lundi 27 février 2017

Purges démocratiques


Ce long billet a paru en Libres propos dans les pages 5 et 6 du bimestriel Le Lien légitimiste n°73 qui vient de tomber dans les boîtes. Rédigé le dix février, il n'anticipe aucun événement grave pouvant faire dérailler la campagne électorale pour un prochain président de la République. Il constate et explique la situation de chaque camp à une date donnée. Il entre en archives Royal-Artillerie sous le libellé LLL. L'iconographie est propre au blogue.

Sommaire du numéro 73 (janvier-février 2017)

* Editorial de Gérard de Villèle : Autour de Saint-Denys...
* Les libres propos de Catoneo : Purges démocratiques
* L'impôt juste existe-t-il ? par Gabriel Privat : Causes du poids de l'impôt. Une croissance continue de l'État face à une société décomposée.
* Points d'histoire d'Alain Cohen : Les procès des anciens intendants durant la Révolution
* Commentaires et apostilles de Franck Abed : Les Monarchies dans l'Europe moderne...


Avec l'aide de la presse, le régime républicain se sera défait de quasiment tous les chefs de parti et autres champions endémiques à la démocratie en l'espace de quatre mois. On assiste à une véritable reprise en main par l'Opinion de la représentation nationale qui devrait s'achever par la purge des parlementaires douteux au mois de juin prochain. La première louche d'huile de ricin fut administrée le 13 novembre 2016 au parti écologiste pour sortir Cécile Duflot de la compétition, puis vint l'abdication du président sortant, l'évacuation des ténors historiques de la Droite (un ancien président, un ancien premier ministre, un ancien chef de groupe), la chasse sanitaire du premier ministre Valls tirée par les derniers collectivistes de Solférino, et in fine la désintégration de la probité impeccable du vertueux monsieur Fillon, rattrapé par sa boulimie discrète de dépenses publiques contre lesquelles il disait se battre. Gravement blessé, il continue !

François Fillon ne voit pas de motif à l'irritation des gens dans l'affaire de son attachée parlementaire. Retranché derrière le paravent bien mince de la légalité du montage familial, il n'a pas compris qu'on l'accuse de goinfrerie, formule ramassée pour emploi fictif avec enrichissement personnel. Contenir et réduire la dépense publique ne commence-t-il pas en bridant son propre appétit ? Non ! Il nous faut lois et décrets, disputes parlementaires à grand tapage pour serrer au gosier. On ne peut se restreindre de soi-même, tant qu'il y en a faut-il en prendre ? C'est le syndrome du croupier qui ramasse au râteau tous les jetons de la table. Aveugle, au point de ne pas remarquer qu'au moment du scandale quatre-vingt-onze pour cent des députés ne s'abandonnaient plus au népotisme y trouvant peut-être à redire, le candidat de la Droite propre croit traverser l'amoralité de sa position sans dommages irrémédiables. La légalité, la morale et la façon d'en parler sont trois chapitres différents dont un candidat doit s'imprégner. François Fillon n'a voulu lire que le premier et a compromis ses chances, surtout chez les petites gens de la besogne tranquille ne gagnant pas beaucoup, qui sont effarés par les sommes engagées, présentées d'ailleurs de manière habile par la presse. Imperturbable, Marine Le Pen campe debout le dernier recours au milieu des ruines. Pour l'instant.

Lui fait face, avec des chances réelles de la battre, le dernier avatar du hollandisme consensuel : Emmanuel Macron. Les soutiens rapides obtenus en même temps que sa trahison, l'engouement des foules piétinant à milliers devant les estrades, le ralliement continu de parlementaires socialistes et du Centre, tout laisse accroire une formidable rénovation de la politique politicienne, sans programme. En est-il seulement besoin ? Connaissant la propension du chef de l'Etat à organiser les courants partisans, on peut aussi avancer l'hypothèse d'un coup d'Etat contre la Gauche jurassique : après le constat d'une impopularité irrattrapable du chef socialiste et celui de l'impossibilité de réduire la Fronde imbécile qui bloquait toute loi réformiste obligeant le ministre à passer en force, il est permis d'imaginer que les caciques du canal hollandien aient décidé de déplacer le cadre de pérennisation de leurs emplois hors des structures institutionnelles du Parti encombrées d'agitateurs.

C'est assez simple : depuis les débats en commission parlementaire, les députés ont été séduits par le charisme du ministre Macron capable de tenir le crachoir à ses contempteurs quatre heures durant, le coude sur le classeur sans l'ouvrir, parce qu'il connaissait à fond son projet de loi ; un peu - dit en passant - comme le faisait Jérôme Cahuzac dans les mêmes circonstances, éblouissant son auditoire pour avoir enfermé dans sa tête tout le budget de la nation, chapitre par chapitre.
Alors, usés par les tergiversations du locataire de l'Elysée et inquiets pour la perpétuation de la rente, les responsables socialistes voient en M. Macron leur sauveur, tant dans l'image avantageuse du yuppie chanceux que par le fait, rarissime dans leur rangs, d'avoir gagné beaucoup d'argent sans trop ponctionner la prébende républicaine ni piller les allocations. "On" lance donc En Marche et on laisse s'entre-tuer la vieille garde ringarde dans une primaire organisée pour évacuer le premier ministre démissionnaire contre lequel M. Hollande garde une dent. Puis ça se complique. Le candidat sélectionné le 29 janvier par la Belle Alliance populaire est le chef des Frondeurs, marqué à la culotte par l'alliance révolutionnaire des Insoumis dont le champion, excellent tribun, amasse des foules à chaque meeting. Comme il est très difficile à Benoît Hamon de rallier les suffrages sociaux-démocrates qui sont drainés par En Marche, il doit puiser dans le même baquet de suffrages révolutionnaires que le mouvement de La France Insoumise de M. Mélenchon, ce qui pourrait diviser par deux les voix de la Gauche utopique... sauf ! si le Conseil national du Parti communiste décidait de rallier le Parti socialiste gauchi, en se purgeant du vieux prébendier orgueilleux qui patine sous les dix pour cent d'intentions de vote. Question de générations : contre le démon Macron, vaut-il mieux jouer la carte de la jeunesse Hamon ou celle de M. Mélenchon ? La nouvelle alliance PCF-PS ne prendrait que le risque de figurer au second tour de la présidentielle après une énième révision sémantique du projet collectiviste ! Même s'il lui en coûte, M. Mélenchon ne met qu'une condition à son ralliement : que M. Hamon se coupe des soutiens Vallsistes (peu nombreux) contre lesquels ils se battent ensemble depuis des années. Feu vert alors pour paraître au second tour avec des chances sérieuses de l'emporter et dynamique électorale assurée pour les élections législatives, outre le fait que le candidat écologiste à deux pour cent Yannick Jadot pourrait rallier M. Hamon (sous réserve d'abandon programmé de la filière nucléaire) et assurer le coup. L'épée de la victoire est dans la main de Jean-Luc Mélenchon, il doit s'en traverser le corps pour survivre.

Dans l'hypothèse où la Gauche dure resterait divisée entre égos et où le candidat-système Macron franchirait l'obstacle pour l'emporter à la fin sur Marine Le Pen, tous les députés frondeurs seraient liquidés en juin par l'oligarchie menacée. En ce cas et seulement en ce cas, les parlementaires qui auraient compris l'embrouille magistrale du Premier secrétaire de Corrèze renaîtraient sous l'enseigne En Marche et conserveraient un nombre important de sièges dans la prochaine législature à mesure que tomberaient dans l'escarcelle les sections locales. Le Parti socialiste canal réformiste et ses prébendes seraient sauvés, ailleurs et autrement ! On comprend l'engouement manifesté pour M. Macron dans les travées socialistes, enrichies du renfort de la bourgeoisie d'Etat qui met au pot sans compter.

Il reste un chef historique à décapiter mais il se méfie. François Bayrou bénéficie d'une image sympathique dans l'Opinion qui lui permettrait de capter quatre ou cinq pour cent des suffrages à la présidentielle. Et c'est un bon débatteur. Si la candidature d'Alain Juppé le déportait hors-champ par la promesse d'un groupe parlementaire centriste à lui, l'évacuation du maire de Bordeaux l'autorise désormais à pourrir le débat. Ce gage de 4% serait ponctionné sur les suffrages qui vont à Emmanuel Macron, le mettant sérieusement en danger. Ce danger se négocie ou se joue. Nul ne sait encore à l'heure de ce billet si M. Bayrou traversera le Gave de Pau mais il est tenté d'exercer ce chantage. Pour finir, quid de la reine des sondages ? On purge encore...

Marine Le Pen brisera-t-elle cette fois le "plafond de verre" ? Tout comme l'utopie généreuse de Benoît Hamon, l'étrécissement de l'épargne populaire par l'abandon de l'euro et le débondement de la dette dans une relance keynesienne pourraient lui coûter la victoire par défection de la classe moyenne-basse où gisent les parts de marché qui lui manquent ; nonobstant l'effet de repoussoir d'une nationalisation coûteuse des secteurs stratégiques et un retour au Plan du modèle russe qui a passé de mode. Le programme du Front pèse une grosse de mesures (144) dont on peut ne retenir que le Frexit référendaire et la ligne Maginot en guise de résumé. Passer de vingt-cinq à cinquante-et-un pour cent exige un doublement des voix : l'échec éventuel du Front national en mai prochain paverait la voie du succès vers l'élection en 2022 du seul député maison qui ait montré carrure intellectuelle et charisme dans les débats à la Chambre comme sous les préaux électoraux : Marion Maréchal-Le Pen serait la candidate naturelle du parti rénové dans cinq ans parce qu'elle surclasse les technocrates de sa tante, engoncée par eux dans un discours binaire "Bruxelles - Immigration". Ainsi se terminerait le cycle des purges démocratiques de tout le spectre politique français et le rajeunissement bienvenu de l'establishment. On relèvera quand même que le modèle électoral est en défaut puisque dans la dernière ligne droite, le suffrage universel sera pris en otage par deux candidats d'appoint appelés au suicide : Jean-Luc Mélénchon et François Bayrou.

Terminons sur une curiosité. Au milieu de l'orage qui foudroie tout politicien debout, le ciel s'échancre pour entrapercevoir l'embellie monarchiste. Etonnant ? Depuis le 1er décembre, nous vivons en monarchie. Libéré des grimaces de la communication démagogique, le chef de l'Etat fait le job dans les règles et sans doute avec plaisir. Il ne rit plus comme un benêt à tout bout de champ dès que se montre une caméra ; son cabinet mené par l'austère monsieur Cazeneuve épaulé de ministres tristes, se fait oublier à tel point que les bancs du Palais Bourbon sont souvent clairsemés. On sent que le pays est géré, les décrets passent, sa diplomatie existe, ses avions bombardent, son artillerie canonne. A l'exception d'empiétements sur notre vie personnelle, comme il en va des ministres acharnés Rossignol et Touraine, l'étage régalien des pouvoirs est navigué en eau calme, loin des quarantièmes rugissants de l'an dernier. Le pouvoir s'exerce en complet détachement des circonstances politiques. De fait, nous vivons un espace de temps conforme au projet monarchiste français : des fonctions essentielles réservées au-dessus de la mêlée gauloise et n'interférant pas avec la dispute subalterne. Le rêve passe lentement !
10 février 2017


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2 commentaires:

  1. Ici la carte de pêche journalière coûte 15 euros.: je vous l'offre! Les 23 avril et 07 mai on ira pêcher dans la Vésubie, puis on descendra à Nice manger une part de tourte aux blettes dans" le Vieux " [Nice] en évoquant l’Ecclésiaste : "Rien de nouveau sous le soleil". Car n'en doutons pas: le 8 mai 2017 sera identique au 07. A la rigueur le soir, on pourra regarder "House of cards" (la version anglaise, of course) sur Netflix

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    1. Un grand merci pour votre invitation. On ira voir les Erythréennes sauter le ruisseau. Mais plus probablement j'irai voter pour mes idées si elles ont franchi le barrage des 500 pour rétribuer l'effort de celui qui les aura portées. Le 7 mai je retournerai à la mouche comme la dernière fois ici (clic).

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