur « mondial », par tous moyens légaux, afin de conserver autant que faire se peut les bases industrielles lourdes qui nous restent, car c'est de la destruction de notre industrie dont on parle et pas que de six cents emplois.

L'affaire est éminemment politique, au sens noble. Elle devrait enthousiasmer un pouvoir socialiste ayant une affection particulière pour les masses laborieuses et démocratiques. Pas du tout. Eblouis, un peu jaloux, mais si contents d'approcher la Fortune, nos apparatchiks de province se sont laisser hypnotiser par Kaa le python du Livre de la Jungle ! Et pour apaiser les syndicats ahuris ils ont nommé le sous-préfet de Thionville(sic) "contrôleur" du développement des nouveaux processus sidérurgiques à très basses émissions de carbone (ULCOS en anglais) !

Edouard Martin, CFDT-Florange
Florange est, bien plus que Notre-Dame-des-Landes, le dossier risqué pour le pouvoir socialiste, parce qu'en matière de sidérurgie la vérité dérive au sein d'un marché libre impossible à maîtriser depuis Paris. Une seule voie, passer le projet à des professionnels de la filière aussitôt l'expropriation décidée.

L'absence criante de politique industrielle dont le ministère du Redressement productif n'est que l'alibi détesté, l'entêtement puéril d'un premier ministre robotique dépassé par les enjeux, la défiance des élus de terrain devant cette mollesse des chefs au premier choc sérieux, la liquéfaction continue de notre industrie et d'emplois non remplacés, tout concourt à lever un fort mécontentement dans le populaire qui peut emporter le gouvernement et ruiner la cohésion parlementaire. Mais la sidérurgie française vivra, faudrait-il passer sur le ventre du capital vagabond, parce qu'elle est la base même de notre renaissance !

lundi 24 décembre 2012

Joyeux Noël






Beau comme un petit bonheur de quatre ans
avec une jolie voix juste et des yeux pétillants


Nous défilerons le vendredi 13 janvier 2013
pour défendre les chances des orphelins qui n'en ont pas eue
et qui méritent mieux qu'un destin de petites choses de compagnie

samedi 22 décembre 2012

Le bouleversement de la filiation en droit

Sont-y pas mignons ?
Nous sommes sur le pont de Noël, cette année, un pont de quatre jours pour les enfants d'abord, après la "fin du monde". Il arrive parfois qu'entrer dans les détails est nécessaire pour se saisir d'une question spéciale. C'est le cas de l'homoparentalité qui est le deuxième wagon du train "Mariage pour Tous". Comme nous l'avons fait avec le philosophe et grand rabbin Gilles Bernheim dans notre article L'Homoparentalité pour les Nuls" en lui laissant la parole, nous le faisons aujourd'hui avec M. Anis FAYED, en master de Droit privé à Assas, qui a placé cette contribution utile et fouillée dans Le Petit Juriste. Qu'il en soit remercié.
Le 13 janvier approche, nous en serons. Si le mariage des gays, lesbiens et autres fantaisies en vogue persiste à me laisser assez froid - le Ridicule fera le ménage -, l'adoption d'enfants-cadeaux me retourne les sangs. Aussi plutôt que de débonder la gueule du fût en calibre de marine, il est préférable d'écouter quelqu'un de posé. Le voici, en respectant la "casse" et en laissant la bibliographie qui va bien. L'iconographie est maison.


DE L’HOMOPARENTALITÉ À L’HOMOPARENTÉ…

Très prochainement, le Parlement sera amené à voter la légalisation de l’adoption par les couples homosexuels. Une réforme qui laisse présager un bouleversement du droit de la filiation.

Trop souvent employés l’un pour l’autre, les concepts d’homoparentalité et d’homoparenté recouvrent pourtant des notions distinctes. Si la parenté (du latin pario : engendrer) renvoie directement à la filiation, la parentalité englobe quant à elle une notion plus délicate à appréhender, correspondant d’une certaine manière à la fonction parentale (prise en charge, protection et éducation de l’enfant).
Par le biais de la délégation d’autorité parentale et sans jamais franchir le Rubicon de l’adoption, la jurisprudence offre une solution pragmatique aux couples homosexuels avec un enfant, en restant sur le terrain de l’homoparentalité.
Souhaitant consacrer l’homoparenté en légalisant l’adoption des couples de même sexe, le législateur semble aujourd’hui vouloir aller plus loin. La refonte du droit de la filiation, vers laquelle il semble inévitablement s’engager, n’est pourtant pas dénuée de risques.

La fin annoncée d’une solution de bon sens

Dans l’incapacité de pourvoir seul à ses intérêts, l’enfant mineur bénéficie d’une protection juridique : l’autorité parentale. Définie à l’article 371-1 du code civil comme « un ensemble de droits et devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant » appartenant « aux père et mère », sa délégation est pourtant possible.

Classiquement, la délégation d’autorité parentale impliquait que les parents renoncent pleinement à assumer les charges de cette autorité. La loi du 4 mars 2002 apporta une évolution notoire et supprima la condition de remise de l’enfant à un tiers, prévue par les anciennes dispositions du code civil. On admet désormais la délégation-partage, entendu comme un exercice commun du déléguant et du délégataire, si la délégation est conforme à l’intérêt de l’enfant(1) et que « les circonstances l’exigent »(2). Ce procédé, originairement destiné aux beaux-parents dans les familles recomposées, fut l’objet d’un contentieux important quant à son application en faveur des couples homosexuels avec un enfant.

Les juges du Quai de l’Horloge ont répondu, au faible encadrement juridique que connaissaient certains de ces couples, en admettant la délégation d’autorité parentale(3). Coincée entre le marteau de la lettre du code civil et l’enclume de l’évolution fulgurante des mœurs de notre société, la Cour de cassation apporta donc, sur le terrain de la parentalité, une réponse mesurée et concrète aux revendications des couples homosexuels.

Sans surprise, la question de l’adoption pure et simple (et donc de la parenté), fut soulevée. La position de la Haute Cour sur le sujet, fut on ne peut plus explicite. Elle considéra que cet acte juridique – créant entre deux individus un lien juridique de filiation, non fondé sur un lien du sang – qui prive la mère biologique de ses droits d’autorité parentale, est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant(4). En outre, elle refusa d’admettre, pour surmonter cette conséquence, une délégation d’autorité parentale de l’adoptante en faveur de la mère biologique, qu’elle jugea « antinomique et contradictoire avec le principe même de l’adoption »(5).

Les juges du droit ont par ailleurs, récemment confirmé que l’adoption restait un Everest infranchissable. Par deux arrêts du 7 juin 2012(6), ils ont en effet refusé l’exequatur d’une décision étrangère autorisant une adoption par un couple homosexuel. Affirmant même, au visa de l’article 310 du code civil(7), que la reconnaissance d’une telle décision, dont la transcription sur les registres d’état civil impliquerait l’inscription d’un enfant comme né de deux parents du même sexe, était contraire à un principe essentiel du droit de la filiation.
Cette position de la Cour de cassation ne fut jamais remise en cause, ni par le Conseil constitutionnel(8), ni par la Cour Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme(9). Elle fut par ailleurs saluée par une partie de la doctrine, car elle offrait un statut intermédiaire entre le vide juridique de la situation de fait du partenaire homosexuel du parent et l’excès de droit donné par la reconnaissance du statut de parent(10).
Insatisfaits de ce trop peu de symbolisme, exaspérés par ce pragmatisme, les lobbys ont rapidement fait valoir que cette technique restait aléatoire, car soumise à l’appréciation du juge. Revendication qui ne restera pas sans réponse…

La refonte programmée du droit de la filiation

Promesse de campagne de l’actuel Président de la République, la légalisation de l’adoption par les couples homosexuels semble inévitable, eu égard à la majorité parlementaire. Deux propositions de loi allant dans ce sens ont déjà été déposées cet été. L’une, enregistrée à l’Assemblée nationale le 24 juillet dernier, l’autre, enregistrée au Sénat le 27 août. Ces propositions de loi invitent, entre autres, à la réécriture des articles du code civil régissant l’adoption et à la suppression de toute référence aux père et mère, remplacés en l’espèce par le mot « parents ».
Les partisans de cette réforme du droit de la filiation, se fondent très largement sur la rhétorique anti-discriminatoire qui prône une parfaite égalité entre couples homosexuels et hétérosexuels. Ne pas discriminer les individus en fonction de leur orientation sexuelle est une chose. Tendre vers un idéal social niant toute dimension sexuée à notre société est en revanche, un projet dangereux(11). D’autant qu’il est acquis, qu’une différence de traitement n’est aucunement une discrimination, lorsqu’elle découle de justifications objectives et rationnelles. S’agissant de la faculté de procréation des couples homosexuels, il est évident qu’aucune démonstration scientifique n’est nécessaire…

Par ailleurs, si la volonté de légaliser le mariage homosexuel concerne la vie amoureuse d’adultes consentants, l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe pose un problème qu’il est primordial de ne pas négliger. L’adoption engage, au-delà du couple en lui-même, un tiers : un enfant mineur et en pleine construction. Entrer dans le sempiternel débat des risques psychologiques pour l’enfant à être élevé dans un couple de même sexe est un écueil que l’on évitera ici. Cependant, l’affirmation des instigateurs de ces propositions de loi, selon laquelle cet environnement familial ne présente aucun risque pour l’enfant est, pour le moins, surprenante. Face aux études « scientifiques » aux résultats contradictoires et aux méthodologies discutables, la prudence s’imposait. Pourtant, le législateur opère donc une appréciation in abstracto de l’intérêt supérieur de l’enfant, et semble faire de quelques « cas positifs », une vérité générale. L’appréciation in concreto de ce même intérêt, qui était l’apanage de la Cour de cassation en la matière, emportait davantage la conviction(12).

En tout état de cause, la proposition de loi prévoit, de manière regrettable, la privation définitive pour certains enfants, d’un référent parental de sexe opposé. D’aucuns brandiront à ce propos l’étendard de la famille monoparentale, feignant d’ignorer qu’une carence du destin n’équivaudra jamais à une carence que l’on impose à l’enfant d’office… Un enfant qui sera viscéralement amené, un jour, à rechercher ses origines.

Enfin, symboliquement, c’est un véritable bouleversement du droit de la filiation qui se profile. En consacrant ainsi le concept de l’homoparenté, il est évident que le législateur ne traite plus de questions d’éducation ou de prise en charge de l’enfant. C’est un « modèle », des « principes » et une « institution sociale fondamentale » traduisant une réalité naturelle qu’il transforme(13). L’Homme est issu d’un père et d’une mère et c’est cette réalité naturelle que retranscrit juridiquement la filiation. Après le vote de ces propositions de loi, celle-ci ne fera état que d’un lien juridique quelconque entre l’enfant et un « parent » A ou B, laissant la porte ouverte à de nombreuses dérives, car le « concept de « parent A » et « parent B » est accueillant jusqu’au « parent Z »(14). La mort symbolique de la parenté, n’a t-elle pas d’ailleurs pousser la Cour d’appel d’Ontario (Canada) à reconnaître trois « parents » à un enfant(15) ?

A l’origine, « opération de charité sociale »(16), l’adoption se muta subrepticement mais indubitablement, en un élément stratégique de l’édification d’un « droit à l’enfant », que la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’a pourtant reconnu, ni dans le droit à la vie privée, ni dans le droit à la vie familiale(17). La réforme voulue par le pouvoir en place consacre en quelque sorte ce droit et semble franchir le triste cap de… la « réification » de l’enfant(18) !

Anis FAYED




Vive le mariage pour tous !



Bibliographie:
[1] Civ. 1ère, 16 avril 2008.
[2] Article 377 du code civil.
[3] Civ. 1ère, 24 février 2006.
[4] Civ. 1ère 20 février 2007, n°06-15.647.
[5] Civ. 1ère 20 février 2007, n° 04-15.676.
[6] Civ. 1ère 7 juin 2012, n°11-30.261 & 11-30.262.
[7] « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs
rapports avec leur père et mère.
Ils entrent dans la famille de chacun d’eux. »
[8] Cons. const. 6 octobre 2010, n°2010-39 QPC.
[9] CEDH, 15 mars 2012, Gas & Dubois c/ France.
[10] En ce sens : P.Murat, Revue de Droit de la famille, avril 2006, comm. 89.
[11] En ce sens : I.Théry, Couples de même sexe, mariage et filiation : Par-delà la critique des apories de la rhétorique
antidiscriminatoire, in H. Fulchiron, Mariage-conjugalité : parenté-parentalité, Dalloz, 2009.
[12] En ce sens : H.Fulchiron, Parenté, parentalité, homoparentalité, Receuil Dalloz, 2006, p.876.
[13] Ibid.
[14] A.Mirkovic, Assistance médicale à la procréation pour les femmes célibataires et les personnes de même sexe :
l’implosion de la
parenté et la filiation, Revue de Droit de la famille, septembre 2010, étude 21.
[15] C.A. Ontario, 2 janvier 2007, A.A. c/ B.B. , ONCA 2.
[16] F.Terré & D.Fenouillet, Droit de la famille, Précis Dalloz, 8ème édition.
[17] Entre autres : CEDH, 22 janvier 2008, EB c/ France.
[18] Y.Lequette, La réification de l’enfant ?, Actualités juridiques tunisiennes n°16, 2003.

vendredi 21 décembre 2012

Bye bye, monde cruel

12h11:01 Paris : quand vous lirez ce billet vous serez mort ou pas loin. Vous le lirez par décorporation tant que le souffle de l'apocalypse vous permettra de rester au-dessus de l'écran.
Ceci dit, le premier ministre de Canberra a fait frémir d'horreur tout les non-WASP du Commonwealth en abondant à la thèse maya dans une déclaration radio-diffusée du style Mars Attack :
Dear remaining fellow Australians,
Whether the final blow comes from flesh-eating zombies, demonic hell-beasts or the total triumph of K-Pop, if you know one thing about me, it is this : I will always fight for you to the very end !
(Mrs Julia Gillard, 6 dec 2012, NBCNews)

Mon téléphone se mit à sonner, du Canada, de Nouvelle-Zélande, d'Australie, de Hong-Kong (même si le port aux parfums n'est pas dans le Commonwealth), tous les amis me suppliant de ramoner ma cheminée pour palier la pénurie de gaz avec du bois de traverses, d'amasser des biscuits secs, du sucre et de l'eau en poudre, le temps nécessaire à Superman pour renvoyer à coup de Krypton-B toute la ménagerie des monstres dans les contes à dormir debout.

Mais tout n'est pas négatif. Un expert diplômé des coffee-shops d'Amsterdam juge au contraire l'année 2012 année magique. Il s'appelle Kukkulkan et sévit entre deux pétards sur le site incontournable TunUc.com :
  • En arrivant sur l'année magique 2012 nous allons connaître La Vérité et le Réalité
  • En 2012 nous pouvons attendre d'importants changements tant au niveau mondial qu'énergétique ou cosmique aux dates charnières suivantes : 20 mai, 6 juin 25 juillet et 12 décembre.
  • Nous devons vivre en pleine conscience et de façon plus naturelle, de la même manière que les tribus indigènes comme les Mayas avaient l'habitude de vivre en communautés auto-suffisantes.
  • Après le 21 décembre 2012, nous pouvons de nouveau utiliser le Temps Synchronisé et le calendrier Luni-Solaire (calendrier lunaire du 13ème mois) comme base-temps.
  • Sera ainsi créé un meilleur équilibre entre capitalisme et vie naturelle.

Ce mec fait un tabac et PayPal va disjoncter.

Passez-moi le cendrier, svp !









mercredi 19 décembre 2012

Nouvelles de la boutique sémite

Dispute au dîner. Les Juifs de Palestine ferment le couloir cisjordanien à Givat Hamatos avec 2610 appartements (voir la carte de B'Tselem) et agrandissent Ramat Shlomo de 1500 clapiers. Ici, ils ont des droits historiques, bibliques, sur la Judée et la Samarie. Là, ils enfreignent les résolutions onusiennes et le droit international en bâtissant chez autrui pour immigrer en zone occupée. Le piéton du roi fait passer la bouteille et se ressert une lichée de Saint-Amour (les grès triasiques du terroir en font des vins charpentés en macération longue mais qui se boivent adolescents) et proclame qu'il s'en fout !
Les Gazaouis ont bombardé Sdérot pendant des lustres avec des rockets faites en tubes fly-tox ; en fait ils visaient les occupants sans titre de Najd dont les villageois arabes furent expulsés en 1948. Peu me chaut, ce n'est pas moi qui prend la pelle à fossoyer. Les Israéliens pilonnent des écoles ou des dispensaires à Gaza City dans lesquels se planque la vaillante infanterie du Hamas. Même punition, la pelle à d'autres, j'ai mal au dos.
Cette ethnie sémite s'entretue de bon coeur depuis des siècles dans une guerre fratricide. Salut Abram, le patriarche, pas le char ! C'est leur malédiction et les voies du Dieu tonnerre qu'ils adorent à leur manière sont impénétrables.

Sur la même longueur d'onde du Département d'Etat, je pense que le double langage hébreu n'honore pas son gouvernement de boutiquiers sans vista. Petit jeu, petit gain ! A diverses raisons aussi entortillées que les anglaises des purs fainéants de la vieille ville, les responsables israéliens cultivent le danger de leur situation comme des tomates, repoussant de diverses façons l'aube de toute solution ; comme celle de deux Etats économiquement imbriqués. Peut-être pensent-ils que l'Holocauste leur sert de viatique originel (comme le péché originel qui sert à tout) et les autorise à pratiquer sans vergogne les caprices politiciens qui leur traversent l'esprit. Ils se trompent lourdement car les yeux du monde sont secs à leurs malheurs. La moitié de la planète en passe de diriger l'autre est étanche aux horreurs de nos guerres, ils ont eu les leurs, en pire ; et quelques millions d'empêcheurs de commercer en rond ne vont pas leur couper l'appétit si d'aventure ils se faisaient foutre à la mer ! Mettre l'affaire en débat dans les diasporas asiatiques est instructif vu de Sirius.




Et symétriquement, le recours aux bombes terroristes placées dans le public, le refus de tout compromis pacificateur du côté du Hamas, comme le défilé d'enfants armés déguisés en martyrs dans les cohortes vertes hystériques, assèchent par avance toute commisération extérieure pour les conséquences futures d'une vindicte remontée en boucle. Les monceaux de ruines de Gaza ressemblent à d'autres monceaux de ruines accumulés ailleurs par les évènements naturels. Affronter les réalités semble des deux bords impossible. C'est le mot : réalités. Ces gens, accrochés à des principes fumeux et mortifères, ignorent volontairement les réalités du monde actuel et comptent encore, des trois côtés¹, sur des soutiens extérieurs pour que le mirage de leurs illusions restent en suspension sur l'horizon. C'est la guerre et la mort qui vont surgir du brouillard de poussière ! Tirez le rideau c'est horrible à voir.
"Trente à !", la partie continue sans moi.


Dieu pourvoiera aux cartouches !


(1) Likoud, Hamas, Fatah

mardi 18 décembre 2012

De la milice et des armes à feu

La tuerie de Newton (Conn.) lève à nouveau la dispute sur la prohibition des armes. Bientôt 175.000 signatures au moment de notre rédaction sur la pétition en ligne contre l'accès aux armes déposée sur le site de la Maison Blanche. C'est une réaction normale, de notre côté policé de l'Atlantique, que de voir dans la capacité d'autrui de se fournir en armes de quasi-guerre la source de l'incitation à l'horreur. Une horreur telle que le perpétrateur souvent termine son hubris par lui-même tant la suite est présumée insupportable. Newton, les cheveux se dressent sur la tête, mais chez nous ?
Pour faire (très) court, nous n'avons pas de deuxième amendement dans notre constitution et les armes sont prohibées en détention et en transport sauf pour les adhérents de tir sportif et les chasseurs diplômés ; mais la kalashnikov aboie dans les quartiers de Marseille, le Colt 45 dans les villes de Corse ou à Toulouse hier, mais parfois ailleurs comme au Pontet (Avignon) où quelqu'un a rafalé une crèche municipale. Les gens ne lèvent plus les sourcils tant la chose est devenue banale, mais on tire beaucoup plus facilement aujourd'hui dans nos rues.

La situation réelle de certaines parties du territoire laisse accroire que les armes sont interdites à tous sauf aux malfaisants. C'est un peu ce constat simpliste que l'on applique à tort au Deuxième amendement du Bill of Rights américain du 4 mars 1789 : « A well regulated Militia, being necessary to the security of a free State, the right of the people to keep and bear Arms, shall not be infringed.». La sécurité de l'Etat commence par celle de chaque citoyen qui en a la responsabilité pour ce qui le concerne personnellement et doit être capable de défendre son carré dans le cadre d'une milice informelle d'Etat. On n'est pas loin du concept helvétique de défense territoriale qui est inapplicable chez aucun de ses voisins. A part les va-nu-pieds chicanos, on ne voit pas qui va envahir le Midwest !
Qu'importe l'absence de danger "extérieur", nous aurions bien du mal à vanter la prohibition aux Etats-Unis pour une autre raison : le pays est construit sur des individualités libres qui sont à la racine de l'Etat. Vous ne pouvez rapporter ou changer le Deuxième amendement sans reconstruire les principes d'Etat, à commencer par redéfinir la suppléance et la subsidiarité dans la gouvernance de la société américaine. Autant dire que c'est infaisable. La "loi du fort" en est la parfaite illustration et nous devons les bases de ce travail à Dominique Laborde dans Le Petit Juriste.

Les lois d'autodéfense américaines prévoient la retraite préalable de l'agressé dans son chez-soi pour prévenir dommages ou blessures indues et pour lui démontrer la volonté explicite de l'agresseur présumé de lui nuire. Cette précaution réalisée, le recours à la force dans le cas d'une intrusion au domicile et ses conséquences sont exempts de poursuites au pénal comme au civil. Mais il y a trois niveaux de sévérité de l'autodéfense selon les Etats.

Vingt-huit Etats¹ sur cinquante prônent la "loi du fort". En anglais, The Castle Doctrine. Elle ne s'applique qu'au domicile et à l'automobile et sous réserve des précautions précédentes, admet le meurtre de l'intrus si la porte a été forcée et si la police locale a enregistré un appel au secours. Ces Etats ont choisi d'encadrer l'autodéfense tout en respectant le Deuxième amendement.

Douze Etats² appliquent une jurisprudence fédérale de 1895 qui donne le droit de se défendre à partir du moment où l'agressé juge de bonne foi l'imminence d'un danger de mort ou de blessures graves. On introduit une dose de perception personnelle qui n'est pas appuyée sur des faits explicites comme précédemment, mais que le défendeur doit pouvoir expliquer. En anglais on l'appelle The Stand-Your-Ground Law. Plus simplement, la loi du fort exige des sommations quand celle-ci s'en passe.

Le Colorado applique la loi de Clint Eastwood dite Make My Day !. L'automobiliste qui stoppe devant la ferme est avisé de rester dans la voiture et d'appeler d'un coup de klaxon et de ne surtout pas descendre. Car il peut être descendu, sans sommation, hésitation ni murmure ou autre retard dommageable à une saine réaction. C'est le permis de tuer chez soi à discrétion.

Les autres Etats³ ont choisi de creuser la question au tribunal, mort par mort, c'est plus sûr. Au fait, si on supprimait les armes à feu pour défendre son chez-soi, rien n'interdirait de fabriquer une arbalète à trait de fer qui traverse un veau à dix mètres. Ce n'est donc pas si simple et Barack Obama l'a bien compris.




Laissons les belles âmes de Paris dénoncer la barbarie éclairée au gaz comme disait Churchill après son premier séjour outre-atlantique, et inquiétons-nous plutôt de la dégradation continue de la sécurité des personnes chez nous, qui va se terminer en un gigantesque arsenal privé, si on continue à "comprendre" ici les motivations des assassins quand ce n'est pas primer l'excuse sociale. Pour terminer, la révision constitutionnelle n'est pas une simple formalité aux Etats-Unis : après un vote aux deux tiers des deux chambres du Congrès, elle exige une ratification par les trois quarts des cinquante Etats de l'Union. Autant dire que le chantier à ouvrir est titanesque.


(1) Alaska, Cal., Conn., Fla., Ga., Hawaï, Ill., Ind., Ia., Kan., Me., Md., Mass., Minn., Miss., Mo., Nev., N.J., N.C., N.D., Ohio, Ore., Pa., R.I., S.C., Utah, W.Va., Wisc., Wyo.
(2) Ala., Ariz., Fla., Ga., Ind., Ky., La., Mich., Mont., N.H., Okla., Pa., Tenn., Texas, Utah, Wash. (certains Etats ont les deux selon les comtés ou les circonstances).
(3) D.C., Id., Nebr., N.M., N.Y., S.D., Vt.

lundi 17 décembre 2012

La dépêche de Néchin

Depardieu beau jadis !
S'il était né à Pérouse au lieu de Châteauroux il aurait pu envoyer pour réplique : vaffanculo gianmarco ! et nous aurions applaudi plus fort. La lettre que publie le JDD d'hier cloue littéralement le petit prof à la porte de la grange socialiste.
« Qui êtes vous pour me juger ainsi ? » c'est bien le noeud de la question. Parti de rien ou de l'Indre, c'est pareil, le comédien pantagruélique a fait sa pelotte. Si la banque américaine qui le courtise chiffre sa fortune à juste 120 millions de dollars, il n'est qu'un insecte dans le classement ploutocratique. Ayant investi de manière avisée les gains que lui laissait le Trésor public, il se trouve à la tête d'un patrimoine conséquent, non hérité, tout acquis : Plusieurs établissements parisiens (poissonnerie, épicerie fine japonaise, un bar, un bistrot, un restaurant), des vignobles en Anjou, Médoc, Languedoc et ailleurs où il s'investit beaucoup, par soif, une concession de motos à Roissy-en-France, un château en Val de Loire, une villa à Trouville et l'hôtel particulier de Chambon à Paris qu'il vient de mettre en vente chez Féau Immobilier. On lui prête aussi une collection importante d'oeuvres d'art.

Rien qui dévoile un tempérament de fuyard. Plutôt franchouillard le Gégé !
Mais à 85% d'impôts sur ses revenus (dit-il), il peut considérer que le mur du patriotisme est franchi, d'autant que les conseillers fiscaux les plus affûtés de la place expliquent à qui veut bien compter qu'avec un peu de chance ce sera du 100% d'impôts pour certains riches en 2013 et 2014, quand le fisc sera passé partout.
Il a fait faire son compte depuis le début : 145 millions d'euros en 45 ans ; c'est pas mal. Combien de toute sa vie politique a rapporté au pays le premier ministre donneur de leçon ? Rien ! Epsilon ! Il n'a fait que coûter. Et MM. Hollande, Sapin, Hamon... itou ! Ces mecs qui brandissent la solidarité républicaine sont à jeun d'avoir mis une pièce d'or au tronc ! Quelques pièces jaunes tout au plus.

Le vieux proverbe du "riche maigre et du pauvre mort" est traduit autrement par le petit commerçant du coin : s'ils partent tous et ne financent plus mes clients pauvres, qui m'achètera ? La stupidité colossale des répartiteurs de pauvreté qui nous gouvernent nous conduit à ce que la proportion de pauvres monte dans ce pays en répercussions d'une politique meurtrière d'emplois et de capital-risque : l'égalitarisme forcé par la confiscation légale du succès n'est que basse démagogie distribuant des promesses de recel aux envieux paresseux.

Vieux cliché, le riche est svelte, le pauvre obèse
Ce ne sont pas tant les riches qui fuient que les jeunes entrepreneurs en herbe qui caltent. Gérard Depardieu enfonce ce clou dans sa lettre : « Je pars parce que vous considérez que le succès, la création, le talent, en fait, la différence, doivent être sanctionnés ». Les censeurs de l'acteur-entrepreneur peuvent tendre leurs mains vides pour offrir un Plan pour la pauvreté à leurs clients, nul ne les croit capables de sortir 2,5 milliards d'euros du chapeau comme un lapin d'illusion, s'ils concourent par leur chasse aux riches à réduire l'assiette globale mise au Rôle. Les politiciens imbéciles, surprotégés de tous revers par leur statut social, cassent la dynamique d'avenir pour appliquer à l'économie des principes archaïques abandonnés partout ailleurs depuis longtemps. A quelle fin, on se le demande puisque l'application de ces principes réservés aux étagères des bibliothèques universitaires va au contraire aggraver les choses à moyen terme. Le socialisme n'est pas un ressort bandé pour sortir vivants de la crise. Et les mêmes de réclamer dans la foulée l'harmonisation fiscale de l'Union européenne, pensant peut-être que nos voisins vont acheter notre erreur de taxation frénétique ! C'est déjà perdre l'ISF (nous sommes les seuls) et d'autres impôts catégoriels iniques. L'étude de l'harmonisation démontrera au contraire que nous sommes le pays le plus volé par son Etat, sauf bien sûr en ce qui concerne la moitié des ménages exempts. Harmonisons donc ! Nous, contribuables français, ne pouvons qu'y gagner !

Mais ce qui fait quand même le plus peur est l'autisme d'un pouvoir abruti de slogans, de mots-réflexes, profitant d'une légalité démocratique pour accroître l'Etat-providence hypertrophié qui nous a ruinés, et qui finalement va se payer le pays si on ne le stoppe pas. La Grèce a été ruinée par sa classe politique bien plus vite que par son émigration fiscale ou entrepreneuriale. Ces gens à Paris n'ont pas le calibre requis. Des cons, chère Médème !


samedi 15 décembre 2012

Le royaume où l'on n'arrive jamais

Chantal de Thoury a convaincu quatorze grands électeurs sur 728 de voter pour elle (et le roi) à la sénatoriale partielle de la Nièvre du 2 décembre dernier. Je salue l’élégance de tout combat désespéré. Sans pistoles, sans suisses, elle se fait un nom dans le nanocosme royaliste à la seule force de l'âme. Le Prince ou son Bureau aurait pu se fendre d’un billet de remerciement. Ce petit résultat révèle néanmoins que lorsque le vote est à bulletin secret certains édiles veulent bien se compromettre loin de la discipline imposée par la technostructure partisane qui tient les cordons de la bourse publique. Le candidat Alliance royale à la présidentielle aurait eu ses cinq cents parrainages dans la discrétion, liberté personnelle des édiles refusée par les appareils politiques qui ont carrément séquestré la procédure de choix du chef de l'Etat.

Nec Spe Nec Metu ou comme disait le Téméraire : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Chacun fait sa vie de son propre élan, la candidate de l’Alliance royale proclame tranquillement la monarchie comme un évangile de ce temps, même si l’auditoire est clairsemé. Jean-Baptiste au Jourdain les baptisait un par un, et non par mille comme au Moyen-âge. Un par un ? Non ! Ce travail d’entomologiste traditionnel au Roycoland où l'on se méfie des foules, Yves-Marie Adeline, fondateur de l’Alliance royale, voulut le dépasser en baptisant les masses électorales par immersion médiatique durant le créneau d'attention populaire ouvert chaque cinq ans pour la campagne présidentielle. Coupé des plateaux par la procédure de sélection, il ne put conduire à terme sa démonstration. Il s’est aperçu aussi qu’il n’y aurait aucune bonne fin à sa démarche.
« La droite où l’on arrive jamais » est le titre d’un de ses bouquins politiques. Pensait-il contourner la malédiction en marchant sur les brisées du roi ? Un sondage douteux l’y avait encouragé avec 15% de fidèles présumés dans l'électorat. Au constat que les royalistes en place (ou en quête de places) ne le suivaient pas - même le comte de Paris poussa le chef de la police-candidat contre lui - il a posé le porte-voix pour retourner à sa charrue plutôt que de devenir un nouveau chapelain inamovible de la collégiale. En ce sens, il a eu raison de tirer les conséquences de son échec et de céder sa place. Lucidité rare.

Son dernier bouquin est de la même veine, titré La droite impossible : « La gauche poursuit sa révolution, la droite la subit, tout simplement parce que notre système politique a été imaginé par la gauche. La droite, volontiers appelée au pouvoir par le peuple, parce qu’elle ne manque pas de qualités de gouvernement, n’y sera jamais que locataire : le propriétaire est naturellement la gauche. ». Mais de quelle droite parle-t-on ? Je ne vois personne de "droite" en situation d’accéder à aucune fonction décisive. Tout le spectre politique français est de gauche, jusqu’au Front national qui s'en remet pour tout à l'Etat, et gère collectivement les subsides publics sous un régime de préférence nationale. Le Front est incapable de générer les conditions réglementaires propices à l’épanouissement individuel par la réussite économique ou financière de chaque citoyen capable. Pour céder à la caricature, il n'y a pas de Tea Party en France.
Tous les partis à pignon se tiennent sur le sillon du Conseil National de la Résistance qui a émasculé le peuple français. La France, même celle du matamore Chirac, du setter fou de Villepin ou du dernier Énervé de Neuilly traîne derrière elle, dans l’imaginaire universel, une odeur de socialisme ranci, heureusement tempéré par la gastronomie, le luxe et les fusées. La droite française est une fiction, elle est donc « impossible » chez nous. Pour en remettre une petite couche, la classe politique française est « douteuse » à l’extérieur, dans l’idée que s’en font les puissances de rang comparable ou supérieur. Trop de connivences, de compréhension avec des régimes tricards du monde libre.

Le roi est-il impossible ? Par chance pour les royalistes, le concept monarchiste peut s’arracher à la droite stérile et vivre au-dessus des partis. Mais si la plus probable fonction réservée au roi est celle d’arbitre impartial, clef de voûte de la Nation, exerçant une autorité naturelle et par consensus, son champ d’application restera quand même une société durablement marquée à gauche par trois quarts de siècle d’Etat-providence. Il est difficile pour le militant royaliste d’accepter qu’une longue réforme des mœurs sociales et publiques soit le préalable incontournable à une restauration tant souhaitée, surtout dans un sens libéral qui heurte son présupposé d'un Etat fort. D’aucuns, plus « décourageants » encore, appellent à rechristianiser d’abord le pays ; autant écoper la mer, dirait saint Augustin.
Une question semble taboue : pourquoi la monarchie canal historique a succombé trois fois (1789-1792-1830) ? Est-on sûr qu'elle ne doive sa triple disparition qu'aux coups de boutoir de comploteurs acharnés à sa perte ? N'avait-elle pas en elle-même les ferments de cette fatalité ? Les principes qui primaient les princes devaient-ils servir de matrice éternelle aux circonstances ? Nous y reviendrons sur ce blogue.
Une autre question est sans réponse : A se battre au quotidien vaillamment, sur quel projet de société doit-on le faire ? Hormis les quatre ou cinq pouvoirs régaliens visés, existe-t-il un corpus économique transversal au Roycoland, car tout commence là ; l'économique prime tout. Promeut-on l'effort individuel ou la revendication collective ? Nous en avons souvent parlé.

Pour ma part, le roi ne reviendra que lorsque tous les entrepreneurs, les risqueurs, les inventeurs, les développeurs, les promoteurs, les guerriers seront devenus les "rois du quartier" justement récompensés des succès de leur intelligence, pugnacité, talents, opiniâtreté, en trois mots, valeur ajoutée réelle. Nul ne règne longtemps sur des cloportes !



Reste à chacun le choix d'une éthique chic et rare, un marqueur social élitiste pour un trône où l'on n’arrivera heureusement jamais, sinon que faire ensuite ? La politique en loden ou le karaté de posture, les katas ! De quoi giberner au coin de l’âtre en grillant des châtaignes. Mais après tout pourquoi pas, puisque apparemment ça ne mange pas de pain ; le mouvement est impécunieux : nul ne mise sur son avenir.


Pour notre part, nous continuerons à préférer la monarchie au régime républicain puisque c'est elle qui fit de la France tout ce que nous aimons, enfin, ce que les révolutions n'ont pas détruit. Ces fameuses avancées politiques marchèrent sur les ruines qu'elles firent et sont célébrées aujourd'hui encore par des mensonges organisés dans un corpus mémoriel officiel. Pauvre de nous, surtout en esprit tant le cerveau fut lavé ! La seule question qui vaille pour remettre un roi est bien celle de savoir si ce peuple le mérite toujours, intellectuellement s'entend. J'ai un gros doute sur nos capacités à utiliser un régime politique qui exigerait un réglage fin de la cohésion de nos institutions et l'acceptation d'une autorité suprême par consensus, sans autoritarisme, comme il en va dans les royaumes du Nord !



NEC SPE NEC METU

mercredi 12 décembre 2012

La Veuve Noire et "1984"

Cray Black Widow
C'est le site Numerama qui a détecté des choses pas nettes à la réunion de l'Union internationale des Télécommmunications (UIT) à Dubaï cette semaine, après qu'un traître de l'UIT ait passé un document de travail confidentiel à Cory Doctorow chez BoingBoing. La réunion, sous l'égide des Nations Unies, s'apprêterait à policer l'Internet sur le modèle de la NSA américaine (National Security Agency/Central Security Service) par l'adoption généralisée du système d'analyse profonde de paquets transmis (DPI) par la mise en vigueur d'une norme onusienne lancée sous la cote ITU-T Y.2770 relativement bénigne mais qui renvoie à des détails de mise en application où se cache un sacré démon. C'est ce document qui a fuité : ses 96 pages sont accessibles en cliquant ici. Ce billet est un peu plus technique mais les chaînes virtuelles le sont toujours plus que les chaînes physiques.

On comprend bien que la traque aux terroristes et aux pédophiles motive une surveillance plus étroite des transmissions sur Internet, mais à tout le moins cette lutte légitime est le wagon de tête d'un train bien plus long qui officialise une surveillance inavouable au bénéfice  des ayant-droits sur contenu (ils sauveront la Hadopi) mais surtout bien évidemment à celui des polices les plus basses. Médiapart peut s'inquiéter.
Si la propriété intellectuelle dans un monde aussi maillé que le Village Global reste un vaste débat, le flicage à grand débit d'Internet n'en est plus un, à voir ce qui se passe dans des pays équipés comme la Chine et la Russie. Voici quelques exemples triés par Korben tiré du draft de l'UIT :
  • Détecter et bloquer des protocoles comme Bittorrent ;
  • Détecter et bloquer la transmission de fichiers contenant des digital rights management (DRM) (gestion des droits numériques) ;
  • Détecter et bloquer la transmission de fichiers en provenance d'une personne ou d'un serveur ciblé ;
  • Détecter et bloquer la transmission de messages Session Initiation Protocol (SIP) contenant certains mots clés (protocole standard de gestion de sessions en télécommunications multimédia) ;
  • Identifier certains serveurs en analysant les paquets qui circulent sur le réseau (pour probablement pouvoir le bloquer ensuite ou envoyer la police le débrancher) ;
  • Mesurer le trafic engendré par certaines applications ou protocoles, pour le filtrer, le bloquer ou mettre de la qualité de service (QoS) ;
  • Détecter et bloquer certains paquets de logiciels ou de jeux précis ;
  • Identifier les gros uploaders de fichiers sur Bittorrent ;
  • Identifier et bloquer la voix sur protocole Internet (VoIP) en peer to peer (P2P) selon certains critères ;
  • Détecter un utilisateur précis de VoIP en P2P
  • .


Pour mieux comprendre il faut aller voir la NSA. Disons déjà que ce n'est pas un service secret puisque ses activités ont fait l'objet d'un reportage fouillé sur Arte le 24 novembre (clic). Au pire ce serait un service discret. La batterie de supercalculateurs Cray Black Widow abrités par l'agence permet de filtrer toutes les conversations provenant des Etats-Unis ou venant des Etats-Unis. On cible un interlocuteur, un réseau, un lieu, on enregistre tout, on écoute à l'envi, on note, on détruit, puis on patrouille les communications sur la base de mots-clés, comme le réseau Echelon en Europe, Essaim en France. Les supercalculateurs vous trient des millions de conversations par seconde en moins de temps qu'il n'en faut pour appuyer sur un bouton. C'est ce traitement super-efficace, le DPI, que viennent vendre à l'UIT des professionnels de l'espionnage que sont Alcatel-Lucent par exemple. L'intérêt des pouvoirs publics est tel qu'il semble plus facile de lutter contre le réchauffement de la planète que contre le flicage généralisé de nos conversations. On assiste à une mondialisation du Patriot Act de George W. Bush.

Pour faire bon poids, signalons aux naïfs qu'un portable éteint dans leur poche peut être activé à distance par l'opérateur et servir de micro ou de GPS à l'envers. L'imagination humaine est sans limites et la puissance cérébrale de l'espèce vaincra l'Ordre à la fin, mais avouons que ce sera sacrément dur. Pendant ce temps, passent dans les lucarnes de petits journalistes, affairés à de petites histoires dérisoires qui sentent le pipi, et tellement contents d'être là. Ils trahissent d'une certaine façon.

On attend avec intérêt la contribution et la décision de Mme Fleur Pellerin, ministre en charge de l'économie numérique auprès d'Arnaud Montebourg, qui jusqu'à récemment plaidait pour une confidentialité accrue des données personnelles transitant sur Internet et pour garantir la fameuse neutralité du Net. Elle prépare un texte d'application en France, mais avec la meilleure volonté du monde il sera sans valeur à l'autre bout du fil : « Je pense que nous pouvons nous engager à proposer au Parlement dans le courant de l'année 2013, vraisemblablement au premier semestre, un projet de loi sur ces questions, sur un corpus de règles qui permettrait de garantir la protection des données personnelles et la vie privée sur Internet ». Par chance, elle est capable et motivée. Fin de la session à Dubaï le 14 décembre.

mardi 11 décembre 2012

Conjonctivite du calendrier

Demain «12.12.12» : dernière conjonction numérologique avant longtemps. Il faudra attendre 89 ans avant que le «01.01.01» ne recommence le cycle des fêtes païennes ! En plus, SS Benoît XVI nous a confié sous son pseudo Ratzinger que l'arithmétique grégorienne était archi-fausse, paroles de rois-mages. Nous serions maintenant soit en 2018 soit en 2019... seul le solstice est correctement calé, Stonehenge, Carnac, des valeurs sûres.



C'est au Madison Square Garden de New York qu'une fête d'enfer est prévue à la nouvelle lune du mercredi 12, me disent les yuppies, buppies, guppies, les bobos quoi, sous le louable prétexte de ramasser des sous pour repeindre les quartiers dévastés de la Grosse Pomme après le passage de l'ouragan SANDY. Un fête au bourbon comme une autre à finir dans l'Hudson au bain de minuit. Nafissatou versera son obole, désormais elle peut.

A peine aurons-nous eu le temps de chasser la cuite américaine à l'alka-seltzer que les morts-vivants mayas frapperont à la porte pour une fin du monde du tonnerre de Chac le 23 suivant ! Décidément, on aura bien fait d'attendre.



Marrez-vous, c'est compté !

Plus près de Toi mon Dieu

L'eau est au pont des secondes, l'orchestre continue, 2000 personnes perdent leur job chaque jour. Sur la passerelle du Titanic, le commodore cambre les fesses, bombe le torse et rédige directement sur le chadburn une mise en demeure au Tribunal de grande instance de Paris pour soutenir sa houri, injustement citée par le directeur politique de la première chaîne de télévision française. Le ministre de l'Intérieur a envoyé la sienne, dès fois que le juge soit bouché. Le procureur de Paris a fait ramasser de vieux paysans de l'Aisne qui ont eu le front de mettre des miettes dans l'enveloppe de leur réclamation à M. le Président de la République. Il y a eu outrage ! Monsieur Roux du Bourbon Palace est accouru chez Jean-Michel Aphatie vouer Gégé aux gémonies (salauds de Belges !) et jauger les législatives partielles anticipant une rupture de digue qu'il sait d'avance expliquer. Fureur des pythies de la bienpensance, le Front national n'a pas profité des disputes de pissotières à l'UMP. Le seul à se battre comme un chien, un chien fou peut-être, est ringardisé dans sa propre formation. Montebourg devrait faire un peu plus de politique et un peu moins d'industrie ; 2000 personnes perdent leur job chaque jour. Non concernés les emplois politiques. Ouf ! L'orchestre continue.

Les Français s'abandonnent à des querelles sociétales sur le mariage universel, l'adoption universelle, la parité, le non-genre, du moins les y invite-t-on pour qu'ils ne s'occupent pas des "problèmes" ; le CRAN veut des filles noir-intense chez Miss France/Endemol et pas des café-au-lait. J'aime les deux. Ils ne savent pas que leur économie s'évapore chaque jour un peu, ni que le comte de Paris descend du Prophète. Une piste à creuser ? Les éditocrates font la loi, le marché fait la loi, la banque fait la loi, le gouvernement fait la loi, le lobby fait la loi, le "législateur" sert de tampon ! Un peuple enfantin intoxiqué à la démocratie par procuration, qui a reconstruit les privilèges d'ancien régime en se laissant berner par les démagogues de tous bords - la démagogie étant l'essence même de cette république césarienne - va encore aux urnes parce que c'est comme ça, croyant sauver l'avenir de ses enfants, sa peau, la crémière ! Pourtant le désintérêt pour ses rites démocratiques s'accroît, les danses pour la pluie ne font pas recette, l'abstention gagne du terrain, après le Doute, il est des signes avant-coureurs de la Colère. Mais on entend toujours l'orchestre.

Le député de Nantes vient vendre un "comité de suivi" aux sidérurgistes de Basse-Indre pour se faire huer. Il ne reviendra pas de peur de passer au laminage. A Florange, Petit-Couronne, Dunkerque, Fos, dans toute l'industrie en dur, les forces de production n'acceptent plus la fatalité mortifère faussement libérale et le discours lénifiant des élites menteuses, acoquinées aux donneurs d'ordres dans les cercles d'oligarques comme Le Siècle. Les partis de gauche qui attendent une rupture de paradigme poussent à la roue ; NPA, PCF-FDG encouragent l'émeute sous couvert de résistance. Il va suffire de peu de choses pour que le mélange précipite, et chacun de prendre des gages pour Thermidor. C'est le moment de poser la question aux chapelains des organisations royalistes : à quoi êtes-vous prêts au moment de la rupture systémique possible ? La réponse n'a pas à être divulguée, du moment que nous avons la certitude d'une anticipation réelle. A défaut, nous verrons.

L'agence franco-américaine Fitch Ratings va devoir retirer le triple A au Trésor français après l'Epiphanie quand la récession sera patente. Elle se mettra en ligne avec les trois autres qui ont franchi déjà le pas. Reste à espérer qu'aucune ne repasse derrière en dégradant encore un peu plus sa note, car elles sont toutes éditées "avec perspectives négatives". L'Allemagne que l'on voyait sur le marchepied du "train des AA+" finira l'année avec tous ses comptes publics 2012 équilibrés. Elle s'arrache à un compagnonnage qui l'encombre et comme l'Italie de jadis... Germania farà da sé. Le traité de l'Elysée n'est plus qu'un cocktail annuel ; il fallait s'y attendre un peu .
Tendons l'oreille, ici l'orchestre continue de jouer, c'est rassurant.


Pas de panique ! C'est un film !



lundi 10 décembre 2012

Un Nobel de la paix bizarre

Du discours d'Herman Van Rompuy à Oslo aujourd'hui je n'ai retenu que cet aphorisme choc : « En paix, les fils enterrent leurs pères. En guerre, les pères enterrent leurs fils ! » Hérodote d'Halicarnasse (484-420). Tout le discours que j'ai suivi sur Euronews magnifiait la pacification européenne par ses institutions communes. L'exercice était un peu convenu en remerciement du prix Nobel de la Paix attribué à l'Union européenne. Disons en passant, que le discours était de haute tenue et que le président Van Rompuy le délivra sans lire ses notes, ce qui pour nous Français est un véritable exploit, habitué que nous sommes à regarder nos politiciens de rencontre lire leur papelard pour juste nous dire bonjour. Le dernier en date fut M. Fillon, infoutu de dire sa colère de mémoire à la sortie de la Cocohée ; laissons ces bafouilleurs ! Beaucoup ont découvert leur Rompuy ce lundi (Van Rompuy à Oslo en version intégrale).

R. Schuman
L'Union est-elle la paix par elle-même, ou bien fut-elle créée par la paix ? Celle des cimetières. La question mérite débat. On rappellera avec profit que la collaboration franco-allemande était dans les cartons dès l'entre-deux-guerres mais que la grande dépression et le revanchardisme allemand en vinrent vite à bout. D'où l'idée de Robert Schuman après-guerre de ne pas en avoir. Marcher avant de penser ; et on construisit la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier) qui ne se superposait pas aux offices mercantiles nationaux mais les remplaçait pour tout ce qui était commercialisation de ces produits, bases d'armement n'oublions pas. Génial, mais si quand même !
C'est aussi ce qui se passa au départ de De Gaulle en 1969, alors que la relation franco-allemande était quasiment évaporée dans nos rêves de grandeur (comme beaucoup de projets grandioses de l'époque) : Pompidou, l'auvergnat pragmatique, lança l'Airbus et un réseau de satellites de télécommunications européens laissant à d'autres plus tard les envolées lyriques. On notera d'expérience que plus on célèbre le "couple" franco-allemand moins on en fait. Nous sommes en phase de basse conjoncture, la RFA équilibre tous ses comptes publics à la fin de l'année quand la France des trois déficits entre en récession au même moment. Berlin rééquilibre donc la relation à son profit (EADS) avant de passer à autre chose...

Camp Bondsteel - huile sur toile de Céline Germès
Si la paix a créé l'Europe-institution, il est difficile de prétendre que celle-ci ait renvoyé l'ascenseur. La guerre de désintégration en Yougoslavie a démontré que le Soft Power tant vanté avait l'esprit très venté. A quoi nous servaient ces magnifiques corps d'armée couleur "vert et boue" si nous ne savions pas forcer la paix sur nos marches ? Nous sommes repartis comme en 1916 chercher les Sammies pour y mettre bon ordre, alors que nous avions tout sous la main... sauf la cohésion mentale. Et de nous plaindre ensuite qu'ils n'en aient fait qu'à leur tête, en dépeçant la Serbie pour sécuriser leur camp retranché Bondsteel au Kosovo. Cette pusillanimité bruxelloise et les antagonismes rémanents entre anciennes puissances, en dépit des grands principes proclamés à jet continu urbi et orbi, a conduit les nouveaux pays libérés à se jeter immédiatement dans le dépôt de candidature à l'Alliance atlantique, seule garantie sérieuse d'avenir à leur yeux. De bons esprits un peu seuls plaident pour une défense européenne dont aucun des nouveaux venus ne veut !

Si demain, pour une raison imprévisible, mais de celles qu'engendrent les états de forte tension sociale, la Grèce et la Turquie se prenaient à la gorge, on peut parier que l'Union européenne ne proposerait rien de plus qu'une séance de pré-conciliation, doublonnant (même pas) avec les discussions musclées qui auraient lieu au siège de l'Alliance à Bruxelles. L'Union ne "fabrique" pas la paix, désolé, Mister Président.




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