samedi 30 avril 2022

Comme des mouches !

Six Russes superiches ont été suicidés récemment sur les territoires de la Fédération de Russie, de Grande Bretagne et de Catalogne. Gravitant autour de Gazprom ou de Novatek, ils avaient fait fortune dans la corruption énergétique.

La thèse la plus probable, qui ne sera jamais confirmée sauf par les memoires à venir d'un transfuge des services russes, est que, sanctionnés par les Occidentaux, les morts ont tenté de sauver les meubles, leurs meubles, en prenant leur distance avec qui les avait fait riches, le Petit Csar. Ces "suicides" vont calmer les ardeurs de trahison d'autres oligarques nullement intéressés par la guerre patriotique du Tocard du Kremlin, du moins jusqu'à la disparition d'icelui, événement désormais affiché sur les écrans-radar des chancelleries ; et je mets mon billet qu'on y pense aussi à Zhongnanhaï. Que la vie serait plus simple et le commerce florissant sans Vladimir Vladimirovitch ! Ce type coûte cher à tous, c'est le motif le plus mobilisateur pour sa neutralisation comme on dit.

A l'autre bout de la corde diplomatique, Joe Biden. Dans sa fenêtre quotidienne de lucidité, le vieux politicien blanchi sous le harnois a décidé d'écrire sa page d'histoire en ruinant le projet poutinien de l'empire tsariste revenu. Il en a tous les moyens matériels et intellectuels. La pieuse coqueluche de la droite française n'en a plus aucun sauf la peur inspirée d'une apocalypse atomique ! l'affaire est pliée. Quelques dizaines de milliers de morts plus tard, le doute sera levé : la Russie a déjà perdu la certitude d'un succès en Ukraine avant de demander son adhésion à l'Union africaine dans l'état où va se trouver son économie de rentes minières à la Noël. Le Génie de l'Oural aura ruiné les principales villes d'Ukraine, détruit des infrastructures majeures comme les aéroports, les gares, les utilités publiques ; il aura fait naître cette fameuse nation ukrainienne qu'il niait dans sa mission sacrée de dénazification, ressoudé l'OTAN, rapproché l'hostilité des Etats-Unis de sa frontière occidentale et précipité Suède et Finlande dans l'Alliance honnie ! Quelqu'un le voit-il en Russie ? Assurément oui puisque les sicaires du Kremlin continuent à empoisonner les journalistes (clic).

Comme le disait en souriant Vladimir Fédorovski, la marionnette de la coterie Eltsine, nommée en l'an 2000 pour défendre leur butin contre la Justice, est devenue le marionnettiste himself, privilégiant la terreur (qui reste à son niveau) à la gouvernance (qui le dépasse de beaucoup) afin d'incarner un rêve fou adossé à une économie ridiculement faible eu égard aux ressources énormes et à l'espace immense, le tout protégé par des missiles (dont les trois-quarts sont rouillés) et une armée de merde comme la nomme Oleg Tinkov en attendant sa dose de novitchok.

Blague à part, le cerveau reptilien de Poutine est sans doute encrassé par une affection quelconque pour n'avoir pas jugé infaisable, dès le départ de l'engagement américain, d'affronter la première puissance économique et militaire du monde avec le PIB de l'Espagne. Ce malheureux employé de bureau, confit en dévotions, adoubé par le patriarche orthodoxe de Moscou, et tendrement aimé par tout ce que compte le monde occidental d'idiots utiles - et nous en avons beaucoup plus que les autres - le pôvre va nous tirer des larmes quand il sera acculé à décréter la mobilisation générale le 9 mai pour repousser une attaque qui ne vient toujours pas. C'est pire que le Désert des Tartares de Buzzati. Son assassinat souhaitable ouvrirait à Moscou un procès en canonisation ; qu'attend-t-on ?

Vladimir Poutine

Entretemps au front, les "professionnels de l'armée" ne peuvent avoir d'autre ressenti que l'annonce d'une grande et molle défaite de la main de l'ennemi héréditaire américain, sur la terre d'un peuple réputé frère en plus ! Chacun doit avoir son agenda caché et nul doute que Poutine s'en prémunit en réduisant ses contacts aux seuls siloviki de son entourage, comptant sur le souvenir commun de leur passage à l'Ecole de la Forêt et sur une camaraderie dont il a usé sans vergogne, jusqu'à l'humiliation publique de ses "copains". Pour couronner le tout (clic), après la séquence habituelle de la "longue table", Poutine a fait bombarder Kyiv le jour même où le Secrétaire général des Nations Unies y rencontrait le président ukrainien, afin de bien montrer au monde qu'il n'avait rien à f... d'un rastacouère portugalais ayant l'audace de vouloir lui manger la soupe sur la tête au prétexte de négocier la paix. Quelle paix ? C'est de capitulation qu'il s'agit ! Que de capitulation ! La pédale nazie de Kiev qui fait des vidéos martiales deux fois par jour doit s'enfoncer dans le crâne sinon ailleurs qu'il ne peut négocier avec les Russes que sa propre capitulation. Qui et où cherche encore une issue "diplomatique" avec Poutine, Lavrov et Medvedev ? Monsieur Mélenchon ? Gag !

lundi 25 avril 2022

Les jeux sont faits, rien ne va plus!

Une défaite comme succès, telle est la lecture du résultat de la présidentielle par Marine Le Pen, battue avec 41,5% des suffrages exprimés validés. D'un autre côté, voir un "Le Pen" à 42% n'est pas banal.

Malgré l'habillage démocratique de la procédure, le président élu n'a pas le socle pour terminer les réformes sensibles mais plus grave encore, pour affronter et résoudre les défis attendus dans des domaines en péril comme les comptes publics, les crédits militaires d'une guerre annoncée, la réorientation énergétique avec le découplage allemand, le service accru d'une dette non gagée sur des investissements qui rapporteraient quelque chose.

roulette monégasque

Les élections législatives dont tout le monde parle ce matin sont les métastases de cette procédure de reconfirmation qui va être entravée de désordres sociaux, lesquels n'attendront pas le mois de juin pour contrer le résultat d'hier. La France est fracturée entre gilets jaunes et gilets brodés d'une part, entre jeunes et vieux de l'autre !

Commentaire laissé sur la Charte de Fontevrault :
Pour élire un premier ministre, il faut plus de 289 sièges de députés au palais Bourbon. Les quatre fantastiques du pôle populaire peuvent y arriver en convertissant certaines citrconscriptions en sièges où Mélenchon a fait de gros scores, et avec les sortants PS, PCF et LFi ; à condition d’enclencher une dynamique dès le premier tour pour rallier les déçus du résultat d’aujourd’hui. Or les fourches caudines plantées par Mélenchon vont atténuer ce ralliement à gauche au premier tour des législatives. Les désistements réciproques du second tour ne suffiront pas.

Le bloc bourgeois (dont le champion est réélu) est un syndicat d’intérêts personnels en vue de la distribution des pouvoirs au sein de l’Etat impermanent renouvelé. Si le quorum de 290 députés n’est pas atteint en juin et s’il ouvre donc un mandat de cohabitation, la queue de trajectoire explose en vol. Ainsi les partis, même à demi ruinés par l’exercice, vont retourner à leurs affaires de souillarde politique et deviendront une opposition, morcelée en plus par leur ressentiment contre E. Macron qui les a tués : la destruction méthodique de leurs positions afin de mettre “l’électeur raisonnable” devant un non-choix, revient à refuser l’alternance traditionnelle aux professionnels de la politique. Les rancunes vont ressortir au grand jour.

Le pôle de la droite dure quant à lui, va affronter le tropisme gaulois d’un village, un chef ! Il n’y a pas de leader incontestable même si le groupe en voie de reconstitution dispose de personnalités remarquables. Les deux pointures sont Jordan Bardella et Marion Maréchal, le reste est usé (pour rester sympa) !

L’affaire va donc se jouer aux législatives, élections fondées sur un mode de scrutin truqué par le Système au bénéfice de majorité, lequel peut se retourner contre lui.


cul de lampe

Première base de recomposition politique pour les Législatives de juin 2022 après le 1er tour de la Présidentielle :


    Bloc bourgeois:
  • LREM + MoDem + Agir + Horizon : 9.785.578 voix soit 20,07% des inscrits
  • Les Républicains + UDI : 1.679.470 voix soit 3,45% des inscrits
  • Total : 11.465.048 voix et 23,52% des inscrits
    Pôle droite dure:
  • Rassemblement national : 8.136.369 voix soit 16,69% des inscrits
  • Mouvement Reconquête : 2.485.935 voix soit 5,10% des inscrits
  • Debout la France : 725.356 voix soit 1,49% des inscrits
  • Total : 11.347.660 voix soit 23,28% des inscrits
    Pôle populaire:
  • La France insoumise : 7.714.949 voix soit 15,83% des inscrits
  • Europe Ecologie-LV : 1.628.337 voix soit 3,34% des inscrits
  • Parti communiste français : 802.615 voix soit 1,65% des inscrits
  • Parti socialiste : 616.651 voix soit 1,26% des inscrits
  • Total : 10.762.552 soit 22,08% des inscrits
    Non-classés:
  • Résistons : 1.101.690 voix 2,26% des inscrits
  • Nouveau Parti anticapitaliste : 268.984 voix soit 0,55% des inscrits
  • Lutte ouvrière : 197.184 voix soit 0,40% des inscrits
  • Total (pour somme): 1.567.858 voix soit 3,21% des inscrits
    Absence de choix:
  • Abstentions : 12.824.135 électeurs soit 26,31% des inscrits
  • Votes blancs : 543.638 voix soit 1,12% des inscrits
  • Votes nuls : 237.023 voix soit 0,49% des inscrits
  • Total (pour somme): 13.604.796 soit 27, 92% des inscrits
    Grands totaux:
  • Electeurs inscrits : 48.747.914
  • Suffrages exorimés : 35.143.118 soit 72,09% des inscrits
(chiffres de l'Intérieur)

lundi 18 avril 2022

Pour la fille du pirate dimanche !

Je vous raconte ma vie. Mais non, ne zappez pas, une tranche, étroite en plus. Je vous raconte ma vie : hier au commissariat pour une procuration électorale, je croise l'épouse du chef de cabinet d'un ministre important que je connais. Ça peut arriver. Elle s'est plantée en ligne et vient déverser sa mauvaise humeur sur la policière au comptoir. On se parle, ça l'apaise, on va faire le formulaire de procuration ensemble. J'ai un stylo. Pour qui votes-tu, lui demandé-je ? « Pour celle qui ne gagne jamais !»

Moi aussi ! J'entends Macron faire le grand écart quotidien entre les mesures de droite, de gauche et du centre et reconnais le type à qui j'ai donné sa chance en 2017 au motif de la fraîcheur d'idées et de la promesse de culbuter la vieille oligarchie qui s'appelle elle-même "noblesse d'Etat". Puis j'ai vu au long du mandat tout le contraire de la promesse initiale et la suffisance du peigne-cul. Pas deux fois !

Marine Le Pen
Les points qui accrochent au sein du parti prétendu de la Raison dans le programme de Marine Le Pen sont au nombre de quatre :

- l'Etat de droit menacé par des tas de droits comme le rappelait Philippe Bilger ici ;
- la sortie du commandement intégré des armées au SHAPE ;
- l'Europe des nations niant l'Union européenne dans son état présent ;
- la stratégie eurasiatique.

Sans faire long, voici mes quatre réponses : l'Etat de droit est modifiable dans les règles, c'est ce qui s'appelle "changer de régime". Si le peuple y consent - ce n'est pas moi qui aie inventé la souveraineté du peuple - la constitution sera modifiée comme en 1958, 1962 ou 2000. L'OTAN est le seul système de défense crédible sur étagère malgré quelques inconvénients plus moraux que techniques. S'en extraire demandera de doubler deux fois le budget français de la Défense en sabrant le modèle social que le monde nous envie sans jamais oser nous le copier. Procès purement électoraliste donc. L'Europe des nations est celle de "Visegrad". Il faudra trancher une bonne fois et solennellement entre "confédération" et "fédération" au lieu de laisser faire une fédéralisation rampante, à bon motif toujours. L'Eurasie est le champ d'exercice de toute stratégie européenne. Sauf qu'avec Poutine et ses bandits, il est impraticable aujourd'hui. Dispute artificielle.
Voili, voilou !

Les commentateurs abonnés aux plateaux télévisés et les commandeurs de la morale républicaine derrière Badinter ont décidé dans leur grande majorité que Marine Le Pen n'entrait pas dans le costume, alors que notre Justin Trudeau zozotant l'avait sur mesure. Pour ne pas me faire avoir deux fois, je voterai sans illusions pour la fille du pirate.


Postscriptum du 24 avril 2022
Voter Macron c'est entrer dans la perversité de son jeu électoral qui a consisté à détruire toute alternance pour l'électeur raisonnable, une reformulation de la menace célèbre : « Moi ou le chaos !».
Son premier mandat étant globalement négatif, Macron n'a pas la légitimité d'un autocrate éclairé pour enjamber l'élection de cette manière. L'électeur réveillé votera aujourd'hui CONTRE MACRON.

samedi 16 avril 2022

Office des Ténèbres à Monaco

armes de l'archevêque David de Monaco





ET ALTERA DIE RESURREXIT

Le "Moskva" par le fond !

Les serpents de l'île éponyme étaient plus venimeux que prévus. Le navire amiral de la flotte de la Mer Noire était le bâtiment russe qu'on disait le mieux défendu avant qu'on entre avec le diable dans les détails. Sur le papier il disposait d'un système automatique d'acquisition et réponse à toute menace dans les trois dimensions. Sauf que la valeur de l'équipage semble être du même niveau que celle de l'infanterie ou de l'arme blindée russes, et qu'il a suffi par gros temps de l'amuser par la voltige de deux drones pour lui sortir la tête des écrans. Et boum... boum !

le Moskva
Le missile anti-navire Neptune est précis à cent kilomètres, et bon jusqu'à 250km dit la fiche, et la carte publiée par la BBC (dans cet article complet) nous montre la position du *121* à soixante nautiques de la côte méridionale d'Ukraine, soit à portée balistique efficace ! L'amiral ayant sa marque sur le Moskva et le commandant sur la passerelle ont-ils été présomptueux ? Bien trop certainement, comme tout l'état-major de l'armée de terre !

L'équipage a été transbordé pendant l'incendie dit l'amirauté russe, même si le doute persiste sur l'évacuation de la salle des machines après un impact à la flottaison déclenchant l'embrasement des soutes à munitions de l'étage au-dessus. Le commandant lui-même est présumé mort. Cent quatrevingt-six mètres de long et douze mille cinq cents tonnes envoyés par le fond pour le prix de deux Neptunes, il y a de quoi enrager le petit csar ! D'autant que le croiseur n'est pas le seul bâtiment de la flotte en Mer Noire coulé ou gravement endommagé. Selon le colonel Goya, outre l'Orsk coulé à Berdoyansk et ses deux escorteurs de classe Ropucha endommagés mais navigants encore, un patrouilleur de classe Raptor a été touché par deux missiles à Marioupol. Les côtes ukrainiennes ne peuvent pas être approchées sans risque et l'arrivée de missiles anti-navires occidentaux sur le théâtre des opérations navales va interdire toute idée de manœuvre amphibie russe, ce qui ne laisse à Moscou que l'option de la destruction systématique par l'artillerie classique des villes qui résistent, s'attirant ce faisant la haine de tout le monde libre et au-delà !

Alors que l'empire russe revenu s'essaie à la domination des sept mers sous la férule d'un Lt Colonel du KGB ayant fait carrière sur sa chance insolente, ne pas tenir des mers intérieures comme Azov ou la Mer noire est très mortifiant. Après l'état-major tactique en Ukraine et le FSB, il va y avoir de l'avancement dans l'amirauté. La flotte bloquée au Bosphore par les Turcs, va se réfugier à Sébastopol et y rester confinée pour ne pas accroître l'humiliation du Kremlin. L'ire y est grande ! Comme la tentation de se venger !

jeudi 14 avril 2022

Le dernier bouclage de Liberté

Le journal Algérien LIBERTÉ fond les plombs. Son propriétaire, Issad Rebrab, patron du groupe industriel CEVITAL, cesse la publication à perte dans l'optique de passer bientôt la main d'un groupe sans danseuse à son successeur. Sauf que, LIBERTÉ n'était pas une danseuse, mais un journal en lutte permanente contre la crasse islamiste, Dame Bêtise et la junte de Barbarie. Il avait aussi tendance à s'occuper de la Kabylie contre vents et marées. J'ai lu ce canard pendant des années avec plaisir et parfois étonnement. Qualité de plume, approche incisive des actualités, vrai courage parfois (ils eurent des morts). C'est le directeur de la publication, Hassane Ouali, qui en parle le mieux. C'est un journal qui va nous manquer.


APRÈS TRENTE ANS D’UNE AVENTURE INTELLECTUELLE, “LIBERTÉ” S’ÉTEINT

Merci et au revoir



caricature de Diem - Liberté Algérie
Ce fut une semaine lourde. Les derniers instants de Liberté étaient vécus dans la douleur. Difficile de confectionner les derniers numéros d’un journal dont le sort était scellé. Le cœur n’était plus à l’ouvrage.
L’ambiance animée de la rédaction a vite cédé devant l’avancée inéluctable de la fin pour jeter son voile de tristesse. Jusqu’au bout, les journalistes et les autres employés s’accrochaient à un infime espoir, un espoir qui s’amenuisait au fil des articles, accouchés au forceps. Ils livraient une ultime bataille avec la même vigueur qui a caractérisé le journal durant trois décennies. Leur attachement à Liberté est sans égal. C’était leur vie dans le sens plein du terme. Mais ils n’y pouvaient rien, eux qui avaient fait face à des épreuves difficiles. Eux qui avaient pourtant tenu dans des moments intenables. La dernière réunion de rédaction tenue hier était un moment de déchirement. Une blessure qui s’ouvre et qui sera difficile à cicatriser.
À tour de rôle, chaque journaliste témoignait de son expérience faite d’exaltation, de colère, d’impuissance, d’espérance, mais surtout de conviction. Celle de “porter la plume dans la plaie”. Celle d’une mission au service d’un idéal porté par un socle de valeur. Chacun à sa manière défendait férocement les libertés citoyennes, le droit à la différence, la liberté de conscience, l’égalité des sexes, le droit des laissés-pour-compte. Ils ne pouvaient concevoir une Algérie heureuse sans ses valeurs. Ils n’hésitaient pas à se confronter aux difficultés pour rendre visible un pays que l’on essaie de cacher. Une lutte permanente contre le déni, le mensonge. Un combat sans relâche pour les vérités. Un devoir citoyen. C’est vers ce citoyen dans sa diversité que vont nos pensées en ces temps finis.
Au-delà des journalistes et de la frustration que la fermeture de leur journal provoque, cette disparition fera du mal aux Algériennes et aux Algériens des quatre coins du pays qui seront désormais privés d’un espace qui leur assurait une existence sociale, intellectuelle et politique.
Autant de batailles engagées par des hommes et des femmes dans l’immense territoire algérien qui seront anonymisées et des réussites d’un pays oublié qui seront “invisibilisées”. L’effacement d’un espace libre porteur de l’idée d’une Algérie plurielle aura un impact considérable sur des segments importants d’une société en perpétuelle résurgence. Les femmes organisées en coopératives agricoles dans les monts de Seraïdi n’auront plus la possibilité de rendre visibles leurs prouesses. Plus de reportages sur les villages les plus propres de Kabylie que nos journalistes se précipitaient à couvrir. Le prochain Racont’Art se fera sans Liberté. Le grand Lounis Aït Menguellet qui donnera un spectacle la semaine prochaine ne sera pas à la Une de Liberté. Les petites mains qui font le pays avec la passion de Sisyphe, un peu partout en Algérie, de Biskra à Mascra, de Sétif à Tlemcen, n’auront plus de prolongement médiatique.

Ne rien lâcher !
Les luttes des femmes qui se mènent dans l’indifférence seront inaudibles. Pis encore, elles risquent d’être stigmatisées par les tenants d’un ordre médiatique réactionnaire, réfractaire aux idées émancipatrices. Les démons d’hier reviennent en force à mesure que disparaissent les espaces de la modernité. Le combat des années quatre-vingt-dix subit les contrecoups d’une régression sociale et sociétale inquiétante.
Les résistants d’hier sont poussés à la marge d’une histoire qui s’écrit par ceux qui portaient l’étendard noir du fondamentalisme. La mémoire des victimes du terrorisme et de l’arbitraire court ainsi le risque d’entrer dans un long tunnel de l’oubli. Cela a déjà commencé par un révisionnisme en vogue savamment orchestré. C’est dans ce contexte incertain que disparaît un journal qui s’est employé à poursuivre le chemin tracé par les Mammeri, Djaout, Liabès, Matoub Lounès, Belkhenchir, Boukhebza. Il n’aura pas résisté à l’épreuve du temps. Il disparaît au moment où l’Algérie en a le plus besoin. Trois ans après l’insurrection citoyenne de Février 2019 qui a réenchanté l’Algérie et subjugué le monde entier. Une fin qui confirme un retour à une époque de congélation politique et d’assèchement intellectuel. Un saut dans l’inconnu.
Mais faut-il s’y résigner, faut-il désespérer ? Non. Par fidélité à la mémoire des hommes et des femmes de ce pays qui ont donné leur vie pour que vive une Algérie républicaine, par l’attachement à l’idéal démocratique, le désespoir n’est pas permis. Liberté et ses journalistes, toutes générations confondues, doivent être fiers de ce qu’ils ont accompli. L’histoire du journal se confond avec celle de l’Algérie combattante. Une histoire vécue dans sa chair, dans la douleur. Deux de ses journalistes ont péri sous les balles assassines d’un terrorisme barbare.
Comme des milliers d’Algériennes et d’Algériens assassinés, ils ne sont pas morts pour rien. Leur mort ne sera jamais vaine. C’est pour cela que nous devons poursuivre cette aventure sous d’autres formes à réinventer. Si Liberté est fini, ses journalistes ne vont pas disparaître dans la nature. Ils sauront se réinventer. C’est le sens qu’ils ont donné à leur vie. Certes, le moment algérien est particulièrement difficile, il pèse une peur sur le pays, sur nous tous. Mais l’heure n’est pas au renoncement. L’histoire n’est jamais finie. Les mots de la moudjahida Zoubida Amirat qui nous a rendu visite, il y a quelques jours, résonnent encore en nous. Elle qui porte le poids des décennies de combat, d’abord sous la colonisation, puis sous le régime du parti unique nous donne ce courage de tenir, de ne pas se laisser gagner par la résignation. Ne démissionnez jamais ! Sa génération fondatrice qui a engagé le combat décisif doit nous inspirer à chaque fois que nous trébuchons. Nous devons assumer notre part de l’histoire. Nous devons cultiver et sublimer la vie, sortir vite de cette panne d’avenir.
Les mots de notre chroniqueur attitré Mustapha Hammouche nous poussent à espérer, nous propulsent vers des lendemains meilleurs que nous devons bâtir. Il ne sert à rien de culpabiliser les anciens qui nous lèguent un héritage chaotique.
Dans des conditions extrêmes, à l’époque du noir et blanc, sans télévision, ni réseaux sociaux, ils ont pu avec un courage rare briser les chaînes de l’asservissement. Ils étaient, certes, minoritaires, mais leur idéal était plus puissant que tout l’arsenal autoritaire auquel ils faisaient face. Nous nous sommes toujours inscrits dans cette lignée. Ils nous ont ouvert la voie, montré le chemin. Il nous appartient en tant que journalistes, mais aussi en citoyens libres, de poursuivre la tâche. Avec ou sans Liberté.

Hassane OUALI, publié 14 Avril 2022 à 12:00

lundi 11 avril 2022

De Lassalle à Le Pen

Jean Lassalle
J'ai pensé que Jean Lassalle répondait à la lettre de Jean-Paul Brighelli et j'ai voté pour lui. Et dans certains départements du midi, il a obtenu entre 7 et 10% des suffrages, ce qui prouve que son discours assez rugueux a résonné dans des thématiques rurales comprises par un nombre important de citoyens réveillés. Le vote Lassalle n'était justifié que pour appréhender le niveau de réponse de l'électorat face à "l'authenticité". Peut mieux faire certes, à trois pourcent, mais c'est un bon tremplin pour revenir au Palais Bourbon porter la voix des terroirs contre la technocratie métropolitaine. Repartir de la base communale pour refonder la nation française était le socle programmatique du candidat de Lourdios-Ichère. Nous partageons ce point d'appui, comme en son temps y abondait Rodolphe Crevelle avec les cantons du Haut Languedoc ; c'est une autre histoire.

Le vote utile auquel se sont abandonnés tant d'électeurs est sans effet pour son utilité, sauf à faire le lit d'un candidat contre un autre, à nulle conséquence quant à la politique du pays. Parce que ce n'est pas la politique qui gouverne ce pays qui a rendu toutes ses clés ; c'est son environnement géopolitique, ses dépendances contraintes et la perception populaire des menaces qui le guettent. Qu'ont fait Sarkozy, Hollande et Macron pour ce pays ? Au résultat, pas grand chose, sauf à le mesurer dans les classements internationaux où nous sommes toujours aussi mal classés ! Revenons aux fondamentaux.
L'affaire d'Ukraine vient de catapulter les nations européennes dans le champ des réalités et l'atterrissage est douloureux. Le rêve de Brandt-Schröder-Merkel s'est évanoui. La base de pérennité d'une nation est encore et toujours son autosuffisance sur l'essentiel, la peur qu'elle inspire, l'admiration qu'elle suscite. Quand vous manquent ces trois piliers, toute politique n'est qu'agitation. M. Macron est l'archétype de l'agité, moins peut-être que M. Sarkozy mais pas loin. C'est en ce sens que le vote utile n'est utile à rien ! L'élection présidentielle est le casting des rôles attribués à la comédie politique des faux-semblants. Les vrais patrons sont ailleurs, et au fond, chacun s'en doute, même si on ne sait pas les identifier. D'ailleurs sont-ils identifiables ? Même pas. Le gouvernement des nations est neuronal. Les décisions qui comptent sont prises par les échanges d'influx nerveux de millions de connexions qui nous échappent et qui s'agglutinent en une tendance de fond. Et les connexions politiques y comptent finalement pour très peu.

Pour ce qui nous concerne aujourd'hui, Marine Le Pen est à un point de l'égalisation au second tour. Mais les grandes voix de la République de gauche comme les grands traîtres de la République de droite n'ont pas encore donné tout leur volume contre la fille du Pirate. Cela risque d'ailleurs d'être assez dégueulasse. Plus loin sur l'horizon se découpent déjà les élections législatives destinées à dégager une majorité de gouvernement. Le risque d'une cohabitation bridant toute grande réforme n'est pas mince. C'est même l'issue probable. Au milieu des tempêtes, ce pays risque d'être le jouet de la politique politicienne à l'italienne et en conséquence, voir son influence en Europe quasiment disparaître. Ce n'est pas le moment certes, mais il sera difficile de l'éviter, sauf article 16.

De toute éternité, la force a primé le droit, celui-ci ne présidant qu'au jugement du vaincu. Nous avons oublié un monde de force, il nous revient en pleine gueule ! Ou bien nous entrons dans ce schéma réel et y mettons tout le disponible que la nation peut excaver chez elle, ou bien nous allons basculer dans la fosse des pays déclassés pour longtemps. Le destin du Portugal, aurait dit le Général. La tranquilité de vivre cachés peut aussi ne pas déplaire. Et cette Grosse Nation est peut-être au bout de son projet, comme le Bas Empire en 410. Il faut avouer que déconner à plein tube depuis la chute du Second Empire devait finir un jour par finir ! Nous n'avons plus d'industrie digne de ce nom, plus d'Etat en capacité de gérer le régalien, aucun compte public équilibré, une dette honteuse, des régimes sociaux partout déficitaires en situation de submersion exogène, un armée prête à livrer trois jours de bataille, et des sols dévastés par l'agriculture chimique intensive. Quel politique issu du "jeu" démocratique pourrait résoudre une équation à tant d'inconnues ? Aucun ! C'est pour cela que le vote "utile" est dérisoire !

L'affaire est assez sérieuse pour déclarer la nation en péril et remettre les pleins pouvoirs à un dictateur romain qui forcera le destin. Comment ? Comment ! Il me demande comment ! D'abord en détruisant tous les déficits sociaux. En appliquant une décroissance compatible à la crise climatique et en produisant sur notre sol le plus possible d'énergie domestique après avoir réduit les thermostats à 16°C. Ensuite en régénérant une industrie tournée vers le futur. Puis en se donnant les vrais moyens de nous défendre, en doublant pour ce faire le budget des armées, pour commencer ! Il nous faut impérativement faire peur ! Emmanuel Macron n'a pas les épaules pour cela. Jean Lassalle, si, mais pas le look ni la ruse exigible ! Le 24 avril, pour me dire que j'ai tout tenté à mon échelle, j'irai voter pour un président sans majorité parlementaire, Marine Le Pen.

vendredi 8 avril 2022

La lettre-programme de Jean-Paul Brighelli

Je ne me lancerai certainement pas dans l’énumération inutile de tous les domaines dont je compte m’occuper prioritairement — parce qu’il n’y a que des priorités. Ni de tous ceux dont le sort me préoccupe au premier chef — parce qu’il n’en est pas dont je me désintéresse. Je vois mes concurrents distiller de vagues promesses que les jeunes, les femmes, les handicapés, les retraités, saisissent au vol — et chacun de partir jalousement avec ses lambeaux de phrase. Ce n’est pas de la politique, c’est de l’alimentation de volailles.

Je vous parlerai de la France.


JP Brighelli
Notre pays est un grand cadavre à la renverse. Dépecée au gré des intérêts d’un libéralisme mondialisé et sans âme, la nation qui fut naguère l’un des phares de l’humanité est aujourd’hui réduite au rôle de camp de vacances pour les populations laborieuses et méprisantes du nord de l’Europe. Terrain de jeu pour Allemands, est-ce encore un destin ?

Ravalée très loin dans les classements internationaux, la France fait sourire nos anciens amis et rire nos nouveaux ennemis. Nous n’existons plus qu’entre la condescendance des uns et la goguenardise des autres. On montre du doigt, en se gaussant, notre système éducatif impuissant à produire autre chose que des sous-doués, notre culture réduite à éditer Virginie Despentes ou Edouard Louis, nos revendications syndicales qui confondent systématiquement le toujours plus et le beaucoup mieux. Nous avions la première école au monde, nous voici à la traîne, loin des tigres asiatiques ; nous étions un phare culturel, nous en sommes réduits à balbutier notre langue et à nous excuser d’exister ; nous avions des chercheurs remarquables, et la France de Pasteur n’a pas été fichue de trouver un vaccin à la première épidémie venue.

Sans doute l’argent n’est-il pas allé là où il fallait…

Nous ne nous sommes pas suicidés, n’en déplaise à certains : nous nous sommes vendus. Ce qui frémit encore dans ce pays bien-aimé, c’est notre conscience d’esclaves, qui se rappelle encore un peu la liberté.

De ce frémissement je veux faire un espoir.

Aujourd’hui, la France est morte. Je vous propose de la ressusciter. Ce n’est pas de réformes ni de révolution que nous avons besoin, c’est d’une renaissance. Si nous avons aujourd’hui une ambition, c’est d’entrer dans la dimension des miracles. Lève-toi, Lazare ! Lève-toi et marche !

Oh, ça ne se fera pas en un instant, ni en un jour — ni même en cinq ans. Ça ne se fera pas en regardant dans le rétroviseur. La connaissance du passé, le respect de nos ancêtres, n’ont de sens que s’ils nous fournissent les matériaux de notre propre reconquête. Inutile de pleurer sur notre grandeur passée, ni sur les blouses que portaient jadis les élèves. Il faut changer de méthode — et mon discours n’a d’autre objet.

Nous sommes des jacobins au petit pied, des bonapartistes d’opérette qui avons élu Napoléon IV, parodie d’une caricature dénoncée jadis par Hugo ou par Marx. Mais nous sommes aussi des girondins honteux, qui avons laissé prospérer dans nos régions des caciques gonflés de leur importance, habiles à reconstituer dans leur basse-cour les fastes élyséens : tout pour l’image, et aucun fond.

Il faut passer par-dessus la tête de ces petits coqs du village global qui s’époumonent pour exister. Passer par-dessus la tête des administrations centrales qui gèrent nos biens au mieux des intérêts des autres. Dénoncer ceux de nos partenaires européens qui se sont appuyés sur nous pour se redresser — et qui désormais nous passent par-dessus la tête pour aller quêter une improbable alliance outre-Atlantique. Comme si les États-Unis se souciaient en quelque façon de l’Europe, sinon pour légiférer dans nos entreprises au nom du dieu Dollar, et vendre leurs armements en regardant de loin les conflits qu’ils allument sur notre sol. Et pourquoi pas, dénoncer cette Europe qui n’est plus un concert des nations, mais un patchwork d’appétits concurrents. Il ne s’agit pas de nous draper dans un superbe isolationnisme. Il s’agit de mettre le feu à Bruxelles, où tant d’administratifs et de lobbyistes œuvrent au mieux des intérêts des autres. Toujours les autres, jamais pour nous.

La France est petite, comparée aux empires qui nous regardent. Mais la grandeur ne se mesure pas en kilomètres carrés. Elle se mesure à la créativité, à l’influence, au dynamisme dont une nation est capable. Elle se mesurera à notre capacité à retenir sur notre sol les jeunes gens les plus doués, qui aujourd’hui s’exilent dans des pays plus attractifs que le nôtre. Pas même par intérêt, mais par désespérance. Nous avons déçu l’espoir de nos enfants, en dilapidant l’héritage de nos parents.

Nous voyons filer nos élites, remplacées par des malheureux sous-qualifiés en quête de protection sociale. L’immigration a longtemps été une chance pour la France : qui parmi nous n’a aucun ancêtre venu jadis en France, attiré par la lumière ? Elle est désormais un fardeau, ce ne sont plus les Lumières qui nous illustrent, c’est notre incurable naïveté. La générosité fonctionne désormais à sens unique : l’étranger qui vient a des droits, et on ne lui impose aucun devoir. Du coup, il se croit libre d’apporter avec lui sa part d’ombre — et même sa part de nuit.

Fini ! Faire renaître la France, c’est rallumer l’ambition, le travail, le mérite. C’est reconstruire ici les usines que nous avons imprudemment délocalisées ailleurs — et former les hommes qui y travailleront. C’est imaginer un système éducatif qui permette à chacun d’aller au plus haut de ses capacités. Et pas seulement à quelques privilégiés, qui se sont tout juste donné la peine de naître et d’habiter les beaux arrondissements, et se croient les légitimes héritiers des oligarques qui nous gouvernent. Ou plutôt, qui font semblant de gouverner, alors qu’ils se contentent d’obéir aux consignes que leur donnent leurs maîtres étrangers. Nous en sommes là : nos chefs d’État sont depuis des années les petits commissionnaires de leurs maîtres.

Le véritable danger, ce ne sont pas quelques milliers de malheureux qui ont tout quitté pour venir chez nous, et que nous intègrerons dès que nous aurons décrété la tolérance zéro. Ce sont les tyrans camouflés derrière les logos de compagnies et de banques avides, installées ailleurs, mais qui prétendent régenter notre cher vieux pays. Nous avons été pillés ? Faisons rendre gorge à ceux qui nous exploitent, débarrassons-nous de ceux qui nous piétinent. Nous avons des dettes ? Eh bien, ma dette, Monsieur du FMI, mets-la dans ta poche, et ton mouchoir par-dessus !

Je ne viens pas vous proposer la paix, mais la guerre. La guerre aux profiteurs, la guerre aux incapables, la guerre aux idéologues qui se parent de belles vertus pour mieux contenter leurs vices. La guerre aux fainéants, aux exploiteurs de générosité, aux menteurs, aux voleurs, et aux médias complices.
Cela fait beaucoup de monde. Mais en face, il y a un peuple — et c’est bien davantage. Vous êtes là deux cents, deux mille, dix mille, et le 10 avril, vous serez des millions. Si vous le voulez, vous le pourrez.

Car à la différence de toutes les autres puissances, la force du peuple réside dans son imagination. Et lorsque monte la colère, lorsque revient l’envie de ressaisir ses avantages et de planter des têtes au bout des piques, cette imagination donne au peuple la capacité de réaliser tout ce qu’il a imaginé. Et ce peuple, il est là, devant moi, deux cents, dix mille, et des millions bientôt.

Jean-Paul Brighelli
26 mars 2022


Le discours que nous attendîmes en vain des candidats parrainés. Commentaires ? Analyse ? Rien ! Tout y est. Merci à lui.

La source en cliquant sur le portrait de l'auteur.

mercredi 6 avril 2022

Le Russe au péril de l'âme

Le ressac de l'armée russe laisse à découvert les exactions "classiques" d'un envahisseur pris en contre par la guérilla locale : il se venge ! D'autant plus fort qu'il tombe de plus haut ! Les "frères ukrainiens" n'ont donc jamais voulu être libérés des nazis ? Qu'à cela ne tienne, déshumanisés, on pille leurs maisons, on les massacre à l'occasion... pour le fun. C'est ce qu'il ressort du dernier reportage du Guardian de Londres dans la ville de Trostianets située à trente kilomètres de la frontière russe et conquise au premier jour (clic).

Un peu de technique. La contre-guérilla en zone habitée est la guerre susceptible de plus d'exactions sur les populations civiles parce qu'elles sont un paramètre actif des opérations. L'article du Guardian ne le cache d'ailleurs pas : les habitants en ville signalaient les positions ennemies aux maquisards ; et les ennemis les fouillaient systématiquement à la recherche de téléphones portables. Sauf en zone de jungle comme en Colombie, Philippines ou Birmanie, et encore on y trouve des hameaux suspects a priori de connivences hostiles, étant considéré que les gens ne peuvent pas faire autrement que la nuit avec l'un, le jour avec l'autre ; mais aussi en zone désertique comme au Helmand ou en Kapissa, le contrôle des civils est déterminant. En Algérie, l'armée française avait créé des camps de regroupement rural pour assécher la solidarité obligée des villageois et des rebelles, ouvrant la zone d'opérations au tir instinctif sur tout ce qui pouvait bouger. On a même vu des obusiers de 105 en position préréglée contre les flancs rocheux dans les Aurès pour allumer tout groupe en progression à l'abri d'anfractuosités ! Ceci pour dire que la maxime maoïste du soldat "comme un poisson dans l'eau au sein du peuple" provoque rapidement une forte attrition du dit-peuple. Fin de la minute technique.

VTT russe

Maltraité à l'instruction, mal commandé à la guerre, le soldat russe modèle 2021 est dans la ligne de ses anciens, impériaux et communistes, peu efficace au combat rapproché. S'il est laissé à lui-même et à l'inévitable bouteille pour les vrais mecs, il va devenir le sous-homme aveugle des conséquences de ses actes. On le sait au moins depuis 1945. Ses commandants le savent aussi qui, ne comptant pas sur lui, pilonnent au moindre soupçon des quartiers entiers d'où partent deux coups de feu, après avoir détruit de loin les infrastructures industrielles et civiles, ramenant le pays conquis à l'âge de pierre et des gravats ! Comme en Libye ou en Syrie, ils peuvent aussi économiser sur le guidage des missiles (comme sur les SCUD de Saddam Hussein) et balancer la purée dans un azimut approximatif, l'important étant le rapport de consommation du soir.
Idiosyncrasie du soldat russe : pour bien marquer son territoire, le Russe chie partout, comme l'ont constaté, effarés, les reporters britanniques. C'est avec ça que Vladimir Poutine comptait retourner l'Ukraine comme une crêpe ? Il aurait dû arrêter plus tôt l'eau ferrugineuse. En plus c'est mauvais pour la thyroïde !

Prenant ses délires comme accomplis par le seul fait qu'il les a mûris en son for intérieur, Poutine n'a rien vu, n'a rien compris, et ne comprend toujours pas ce qu'il va advenir de la Sainte Russie coupée du monde utile, aussitôt que les clients énergétiques auront trouvé d'autres fournisseurs. Une économie de rentes minières tient ses client pas la barbichette mais réciproquement, ceux-là tiennent leur fournisseur par les couilles. Tous les Etats africains le savent, la Russie millénaire le découvre, du moins Poutine. Il apprend que les marchés de denrées et matières naviguent entre futures, panique et hystérie, ce qui ne colle pas à la planification soviétoïde dès lors qu'on sort de ses propres frontières. Le petit csar fait le plein de démonstrations de ses limites : pas doué pour la vraie guerre, nul en économie et sourd comme un pot aux conseils qui oseraient entamer sa détermination.

Depuis quelques jours - est-ce le scandale de Boutcha ? - des éditorialistes français se sortent les doigts et abondent au tonneau de la stupidité poutinienne, ce qui a dû leur faire mal après l'avoir tant vanté ! Je fais l'économie de les citer tous, à vomir ! "Boucher" n'est pas un langage diplomatique, disaient avec componction les diplomates à la retraite. Les allégations pathétiques de Lavrov à l'annonce de la boucherie arguant d'une mise en scène destinée à nuire à l'impeccable Russie comme les dénégations outrées du pauvre ambassadeur russe aux Nations-Unies, nous signalent deux choses :
  • les intervenants russes dans les enceintes internationales n'y croient pas. Ils ne peuvent envisager qu'à l'heure de Tik-tok, Instagram, WhatsApp, des soldats russes soient devenus des bêtes, même si on les a abrutis de manœuvres et de fatigue depuis le mois d'octobre 2021 en plein hiver. Tout le schéma mythique de la résurrection conduite par le petit csar s'évanouit au feu des réalités. Et que le produit intérieur brut perde vingt pour cent d'ici l'été 2023 ; que le rouble disparaisse des écrans, n'entrent pas dans leur imaginaire.

  • Les désertions et les refus d'obtempérer constatés par le renseignement ukrainien sont forcément niés mais connus de l'état-major sur zone qui, apprend-on, ne remobiliserait pas les unités repliées mais engagerait des unités neuves n'ayant pas été exposées au combat rapproché et aux déboires, ressources fournies par l'état-major central. On vide les académies militaires de leurs cadets, les milices (Wagner, Kadyrov et cie) embauchent après avoir rehaussé les soldes et diminué les critères d'aptitude. On n'entend plus parler de l'infanterie biélorusse, Loukachenko qui, lui, sait toute la vérité sur la guerre perdue dans le nord de l'Ukraine, ne se sent pas tranquille et garde ses billes près de lui. Ceci laisse penser que de l'armée nickel-chrome (presse-bouton-je-te-tue) il ne va rester que le canon des chars dont le nombre se réduit chaque jour (Oryx), l'artillerie de campagne qui ne s'approche pas de ses cibles et les missiles à distance. L'infanterie russe n'avancera plus que sur des ruines fumantes au milieu de corps calcinés, ceux des "frères et sœurs". Ambiance !

En attendant l'embellie qui ne viendra plus sauf si Dieu s'en mêle enfin, les élites fuient. Plus grave, les jeunes élites capables d'inventer le monde futur ont fui. C'est de la matière grise indispensable au renouveau russe aujourd'hui compromis pour ne pas dire tué dans l'œuf. La modernisation indispensable du pays deviendra impossible, même avec l'appui de la Chine populaire qui a ses problèmes à elle, et pas des moindres. La Fédération de Russie va s'enfoncer dans l'africanisation de son économie de rentes minières, devenant un pays qui déterre ses richesses mais s'avère plus qu'hier encore incapable de les transformer sur place. Oui, la Haute Volta avec des missiles intercontinentaux est revenue dans les atlas de géopolitique. Poutine et sa clique de siloviki n'ont rien compris au monde qu'ils croyaient régenter par la menace, la cyber-propagande, la force brute. La moitié des nations les vomit. L'autre moitié n'avale plus, à l'image du Kazakhstan.

dimanche 3 avril 2022

Ecologie du pouvoir russe 2022

Chacun voudrait comprendre ce qu'il se passe dans la tête de Poutine bien qu'il soit de plus en plus évident que ce ne sont pas ses névroses historicisées qui commandent aux événements mais l'écosystème de son pouvoir. Quel est-il ?

V. Poutine

L'exécutif central russe est très limité, avec d'un côté les Siloviki dont les chefs de file sont d'anciens copains du KGB depuis Léningrad, Nikolaï Patrushev, Alexander Bortnikov (chef du FSB), Sergeï Shoïgu (ministre de la Défense, peut-être le plus influent), Igor Kostyukov (GRU) et Sergeï Naryshkin (chef du Renseignement extérieur); de l'autre côté les pièces rapportées qui forment le bloc économique comme le premier ministre Mikhail Mishustin et la patronne de la Banque de Russie Elvira Nabiullina ; s'y ajoute le chef d'état-major Valery Gerasimov (arme blindée cavalerie). Et c'est à peu près tout (une source). Le reste de l'entourage, c'est la machinerie habituelle de tout pouvoir autocratique : une administration du château régie par la Crainte.

Mais le problème n'est pas ce conseil resserré. Et sans doute moins qu'on ne le pense les compétences relativement moyennes qu'il réunit du côté des espions, mais son mode de fonctionnement propre. Des kremlinologues à la mode d'antan nous expliquent que le pouvoir dirige par ruissellement, le petit csar étant l'émetteur unique des ondes, comme l'autre tyran mort à Bucarest, le Danube de la Pensée. Vingt ans de pouvoir quasi-absolu engendré par le bannissement de toute discussion et la destruction systématique de toute opposition intérieure, ont créé un tyran autiste et complexé qui commande, tranche et coupe de son propre caprice. Enorme melon ! Il sait tout. C'est lui qui sonne ! Nul ne peut l'appeler. Pourquoi donc l'affaire d'Ukraine a merdé ?

A partir d'ici, nous conjecturons. Après la mise sur pied d'une armée nickel-chrome au prix de milliards de roubles, armée pourvue des dernières capacités meurtrières inventées par la filière militaro-industrielle sauvée de la ruine de l'URSS, le refondateur de la Sainte Russie a dessiné les plans de l'Opération spéciale visant à l'écrasement de la "tarlouze" de Kiev, à la dénazification du pays (Rada et forces armées) et à l'annihilation définitive de toutes capacités militaires ukrainiennes en situation de menacer le Donbass "russe". Crayons de couleur, grandes flèches, agenda de marche et on part en manœuvre à la frontière de l'Ukraine pour se mettre en jambe et vérifier deux ou trois trucs, sait-on jamais.
Sauf que Poutine n'est pas Napoléon. Il n'a jamais commandé d'armées, si tant est qu'il ait fait un vrai service militaire pour toucher du doigt la chaîne de commandement. Il s'en est donc remis aux copains qui avaient des idées ou des prémonitions. Lesquels furent vite renvoyés dans leurs 22 dès qu'ils émirent une objection. Parce que l'armée de terre russe d'aujourd'hui, jusqu'au déclenchement de la guerre d'Ukraine, n'a jamais et nulle part dépassé le combat en unité élémentaire (compagnie, escadron), parfois mais rarement au niveau bataillon ; et pour la logistique, n'a jamais dépassé le stade du groupement tactique, l'équivalent d'un régiment de chez nous. Ainsi la percée sur Kiev de deux armées complètes avec tout le charroi et l'artillerie de campagne s'est vautrée. Même les coups de main des Forces spéciales ont échoué sauf sur l'aéroport de Hostomel. Pourquoi donc ? d'abord par une chaîne de commandement rigide ne laissant que peu d'initiative au chef de l'unité au contact, et surtout par le défaut de liant dans les corps de troupe en l'absence de sous-officiers formés et nombreux. Ceci explique le nombe de généraux tués à la guerre, dévoilant que ces haut-gradés se sont sentis obligés de monter au front jusqu'au dernier grenadier-voltigeur pour faire avancer la manœuvre.

Revenons à Moscou. On dit dans les écoles de guerre que la première victime du déclenchement d'une guerre c'est LE PLAN. Or le plan Blitzkrieg de 72 heures a très certainement été pensé par le petit csar. Faire remonter les difficultés initiales à son niveau fut certainement doublement difficile parce que d'une part, c'était lui dire que son plan était naze et maintenant inexécutable malgré les milliards de roubles détournés vers le réarmement des armées, et d'autre part, parce qu'on ne l'appelle pas, c'est lui qui sonne ! L'explication de gravure a dû être sévère puisque le fidèle Shoïgu a disparu de la circulation pendant quinze jours, avec son CEMA.

Qu'ont-ils décidé devant le délitement des troupes démotivées et mal commandées ? Vraisemblablement de mettre les pouces à condition d'avoir quelque chose à vendre à l'opinion russe pour le défilé de la Victoire du 9 mai prochain : neutralisation de l'Ukraine, désotanisation, gain territorial à définir. Mais demeure un blocage dans le cortex qui n'est pas sauté encore : au stade psychologique atteint maintenant, Poutine ne sait négocier que la capitulation de la partie adverse. On le mesure aux démentis-réflexes visant un rapprochement des points de vue des bélligérants. Des gens comme Lavrov auront-ils assez d'influence sur Poutine pour l'amener à résipiscence in petto sans qu'il ait à se coucher ? Langue au chat !

Reste au bloc économique du Kremlin a ouvrir les yeux du Chef sur le prix exorbitant des sanctions occidentales. Apparemment ce n'est pas gagné non plus, Poutine réagit avec colère quand il faudrait "penser". Seul un raidissement chinois différant le soutien appelé, pourrait lui ouvrir les yeux. Mais eux savent déjà qu'ils ont gagné au loto russe : un vassal, un client, des minerais et de l'énergie à prix cassés payables en renminbis, et accessoirement, un test grandeur nature d'opérations combinées avec tout ce qu'il ne faut pas faire (clic). Des esprits mal tournés comme le mien imaginaient Vladimir Poutine en Hitler-Second-Chance qui, après les Sudètes ukrainiens, avalerait l'Estonie, la Moldavie et la Georgie pour commencer. Finalement c'est le modèle sur-mesure de Kim Jong-un qui lui va le mieux. Les crimes de guerre instruits à La Haye vont le confiner, s'il est possible de confiner quelqu'un sur onze fuseaux horaires de longitude, certes ! Mais il est sûr que l'enfermement au Kremlin agravera son autisme jusqu'à détériorer sa santé. Nul ne lui parle aujourd'hui à moins de six mètres, après avoir traversé le portique de détection. C'est fou !

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