mercredi 30 mars 2005

Constitution, la lumière viendra d'en haut


Le débat constitutionnel montre d’évidence que le peuple convoqué se fie plutôt à ses représentants qu’à ses propres analyses, perdu qu’il se trouve devant le texte ouvert sur des complications indéchiffrables. C’est donc bien de la responsabilité des élites politiques d’éclairer le plus honnêtement possible selon les capacités particulières de chacun, les gens du commun qui forment le gros des troupes laborieuses et démocratiques. Il doit y avoir un mouvement vertical du savoir qui doit investir l’espérance de la nation jusqu'à décider le "peuple souverain" en son âme et conscience de nous dire ce qui sera bon pour elle. Ne nous leurrons pas, l'individu qui à millions constitue le peuple, est majoritairement égocentrique, et laisse le destin de la nation aux ânes ou aux lions qui selon l'époque le gouvernent.

Jusqu'à présent d'un bord à l'autre, on se contentait d'amuser la galerie avec des arguments de préaux, ici la "connerie" agriculturelle, en face l'invasion polonaise. Mais les choses allant dans le mauvais sens pour les progressistes du "oui", il est temps de passer de la résonance au raisonnement. Et là commencent les difficultés.
Dans le camp du oui, on ne peut pas faire seulement campagne "contre le non" avec des arguments usés du style " les partisans du non sont mécontents de l'Europe, par le non ils conserveront l'Europe de leur mécontentement".
Dans le camp du non, on ne pourra pas longtemps tenir sur les arguments poujadistes qui vont tourner à la rengaine. De plus certaines personnalités du monde politique et de celui de l'agit'prop qui se sont jetées dans le camp du refus ne le servent pas vraiment de leur image.

Puisque la nation est en grand péril et l'Etat au risque de chanceler, il faut quitter la langue de bois des récitations énarchiques que le "souverain peuple" n'entend plus, et passer à la pédagogie, convoquer l'intelligence. C'est un peu ce que demande le texte de Charles Maurras que nous reprenons aujourd'hui dans L'Avenir de l'Intelligence.
Charles Maurras
« Rien n’est possible sans la réforme intellectuelle de quelques-uns. Ce petit nombre d’élus doit bien se dire que, si la peste se communique par simple contagion, la santé publique ne se recouvre pas de la même manière. Leurs progrès personnels ne suffiront pas à déterminer un progrès des mœurs. Et d’ailleurs ces favorisés, fussent-ils les plus sages et les plus puissants, ne sont que des vivants destinés à mourir un jour ; eux, leurs actes et leurs exemples ne feront jamais qu’un moment dans la vie de leur race, leur éclair bienfaisant n’entrouvrira la nuit que pour la refermer, s’ils n’essaient d’y concentrer en des institutions un peu moins éphémères qu’eux, le battement de la minute heureuse qu’ils auront appelée sagesse, mérite, vertu.

Seule l’intelligence, durable à l’infini, fait durer le meilleur de nous. Par elle, l’homme s’éternise : son acte bon se continue, se consolide en habitudes qui se renouvellent sans cesse dans les êtres nouveaux qui ouvrent les yeux à la vie. Un beau mouvement se répète, se propage et renaît ainsi indéfiniment. Si l’on veut éviter un individualisme qui ne convient qu’aux protestants, la question morale redevient question sociale : point de mœurs sans institutions. Le problème des mœurs doit être ramené sous la dépendance de l’autre problème, et ce dernier, tout politique, se rétablit au premier plan de la réflexion des meilleurs.

Je comprends qu’un être isolé, n’ayant qu’un cerveau et qu’un cœur, qui s’épuisent avec une misérable vitesse, se décourage, et tôt ou tard, désespère du lendemain. Mais une race, une nation sont des substances sensiblement immortelles ! Elles disposent d’une réserve inépuisable de pensées, de cœurs et de corps. Une espérance collective ne peut donc pas être domptée. Chaque touffe tranchée reverdit plus forte et plus belle.
Tout désespoir en politique est une sottise absolue. »

Pour respirer aux entr'actes voici en cadeau un petit opuscule touristique de Léon Daudet et Charles Maurras, Notre Provence (flammarion 1933) offert par le CIEL d'Oc de Berre-l'Etang. Merci au Ciel.
Léon Daudet Posted by Hello



Je terminerai par ce petit poème d'Anatole France destiné à une préface pour Maurras.

Le long du rivage sacré,
Parmi les fleurs de sel qui s’ouvrent dans les sables,
Tu méditais d’ingénieuses fables,
Charles Maurras ; les dieux indigètes, les dieux
Exilés et le dieu qu’apporta Madeleine
T’aimaient ; ils t’ont donné le roseau de Silène
Et l’orgue tant sacré des pins mélodieux,
Pour soutenir la voix qui dit la beauté sainte,
L’harmonie et le chœur des lois traçant l’enceinte
Des cités, et l’amour et sa divine sœur,
La mort qui l’égale en douceur.

samedi 19 mars 2005

Sané, architecte naval de Louis XVI

Qui se souvient hors de Bretagne de Jacques Noël Sané ?

Né en février 1754* à Brest, Sané entre comme élève à l'arsenal de la ville en 1769 et progresse jusqu'au grade d'ingénieur. Il apportera des améliorations aux navires de guerre qu'il construit dans ses cales jusqu’à être reconnu par les Anglais comme le maître des carènes. En 1793, il obtient la charge de directeur du port de Brest, et prend part à l'organisation de la flotte commandée par Villaret de Joyeuse. En 1796, Sané entre à l'Institut dans la 1ère Classe des Sciences et des Arts, puis ils est nommé inspecteur général du génie maritime.
Note: (*) l'Institut déclare sa naissance un 18 février 1740, ce qui le ferait entrer à l'Académie des Sciences à 56 ans, le 9 ventôse de l'an IV. L'année "1754" comme année de naissance correspond mieux à son CV.

Mais il faut commencer par le professeur qui fit éclore le génie :

Duhamel & Sané Posted by Hello

Henri Louis Duhamel du Monceau (1700-1782)
Agronome universel, encyclopédiste, il finit président de l’Académie des Sciences. Esprit insatiable il montra très tôt une prédilection pour les choses de la marine et produisit à la requête de Maurepas, ministre de Louis XV, des précis techniques comme l’Art de la corderie, des Eléments d’architecture navale, et d’autres ouvrages fondamentaux sur la santé des équipages à la mer, et même un Traité des pêches fort en avance sur son temps.

Cette époque vivait encore, pour la construction navale, sur les secrets de charpenterie, transmis de père en fils ou de maître à apprenti. Ceci n’était pas le meilleur gage de progrès. Nommé inspecteur général de la marine royale en 1739, il crée au Louvre une école d’élèves ingénieurs de la navale et convertit ses élèves, dont Sané de Brest, à sa méthodologie faite d’analyses en profondeur, expérimentation poussée des thèses en découlant, application surveillée des techniques choisies, privilégiant toujours la pratique.
Les Eléments d’Architecture Navale (1752), abondamment illustrés, font apparaître au grand jour les fameux « secrets » de charpenterie en les théorisant. Cette bible de la construction navale sera rééditée régulièrement, mise à jour en 1758 et, comble d’honneur, traduite par les Anglais en 1765.

Jacques Noël Sané fit toute sa carrière à l’arsenal de Brest. C’était un pur, entièrement dévoré par le feu de la construction navale, que rien ne put éteindre, pas même la Révolution française et son cortège de misères qui réduisit la marine royale presqu'à un tas de bois.
Brest était alors à l’extrême occident de la jeune république et son ravitaillement forcément par mer était régulièrement coupé par les Anglais, qui par exemple sur le seul mois de mars 1796 avaient capturé vingt-cinq navires de charge destinés à Brest. Malgré tout, l’arsenal continuait à armer les navires, à construire des carènes, sur la base de matériau de récupération parfois. On le voit solliciter l’arsenal de Lorient pour des souliers et des vareuses d’équipage, son collègue de Saint Malo pour des gréements d’occasion à récupérer sur les vaisseaux de commerce, avec leurs vieilles voiles, s’il vous plaît. Sané, l'architecte-passion !

Tout avait commencé sur la planche à dessin. Neptune avait sans doute posé son doigt sur le front du jeune Sané car il dessina très tôt des carènes parfaites. Voir une de ses planches de lignes d’eau, c’est remarquer tout de suite l’élégance des formes, des couples, des lignes de fuite. Comme toujours la finesse engendre la vitesse. Le génie de Sané y ajouta l’évolutivité qui rendait le bateau plus manoeuvrant que ses adversaires parfois moins gros. Peu de ses plans ont survécu à l’histoire tumultueuse de l’époque. Il atteint l’apogée de son art avec les frégates de 18 et les vaisseaux de 74. Et son chef d'oeuvre fut l'Orient, né Dauphin Royal, de 120 canons, coulé par Nelson à Aboukir. Ci-dessous une maquette exemplaire d'un 74 armé de canons Gribeauval.
le Sané 74 Posted by Hello

Mais comme l’artilleur génial que nous avons évoqué dans ce blogue, Sané ne se contenta pas de la perfection de l’épure. Ce fut un constructeur ; et plus fort encore, un adepte de la standardisation. Une fois les plans avalisés, ils devaient être scrupuleusement suivis pour construire des unités à l'identique dans les dimensions, la forme de carène et les lignes d'eau. Cette méthode s’insérait dans la politique d’uniformisation décidée par les ministres de la marine afin de pouvoir manœuvrer en escadre avec des vaisseaux capables du même comportement à la mer.

Il y avait trois « rangs » de vaisseaux standards :
Le premier rang constitué de trois-ponts de 118 canons et deux-ponts de 80 canons, le deuxième rang constitué de deux-ponts de 74 canons, le troisième rang constitué de deux-ponts de 64 canons. Sur les plans de Sané, on construisit 107 vaisseaux de 74 canons identiques, 35 de 80 canons et 9 de 118 canons. Les Anglais qui capturèrent le Commerce-de-Marseille de 118 canons à Toulon en 1793 firent rapport à l’Amirauté en ces termes : « Vaisseau aux lignes exceptionnellement fines, bon navire de haute mer [...]. En dépit de ses dimensions, navigue comme une frégate, a une bonne tenue à la mer. Peu de navires sont comparables à lui, c'est un remarquable navire, très sûr et aisé ». Quant aux frégates de 18 « modèle Sané » il s’en construisit 143 jusqu’à la fin du Premier Empire. Les Anglais qui les copièrent ne parvinrent jamais à les dépasser.

Pour finir nous donnons l’état de la marine royale au tournant de 1789. La marine de guerre comptait dans ses registres 71 vaisseaux de ligne, à flot ou en chantier, 64 frégates, 45 corvettes, 32 flûtes et gabares. Concrètement elle pouvait aligner 60 vaisseaux et autant de frégates. C’était déjà pas mal, et malgré les difficultés budgétaires, le comte de la Luzerne prévoyait de lancer avant la fin de l’année 12 vaisseaux et 10 frégates neuves.
75000 marins et 5000 canonniers formaient les équipages que commandaient 2000 officiers. S‘y ajoutaient 14000 fusiliers marins embarqués.
La flotte était répartie entre trois grands ports militaires, Brest, Toulon et Rochefort et quelques ports secondaires comme Lorient (avec l’arsenal de la Cie des Indes), le Havre de Grâce, Dunkerque, Bordeaux, Bayonne et Marseille. Indépendamment des forces navales stationnées dans les ports, une escadre d'évolution tenait la mer afin d'entraîner les personnels. On renouvelait les bâtiments à la mer chaque année.
Le roi Louis XVI était un roi géographe ; il aimait sa marine.

La Révolution rapidement aux abois, ne put soutenir l’effort budgétaire nécessaire d’autant que le roi de France avait fait la paix avec l’Angleterre et qu’il n’y avait aucun péril en mer. La marine se dégrada rapidement, les équipages travaillés par les évènements se mutinèrent, les ouvriers des arsenaux défilaient plus qu’ils ne travaillaient. C’est l’époque où Sané, perdu à Brest, comme nous l’avons vu plus haut, fait des pieds et des mains pour livrer au gouvernement la flotte nécessaire à l’expédition d’Irlande, à base de refontes surtout. A la déclaration de guerre avec l’Angleterre, la marine n’avait plus la puissance que nos adversaires redoutaient tant. Pourtant, avec des équipages de bric et de broc à l’image de nos bataillons terrestres, elle sut tenir son rang avec des heures glorieuses et d'autres terribles, jusqu’à Trafalgar (1805).

Quand Bonaparte prend le pouvoir, les arsenaux sont dans un état déplorable. Brest très exposée a été délaissée. Toulon, touché par le siège anglais, ne vaut guère mieux. Seul Rochefort fonctionne à peu près. De 1800 à 1805, un gros effort de reconstruction est entrepris en vue de l’invasion de l’Angleterre. Trafalgar et l’abandon du camp de Boulogne amènent un redéploiement vers Anvers où depuis 1803 se constitue un immense chantier naval.
L'arsenal de Venise est développé. Cherbourg fait l’objet d’importants travaux et son avant-port est inauguré en 1813. Toulon retrouve son activité, Rochefort également. Malgré Trafalgar, les résultats de l'Empire sont loin d’être mauvais en construction navale. En 1814, il y a 73 vaisseaux de ligne armés et 31 autres en cours de construction.

Jacques Noël Sané, ingénieur d'excellence, s’est éteint comblé d'honneurs le 22 août 1831, baron et président de l'Académie des Sciences. Quelques rues portent son nom dans des villes de la côte bretonne; il mériterait mieux.

Le Vaisseau de 74 canons de Jean Boudriot (éd. Ancre) est l’ouvrage de référence si vous souhaitez poursuivre. Sur le site de l’éditeur vous trouverez aussi de très belle planches.

vendredi 11 mars 2005

Hommage au canon Gribeauval

Royal Artillerie se devait d’évoquer la dernière contribution royale à la patrie des armes, en l’espèce le canon Gribeauval, qui donna aux armées de Rochambeau puis à celles de la Convention, du Consulat et de l’Empire, la supériorité sur tous leurs adversaires.
A tout seigneur …

Jean-Baptiste Vaquette de Gribeauval, général français, né à Amiens en 1715, mort à Paris en mai 1789, entra comme volontaire au Royal-Artillerie en 1735. Il devint officier dans le corps des mineurs, et se fit connaître par un rapport remarquable sur l'artillerie prussienne. Marie-Thérèse d’Autriche le prit à son service en 1757 comme chef de l'artillerie impériale où il s'illustra en défendant Schweidnitz contre le roi de Prusse Frédéric II. Retourné en France, il devint successivement maréchal de camp (1762), lieutenant général (1765), premier inspecteur de l'artillerie (1776) et grand croix de saint Louis.

pièce de 8 au musée Posted by Hello


Il s’est agi de revoir d’abord le système de production de l’ingénieur Vallière qui donnait des canons lourds et longs sur des affûts faits mains non standardisés, ce qui provoquait une perte de feu au combat à la moindre avarie - les charronnages des divers arsenaux n’étaient pas interchangeables, les essieux chargés de tout le poids du bronze se brisaient dans les cahots.
Ainsi dans la droite ligne d’uniformisation d’un Louvois et la finesse d’épure d’un Sané¹, Gribeauval dota l’artillerie royale d’un canon redessiné et d’un système « industriel » complet à la fois pour l'artillerie de campagne, l'artillerie de siège, l'artillerie de place, l'artillerie de côte. Ceci lui valut l’inimitié d’autres ingénieurs d’armement qu’il avait ainsi surpassés. Une histoire judiciaire fumeuse aboutira même à sa disgrâce passagère en 1774 avant qu’on ne le rappelle pour finir son projet.


Par un règlement en date de 1785, il établit une standardisation des pièces composant les canons et les avant-trains (roues, caissons, écrous et toutes pièces) et il améliora la manoeuvrabilité de l'artillerie en dotant les pièces d'une prolonge à avant-train permettant de détacher le canon sans dételer les chevaux.
Il équipa aussi les canons de visées pour accroître la précision du tir et fit adopter les boîtes à balles afin de vérifier rapidement le calibre des boulets de bouche.
Ce système imbattable dans les campagnes napoléoniennes subsistera jusqu'en 1825.

Pour rendre à César le poids seul des lauriers qu’il mérite, il faut évoquer le maître de forge suisse Jean I Maritz qui inventa la machine à forer les fûts de canon, technique qui fut appliquée dans les arsenaux par la réforme 1734 de Vallière. Mais les conditions de fonte étaient si précaires et les produits si peu sûrs qu’il fallut se résoudre à reconstruire complètement les systèmes de production des arsenaux. Ce que fit Gribeauval, ami de Jean II Maritz, sur ordre de Choiseul. Les Maritz fondirent des canons à Strasbourg jusqu’en 1839.

Le canon Gribeauval n’est somme toute qu’un canon, un très bon canon. Mais l'ingénieur se retrouve génial dans le Système d'artillerie Gribeauval et dans son règlement d’emploi.
Les calibres de campagne, les seuls que nous considérons ici, sont ramenés à trois : 4, 8 et 12. Ces chiffres donnent le poids des boulets propulsés. Le consulat échangera par la suite le 4 par du 6 à masse équivalente. La réforme interviendra dans tous les domaines ci-dessous :

1.- Augmentation de la mobilité par recherche systématique de la diminution des masses :
- Réduction donc de la "volée" des pièces de 26 à 18 calibres (c’est la longueur des fûts);
- Diminution de l'épaisseur des parois des fûts grâce aux prémices de balistique interne et à l'appréciation mathématique de l'influence du calibre sur les pressions supportables ;
- Utilisation d'un alliage de bronze de la meilleure qualité souhaitable ;
- Perfectionnement des méthodes de coulée et refroidissement progressif.

Au résultat, le poids des pièces à calibre égal est réduit d’un tiers par rapport au système Vallière, l'affût ayant fait l'objet d'un allègement qui sera compensé pour sa résistance aux déplacements et au recul de tir, par des entretoises.
Autre amélioration importante, celle du remplacement des fusées de roues, en bois jusqu'alors, par des fusées d'acier, tant pour les pièces que pour les voitures.

2.- Amélioration de la précision des tirs par des instruments de pointage :
- Retour à la vis de pointage en site, essayée dès le XVIè mais perfectionnée par les Suédois et très robuste (elle remplace avantageusement le système à coins de Vallière);
- Diminution du vent de l'âme, assurant un meilleur guidage du projectile ainsi que paradoxalement une diminution de l'usure.

3.- Standardisation rigoureuse des matériels à base de cahiers des charges précis aux divers arsenaux. On imagine mal de nos jours que ce chapitre ait été le moins facile.

avant train de 12 Posted by Hello


Manœuvre de la pièce de 12.
Artilleurs à vos pièces !
Le chargement et le tir d'une pièce de canon se pratiquent de la façon suivante :
- la « cartouche à boulet » est composée de la « gargousse (sac de tissu renfermant la poudre) et du boulet maintenu sur un sabot de bois par deux bandelettes métalliques en croix, le tout étant enfoncé dans l’âme du canon avec « un refouloir » ;
- le chef de pièce crève alors la gargousse en enfonçant un « dégorgeoir » dans le trou de la lumière, puis il y place une « étoupille » (fusée d'amorce contenant une substance inflammable).
- la pièce est alors pointée en hauteur et en direction (l’affût allégé Gribeauval permet le pointage à un seul homme) puis, au commandement "Feu", un servant utilise une « lance à feu » et allume l'extrémité de l'étoupille qui communique le feu à la charge.
Feu !

La cadence de tir d'une pièce de 12 était de 3 coups à la minute ; sa portée maximale, sous un angle de tir de 15°, était de 2500 m et sa portée utile d'environ 900 m. À cette distance, les coups portés au but étaient de un sur quatre, mais, étant donné la « formation serrée » qui était adoptée à cette époque par l'infanterie, il n'était pas rare de voir un seul boulet rond faucher trente à quarante hommes.
Les progrès futurs allaient consister vers 1846 dans la rayure des âmes des canons pour améliorer la précision de tir. Les boulets étaient remplacés par des ogives dont la peau externe était en plomb afin de se marquer sur les rayures. Mais l’avancée décisive fut le chargement par la culasse que Krupp, s’il ne l’a pas inventé, mit au point et industrialisa.

un 12 en route Posted by Hello

mardi 8 mars 2005

Vexilla Regis

Le Vexilla Regis qui fut écrit par Mgr Venance Fortunat (530-609) est encore considéré comme l’un des plus grands hymnes liturgiques.
La Reine Radegonde s’étant retirée dans un couvent qu’elle avait bâti près de Poitiers, cherchait quelques reliques pour sa chapelle quand l’empereur Justinien le Second et l’impératrice Sophie lui envoyèrent un morceau de la vraie croix. Pour célébrer l’arrivée de la sainte relique, la reine demanda à Mgr Fortunat de créer un hymne pour la procession d’accompagnement jusques à la chapelle.
Cet hymne a depuis lors une relation très forte avec la Croix. Il se chantait à Vêpres aux jours de la Passion, du lundi au jeudi saint.
C’est un hymne “croisé” qui sert aussi de ralliement, mais il est le plus souvent classé comme motet.
Lancer la mini-console Real Player pour écouter le Choeur de Chambre d'Epsom et pleurer de tristesse et de bonheur mêlés en ce temps de Carême.

Voici que s'avancent les étendards du roi, la croix rayonne en son mystère; crucifiée, la vie subît la mort et la mort eut fruit de vie ...
<a href=" http://www.epsomchamberchoir.org.uk/recordings/bruckner_vexilla_regis.ram">Cliquez-ici</a>




Vexilla Regis prodeunt;
fulget Crucis mysterium,
Qua vita mortem pertulit
Et morta vitam protulit.

Confixa clavis viscera
tendens manus, vestigia,
redemptionis gratia
hic immolata est hostia.

Quo vulneratus insuper
mucrone diro lanceae,
ut nos lavaret crimine,
manavit unda et sanguine.

Impleta sunt quae concinit
David fideli carmine,
dicendo nationibus:
regnavit a ligno Deus.

Arbor decora et fulgida,
ornata Regis purpura,
electa digno stipite
tam sancta membra tangere.

 


Beata, cuius brachiis
pretium pependit saeculi:
statera facta corporis,
praedam tulitque tartari.

Fundis aroma cortice,
vincis sapore nectare,
iucunda fructu fertili
plaudis triumpho nobili.

Salve, ara, salve, victima,
de passionis gloria,
qua vita mortem pertulit
et morte vitam reddidit.

O Crux ave, spes unica,
hoc Passionis tempore!
piis adauge gratiam,
reisque dele crimina.

Te, fons salutis Trinitas,
collaudet omnis spiritus:
quos per Crucis mysterium
salvas, fove per saecula.
Amen.


Mais l'évêque Fortunat écrivit d’autres chants liturgiques parmi lesquels nous avons choisi les deux suivants :

Ad domnam Radigundem
Tempora si solito mihi candida lilia ferrentaut speciosa foret suave rubore rosa,haec ego rure legens aut caespite pauperis hortimisissem magnis munera parva libens.Sed quia prima mihi desunt, vel solvo secunda:profert qui vicias ferret amore rosas.Inter odoriferas tamen has quas misimus herbaspurpureae violae nobile germen habent.Respirant pariter regali murice tinctaeet saturat foliis hinc odor, inde decor.Haequod utrumque gerunt pariter habeatis utraque,et sit mercis odor flore perenne decus.

C’est magnifique, quelle belle reine que Radegonde !

De Ecclesia Parisiaca
Si Salomoniaci memoretur machina templi,arte licet par sit, pulchrior ista fide.nam quaecumque illic veteris velamine legisclausa fuere prius, hic reserata patent.floruit illa quidem vario intertexta metallo:clarius haec Christi sanguine tincta nitet;illam aurum, lapides ornarunt, cedrina ligna:huic venerabilior de cruce fulget honor.constitit illa vetus, ruituro structa talento:haec pretio mundi stat solidata domus.splendida marmoreis attollitur aula columniset quia pura manet, gratia maior inest.prima capit radios vitreis oculata fenestrisartificisque manu clausit in arce diem;cursibus Aurorae vaga lux laquearia conpletatque suis radiis et sine sole micat.haec pius egregio rex Childebercthus amoredona suo populo non moritura dedit.totus in affectu divini cultus adhaerensecclesiae iuges amplificavit opes;Melchisedech noster merito rex atque sacerdosconplevit laicus religionis opus.publica iura regens ac celsa palatia servansunica pontificum gloria, norma fuit.hinc abiens illic meritorum vivit honore;hic quoque gestorum laude perennis erit.

Ce roi Childebert, grand saigneur au début mais sympathique sur le tard !


Au seizième siècle Jean de La Ceppède composa son Vexilla Regis en français, pour ses Psaumes de la Pénitence.
Savourez en silence !

Les Cornettes du Roy volent par la campaigne,
La Croix mysterieuse éclate un nouveau jour,
Où l'Autheur de la chair, de sa chair s'accompaigne
Et fait de son Gibet un Theatre d'Amour.
Là pour nostre rachept, là, pour nostre doctrine
Il tend ores ses mains, tend ses deux pieds aux cloux,
Tandis les cloux d'amour cloüent dans sa poitrine
Son coeur tout amoureux, qui s'immole pour nous.
Mort sur cette potence une lance outrageuse
Luy perce le costé, d'où surgeonne soudain
De son sang, et d'eau vive une onde avantageuse
Pour lancer le bourbier, qu'il a tant à desdain.
C'est ce qu'obscurement le bon David souspire,
C'est ores que suivant ses prophetiques vers
Du Bois, le Tout-Puissant établit son Empire,
Qu'au Bois, que par le Bois il regit l'univers.
Arbre brillant et beau, que la pourpre Royale
Pare, orne, vermillonne, enlumine, enrichit,
De quel tige t'éleut cette ame déloyale,
Qui pour ces membres saincts en gibet t'affranchit ?
Arbre trois-fois heureux, qui vois pendre à tes branches
La rançon de ce Tout, tu balances ce Corps
Qui nos pechez balance. En toy sont nos revanches,
Tu reprens sa reprinse au Coursaire des morts.
Ô Croix, que mon espoir à tes bouts aboutisse,
A ce jour que le sang sur toy coule à randon,
Augmente, s'il te plait, aux justes la justice,
Et donne aux criminels le désiré pardon.
Esprits que cette Croix, que ce Gibet recrée
Au sainct los du Trin'-un rangez tous vos propos.
Trin'-un, qui nous sauvez par cette Croix sacrée
Guidez nous, guindez nous au sublime repos.

Jean de LA CEPPÈDE (1550-1623)

Je vous quitte sur un tantum ergo de derrière les fagots par les Choeurs de Monadnock
Baissez vos lances, Croisés, heaumes au bras !
Bonsoir.

<a href=" http://www.monadnockchorus.org/Tantum%20Ergo%20by%20Franz%20Schubert.mp3">Cliquez-ici</a>

lundi 7 mars 2005

Utopie

Préambule
Pour esquisser le gouvernement de la France de demain il faut pas mal de présomption, puis tenir compte non trop encore de son environnement présent mais plutôt de celui qui sera le sien à partir de la prochaine décennie, tout semblant écrit déjà jusqu’à la fin de la présente.
Il n’est jamais inutile de fonder pareille aventure sur les principes reconnus dans le passé pour leur force d’assemblage mais il faut savoir les lire avec les yeux de maintenant. Le texte de Charles Maurras que nous avons placé à la fin du post « ce que je crois » est fondateur. Nous le remontons ici.

"Il faut tendre à éliminer de l'Etat politique d'un grand pays tout élément de démocratie parlementaire et républicaine. Cet Etat politique doit être indépendant. Cet Etat politique doit être « absolu », mot qui signifie indépendant en latin, et qui doit être répété, dans son sens, par tous les esprits sains qui, n'étant pas malades, n'ont pas la peur des mots, qui est une maladie. Il y a des questions qui ne peuvent être réglées sans une indépendance souveraine : là, le chef de l'Etat politique doit être un souverain indépendant, donc absolu."
...
"Mais il faut tendre à éliminer de la vie sociale tout étatisme. Il faut constituer, organiser la France, ou plutôt la laisser se constituer et s'organiser en une multitude de petits groupements, naturels, autonomes : véritables républiques locales, professionnelles, morales ou religieuses, d'ailleurs compénétrées les unes par les autres, mais se gouvernant par libres conseils spontanés. Le parlementarisme, expulsé de l'Etat central, peut se réfugier dans ces Etats inférieurs, à condition que l'Etat central soit demeuré le maître de la diplomatie, des armées de terre et de mer, de la haute police, de la haute justice, et soit assez fort pour veiller de haut à toutes les fonctions d'intérêt général."

La France de 2010-2020 sera dans la position d’une puissance moyenne, riche de dettes et d’un passé prestigieux dans les domaines scientifique, juridique, militaire, culturel (et gastronomique), et dans le luxe. Elle n’aura conservé son siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU qu’en souvenir du siècle des Lumières et non plus en qualité d’alliée de la seconde guerre mondiale, car il sera évident alors qu’elle n’y a participé que trop modestement et que les choses du monde futur devront à ce moment faire fi des oripeaux historiques que plus personne ne reconnaîtra. Elle devra partager l’attention requise des membres ordinaires de l’Assemblée générale des Nations Unies avec l’Inde vindicative, le Japon résurgent et naturellement orgueilleux, le Brésil solliciteur et l’Allemagne unie et contributrice, en sus des cofondateurs actuels indéboulonnables : les Etats-Unis toujours en pointe dans le pire et le meilleur, le Royaume Uni pragmatique, la Chine enfin décomplexée et déjà riche, et la Russie tranquillement assise sur sa rente minière.

La France continentale ramenée à ses frontières naturelles, coupée de son influence néo-coloniale sur les pays d’Afrique noire qui la renforçaient à l’ONU jusque là, libérée des lambeaux anachroniques et dispendieux d’un empire oublié, la France sera le petit poucet du premier cercle. Et c’est bien dommage penseront les Français qui auront tant de choses à dicter au monde qui ne les écoutera plus !

La France, pour rester visible sur les écrans radar du 21è siècle, devra au moins quadrupler ses forces. La seule voie possible est de l’unir à ses voisins, et d’utiliser toute la puissance de la sous-région pour faire valoir ses droits, veiller à sa sécurité, préserver son influence culturelle et conserver ses parts de marché.
Sans chercher le leadership de cette entité politique, la France peut à ce niveau user de son influence historique, offrir son expérience, impulser l’avenir et donner aux autres des perspectives viables. Elle sera entendue et souvent suivie pour peu qu’elle abandonne ses arrogances hors de saison, et son mépris pour les institutions bruxelloises qui la classe au dernier rang dans la mise en application des lois communautaires qu’elle a signée, parfois initiée, mais que ses dirigeants fébriles et couards ne parviennent pas à « vendre » de retour au pays, effrayés qu’ils sont du premier bronchement des corporations clientes.

Cette démarche n’aura pas abouti avant que notre nation n’ait fusionné avec les nations voisines, cousines, parce que de simples accords d’intérêt commun, des coopérations profondes et même des dévolutions de souveraineté dans les domaines économique et monétaire ne suffiront pas à donner toute la mesure des ambitions de ce groupement de nations, et surtout maintiendraient le poids excessif d’un état impérial obsolète sur ce qui sera devenu une province de l’Europe, la plus belle bien sûr. La contraction de la sphère terrestre oblige à créer une nation nouvelle sur la péninsule européenne, de taille à contenir l’appétit de ses contempteurs. Seule une fédération peut y parvenir.

Mais que viendrait faire la monarchie dans cette « galère » ? Pis encore, une monarchie absolue ?
C’est la seule solution.
Mais il faut ré-imaginer l’Europe avant que d’esquisser notre utopie nationale.

I.- Nos Europe
L’Europe à 25 ne peut être qu’une zone de libre échange, intégrée certes par des règlements communs, - encore que les difficultés que rencontrent déjà les pays de l’Est et les deux impétrants danubiens obligeront rapidement aux exceptions d’application - mais sans pouvoir politique réel, car le consensus nécessaire d’un si vaste ensemble ne peut être obtenu hors la contrainte des plus forts ou celle de situations critiques.

L’Europe à 15 a failli lors de la première crise grave qu’elle a rencontrée. L’affaire d’Irak a démontré qu’aucun pays majeur n’avait une priorité européenne, ni le Royaume Uni, ni la France, ni l’Allemagne, ni l’Italie. Les prises de positions respectives ne reflétèrent même pas la sauvegarde des intérêts vitaux de chaque nation mais se départagèrent selon l’idéologie – pour ne pas dire la paranoïa - de chacun des dirigeants en place. Là le pacifisme « willybrandien » d’un chancelier agrippé aux Verts comme le noyé à la branche, ici le gaullisme exacerbé d’un radical-socialiste empêtré dans un manteau trop grand pour lui, en face une posture thatchérienne démontrant que le Labour pourrait défendre lui-aussi les Falklands, ce que personne outre-manche n’avait demandé, là-bas enfin l’éternel contrepied transalpin voulant afficher une indépendance que plus personne ne lui dispute depuis qu’elle a disparue, si ce n’est plutôt une dispute toute personnelle entre le président de la Commission et le président du Conseil ; et de l’Europe à quinze dans tout ça ? Rien !

Reste l’Europe du départ, celle-là même qui fut conçue à l’issue de la guerre civile européenne pour aboutir à une vraie fédération. L’Europe « primitive ». La CED en était la clef de voûte, les Gaullistes n’ont pas compris (ils ont toujours du mal), les Communistes reçurent l’ordre de voter non (ils sont toujours contre sans savoir pourquoi).
Cette Europe « primitive » est faite de six vieux pays contigus, et bien plus selon l’acception du terme « pays ». Disons cinq nations véritablement distinctes, plus le Luxembourg ducal qui a par ailleurs ses propres mérites. Ces nations ont plus de mille ans d’histoire commune, leurs frontières respectives ne se sont figées que tardivement. Elles se sont interpénétrées sans cesse et se sont mutuellement enrichies de leurs différences pendant des siècles. Les peuples de ces nations ont la même vision du monde, et d’eux-mêmes.
Les tueries du 20è siècle ont conduit les survivants et surtout la jeunesse de ces nations à tirer un trait sur les nationalismes dévastateurs et les comparaisons méprisantes que chacun avait sur ses voisins. Il était temps ! Après soixante ans de « vie commune européenne », je ne me sens pas un étranger quand je me risque au Bénélux, en Allemagne, en Italie, sauf peut-être si je passe la Manche. Ça tombe bien, les Anglais ne sont pas dans la démonstration.

Passons maintenant à l’union économique et monétaire.
Nul ne contestera à jeun, que le libre échange presque total qui fut instauré entre les pays de l’Union européenne ait participé grandement à l’essor économique des nations ainsi réunies. Une monnaie forte qui bien que jeune encore, commence à faire son trou dans les réserves de change des banques centrales asiatiques et arabes, un marché ouvert de consommation équivalent au marché des Etats-Unis. Il reste pour finir l’ouvrage, à instaurer la TVA fédérale à taux égaux partout, et les derniers freins aux échanges tomberont, avec malheureusement des milliers de fonctionnaires du fisc et des douanes.

Voilà la base de l’épure : un marché ouvert et libre de circulation, donnant mieux qu’aujourd’hui encore des débouchés élargis à nos productions, et nous permettant de capitaliser de la richesse. Car notre Europe ne survivra que riche, dès qu’on veut bien comprendre que les défis du monde futur exigeront d’énormes capitaux de la part de ceux qui entendront s’y colleter. Les donneurs de leçons sans le sou ne seront même pas invités aux débats, la France de 2005 fait partie de ces « conseillers » à qui il manque toujours 20 cents pour changer son billet de Cent. Pour cette raison aussi, la fédération est indispensable, elle unit la puissance financière à l’idée motrice.
Autour de l’union économique et monétaire les nations existeront toujours car elles ne peuvent pas disparaître dans la standardisation des boîtes à fromage, ou dans l’uniformisation des mentions légales informatives sur les étiquettes alimentaires comme le prétendent certains tribuns de préaux qui ont aigri avec l’âge. Sinon cela nous préviendrait que notre nation « fromagère et giboyeuse » n’est que de pacotille qu’elle ne tient à peine dès trois décrets de chasse et pêche.

Parce que ces nations ne sont pas des nations quelconques, des amalgames de rencontre, des précipités éphémères, elles se maintiendront. Ce sont parmi les plus belles nations que le monde ait jamais eu. Leurs richesses culturelles et intellectuelles sont larges et profondément enracinées, leurs mœurs ont été copiées partout, leurs langues sont encore dites dans des contrées perdues qu’elles ont dans le passé atteintes même brièvement. Le sel de la terre, il est ici, chez nous, en Europe de l’Ouest. Ces nations d’excellence doivent former ...
la Fédération d’Europe Occidentale.
Musique !

Mais ces nations et la nôtre en premier, mises à mal par l’impéritie de leurs gouvernements à courte vue et à brève échéance électorale, doivent être renforcées et durcies afin que la jeune fédération bénéficie du maximum de ses atouts pour s’imposer parmi les grands.
Car il sera pénible son combat pour resurgir ainsi au milieu des empires émergents qui s’ébrouent sous nos yeux. La préservation de ces nations et leur renforcement doit commencer par la réforme de leurs sociétés, anachroniques, désuètes, dispendieuses, vieillissantes.

II.- La réforme des états européens, d'abord celle de l'état français
La réforme commence obligatoirement avec celle de l’Etat avant que d’entreprendre celle des systèmes sociaux. L’Etat qui depuis cent vingt ans en France ne cesse de se répandre sur la nation qu’il prétend gouverner jusqu’à vouloir la représenter exclusivement dans tous les domaines même ceux de l’âme ! Les états des nations européennes ne les servent plus, mais comme le lierre ou le gui, ils y prospèrent, grossissent et métastasent jusqu’à finir un jour par les phagocyter.

Cet Etat dont nous avons besoin, c’est celui que décrit Charles Maurras. Un état « indépendant » des modes, des vents historiques, des courses aux prébendes, un état qui protège le cœur battant de la nation, favorise son embellissement, facilite l’octroi de chances égales à chacun comme dans la parabole des talents, un état qui soit miséricordieux avec les faibles car une nation n’a pas que des champions, un état qui garantisse enfin une vraie liberté. Professionnel, compétent, ramassé, compact, efficace, respecté à l’intérieur et craint à l’extérieur.
L’état actuel qui prélève pour lui et la redistribution sociale, la moitié de la richesse produite, qui laisse cinq millions de citoyens sur le carreau, et quelques dizaines de milliers à dormir sous la neige de février, cet état n’est que la caricature boursouflée de la république voulue par certains penseurs du XVIIIème siècle, quelque dictature de la nomenklatura pour paraphraser la définition marxiste.

Cet état nouveau que nous appelons de nos vœux ne gardera de pouvoirs que régaliens. La société civile et les provinces dans lesquelles elle choisira de vivre, organiseront comme bon leur sembleront et dans la mesure de leurs moyens budgétaires, les réseaux divers et variés de solidarité, entente, entreprise. Liberté totale ! Certaines provinces décideront de consulter leurs habitants pour toute loi comme en Suisse, d’autres érigeront des parlements auxquels seront délégués des pouvoirs législatifs, certains autres préfèreront la simplicité d’un prince et son conseil restreint dans la gestion de leurs affaires publiques.

L’Etat nouveau conservera les pouvoirs de sûreté et libertés intérieures, justice et police, finances centrales, Sécurité Sociale, école primaire, cultes et Assistance Publique (hôpitaux) ... Ces pouvoirs bien précis et limités seront entièrement dans ses mains, il ne les partagera pas, ne les décentralisera pas, ne les transfèrera pas. Ces pouvoirs seront exécutés par les préfets et les trésoriers-payeurs généraux dans les conditions présentes qui ne fonctionnent pas si mal. Le département, seul découpage du territoire qui ait fait ses preuves tant dans l’administration de l’espace que dans le ressenti de ses résidents, sera conservé et renforcé.
Au sommet de l’Etat, on trouvera un gouvernement qui organisera le fonctionnement de ces pouvoirs et gèrera le quotidien à travers ses ministères, coordonnés par un premier ministre. La politique générale sera dévolue au Conseil du chef de l’Etat qui aura le dernier mot.

Un état simplifié sera plus facilement gérable et contrôlable. La Cour des Comptes sera le surveillant privilégié du bon fonctionnement de l’Etat. Elle remettra un rapport annuel et présentera au parlement le budget qu’aura préparé le gouvernement sur arbitrage du Conseil. Ce parlement sera composé des délégués des provinces et de certaines villes importantes, il aura vocation à accepter ou à refuser le budget de l’état central, en bloc.
Pourquoi perdre de la substance et de la force dans les débats parlementaires qui ne pèsent comme aujourd’hui que sur deux ou trois pour cent des budgets présentés à l’approbation des députés ? C’est sur le principe même de la contribution à l’Etat central que seront appelés à voter les députés. Pas sur les lignes budgétaires particulières. Parce que le budget de l’Etat sera devenu lisible d’une part et donc cohérent, et que d’autre part ce budget sera abondé par les contributions fiscales de l’ensemble de la nation ; et qu’il est juste de les faire approuver avant que de les mettre en recouvrement.
Il sera utile aussi de confier au parlement un rôle d’études et de réflexion au profit de l’enrichissement des décisions du Conseil, et surtout pour conserver tendu le lien entre la Nation et un pouvoir central respectable et digne. Le Sénat actuel pourrait être ce parlement.

Le chef de ce Conseil sera un professionnel de carrière ; le roi convient très bien ; et le principe capétien de sa succession automatique lui aussi, jusqu’à plus ample démontré du contraire. Elevé pour sa charge à son rang, le prince dans sa permanence conviendra exactement au rôle apaisé de chef de cet état nouveau, nous débarrassant des « campagnes démagogiques » et des orgies budgétaires qu’elles déclenchent. Propriétaire moral de l’état central, il s’inquiètera de le gérer au mieux de ses intérêts et saura le pérenniser à l’écoute des besoins profonds de la nation.

Par chance, le domaine marchand ayant été dévolu à l’administration européenne, le Conseil du roi et son gouvernement central n’auront plus à s’immiscer dans les affaires économiques quotidiennes avec l’irrésistible tentation de privilégier ici et là tel acteur plus proche de leurs vues ou de s’enfermer dans des labyrinthes socio-économiques ingérables d’en-haut.
Au-dessous de lui, pourront foisonner les républiques consulaires (municipales) et les états provinciaux comme il en fut déjà au Moyen-Age (eh oui), ce foisonnement permettant au tempérament gaulois de s’exprimer dans son génie bimillénaire du débat contradictoire, ce qui permettra éventuellement de faire des routes, des écoles et pourquoi pas des viaducs qui sauront contenter la majorité des usagers, le tout à leurs frais ou selon les convictions qu’ils auront pu emporter dans les instances compétentes pour le développement, à Strasbourg d’abord. Les collectivités territoriales auront toute latitude de se grouper à la carte ou au menu, de fusionner, de se séparer, de se diviser, de disparaître, selon le vœu des habitants.

III.- Et l’Europe alors ? La Fédération ?
Nous y venons.

L’administration bruxelloise – ne pensez pas une seconde pouvoir la dissoudre - sera cantonnée à l’économique mais le gèrera à cent pour cent. La Commission sera retaillée en conséquence et son président confirmé dans ses nouvelles attributions plus précises et plus grandes à la fois. On pourra lui donner du « chancelier » pour le distinguer des autres corps constitutifs de l’espace européen. Il rendra des comptes (économiques) au parlement européen et partagera avec lui des compétences budgétaires dans tous les domaines économiques et de développement.
Les domaines non strictement économiques seront retournés aux nations, du moins à toutes celles qui le souhaiteront. Il y en a peu finalement de ces domaines dévolus. Et c’est pour ça que les thèses souverainistes sont faibles et que l’on voit leurs défenseurs se cramponner à des lois insignifiantes comme la chasse aux migrateurs, le taux de pollution des eaux, la hauteur des gendarmes couchés.

La Fédération politique sera gouvernée par un Conseil réunissant les cinq, six ou sept chefs d’états la composant, assistés de leurs conseillers/ministres nationaux. Nous obtiendrons là un Conseil Suprême disposant d’un secrétariat permanent qui surveillera l’exécution des décisions et le non-empiètement des domaines de compétences entre les divers corps constitutifs de la Fédération et au-delà d’elle avec les autres organisations européennes concurrentes. Quelles seront les compétences souveraines dévolues au Conseil Supérieur ?
La sécurité extérieure avec les armées et les systèmes de renseignement, la diplomatie générale, la diplomatie économique (OMC,…) déléguée au chancelier, l’environnement, plus des compétences hiérarchiques telles que la nomination à la présidence de la BCE, Banque Centrale Européenne, la nomination des Juges constitutionnels et de ceux de la Cour d’Appel européenne.
Les pouvoirs du Conseil Suprême seront exécutés chacun par un ministère fédéral ad hoc, staffé convenablement, et qui lui sera subordonné. Il n’y aura pas à ce niveau de premier ministre ou président coordinateur afin de ne pas affaiblir la souveraineté du Conseil suprême. La cheville ouvrière sera le secrétaire fédéral. Souhaitons revoir quelque Richelieu à ce poste.
Les cinq ou six ministères fédéraux répondront de leur gestion à une Cour des Comptes fédérale qui en fera rapport au Conseil. Le Budget alloué au gouvernement fédéral le sera par le Conseil Suprême qui le financera en conséquence sur les deniers des gouvernements nationaux, à côté du budget bruxellois débattu et approuvé en dehors d’eux, du moins pour ce qui concernera la France.

Il est incidemment agréable de supposer que la permanence du titulaire de siège français et la continuité de sa politique en perspective finiront par donner des idées aux autres pays, minés peut-être encore par les alternances stériles. Si à terme nous retrouvions un conseil de princes, tablons que les débats en seraient facilités, et ses décisions rapides.

Ce Conseil Suprême se réunira périodiquement et souvent pour prendre les décisions qu’il jugera appropriées en recherchant le consensus (c’est faisable en petit comité). Est-il à ce niveau besoin d’une tête représentative de la Fédération ? J’ajouterai pour quoi faire ?
Pour aller à Davos ? On abandonnera la couverture glacée de Fortune au chancelier.
Pour aller au G7, le président de la BCE fera cela très bien ?
Pour les funérailles de Kim Jong-il ? Si le consensus est étroit, un des chefs d’état du Conseil Suprême distraira le temps nécessaire à cette manifestation exotique et les autres ne devront pas s’inquiéter de ne point paraître sur la photo, surtout s’ils sont rois !
Le « numéro de téléphone » de la Fédération sera celui du secrétaire fédéral.

L’organisation des relations entre la Fédération et les autres membres de l’Union actuelle n’est pas traitée ici – qu’est-ce qui y est vraiment traité d’ailleurs ? – Mais on pourrait à terme prévoir un Fédération scandinave ou hanséatique avec les pays riverains de la Baltique, une Fédération danubienne ou balkanique, une Fédération ibérique, etc… le tout convergeant dans une Confédération européenne, grand espace économique lié.

IV.- Premiers effets

Ce schéma apportera-t-il les réponses au désarroi actuel des nations européennes ?
Sur le plan budgétaire déjà oui !
En France l’Etat central aura fortement maigri.
Disparus les ministères obsolètes ou incapables* comme l’Agriculture, les Anciens Combattants, le Logement, les Sports, la Culture, la Recherche scientifique, le Plan, les Universités, les Relations européennes, et dix autres encore qui traduisent la volonté de l’état de s’immiscer partout et de survivre même en l’absence d’administrés (les effectifs budgétaires de l’Agriculture sont plus nombreux que les exploitations agricoles, les anciens combattants des guerres mondiales sont chaque jour plus rares, les douanes sont à réduire dès l’harmonisation des TVA, …).
(*) au sens juridique

Seront ramenés à de plus justes proportions de par leur transfert à la Fédération, la Défense et les Affaires Etrangères, ces dernières étant réduites autant de fois que de pays fédérés.

Quant à l’administration territoriale, elle sera fatalement freinée dans ses ambitions dépensières puisqu’elle devra collecter elle-même sur son territoire de compétences les deniers nécessaires à son budget et ses projets. On peut espérer que le contact plus étroit entre l’usager contribuable et la bureaucratie locale limitera sa prolifération au bénéfice des investissements utiles. Ceci mériterait un chapitre à part pour ne pas dire grand-chose puisque la liberté ne s’écrit pas, elle se vit.


Bienvenue au royaume de France, restauré dans son siècle avec un souverain éclairé, digne et respecté pour savoir gouverner ses sujets (qu’on ne pourra jamais appeler comme ça) au nom du bien public et avec toute l’attention portée aux générations à suivre.

On peut toujours rêver !

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