samedi 16 septembre 2006

Une diplomatie en bloc

Ministère des Affaires Etrangères

Les clés de partage du monde fini changent à chaque décennie. Le prestige ne suffit pas à conserver des positions avantageuses, surtout quand il est entamé par la médiocrité des dirigeants de passage. Les nations s'observent et se classent entre elles sur des critères neutres comme leur masse de production, l'étendue de leurs territoires, leurs richesses intrinsèques ou leurs rentes de situation, leurs forces armées, leur capacité à rallier autour d'elles d'autres nations, leur savoir, leur histoire.

La place qui est prise par l'un l'est aux dépens de l'autre ; on le voit prosaïquement dans la course à l'énergie que nous font subir les empires émergents. Dans ce grand partage la place de la France décroît proportionnellement à sa démographie relative, sa production, sa force. Le constat déjà ancien amena les responsables politiques à créer le concept de la main française dans le gant européen pour rattraper aussi longtemps que possible les effets de notre déclassement mondial. La manoeuvre a réagi aux commandes autant que nos partenaires l'acceptaient. Elle a finit par gripper avec l'imbécile élargissement de la Communauté européenne qui a dilué les nerfs et le sang de l'Union en important des obsessions extérieures aux intérêts légitimes de la péninsule occidentale. Finalement on risque bien d'aboutir à une sorte d'AELE bureaucratisée. Que d'efforts pour arriver si peu loin !

Sans verser dans le ralliement que M. Régis Debray suggère dans son excellent ouvrage "L'édit de Caracalla", dans lequel il demande la citoyenneté étasunienne pour tous les Occidentaux, nous constatons que nous ne ferons plus rien de notable seuls aujourd'hui ; hormis de l'agitation médiatique qui ne trompe que les militants les plus convaincus des partis au pouvoir, et les rationnaires de notre diplomatie. Les trois domaines de prédilection que nous avons choisis dans le volet précédent sont donc le droit international, l'environnement et la francophonie. Essayons de les articuler et de les promouvoir sur le vaste monde. Nous observons que s'ils sont universels par vocation, ils ne sont pas hégémoniques par essence. On peut donc introduire ce triptyque dans un concept d'alliance sans déclencher les hostilités.

Contrairement aux assertions un peu rapides de Monsieur Coûteaux, la politique de bloc est puissante en elle-même. Corrélativement elle démultiplie la puissance relative de chacun de ses participants qui doivent y exercer leurs talents et y impliquer leurs ressources. Certes elle abaisse un peu les orgueils nationaux, mais est-ce si grave ?
Par contre la politique de bloc vise à garantir la survie des nations qui le composent dans un monde hyper-compétitif qui va devenir peut-être une foire mondiale d'empoigne. Ne dit-on pas que si la Chine et l'Inde décrétaient devoir atteindre le niveau de vie occidental il faudrait une seconde planète Terre pour les satisfaire ? Quelqu’un a-t-il entendu ces deux empires nous rassurer en affirmant qu'il n'en était pas question pour eux ?
Alors faisons bloc !

Quel bloc ? Nous n'avons qu'une alternative : soit le bloc atlantique tel qu'il est dessiné par l'Alliance atlantique, soit le bloc européen en travaux. Tout autre choix est contreproductif en termes de puissance. Quels sont-ils quand même ?
Un bloc latino-maghrébin ou méditerranéen, l'Union latine ? Elle n'accèdera pas à l'étage de puissance nécessaire.
Un bloc franco-africain ? Outre le fait que nous n'avons plus les moyens financiers de ce leadership, nous risquons d'être engloutis par le continent noir.
Un bloc franco-russe, avec quelques autres peut-être ? C'est un rêve russe que de fédérer une grande partie du sous-continent occidental en lui offrant ses ressources énergétiques et l'espace. La clé du problème serait l'Allemagne , serait-elle disposée à renverser un jour ses alliances en amenant la France avec elle ? J'en doute fort depuis sa réunification.

Revenons aux deux premiers.
Nous faisons partie du bloc atlantique mais de manière déshonnête, en profitant de la protection offerte car nous sommes au coeur géographique du dispositif, mais en instrumentalisant notre différence dans divers chantages à l'exception. Ce n'est pas exactement un comportement d'allié. Il eut mieux valu en 1966 rompre carrément et sortir de l'organisation diplomatique; mais on savait déjà qu'à échéance nous allions disparaître des écrans internationaux sauf à nous jeter dans les bras de l'URSS. Notre position actuelle - un pied dedans un pied dehors - est ridicule et nous dessert, car à chaque fois que l'Alliance est convoquée à la résolution de questions sécuritaires, il y a toujours un ordre du jour alternatif à celui que les Français pourraient souhaiter. cf. le Liban, on a coupé radio-Paris pour se brancher su radio-Rome.
A noter que dans ce bloc atlantique, les trois domaines que nous avions choisis (sans demander la permission à personne) sont viables, développables et in fine rémunérateurs.

Voyons maintenant le bloc européen.
Le soft power a ses limites d'autant qu'il ne s'exerce apparemment que par élargissement de l'Union. On phagocyte nos problèmes après entropie des moeurs de l'intrant. Si elle veut être entendue au-delà des questions agricoles, l'Europe doit pousser ses dents, et se faire craindre. On arrive vite au dilemme de la défense européenne qui n'est perçue par aucun pays de la même façon. Sauf la France et la Belgique paraît-il. Le coin le plus profond dans le projet est celui des pays de l'Est. Ils n'ont aucune confiance pour leur sécurité dans les grands pays européens, et se sont groupés sous le parapluie américain aussitôt qu'il leur fut possible sans déclencher de réactions fatales d'une Russie subitement assiégée. Ce sont de vrais alliés des Américains. Ils ne croient pas que les quatre pays occidentaux de la Vieille Europe mettent jamais les moyens d'une défense inexpugnable sur la table. Le destin tragique du Liban vient de le leur rappeler. Nous avons tous pleuré l'arme au pied !
On peut dire, je crois, que pour les deux générations montantes, une défense européenne de niveau mondial, et en conséquence, un bloc européen puissant, n'aboutiront pas. Sauf pour la France à vouloir persévérer dans le rôle du Guignol des traboules, il faut donc retourner au bloc atlantique.

L'administration Bush n'est pas éternelle à la différence du gouvernement Chirac qui risque bien de se continuer avec M. Sarkozy. Le bilan des huit années du clan Bush-Cheney sera forcément débiteur. Aurions-nous été moins véhéments dans notre opposition à la guerre jusqu'à froisser profondément l'Amérique, que nous pourrions déjà en retirer quelques avantages moraux. Le gain moral dans un domaine - ici celui du droit international et de la perception des fermentations arabes - est toujours un bon levier applicable au domaine voisin - par exemple l'environnement et le réchauffement climatique. Ayant eu raison dans le premier cas, nous serions écoutés plus attentivement sur le second. Il suffit de rester ... docte et ne pas s'envoler dans un remerciement d'académicien quand on parle devant l'Assemblée des Nations Unies contre notre allié de référence. Le comble de l'avanie gratuite.

Nous devons revenir au bloc atlantique sans arrière-pensées, non pour y faire valoir nos différences ou notre exception française - quelle foutaise - mais pour contribuer à la promotion des trois domaines de prédilection, sous notre marque ! C'est faisable. Deux de ses domaines sont d'ardentes obligations universelles, le troisième, la francophonie, sera la récompense de notre industrie diplomatique. C'est à notre portée budgétaire. Nos partenaires accepteront que nous jouions dans ces compartiments. Dans quinze ans nous aurons recouvré le lustre diplomatique que nous n'aurions jamais dû laisser ternir dans des compromissions peu dignes de notre histoire et de notre rang.
Appelons l'imagination au Quai d'Orsay. Ca urge !


NATO works, something else might not

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