Dès que l'on aborde la question monarchique, à part de s'en tenir à la pipolisation pérenne de la fonction d'un chef d'état décoratif, on objecte de la confusion des pouvoirs si le roi est actif. C'est imparable ! Non l'objection, mais la confusion.
Mazette ! On versera donc dans le despotisme ? Souhaitons qu'il soit éclairé. A moi, l'éolienne !
Qui sont-ils ces pouvoirs qu'il faut séparer dans le gouvernement du genre humain ? Montesquieu en a trouvé trois, et en regardant bien on pourrait aller jusqu'à cinq si l'on convoquait au débat l'étage supérieur, celui qui commande à toutes choses dans bien des Etats du monde d'aujourd'hui, le pouvoir religieux. Ne compliquons pas et restons à quatre : Législatif, exécutif, judiciaire et médiatique. Réunissons-les dans la même pièce, et l'on s'apercevra que le gorille de 500 kilos dans le coin qui fait peur aux trois autres, c'est le pouvoir médiatique, le faiseur d'opinions !
Normal dès lors que l'on proclame ex-cathedra la souveraineté de l'Opinion. Les trois pouvoirs institutionnels restent à l'écoute quotidienne de cette Opinion, à travers les rapports de police, la lecture des éditoriaux, et ces fameux sondages. Il ne s'agit que de lui plaire, c'est l'alpha et l'oméga de la politique, du moins dans le monde libre.
Observons la séparation entre la Justice et l'Exécutif. On sait bien que c'est un leurre à lire les nominations qui pleuvent des conseils des ministres hebdomadaires. Et si d'aventure se profilait à l'horizon une indépendance judiciaire vite affublée des oripeaux de "la république des juges" par les justiciables de la politosphère, l'exécutif y mettrait bon ordre en reléguant les meneurs dans des postes éloignés des manettes, avec ou sans promotion. Où sont les chercheurs de poux des années 80 ?
Passons maintenant à la séparation entre la Justice et le Législatif. Au motif que la représentation nationale incarne 577 fois la souveraineté du peuple citoyen, elle s'arroge des pouvoirs qui la protègent directement, ainsi que nous l'avons vu à plusieurs reprises par les lois d'amnistie parlementaire. L'initiative de commissions d'enquête ne s'arrête pas aux barrières judiciaires ainsi qu'on l'a vu lors de la mise à sac de l'instruction d'Outreau. En outre, ayant la main sur la convocation de la Haute Cour de Justice de la République, l'Assemblée Nationale y consent dès lors qu'il s'agit de juger l'Exécutif s'il n'est plus majoritaire dans son hémicycle. Cela n'empêche quand même pas que le député de base craigne l'ouverture d'une information judiciaire à son endroit dès lors que l'attaque est soutenue par la Chancellerie de la place Vendôme, donc par l'Exécutif. Tout se tient.
La question la plus débattue actuellement dans les remugles d'une constituante pour la VIè République est la séparation entre le Législatif et l'Exécutif, afin de retrouver le lustre perdu du palais Bourbon. C'est à ce niveau que la farce est la plus avérée. D'ailleurs il n'est pas innocent que les bancs du parlement soient occupés très majoritairement par les rouages de l'Exécutif, les hauts fonctionnaires, ni Janus ni Mr Hyde, mais très conscients de leurs intérêts.
Si l'on veut bien considérer déjà que la plupart de nos lois et règlement ne sont que la mise en musique de lois européennes, lois cuisinées certes sur les fourneaux de la Commission de Bruxelles, mais approuvées en Conseil européen par les Exécutifs des pays membres, on doute de l'efficacité d'une initiative parlementaire. Sauf à s'ingérer dans le comportemental et régler les moeurs peut-être, au gré du lobbying dominant.
Les ministères rédigent des projets, qui sont soumis à l'approbation du cabinet présidentiel et entérinés en conseil hebdomadaire pour inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée. Celle-ci vote - une majorité parlementaire de la couleur du gouvernement est indispensable dans ce régime - plus ou moins vite avec ou sans amendements. La loi devenue celle de la République, retourne aussi sec dans le ministère originateur, qui va désormais l'interpréter dans les décrets d'application, qui seront publiés un jour prochain (ou jamais) aux portes des préfectures. A part l'interlude du débat parlementaire pour rire, l'Exécutif est à l'initiative et à la queue de trajectoire de la procédure législative, à charge pour lui d'être le plus adroit possible. La séparation revendiquée par les Républicains est une utopie un peu livresque quoique séduisante, le trépied des pouvoirs posé sur le souverain peuple qui lui même nomme à la majorité des attentifs plus un, son lieutenant général pour veiller, à quoi on ne sait plus bien finalement ; ah si ! à la Constitution !
La mécanique politique d'aujourd'hui démontre qu'il n'y a pas de réelle séparation des trois pouvoirs institutionnels, sans doute aussi parce que c'est impossible à gérer. A l'instar de Jean Bodin qui avait détecté la fatuité du concept séparatiste avant même qu'il soit théorisé par Montesquieu deux siècles plus tard, on doit concevoir la monarchie au-dessus de l'étage d'exécution, comme indépendante des pouvoirs régaliens qu'elle assume en les présidant tous.
Pour ce qui est de l'administration de la France, je vote pour une monarchie dans laquelle le roi est soucieux du bien commun, le défenseur des droits et des libertés, respectueux des lois divines et des principes fondamentaux de l'espèce, du droit des gens et des nations (droit international), mais une monarchie active, concentrée sur ses pouvoirs régaliens centraux qu'elle réunit dans la main du monarque, et déconcentrée sur les libertés provinciales, unitaire en revanche dans sa morale publique, sinon absolue au sens latin.
Paradoxalement, on pourrait soutenir que la Démocratie, elle, exige une séparation franche des pouvoirs pour ne pas tourner à la dictature des plus malins s'ils sont suffisamment nombreux mais pas nécessairement majoritaires. L'étroitesse des socles électoraux des gens qui nous gouvernent, annonce les limites de l'intérêt général mis à l'encan d'intérêts particuliers et momentanément convergents. C'est en sus le gouvernement de l'éphémère par le zapping national.
Reste le gorille !
Je le vois s'impatienter dans le coin, attendant que l'on parle de lui. Dans bien des pays le singe est le juge de paix. C'est très évident aux Etats-Unis où la tradition de transparence nourrit la surveillance des faiseurs d'opinions. La liberté d'enquête et de ton de la presse américaine est incroyable et tout à fait impensable chez nous.
Le quatrième pouvoir n'est pas plus séparé chez nous que les autres, même s'il en est apparemment distinct. Il s'exerce sous le régime de la connivence. Le traitement médiatique de l'affaire du compte bancaire des Chirac à Tokyo est un modèle de docilité pour ne pas dire plus. Ajoutons-y la gestion sarkozienne des bouclages de presse et son agenda télévisuel, on comprendra que le gorille français est un ouistiti poussé aux amphétamines, qui sert d'abord la soupe en en renversant beaucoup. C'est malgré tout dans ce domaine que les dés vont être relancés sur le tapis.
La fabrique institutionnalisée des opinions est dépassée par la presse libre, individuelle et portative, qui se multiplie comme morpions dans la blogosphère. On apprend que les principaux bloggeurs politiques "tirent" à 20000 chaque jour, et que des évènements d'intérêt spécial comme la vidéo de Ségolène Royal parlant des 35 heures du corps professoral, totalisent un million de hits ! Ce ne sont plus les gnomes blafards et internétisés dans leurs chambres de bonnes qui s'instruisent devant l'écran de leurs nuits blanches, mais le vulgum pecus qui retrouve le goût du débat gaulois dans le monde paradoxalement concret bien que virtuel. La presse traditionnelle de connivence se meurt et ne servira bientôt qu'à emballer le poisson. Tout y est défraîchi, défloré, rabâché au moment où vous donnez la pièce d'un euro au kiosquier. La circulation de l'information est à réinventer. Le gorille est devenu définitivement cybernétique.
Finalement, seuls les dépositaires du concept original de séparation des pouvoirs ont tenu le cap. Les Etats-Unis ont maintenu les intervalles, y compris dans la carrière politique ou administrative des hommes de pouvoir. Est-ce grâce au quatrième pouvoir ? Sans doute aucun, mais aussi parce que l'empreinte de "nos" Lumières y est plus forte que partout ailleurs, et comme pays neuf déconnecté de traditions millénaires, ils ont appris à faire avec, ce qui est vraiment remarquable !
Nous pas !
Post scriptum
Nous entrons en campagne !
Royal-Artillerie, aimablement autorisé par l'Alliance Royale, publie en fin de chaque billet, une des questions fréquentes auxquelles tout militant royaliste est confronté, avec ou sans commentaire du claviste.
QF.3 : La royauté, ce sera le retour des privilèges !
Êtes-vous certain qu’aujourd’hui les privilèges n’existent pas ? Allez, cherchez bien, il y en a tellement. Les privilèges n’étaient pas l’apanage des nobles. Chaque ville, chaque profession avaient les siens. N’est-ce pas toujours le cas ? De plus, souvenez-vous que le roi a cherché à combattre le pouvoir des grands seigneurs féodaux et le pouvoir de l’argent. Au contraire, en République, les élus se mettent trop souvent au service des féodaux modernes que sont les lobbies et les groupes de pression, et pas du bien commun comme pourra le faire le roi !
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Aux manants, aux chouans, à leur prince, bonne année ! Le Roycoland bruisse de souhaits plus irréalisables les uns que les autres et part...
Mais où est l'impuissance dans cette confusion ?
RépondreSupprimerSi les pouvoirs sont réunis finalement à l'Elysée, en quoi cela est-il moins efficace ?
C'est donc bien la démonstration en creux que si le concept de séparation des pouvoirs est de pleine application, un pouvoir efficace doit chercher à réunir certaines manettes dans ses mains pour passer au-dessus de la théorie de Montesquieu.
RépondreSupprimerAutant institutionaliser cette réunion des pouvoirs, en profitant de l'occasion pour en confiner la puissance à l'étage de l'Etat central.
En Amérique du Nord, les blogs politiques sont devenus les voltigeurs de pointe des groupes de presse qui s'y abreuvent.
RépondreSupprimerLe phénomène est renforcé par les blogs qui surveillent les média, comme la Cybérie canadienne !
Ca bouge ... enfin !
Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris. Donnez-vs des cours du soir pour les nuls ?
RépondreSupprimerLe roi faitout ?
Catoneo,
RépondreSupprimerVous parlez de pouvoir efficace. Sémantiquement c'est pas clair. Ne devrait-on pas rechercher plutot un pouvoir juste.
Deuzio, si la séparation exécutif-législatif n'est que théorique et peut etre annulée ou remplacée par autre chose, celle de l'exécutif et du judiciaire me parait importante.