mardi 29 juillet 2008

REACTION !

Charles maurras, crayonQuelle mouche a piqué l'Action Française ? Tsé-tsé ou Chicoungougna ? Depuis la mort de Charles Maurras, les hoirs se divisent et se subdivisent en autant d'approches politiques toutes supérieures à leur concurrente, ce qui en pays gaulois devrait aboutir en deux générations à un clan magnifique de plusieurs centaines de tribus. Hélas ! ...

On ne raconte pas l'histoire de l'Action française d'après-guerre, on la pleure ! La "divine surprise" - expression malheureuse de Charles Maurras après l'avènement de Philippe Pétain aux affaires - constatait la banqueroute de la République mais elle n'annonçait pas le retour aux fondamentaux de la nation française sous l'égide d'un roi. Même si la Révolution Nationale puisait dans la bibliothèque patriotique avec une certaine pertinence parfois, il s'agissait d'abord d'une vengeance contre la social-démocratie parlementaire, dans le ton polémique du quotidien monarchiste qui l'accablait depuis longtemps de tous les maux du pays jusqu'aux limites de l'acharnement, franchies ; sans voir que l'affaissement civique et moral du citoyen y était quand même pour beaucoup, en dehors des effets pervers du régime politique ambiant.

La Collaboration avec le régime des Huns corrompit gravement le compromis nationaliste, et par ricochet les germanophobes exaltés comme Maurras, qui durent plus tard en répondre. Ce compromis erroné restera activé dans la doctrine AF d'après-guerre jusqu'à nos jours, alors qu'il persiste dans sa nocivité sans bénéfice aucun. L'apogée de l'Action Française mesurée au tirage du journal se situe en 1926, à la veille de la condamnation pontificale, avec cent mille exemplaires vendus chaque jour. Quatre-vingt ans plus tard, la même règle de mesure cumulant tous les titres réguliers comptés sur l'année, nous donnerait epsilon, et c'est la faute à pas de chance !
Nota :Un précis historique de l'AF qui en vaut d'autres en cliquant ici.

La Nation Française de Boutang
Le détartrage du corpus doctrinal que fit après-guerre l'excellent monkiste Boutang - relire La Nation Française - ne survivra pas au déni de légitimité que le général De Gaulle infligera au comte de Paris en 1965 après s'en être amusé. Ce n'est pas non plus la démocratisation réaliste de la Nouvelle Action Française (rebaptisée plus tard NAr pour ne pas confondre avec les vêtements branchés) qui reconstituera un stock militant, même si elle attire toujours une belle élite dans ses mercredis à Paris.
Le reste du mouvement réclamant l'Héritage se jettera pour l'honneur dans des causes perdues par défaut de collimatation optique, et l'échec aidant, se divisera plus tard dans une querelle d'ego selon la ligne de partage au sein de la famille d'Orléans, qui au fils, qui au père, comme dans tous les bons romans historiques où les prétentions bourgeoises sont réglées à la fin par le retour du vrai roi.
Sauf que l'aventure royaliste n'est pas un film comme certains en déroulent le script écrit pour toujours par Charles Maurras, mais une impérieuse nécessité à conduire d'une main ferme. La pays va avoir besoin de cette solution qui ne peut rester un mélodrame ; un mélodrame sans public.

titre action francaise 2000
Il n'est pas dit que la parthénogenèse s'arrête ici. Tant qu'il reste deux Mohicans, elle peut s'accomplir. Nous n'entrerons pas dans les attendus de la querelle actuelle qui se livre en partie sur le forum ViveLeRoy - comme quoi un forum Internet n'est pas aussi déconnecté du réel qu'on ne le dit - mais sans beaucoup s'avancer, elle laisse entrevoir la décrépitude de ce qui restait encore debout de "l'Action française - Canal Historique", décrépitude révélée par la situation commerciale d'une entreprise politique que la ligne éditoriale obsolète leste à mort, et qui pis est, gérée comme un couvent.

Si l'on pénètre dans la mouvance AF, on est immédiatement accaparé par la lutte fratricide des courants comme au PS, mais en petit ! Si l'on reste au seuil du mouvement pour l'observer, on constate qu'il n'est aucun patron d'aucun bord disposant de l'autorité naturelle nécessaire à la prise d'axe politique qui s'impose, même si individuellement ils sont pétris de qualités. Chacun brandit sa légitimité ou sa légalité, ce qui confirme le défaut de charisme des chefs et autorise les doublons d'organes officiels, la plupart acharnés sans relâche contre l'Etat ou l'Europe ou l'OTAN ou l'islam, et chacun réduit à sa portion congrue d'audience, quand il n'est pas inaudible au coeur du vacarme souverainiste.

affiche INSU AFEEst-ce la timidité compréhensible des princes qui brime l'élan, eux qui ne veulent se compromettre avec une culture d'outrances : le duc de Guise juste avant le défunt comte de Paris renia l'AF en 1937 ; le duc de France chez Ardisson leva les yeux d'accablement en réponse à la question "que dire des royalistes?" ; peu d'entre eux écrivent dans nos journaux des articles, même sur des sujets "neutres". Ou bien le défaut de moyens lourds qu'ils seraient désireux d'apporter en renfort les retient-il ? Qu'importe au final, ils ne dictent ni ligne de combat, ni ne paient de suisses, mais restent dans le passage et stérilisent quelque part la stratégie, parce que même timides, ils intimident.

Noyé dans la mouvance nationaliste sans projet spécifique évident, sauf à démontrer à qui prend la patience d'écouter, qu'en poussant le concept nationaliste au bout du raisonnement patriotique, on trouve la monarchie absolue - diamant brut caché sous le boisseau maurrassien -, le mouvement d'Action Française compense le faible retour d'encartés sur propagande par une réaction très élitiste : « nous sommes une école de pensée »! Pourquoi pas ? Le stock à penser est énorme.
Faut-il pour autant mélanger les genres ? Blouson noir - canne et clavier ? A certaines images d'action, j'ai parfois l'impression d'une reconstitution historique comme les aiment nos amis américains confédérés. Mais au moins ils ne se prennent pas au sérieux, car de nos jours les neurones brisent les cannes. Et si penser s'apprend, que ne réfléchit-on déjà au meilleur moyen d'organiser son propre mental pour trouver les meilleurs canaux de diffusion en débit et pression de l'offre politique royaliste, ex-nihilo ! Est-il interdit, et par qui, d'innover ?

mensuel Politique MagazineUn journal royaliste généraliste destiné à tout le monde est jouable quelque soit le support, papier ou électronique. Politique Magazine s'y essaie avec quelque bonheur sur une cadence mensuelle. Il faudrait transformer l'essai en hebdo pour accéder au lectorat de masse. On peut y adjoindre un portail Internet fonctionnant sous le régime du fil quotidien de nouvelles, agrégeant les blogues et ouvrant sur les fondamentaux du royalisme prédigérés.
A contrario, un journal d'opinion de facture traditionnelle, célébrant à chaque livraison la pertinence de jugements historiques, prenant la remorque de formations politiciennes de ronchons anti-tout sauf pour les prébendes offertes par leurs adversaires, ce journal, à l'évidence destiné à quelques happy few convaincus pavloviens comme moi, n'est pas viable. Le lectorat des croyants est trop restreint. Je suis le seul dans ma rue !

Ce n'est pas au blogueur impénitent même royaliste d'instinct, d'exposer à un mouvement centenaire comment on construit un parti politique (les autres organisations sont de la foutaise) avec une queue de trajectoire, un axe de progression, une articulation réfléchie des étages de propagande, un choix de vecteurs dédiés, le tout encadré d'une direction par objectifs, comme dans les affaires. Ces errements de canards sans tête dévoilent un amateurisme dommageable, comme le signalent aussi le foisonnement de blogues éphémères, les parutions à éclipses, la bousculade des conférences sur tout et rien, les disputes d'écoliers aux rares journées commémoratives.
Les pertes en ligne de militants déçus ou chassés constatées sur les vingt dernières années sont problématiques, non par elles-mêmes, tous les partis ont un tourniquet d'entrée-sortie, mais parce qu'elles reflètent une gestion des différences par leur négation et leur exclusion. Un bon militant, sincère et dévoué, avec un brin de plume ne fait pas toujours un patron de presse, ni avec un brin d'autorité un leader politique, mais peut verser dans l'autoritarisme destructeur, de bonne foi.
La relève ne s'est pas présentée franchement. Peut-être trouvera-t-on un jour en revenant de Longchamp, quelqu'un payé au mois pour réfléchir au meilleur moyen de faire revenir un roi en France, tout bêtement ... Pourquoi faire ? Me suis-je jamais posé la question ?
Il rangera son monde en ordre de bataille, distribuera lances et écus, désignera la ligne de crête, avant de crier : ACTION ...!
... FRANCAISE !


lis rouge
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dimanche 27 juillet 2008

Pour la Méditerranée

carte developpement mediterranee
L’Union Pour la Méditerranée est lancée ! Loin ! Intéresserons-nous aujourd’hui à la géopolitique de la zone. Deux lignes de fractures sont apparues pour ce grand projet du XXI° siècle : la plus évidente, une ligne horizontale de Gibraltar à Alexandrette, qui suit l’axe médian de la Mer méditerranée et sépare les Européens et leur allié turc d'un côté, des peuples fils d’Abraham de l'autre. L’autre ligne de fracture sépare les nations européennes sérieuses du Nord aux nations européennes latines, plus chaleureuses, s’estimant les seules capables de comprendre le Sud...?

Cette seconde fracture a été réduite immédiatement par la chancelière prussienne Merkel aux dépens des pays « pieds dans l’eau » que sont l’Espagne, la France et l’Italie.
L’Allemagne « fédérale » est partie prenante du projet fédéral européen, bien plus impliquée que la France, surtout depuis que le deutschemark fut rebaptisé « euro ». fanion euroturcL’Union méditerranéenne réservée aux seuls riverains, qui enterrait le processus stérile de Barcelone, dessinait à ses yeux une ligne Maginot diplomatique la rejetant au nord-est de l’Europe, dans quelque empire du Froid en tête à tête avec son allié le moins sûr – l’est-il de quelqu’un ? –, la Grande Bretagne. Albion était bien capable d’entrer seule ensuite dans le schmilblick nautique sans prévenir, par le truchement de Gibraltar. Berlin n’aurait eu d’autre choix que de se retourner vers son meilleur client, la Russie, et les pays de son glacis naturel. Cela limitait terriblement ses ambitions diplomatiques ; et bien que le grand client slave soit riche, il est d’expérience dangereux.

Si la Méditerranée n’est plus vraiment le centre du Monde, elle reste une zone de bruit diplomatique intense, à portée de voix de l’autre zone de décision pétrolière, et le seul champ où l’on puisse manœuvrer une réconciliation Nord-Sud d’envergure, en profitant d’une proximité géographique et historique que l’on ne trouve nulle part ailleurs.

Guillaume IIL’Allemagne fédérale qui depuis le succès de sa réunification veut renouer les fils du projet moyen-oriental des régimes qui l’ont précédée, ne pouvait laisser une nouvelle union, concurrente de celle où elle règne, lui tourner le dos. Troisième économie terrestre, rattrapée par la Chine certes mais toujours premier exportateur mondial, elle a terminé son expiation politique le jour où Helmut Kohl réussit à ses conditions l’anschluss de la République démocratique allemande, sans négocier non plus avec les trois alliés occidentaux réticents. L’Allemagne était désormais capable et en situation de forcer l’évènement à son seul bénéfice. Le nain politique avait rompu sa relégation de vaincu timide. Le chancelier Schröder en a remis une couche quand son ambassadeur s’est dressé à l’ONU contre « son vainqueur » américain sur l’affaire d’Irak.

Le géant économique européen qui parle assez peu de ses intentions, déroule avec quelque bonheur une diplomatie mercantile active sur l’ancienne zone d’influences ottomane et franco-britannique. Pas question donc de passer sous les fourches caudines des douanes françaises ou italiennes, deux pays sans le sou, gouvernés par des amateurs, pour atteindre politiquement la Méditerranée. Dès ce moment l’Union méditerranéenne (des riverains) rêvée par le cabinet élyséen était morte ! Le projet reviendrait sous surveillance allemande ou périrait. « Hégémonie douce » avait dit Joschka Fischer , ministre vert des affaires étrangères du gouvernement Schröder, quand l’Allemagne décida, sans en référer à quiconque, de submerger industriellement les PECO* après la chute du COMECON*. Hégémonie sans limites annoncées.

ataturkL’autre acteur de taille est la République turque, légataire universel de l’Empire ottoman, califat exclu. Sa position géographique est incontournable, ses attentes, des exigences ! Pour une première raison, elle détient la clé de l’eau de Mésopotamie et le fait savoir. Comme disait le président Demirel à Hafez al-Assad qui dénonçait les barrages turcs sur l’Euphrate : « La Turquie fait ce que bon lui semble de son eau comme les Arabes font ce qu’ils veulent de leur pétrole ».
L’autre raison est qu’elle se sent européenne et s’exclut d’elle-même du camp moyen-oriental dominé par les Arabes et les compagnies pétrolières. La seule nation de la zone qu’elle estime à son niveau de prestige est l’Iran. Leurs états-majors se connaissent d’ailleurs bien. La seule position acceptable pour elle dans une union méditerranéenne est la parité avec la France et l’Italie ; et avec le back-up de l’Allemagne, elle en deviendra vite le partenaire riverain majeur si l’affaire progresse. Mille entreprises allemandes travaillent en Turquie.

gorille pensifLa grande réconciliation euroméditerranéenne réussira-t-elle ?
Nul ne peut le prédire car les complications ne le cèderont pas facilement aux effusions médiatisées, et la rive Sud est plus souvent dans les mains d’autocrates personnellement intéressés que de gouvernements soucieux de développer des politiques communes, sauf à y trouver leur bénéfice. L’Europe pèsera-t-elle assez pour forcer le développement ? Beaucoup en doutent, à commencer par les Etats-Unis qui jouent le rôle du gorille muet de 800 livres dans le coin obscur de la salle de conférences.

En effet, si l’on passe en revue les pays de la rive Sud, on peut s’étonner du nombre de conflits latents qui les opposent : si les frontières de chacun de ces pays sont ouvertes sur l’hinterland diamétralement opposé à la mer, elles sont hyper contrôlées entre eux, voire blindées. Tous ces gens s’embrassent et se détestent. Ils ne se mettront d’accord, non entre eux mais chacun d’eux avec nous, juste pour consommer subventions et crédits que le Nord déploiera sur des projets communs. Parmi ceux-là, le seul à mon avis capable de fédérer les énergies est le projet de dépollution de la mer, sachant qu’il nous coûtera très cher et pour longtemps, car le niveau sanitaire des effluents nationaux deviendra par la suite un élément récurrent de « négociation ».

Assad juniorDoit-on dans ses conditions se réjouir du lancement de l’Union Pour la Méditerranée ? Incontestablement oui ! Pour une raison au moins : arrive dans les pays arabes une nouvelle génération éduquée à l’occidentale, arrachée au crassier idéologique, respectueuse de l’islam mais peu fataliste, qui a l’ambition de percer dans le siècle, au même niveau que ses concurrents asiatiques ou occidentaux. On croise de plus en plus souvent cette nouvelle génération dans les nœuds de communication de la planète, et les rancoeurs suries de leurs parents les agacent. Avec eux, se feront de grandes choses jusqu’à un jour peut-être fédérer la Nation arabe, au plan économique déjà ! Le développement du Croissant Vert reste le meilleur antidote au fondamentalisme musulman qui est quand même le danger identifié le plus sérieux pour l’Europe, tant du moins que le furoncle israélo-palestinien n’aura pas été résorbé. Les progrès spectaculaires des émirats du Golfe persique en font chaque jour la démonstration.

moubarak juniorQue pèsera la France dans cette partie diplomatique ? Autant que le poids de ses contributions financières, c’est-à-dire finalement peu, au-delà des exposés grandioses que nous avons l’habitude d’asséner à ceux que nous déclarons nos amis. Les autres débranchent l’oreillette.
L’Italie n’étant pas au mieux de sa forme, il est à parier que le projet passera dans les mains de l’Allemagne et de la Turquie si ces deux pays très liés depuis Guillaume II, « l’ami des 300 millions de musulmans (discours de Damas,1898) », y trouvent eux un avantage économique.

Jusqu’à aujourd’hui le Processus de Barcelone de 1995 est resté lettre morte malgré l’ouverture de lignes de crédits de la BERD de Londres parce qu’au lieu de développement économique, l’Europe a priorisé la question migratoire qui l’obsède, mais aussi parce qu’il fut accaparé par Israël pour stigmatiser le combat asymétrique du Hamas et du Hezbollah dans le cadre du chapitre « contre-terrorisme ». Aucun chef d’Etat arabe n’est venu fêter son dixième anniversaire il y a 3 ans. Aucun bilan ne fut tiré à cette occasion pour ne vexer personne ! Le cadavre est froid.
La prévention actuelle de certains chefs de la rive Sud à l’endroit de l’UPM est fondée sur cette même crainte qu’Israël n’instrumentalise la question du terrorisme sans compenser un éventuel compromis israélo-arabe par une libération réelle et définitive des territoires occupés et le règlement que la question des réfugiés palestiniens.

TzipiL’UPM pourrait ainsi achopper sur les mêmes blocages que ceux du Processus de Barcelone, sauf à vouloir intégrer les Etats-Unis dans l’affaire, les seuls capables de faire (un peu) plier l’état hébreu. S’ils y entrent, à leur tour les Russes forceront la porte, amenant par réaction, les pays du Caucase qui redoutent tout confinement au contact du géant russe. L’UPM se diluera alors dans une sorte de machin à conférences pour écologistes, géographes, doyens d’université et stratèges en laboratoire d’idées. M. Sarkozy n’est aucun de ceux-là. Mais Nicolas Hulot, José Bové, Jacques Chirac, Pascal Husting (Greenpeace), Hubert Reeves ou … Al Gore, si !
Beaucoup de bruit pour rien qui n’ait été déjà vu.

Notes :
Un bon dossier UPM est accessible à la Documentation Française sur Internet :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/europe-mediterranee/index.shtml
PECO : Pays d’Europe centrale et orientale, désignation des pays libérés du bloc soviétique en 1989 avant qu’ils n’entrent dans l’OTAN et l’Union européenne. Ils coopéraient auparavant dans un marché commun communiste appelé le COMECON.
BERD : Banque européenne pour la Reconstruction & le Développement


(article paru dans le n°2753 de l'Action Française 2000 du 17/7/08)


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vendredi 25 juillet 2008

Le frisson des morts-vivants

pancarte municipale vers l'école des Grèves
Faisant siennes les récriminations du public excédé par le je-m'en-foutisme des planqués de la république, le parlement a adopté hier une loi de garderie municipale pour les jours de grève des cultivateurs éponymes. Intitulée "service minimum d'accueil", elle dispose que les enseignants grévistes devront se déclarer au plus tard 48 heures avant l'arrêt de travail et impose aux communes de mettre en place l'accueil des écoliers quand le taux de grévistes est supérieur à 25%. Du bon sens qui, notons-le, renforce le droit de grève en adoucissant l'impact sur les activités des parents et en permettant au corps de fonctionnaires impliqué de s'arrêter pour un oui ou pour un non sans emmerder personne.

Tricher n'est pas jouer ! Si vous n'emmerdiez personne, où serait le plaisir ?

sénateur socialisteBattus à la Chambre et au Sénat, les peine-à-jouir syndicalisant nés sous le Front populaire déposent ce matin un recours à l'enseigne du Sphinx dans l'espoir secret que l'ennemi juré de Sarkozy, président du suprême jury dont le père se coiffait d'un entonnoir, fasse des difficultés au gouvernement Fillon. Ainsi prouvera-t-on que si le bien public passe par la porte de devant, on peut toujours entraver sa progression en surgissant de la porte de derrière !

Pas facile quand même ! Lorsqu'on veut enfiler les mouches à cet âge, il faut surdoser le viagra casuistique. Je vous livre l'essentiel du communiqué historique et vous allez devenir adeptes de l'euthanasie :
Emmenés par les gérontes de la Chicane, ces messieurs du Sénat qui pensent dénoncent « les entraves au droit de grève, dont la valeur constitutionnelle est affirmée par le Préambule de 1946, sans qu'aucun motif de continuité du service public ne justifie cette atteinte » ... et affirment que la «loi ne respecte pas le principe constitutionnel de compensation par l'Etat d'une charge créée pour une collectivité, affirmé par l'article 72-2 de la Constitution ».

Dans le préavis de 48h je ne vois pas l'entrave sauf à revendiquer officiellement la prise d'otages impromptue obligatoire. Quant à la compensation de charges je ne vois pas non plus comment la déterminer de manière comptable - il s'agit de sous - puisque les employés municipaux sont payés au mois.
A quoi servent-ils donc ces politiciens en fin de vie abandonnés-là à péter dans le velours cramoisi de l'hémicycle ou vautrés dans les méridiennes des salons dorés, à guetter les funérailles nationales. Qu'on ferme ce cirque et récupère le sable de la piste pour Paris-plage !

baigneuse à paris
Au fait, sans en parler à personne, ils se renouvellent pour un tiers le 21 septembre dans des mandats de neuf ans ! [correctif : par tiers pour 9 ans c'était l'ancien temps ; j'ai oublié la réforme passionnante de 2003 qui réduit le mandat à 6 ans en compensation de la création indispensable de 27 sièges supplémentaires, l'hémicycle étant renouvelé par moitié tous les 3 ans].
L'empilage des fromages parlementaires depuis le conseil municipal de base jusqu'au parlement européen est sidérant : Conseil général (département), conseil régional, assemblée nationale, conseil économique et social, sénat, et je laisse de côté une foultitude d'assemblées pour rire comme les chambres de commerce ou de métiers...
Il y a mieux à faire du Palais de Luxembourg. Les royalistes ont leur idée.

On me dit dans l'oreillette que c'est de l'antiparlementarisme primaire ! Si l'on suit les débats parlementaires, on acquiert vite l'assurance qu'il ne peut y en avoir d'autres !


La justice pour les nuls


michel bonPour me mettre de bonne humeur, la Gazette du Palais m'informe qu'après avoir laissé derrière lui 21 milliards* d'euros de pertes et 70 milliards* de dettes en quittant France Télécom en 2002, Michel Bon (wiki) vient d'être durement condamné par la Cour de Discipline Budgétaire et Financière à dix mille euros d'amende pour gestion opaque. C'est terminé pour lui ! Non, non, on ne vous prend pas pour ce que vous pensez. C'est de votre faute :
Vous, souverain peuple, à travers l'Etat qui vous représente, avez omis de donner des instructions fermes lors des conseils d'administration où M. Bon a presque toujours recueilli sur ses résolutions l'unanimité des dormeurs.
* Renvoi : pour mesurer la profondeur du trou sachez que le déficit budgétaire de la même année fut de 49 Mds€


Parfois content le soldat


dragon du 13Dans un autre domaine, j'ai noté que le chambardement stratégique dans notre dispositif militaire restait un conflit social classique de basse intensité. D'une part l'épure de M. Morin tient debout - il faut reconnaître que c'est du grand art puisque tous les paramètres sont fondés avec précision bien qu'on puisse refuser ce fondement -, d'autre part, les militaires eux-mêmes, sauf peut-être les étoiles, ne semblent pas si mécontents de partir de certains trous perdus où ils étaient confinés depuis les années 20. D'aucuns ont même lâché aux caméras : « les militaires, on les aime quand ils partent ! ».
Reste à savoir si le lego de la défense sarkozienne tiendra ses promesses. Croix de bois, croix de fer, je jure sur la tête de François Bayrou que le plan ira à terme. On craignait bêtement qu'une fois les économies encaissées, on ne les distraie ailleurs selon l'urgence du moment.

Au fait, pour terminez dans un grand éclat de rire, apprenez que M. Bon serait conseil en management, et en vivrait !

PS : je signale aux oisifs un article du Québécois Libre sur le colbertisme canadien pas piqué des hannetons dont la saison approche. Cliquez donc ici !

pancarte québécoise


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mercredi 23 juillet 2008

Le "8" en Afghanistan

A la demande de nos alliés, la Task Force française "Chimera" dite TF700 est en cours de déploiement à Bagram (Afghanistan). Il est prévu qu'elle soit alignée courant août. La prise de commandement sous l'égide de l'ISAF a eu lieu le 20 juillet à Forward Operating Base Morales-Frazier. Le colonel Jacques Aragones a reçu la responsabilité de la Kapissa. La TF700 est constituée du 8è RPIMa de Castres porté sur VAB et dispose de blindés légers du 1er REC servis par des chasseurs du 4è de Gap. Une composante déminage du 17è Génie parachutiste de Montauban et un appui feu du 35è Artillerie parachutiste de Tarbes complètent les renforts. En octobre cinq Buffalo américains d'ouverture d'itinéraires rejoindront le bataillon.

soldats français en patrouille
L'état-major reconnaît que "c'est un secteur très sensible, très difficile, car il s'agit d'un couloir d'infiltration vers la capitale, qui permet de déborder à pied ou à moto l'axe principal passant par Jalalabad". Le secteur est coupé en tous sens et doit être travaillé "à la main" par des formations de chasse. Seule une tactique dynamique de harcèlement peut payer car le vilain est rusé ; les résidents sont estimés à la valeur d'une compagnie...


Depuis l'empire des Indes ...
Vingt-cinq mille guérillas fondamentalistes pourrissent la vie de la république islamique d'Afghanistan ; on les désigne sous le nom impropre mais accepté de Talibans, qui veut dire en pashto « étudiant en théologie ». Le territoire, montagneux et enclavé, est aussi grand que la France augmentée des terres qui forment la rive gauche du Rhin. Chacun connaît l'histoire de ce pays imprenable depuis le massacre du 44°Foot (Essex) à Gandamak en 1842. Rien n'y fit, les états-majors se pensent chaque fois supérieurs à leurs prédécesseurs surtout s'ils furent vaincus. Ainsi les Anglais, après 40 ans de disputes incessantes sur les frontières escarpées de l'empire, remirent-ils le couvert en 1878 ; et le 27 juillet 1880, perdirent à Maïwand le 66°Foot (Berkshire) et le 1°Grenadiers, avant de revoir la plaine de l'Indus. Leur politique de contention de l'Empire russe sous son flanc sud avait paradoxalement réussi à dégoutter le Csar d’y venir.

carte impériale anglaise
Les Soviétiques nullement impressionnés par l'Histoire, mirent les doigts dans la porte en 1973 puis avancèrent en 1978 une force mécanique considérable pour y perdre plus d'acier (par la faute des missiles US Stingers) que la petite industrie afghane ne pouvait transformer.
Viendront bientôt les Américains, décoiffés par la destruction de leur prestige à Manhattan un certain onze septembre. Après l'aplatissement des montagnes de Tora Bora en 2001, et la traque par les forces spéciales d’un petit millier de vilains, éparpillés sur tout le front Est par l’artillerie lourde, ils choisirent le renseignement électronique et le scalpel laser pour les excaver le plus proprement possible eu égard aux collatéraux. L’enthousiasme est retombé, la guerre n'est pas un jeu vidéo, ils y sont encore, et nous avec eux.

Cinquante-trois mille***** soldats de 40 nations étrangères battent aujourd'hui villes et campagnes pour en vain briser le cercle vicieux : « développement rural pour gagner les populations et obtenir la sécurité du territoire indispensable au développement rural » ! Les vieilles puissances coloniales connaissent ce cercle par coeur. Tout cela ne servira à rien. Alors ? Les Français vont renforcer leur corps expéditionnaire de 1600 hommes déjà, le portant à 2300 hommes par solidarité envers leurs alliés dans le besoin. J’approuve ! Il faut savoir être à la peine sans la gloire parfois.

carte physique d'afghanistan
Le premier réflexe des états-majors d'un théâtre subverti est de demander des renforts pour tenir plus de territoire. Pourquoi élargir la zone d'efforts inefficaces ? Vous n'y comprenez rien, vous dira-t-on. Pourtant la propension classique en phase d’occupation est bien de miter la zone et de surveiller tous les villages et chemins. Il est bien connu de nous tous que les maîtres du jour ne sont pas ceux de la nuit, d’où la vanité du dispositif. L'Indochine, l'Algérie, puis le Vietnam pour les Américains, ont bien expliqué le processus imparable de l’alternance quotidienne. On ne peut vaincre une insurrection que si l'on parvient à la concentrer.
Tous les officiers américains en poste là-bas connaissent Na-San (Tonkin) et ...... Dien Bien Phû. Mais dans la dernière guerre coloniale techniquement gagnée, ils savent aussi que l'effectif militaire était d'environ 400.000 hommes dès 1957 en Algérie, soit 1,1 homme par kilomètre-carré utile* contre 0,14 h/km² en Afghanistan. Si la technologie a progressé depuis, la différence reste importante. Autant dire que la stratégie "contre-insurrectionnelle" en l'état est vouée à l'échec, ce que confirme les agences de renseignement occidentales, du moins anglaise, allemande et française.

pucelle du 8Sept cents de nos meilleurs soldats arrivent quand même en Afghanistan.. D'aucuns craignaient qu'affectés sur la carte à la province de Kapissa au nord-est de Kaboul pour écoper l'infiltration des Talibans depuis le Pakistan, ils ne descendent assez vite dans la région de Kandahar où les Britanniques sont à la peine, ne tenant plus les routes la nuit, au point que des mauvaises langues généralement bien informées les soupçonnent d'avoir noué des contacts informels avec les crapules. Notons que la route qui mène de Kandahar au barrage stratégique de Kajaki est fermée même de jour sur 40 kilomètres, interdisant d’apporter les quatre transformateurs de 30 tonnes chacun à la centrale électrique qui tourne au ralenti !
Malgré les revers britanniques au Helmand, il est prévisible que les Français n'y descendront pas car ils auront fort à faire au N.E. où les mortiers de 120 du RAP viennent de donner de la voix : il vont être déployés exactement face à la "mère" des problèmes afghans : Les FATAs !

Il faut revenir sur cette "curiosité" si l'on veut comprendre la suite des évènements :
FATAsLes FATAs (Federally Administered Tribal Areas) sont un legs de l'empire des Indes britanniques suite aux deux guerres anglo-afghanes perdues par lui. Dans l'impossibilité de tenir durablement les montagnes coupées de cols en tous sens (le plus célèbre est la Khyber Pass), les Anglais traitèrent avec les chefs pachtounes. Ils troquèrent leur ralliement à l'Empire et la charge de surveiller la frontière afghane contre une réelle autonomie et l'entière liberté de mœurs et de droit coutumier, la charia. A la division de l'empire de 1947, les traités antérieurs furent abrogés et les tribus gagnèrent leur totale indépendance ; mais le jeune Pakistan, confronté au même problème de sûreté que l'ancienne puissance impériale, renouvela les accords. Le sanctuaire des contrebandiers, voleurs de grand chemin, bandits d'honneur, fondeurs de canons à fusil et trafiquants d’opium continua donc ; l'armée pakistanaise n'y entra pas !
La seule avancée, du fait de la forte cohésion tribale, fut la mise en place des FCR (Frontier Crimes Regulations) qui établirent des punitions collectives appliquées tribu par tribu afin de renforcer l'autorité des chefs de village ! Les sept agences pakistanaises locales qui gèrent les FATAs, sur le modèle des agences indiennes du Far West, fondent leur justice sur les FCR et les administrent par un réseau dense de maliks (juges de paix coutumiers comme nos cadis). Le dispositif permet de garder un œil sur la région, sans plus.

labours
Quand l'armée américaine fit exploser le régime taliban de Kaboul fin 2001, ceux d'entre eux qui purent gagner ce "no whiteman's land" furent ainsi sauvés. Les mœurs arriérées, l'illettrisme et la misère noire des peuples furent le terreau de la résurgence d'al-Qaïda et de ses redoutables dialecticiens. Les offensives pakistanaises de 2005-2006 au Waziristân, aidées par le renseignement électronique américain, ont échoué à capturer les méchants. Finalement il y eut transaction au niveau du commandement opérationnel qui encaserna ses effectifs. Si les chefs pachtounes concèdent à mots couverts qu'ils tolèreraient une incursion « vengeresse » des Américains, si (1) elle ne ciblait que Ben Laden et al-Zawahiri, et (2) qui réussirait leur éradication (c'est le sine qua non), ils font comprendre aussi qu'ils combattront à leur manière toute autre forme de "pacification" des FATAs.

Au Pakistan Islamabad branle dans le manche ...
Depuis la constitution du gouvernement démocratique de coalition à Islamabad il y a cinq mois, la situation, déjà mauvaise sous Musharraf, a sensiblement empiré. Comme l’avait très bien vu le marchand de bois philosophe Bernard Henri Lévy lors de son enquête sur la décapitation de Daniel Pearl, le Pakistan détient la clé d’une terrible énigme atomique ; et vient d’être convaincu depuis d’avoir miniaturisé une arme nucléaire exportable. Cocagne ! les magouilles de cabinets occupent tout l'espace des couloirs ministériels et les négociations ouvertes avec les représentants des FATAs sous la pression américaine ne peuvent aboutir car totalement impréparées par le gouvernement. Les nouveaux maîtres sont occupés à se répartir les honneurs. Les minutes de la dernière réunion interministérielle du 4 juillet à Islamabad sont un catalogue de vœux qui va du recrutement de policiers au brouillage des fréquences de radio FM ! C'est contre cette indolence et cette incompétence que le général Musharraf avait fait jadis son coup d'état !
Pendant ce temps, la fermentation islamiste du type le plus dur métastase par toutes les tribus, et se crée sous nos yeux la vraie Base* arrière d'Al-Qaïda, avec sa logistique, ses nœuds de communication, ses centres de formation et mobilisation. Le stade des petites madrassas radicales est dépassé depuis longtemps ; le bec de la pieuvre grossit et durcit.

RafaleCe n'est pas avoir le mauvais œil de dire que notre bataillon ne changera rien à la situation actuelle, même s'il capture cinquante moudjahidine. Pourtant il est indispensable de réduire l'écoulement des assassins par les cols pakistanais et de mesurer le flux car c'est un bon paramètre pour estimer la vigueur d'al-Qaïda. Si comme nous le verrons plus bas, la seule activité militaire de notre responsabilité doit être la lutte anti-terroriste, elle s'exercera presque complètement sur la frontière occidentale des FATAs. C'est là que nous positionnons le 8°RPIma, en attendant une solution (improbable) au Pakistan.

Séquencer les priorités ? Il faut tout faire ensemble dans les deux pays, Afghanistan et Pakistan : faire ouvrir les FATAs au développement, à défaut, développer visiblement les provinces situées à leur périphérie pour susciter l'envie de lessiver la crasse islamiste et accéder enfin à ... la lumière, ce progrès tant décrié le soir à la lampe à huile.
Le fleuve Indus à l'Est offre une force hydroélectrique considérable, le Baloutchistan au Sud est riche de charbon qui par les temps qui courent vaut de l'or.
Les Américains qui veulent décider de tout, devraient-ils basculer leurs moyens d'Irak au balcon des FATAs ? Hélas, malgré la réitération d’une demande officielle de départ des troupes coalisées émise par le gouvernement de Bagdad, l'Administration Bush n'inverse toujours pas ses priorités en dégageant immédiatement des moyens humains et surtout financiers pour les affecter au développement économique rapide du Pakistan malade.

StewartSans avoir l'outrecuidance de donner des conseils stratégiques, il est quand même autorisé d'explorer quelques chemins de traverse. Dans Time Magazine de cette semaine, Rory Stewart, diplomate de formation résidant à Kaboul, en ville, juge que l'option militaire est le mauvais choix parce que "l'Afghan", qui n'existe tel quel hors de son clan qu'en affrontant les étrangers, est allergique à la force militaire extérieure. En outre le peuple, au plus profond de son cœur, est complètement saturé de guerre quels qu'en soient les motifs, et penchera vers celui qui lui promettra d'en finir au plus vite.
Stewart préconise de diminuer l'intensité du conflit en se retirant des provinces insurgées et en développant les autres, non pas directement car ce volontarisme fait perdre la face au pouvoir légal de Kaboul, mais à travers les gouverneurs régionaux qu'il faut faire sélectionner par le gouvernement, en fonction de leurs capacités personnelles et de leurs projets de développement.

Soyons réalistes. Libérer les populations du joug islamiste des Talibans et de leurs alliés al-qaïdistes implique-t-il de "vendre" dans le package (1) la démocratie obligatoire et (2) la lutte anti-pavot ?

Dans un brillant exposé, le professeur Lafrance de l'université de Montréal soutenait que la démocratie était un bien lourd fardeau pour un peuple :
"C’est un fardeau qu’il faut assumer à chaque jour car il faut prendre le risque de faire des choix et accepter qu’un mauvais choix se retourne contre ceux qui l’ont pris. Il est beaucoup plus facile de laisser le grand officier d’un clan, d’un état ou d’une église prendre ce risque en lui abandonnant le pouvoir du choix. Et pourtant, ce risque, ce fardeau, c’est la pierre que chacun apporte à la construction de la cité. Cet effort quotidien implique un long apprentissage dont une intervention extérieure ne saurait faire l’économie. La démocratie, ça s’apprend. Cela ne s’impose pas."

pachtounistan
Comment peut-on "former" à la démocratie un peuple terrorisé par une guérilla qui barre les routes et "trie" les voyageurs, pénètre de nuit dans les habitations pour récolter vivres et argent, vérifie tous indices de collaboration comme une simple canette de PepsiCola, pose mines et bombes sans égard aucun pour la population civile, et au bout du compte taxe la production agricole imposée par elle-même, disposant ce faisant du numéraire indispensable à sa liberté de mouvement ? Et puis, transformer une nation de trente-deux millions d'âmes aussi typée que la nation afghane n'est pas à la portée de l'Occident. Seuls les Afghans y parviendront peut-être, éventuellement, un jour ! Soyons réalistes.

Pour la lutte contre le pavot, il faudrait peut-être faire la part du feu et expliquer aux bonnes âmes prohibitionnistes de chez nous que nous devons défendre l'Occident contre des soldats courageux et cruels, susceptibles de se procurer à bon compte des détonateurs atomiques et de réussir des attentats d'envergure n'importe où. Les Afghans n'ont pas la fibre prohibitionniste et ne se saigneront pas aux quatre veines pour le rachat des drogués occidentaux. En comparaison de quoi la santé des épaves humaines qui se piquent chez nous convoque certes toute notre commisération mais restera secondaire dans l'ordre des priorités. S’il faut vraiment planer sur ce mondo cane, revenons à l’opium traditionnel du Lotus Bleu et de Malraux, c'est zen !

La pyramide féodale ?
gaminEn Afghanistan comme dans les FATAs, il n'est possible de lutter contre la subversion du territoire que par l'émergence d'un pouvoir concurrent plus fort, capable d'ancrage à des racines populaires profondes. Aucun substitut moderne à la pyramide traditionnelle d'essence féodale ne fonctionne. C'est archi-prouvé. Les provinces qui décollent sont celles qui sont bien gouvernées localement dans un "système féodal éclairé". Au plan national, l'ANA (Armée nationale afghane) monte doucement en effectifs et qualité mais avec quatre-vingt mille hommes elle ne peut tenir tout le pays. Il faut donc décentraliser aussi la sécurité où c'est possible.

On combattra l'insurrection par le développement visible des provinces qui l'acceptent, et en exacerbant le différentiel de richesses disponibles ainsi établi. Le prestige des administrateurs afghans sera un exemple fort pour les autres. Inutile d'insister à Kandahar ou au Helmand, l'insurrection détruira tout. Il faut segmenter le pays (à la chinoise) et trier les provinces admissibles au développement.

Dans cette veine, nous devons nous préoccuper d'abord de la réputation de l'Etat afghan, ne pas le circonvenir et mettre le paquet sur la formation des fonctionnaires - depuis le postier de base et le garde-champêtre - car le déficit de compétence et d'intégrité est abyssal. Exemple : pour leur trouver un modeste salaire on a nommé par endroit des instituteurs illettrés !

Il est plus facile de bâtir une banque centrale, des casernes, des murs d'école et des routes qu'un Etat ramifié. Ces structures superposées au territoire sont attribuées aux étrangers plein aux as qui partiront un jour, tandis que les services publics de base, staffés par des agents qualifiés, comme la santé de proximité, l'instruction publique, les utilités de base (égouts, électricité, téléphone), outre qu'ils impactent immédiatement le quotidien des gens, rehaussent aussi le prestige du drapeau national plus sûrement qu'un défilé à Kaboul, bannières au vent ! Le micro-développement de masse est porteur d'image beaucoup plus qu'on ne le croit dans nos pays gavés.

Forcément la paix a minima indispensable ne sera pas obtenue par les voies démocratiques dans aucune région. Les gens d'ailleurs n'en ont cure ! Il faut intéresser les chefs de tribus au développement de leur coin et les pousser à se fédérer par provinces sous un chef de clan ou un gouverneur. En fait, reconstruire la pyramide féodale qui n'a pas complètement disparu. Il est fâcheux que le « bon choix » ait disparu : SM le roi Zaher Shah est mort en 2007. Proclamé Baba (père de la nation) lors de la Loya Jirga**** de 2002, un titre assez peu distribué dans l’histoire afghane, il eut été la clef de voûte idéale !

Les Afghans livrés à eux-mêmes auront-ils la volonté de s'en sortir et de chercher quelque possible bonheur de leurs peuples ? Cette quête est leur affaire, dès lors que nous laissons cette fois ce qu'il faut à disposition. Dieu ne nous a pas investi d'une mission spéciale comme le croient les Evangélistes américains derrière leur pupitre d'acajou ciré.

Tout jusqu'ici n'est pas vain !
ecoliereOn ne doit quand même pas passer sous silence les résultats des efforts de la communauté occidentale en Afghanistan depuis la chute des Talibans. A des bonheurs divers, la crasse islamiste a été enlevée où nous avons pu : le Bazar mythique de Kaboul a été rouvert, les mœurs ont été pacifiées, l'adduction d'eau a été généralisée au plus loin possible, les égouts ont été rénovés, les décharges contrôlées, le courant électrique a été amené dans des milliers de villages qui ont été restaurés sur crédits étrangers directs bypassant la "taxation" officielle - ce fut une erreur de canal d'accès -, des dispensaires ont été ouverts presque partout malgré l'absence d'infirmiers, et on peut téléphoner sur presque tout le territoire. Mais, le plus beau : Six millions de gosses sont retournés à l'école.

Pour que la reconstruction soit solide, il faut de l'humilité, du temps et une clef de voûte à l’arc des piliers. La démocratie occidentale, toute à ses échéances électorales, a-t-elle du temps de reste ? Je ne sais. L'humilité n'est pas non plus l'apanage de nos dirigeants obsédés de "communication" jusqu'à faire "coucou" de la main dès qu'ils voient un attroupement.

Ce n’est peut-être pas si exaltant de participer à la résurgence d’un monde ancien mais laisser la situation actuelle empirer comme nous en préviennent tous les stratèges, peut nous causer de grands dommages. Et puis, ce monde n’est pas à notre botte, laissons-lui sa chance de progresser ultérieurement, car le Village Global restera toujours un village, et les meilleures ambitions naissent parfois de l’envie. Quant à la clef de voûte, c'est aux Afghans et à eux-seuls de la poser.

Si le dispositif général est à redéployer intelligemment, la lutte contre al-Qaïda ne doit s'essouffler d'aucune façon, qu'elle dure un an, deux ans ou dix ans. La traque doit être confiée aux OPS soutenus par un renseignement renforcé ; le seul but utile n'étant pas de les capturer pour Guantanamo mais de les abattre. Demander l'ordre de stop par radio quand vous tenez Ben Laden dans l'alidade, comme cela se serait produit deux fois chez les forces spéciales françaises, est vraiment surréaliste.

kaboul
Le Quai serait bien inspiré de promouvoir au sein de l'Alliance atlantique ce dispositif de spécialisation de la guerre sur l'anti-terrorisme et de provincialisation des pouvoirs au mérite, avec le développement foisonnant assorti. En osant sacrifier certains principes utopiques comme une démocratie populaire en pleine guerre subversive ou l'égalité des sexes, nous pourrions risquer la paix.

Le pouvoir en place ici est-il au niveau requis pour construire un dispositif complexe qui tienne debout hors des tabous ? Je vous laisse répondre, mais il ressort des déclarations des deux candidats à la Maison Blanche qui seront l'un ou l'autre le décideur ultime, qu'on n'en prend pas le chemin :
McCain comme Obama misent beaucoup sur l'ANA dont le premier voudrait doubler les effectifs sur fonds internationaux. Dans l'illusion qu'ils entretiennent d'une réussite de la pacification irakienne - l'un bascule les brigades US libérées d'Irak en Afghanistan, quand l'autre bascule les fonds redevenus disponibles. La déclaration de McCain sur l'Afghanistan prouve, si le doute persistait, qu'il n'a même pas le niveau de Georges W. Bush. Seul Obama a compris qu'il fallait mettre vraiment le paquet sur le Pakistan. Il est même prêt à mettre deux brigades de plus pour nettoyer préalablement la zone ! Mais confier le bouclage et la purge des FATAs à une coalition OTAN-Pakistan comme il le rêve, me semble présomptueux. Il faudrait pour y parvenir acheter tout le monde au prix fort, jusqu'à peut-être l'état-major de Ben Laden (?!)
Ce sont des choses qui se font en Asie.



Note* : Le Sahara représente 84% de la superficie algérienne.
Note** : Al Qaïda veut dire : La Base.
Note*** : ANA : Armée Nationale Afghane
Note**** : Loya Jirga : Grand Conseil des Anciens, que nous appellerions ici assemblée des pairs.
Note***** du 23.07.08 : la première édition du billet décomptait un peu rapidement, et à notre étonnement d'ailleurs, 88000 hommes, mais certaines forces américaines (originellement hors NATO) étaient comptées deux fois chez la source. Sorry !



un homme
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lundi 21 juillet 2008

Le missile socialiste a fusé

hémicycle du Congrès
19:00 - La réforme constitutionnelle sarko-balladurienne est passée à une voix près au Congrès de la République française à Versailles ! Le texte officiel du projet de loi est accessible d'ici en cliquant sur le titre de ce billet. Ainsi la Constitution gaullienne verra son 24è amendement, et le transport législatif de 906 députés et sénateurs accompagnés de leurs porte-bidon et des services idoines d'huissiers, postiers et sandwiches, aura abouti à une farce comme les aime bien notre chère république. Le Congrès des Etats-Unis, en charge du Monde, ne compte que 535 membres, mais il est vrai que les Américains sont des obsédés fiscaux !

Il ne s'agissait paraît-il que de renforcer les droits du parlement. Quand on voit le sérieux des débats publics télévisés, on en tremble. Le Progrès de Lyon et Les Echos se sont donné la peine de faire un peu de pédagogie digeste en dépassant le "sensationnel" des comptes et décomptes. Il nous ont permis de comprendre que la réforme, même édulcorée par la lecture des chambres, inaugurait une VI° République, avatar de la IV° qui nous a conduit au putsch gaulliste de 1958, débarrassant la nation d'une république prébendière castrée.

balladur-sarkozy-lang
Les parlementaires reviennent au centre du "jeu" institutionnel. Ainsi va-t-on remiser sur l'étagère à poussière, et l'article 49-3 permettant de freiner le parlementarisme aigu de l'opposition systématique en y forçant les lois sous peine de dissolution du fromage, et l'article 16 autorisant la dictature républicaine d'un an en cas d'atteinte grave et générale à la sûreté de l'Etat.
Mais pour acheter les voix nécessaires, le pouvoir s'est bien gardé d'amputer les intérêts de ces messieurs des chambres et laisse continuer comme avant le cumul des mandats, la cooptation des candidats aux sénatoriales, la pléthore de sièges, en fait les avantages acquis.
La mesure phare restera le discours de politique générale du président de la République sur ses ergots chaque année devant le Congrès de Versailles ! Un vrai discours "transmondial" comme celui sur l'état de l'Union à Washington. Quel pied ce sera dans le palais du Roi Soleil !
Hélas ! L'urgence de la réforme n'a pas saisi le pays d'effroi et même le dynamitage socialiste s'il a fusé, est passé inaperçu dans son intention ! L'Opinion en a ras la casquette du maelstrom politicien permanent.
Sur la plage autour de moi, personne ne commente.

la garde au CongrèsTout revers aurait été sévère pour le petit reître qui se relève à peine du compte au tapis que les Irlandais lui ont infligé en ne comprenant rien, les bougres, au traité simplifié de 300 pages, ... incompréhensible à dessein ! Ne faut-il pas être dérangé pour s'émouvoir d'un vote caricatural sur un corpus juridique illisible et donc facilement caricaturé ? Le président aime tenter le diable ; s'il ne boit pas, il joue ! Parti à Dublin le jour du drame constitutionnel, il a pris le risque d'exacerber un rapprochement pervers de deux revers. Le jus d'adrénaline sans doute.

Il reste deux projets grandioses pour compléter le recalibrage présidentiel. Ils ne sont pas en cours de cuisson à l'Union européenne, ni dans les enceintes internationales qui implorent les services élyséens de leur envoyer M. Sarkozy pour ranimer la claque. Vous ne devineriez jamais.

La Rolex en or et l'épouse ravissante sont inutiles si vous descendez d'un avion de merde sur les tarmacs du monde. On gratte donc les fonds de tiroirs des caisses vides pour offrir à notre président hyperbolique son "Air Force One" comme en ont les présidents américains. D'ailleurs Bouteflika va avoir le sien, c'est un truc tendance ! On me dit dans l'oreillette que "Air Force One" est déjà pris à l'OACI. Qu'à cela ne tienne nous le baptiserons "Air Force Two" puisque nous ne sommes le troisième de personne. Damned ! C'est Dick Cheney qui a le "Air Force Two". Bon, nous allons déposer le code "Airforcetrois" ...

Second projet :
Pour faire trembler la planète, il faut des écrans muraux pleins de clignotants, de lignes de couleurs, d'histogrammes et d'horaires, et une terre en 3D où notre mini commander-in-chief puisse indiquer de la pointe d'un stick à conférences où nous porterons le feu dantesque de l'enfer atomique ! La salle stratégique de Taverny a le même âge que la salle de contrôle de Tchernobyl. Pour être sérieux et impressionner assez nos visiteurs et futurs ennemis - si vis pacem... -, il nous faut un PENTAGONE fourmillant de képis sur boutons de cuivre, des cracs informatiques à lunettes rondes partout, et des P.FAT bustées sur jupes fessues qui battent le parquet d'un talon haut décidé.

salle de controle ATT
C'est Hervé Morin qui s'y cogne ... à budget constant.
Il vend les bijoux de famille, dont l'îlot Saint-Dominique, pour nous bétonner un iceberg bunkérisé dans le quartier Balard (Paris XV°) ; c'est là que notre président a fait un jour son service militaire. On suivra avec attention les péripéties qui ne manqueront pas d'accompagner la mutation immobilière du VI° arrondissement de Paris. L'Armée conserverait toutefois l'Hôtel de la Marine Louis XV, place de la Concorde, pour recevoir le prince Charles, les émirs, l'amiral de la VI° Flotte, les maharadjahs, le chef d'état-major iranien, l'arbre de Noël des pupilles de la Nation et les pince-fesses d'Armes avant le Crazy Horse.
Le reste est Top Secret ! Il faut attendre le Canard Enchaîné.

Ceux des parlementaires de droite qui aujourd'hui ont voté contre ou se sont abstenus perdront-ils leur caserne ? On t'a prévenu Myard. Quant à François Fillon qui, pressentant le vent du boulet, avait exclu de démissionner, il a joué sa peau, à croire que nous avons un gouvernement de risque-tout : « Il est lisse comme sa mèche. Tout est faux, chez cet homme. Tout est fait par-derrière. Impossible d’avoir une vraie conversation avec lui » (dixit Sarkozy selon Le Point du 3 juillet 2008).

Après la mise à niveau international du traitement présidentiel, on va rajouter 16 millions au budget de communication de l'Elysée et 180 millions au confort de déplacement du chef de l'Etat et de ses amis.
Il était temps ! Au fait Tapie ne pourrait-il pas prêter un peu sur sa cagnotte?


sceau du Congrès
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vendredi 18 juillet 2008

Ian l'Africain

Ian Douglas SmithLe billet précédent m’a remis en mémoire des discussions que j’avais eues toute une année dans un bar corse de la Contrescarpe où nous étions quelques uns « Behind Rhodesia » à refaire l’avenir du diamant blanc d’Afrique australe si mal taillé. Et nous parlions de l’incroyable Smith, la « paire » la plus lourde d’Afrique !
Chevalier moderne à la quête de l'impossible graal, Ian Smith fut aussi de ces boxeurs qui ne jettent jamais l'éponge et se relèvent toujours du countdown, la gueule cassée. Il a tout essayé pour "sauver" la Rhodésie du cancer marxiste-léniniste, jusqu'à l'égalité absolue "un homme, une voix", ce slogan ravageur qui ouvre la porte à toutes les manipulations d'idées et arithmétiques. Comme dans tous les bons romans de chevalerie, l'histoire finit mal pour le héros, dépêché dans la fleur de l'âge, mais pour contredire les légendes, le lion au coeur fidèle sauva sa vie et mourut tard ...

Il naquit un 8 avril 1919 dans le bush rhodésien à Selukwe (Shurugwi), un bourg agricole et minier (chrome) où son père d'origine écossaise était chevillard. La guerre interrompit ses études à l'université de Grahamstown (RSA) pour l'enrôler dans la RAF en 1941 comme pilote volontaire. Affecté d'abord au Moyen-Orient dans une escadrille rhodésienne sur Hurricane, le 237° Squadron, il se blesse au décollage à Alexandrie en 1943 et en sort défiguré et borgne. La chirurgie plastique de l'époque lui redonnera un visage humain mais le fera souffrir jusqu'à la fin de ses jours.

spitfire
Il remonte en 1944 sur Spitfire dans une escadrille de chasse basée en Corse qui escorte les bombardiers américains en route pour l'Allemagne. Il est descendu à la mi-44 au-dessus du Pô et saute en parachute derrière les lignes allemandes. Il les traverse et rejoint le maquis italien de Sasello où il se terrera 5 mois en attendant que le front allié avance vers lui. Il passera alors en France libérée pour rejoindre son escadrille et continuer de voler jusqu'à la fin de la guerre.
Il retournera ensuite à l'université Rhodes de Grahamstown pour finir sa licence en commerce, se mariera en 1948 et achètera une exploitation agricole chez lui à Selukwe. Il est bientôt élu député et commencera sa carrière politique, animé d'une foi inébranlable dans le développement nécessaire de l'Afrique australe par les Blancs, seuls capables de faire aboutir ce projet.

drapeau de la république de Rhodésie
La Grande Bretagne confrontée comme la France et le Portugal à la vague de décolonisation, se mettra en travers du projet "suprémaciste", confiant aux richesses naturelles de l'Afrique australe le soin d'aplanir les difficultés du passage de témoins entre les colons et les natives. Dans tous les cas de figure c'était un mauvais calcul. La lutte politique durera quinze ans, de la première contestation du projet anglais en 1964, en passant par la déclaration d'indépendance du 11 novembre 1965 qui précèdera la proclamation de la République de Rhodésie le 2 mars 1970, jusqu'à l'avènement du premier ministre noir en 1979, Mgr Abel Muzorewa.
Les guérillas communistes de Robert Mugabe et Joshua Nkomo l'emporteront finalement aux élections de 1980 qui se dérouleront dans un climat de terreur ordinaire et de bourrage d'urnes, sous le regard impavide de Londres, débarrassée du fardeau rhodésien pour de bon.

éléphant de face
Ian Smith restera un moment ministre sans portefeuille du nouveau gouvernement, s'occupant de promouvoir son pays auprès des investisseurs étrangers, puis il sera chassé par Mugabe. Il se retirera alors dans sa ferme à Shurugwi qu'il parviendra à conserver ; puis avec l'âge, il reviendra à Harare contempler la descente aux enfers de sa chère Rhodésie, jusqu'à ce que la maladie ne le rattrape et l'envoie se soigner au Cap en 2006. Quelques chiffres lui donnent raison :

Extrait d'une relation de voyage au Zimbabwe de JP Turquoi du Monde (juin 2008) :
Deux billets de banque traînent sur le trottoir d'une avenue d'Harare. Ce sont des coupures de 100 millions de dollars zimbabwéens. Pourtant, aucun passant ne se baisse pour les ramasser. Car ils ne valent rien. Absolument rien. Mi-juin, une cigarette coûtait 300 millions de dollars et un minuscule paquet de cacahuètes deux fois plus. Pour s'offrir un café, il fallait débourser 1 milliard de dollars. Sans compter le pourboire. Laisser moins de 200 millions était pris pour une insulte.
Les prix valsent d'un jour à l'autre. Fin juin, le billet vert américain, la monnaie de référence, s'échangeait contre 6 milliards de dollars zimbabwéens. Les billets de 100.000 qui avaient cours en 2007 ne sont déjà plus qu'un souvenir. Avant même d'avoir été patinés en passant d'une main à l'autre, ils ont été balayés cette année par les coupures de 10, 50, 100, puis 250 millions de dollars. Entre-temps, la banque centrale a tenté une sorte d'opération coup de poing en retirant de la circulation tous les billets dont la valeur allait être divisée par 1 000. L'opération a été un fiasco.
Depuis quelques mois, de nouvelles coupures ont fait leur apparition. Il ne s'agit plus de billets de banque, ni de chèques au porteur, mais de special agro-cheques, dont la valeur va de 5 milliards à 50 milliards de dollars. Dans quelques semaines, des special industrial-cheques de 100 ou 1 000 milliards vont peut-être voir le jour.
(source full size).


dollar de collection
Ian Smith mourut à 88 ans chez sa belle-fille près du Cap le 20 novembre 2007. Fut-il pour quelque chose dans l'avènement de Mugabe et en conséquence dans la ruine de son magnifique pays ? D'aucuns pensent que sa résistance acharnée exacerba la force des organisations extrémistes noires qui prirent finalement le pouvoir à la barbe de l'establishment modéré. C'est l'opinion du Telegraph de Londres.

Feue la République de Rhodésie a conservé une ambassade à Reykjavik (Islande) et une communauté.


Cinq minutes avec Ian Smith



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mardi 15 juillet 2008

La nuée de criquets communistes

Mugabe et Mbeki à Charm
L'Afrique australe va mal. Plus mal ! Alors que le Monde fêtera dans trois jours le 90° anniversaire de Nelson Mandela et ce faisant, le tour de force qui consista à contenir la mutinerie générale des "soutiers" contre le "pont" du navire sudafricain, les démons de la tyrannie la plus crasseuse reprennent des couleurs dans la région d'Afrique la plus prometteuse, jadis.
Bob Mugabe, héros communiste de la révolution noire, gangster et aujourd'hui tyran à demi-fou de bande dessinée, siège au milieu de ses "pairs" dans les enceintes de l'Union africaine.

MbekiLe président Duracell du Gabon nous dit tranquillement sur le ton de "va te faire foutre" que Mugabe exerce une fonction légitime depuis qu'il a été réélu. Il endosse la mascarade sanglante et d'autres avec lui. Quand on y regarde de près, la crapule n'est pas le héros fou mais son voisin et compère, le très élégant Thabo Mbeki. A la tête de l'Etat le plus puissant d'Afrique noire, le président Mbeki, sous l'Armani diplomatique (il représenta longtemps l'ANC à l'étranger) est intellectuellement un jacobin froid, presque paranoïaque :«la solidarité anticoloniale prime toute démocratie». Il n'eut de cesse de protéger le gang Mugabe dans sa captation de l'héritage rhodésien. Est-ce un message indirect adressé au bizness blanc de RDSA ? Il serait maladroit au moment où son absence de politique économique pénalise la croissance de la RSA qui manque ... d'électricité, mais en exporte chez ses voisins "méritants". Le président actuel de l'ANC, Jacob Zuma, sent la dérive meurtrière et le prend publiquement à contrepied en proclamant que Mugabe a pété les plombs.
Même lorsque ses propres ressortissants déclenchent des pogroms contre les Zimbabwéens réfugiés en RSA parce que la crue humanitaire devient insupportable pour eux, Mbeki persiste : quelques semaines avant le second tour des élections truquées il descendait sur le tarmac de l'aéroport d'Harare pour se faire accueillir chaleureusement par Mugabe en personne, sous les caméras du monde entier. Y a-t-il un mot plus dur que "pied-de-nez" ?

Premier Ian Smith et l'establishment noir de Rhodésie
Ce qui est étonnant au premier abord est de voir des autocrates labellisés dénoncer le régime cruel et illégitime du Zanu-PF : avant le sommet africain de Charm el-cheikh du 30 juin, le président Mwai Kibaki du Kenya, très mal réélu pendant les émeutes politico-ethniques de la Noël passée, le raïs égyptien et l'inénarrable colonel-bédouin de Libye, avaient tous les trois mais séparément appelé l'UA à prendre en considération le problème zimbabwéen, jusqu'à peut-être y envoyer un corps expéditionnaire de purge, mais c'était avant le second tour grotesque ! Ont-ils eu peur que les excès dans la caricature des dictateurs ne finissent par déteindre sur leurs opinions domestiques ? Je le pense. Le second tour des élections bien ou mal passé, les mêmes ont oublié leurs ardeurs "démocratiques" et le Zimbabwe ne fut pas inscrit à l'ordre du jour de la conférence comme problème à résoudre par l'UA. Ces messieurs confient leur stress au temps.

Par contre, que les Russes et les Chinois aient bloqué les rétorsions onusiennes n'est pas inconséquent. Le peuple zimbabwéen écrasé sous la botte de fer de la Connerie sans frein, aurait été immédiatement puni pour des résolutions étrangères émoussant les griffes de la clique, et risquait de connaître une terreur pire encore ; les modèles ne manquent pas ; de plus, la porosité volontaire des frontières sudafricaines aurait ruiné toute efficacité dans leur application. L'Afrique du Sud au Conseil de Sécurité s'est opposée publiquement à toute sanction contre ses potes voyous. Il faudra les avoir autrement, en impliquant certains voisins "intéressés" à la reconstruction d'un Zimbabwe florissant, et les prendre par où ils ont péché, par la cupidité.

Dessin de Chappatte chez Globe Cartoon
cartoon Zimbabwe par Chappatte
Le régime peut-il se maintenir longtemps ? Oui, comme à Cuba ! Et non, s'il suit les traces de la dictature Duvallier en Haïti. Mugabe a 84 ans et va débuter son processus de liquéfaction, mais la clique qui tient la police et l'armée, et une grande partie de l'économie rémanente, ne lâchera pas prise. Même déstabilisée par la mort du leader fou, elle saura préparer sa succession (où est le Baby Doc local ?) et certaines âmes charitables sauront la conseiller dans un chantage international au développement des masses misérables, mais pour son propre profit immédiat puisque la réforme foncière par expulsion des fermiers blancs s'est faite toute à son avantage ; du moins chez le notaire, car ils sont incapables d'exploiter correctement leur « trésor de guerre ».

sticker RhodesiaPour le moment, le pays n'est même plus l'ombre de l'ancienne Rhodésie, un quart de la population a fui la misère et la répression policière, principalement vers l'Afrique du Sud ; l'hyperinflation (aucun chiffre faramineux n'est même plus significatif - que veut dire 100.000% ?) est le signe d'une économie détruite,comme sous un bombardement intense ; le chômage est à 75% sinon plus ; l'espérance de vie est passée sous la barre des 40 ans ; le SIDA fait rage. Et les accolades continuent !

L'Afrique du Sud organise la Coupe du Monde de Foot de 2010 : le Zimbabwe pâtissant de son silence assourdissant, sera-t-il son "Thibet" ? On en parle ...



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