samedi 22 mars 2008

La faible force du droit

président Ma de taiwanMa Ying-jeou est élu président de Taiwan. Après sa victoire aux législatives du 12 janvier, le Kuomintang de Tchang Kaï-chek († 1975) reprend donc les rênes de l'île chinoise. On sait maintenant que la reconnaissance de la Chine populaire par le président Nixon en 1972 aurait été le bon moment pour proclamer l'indépendance de Taiwan, les communistes d'alors n'avaient aucun moyen de passer le détroit et de débarquer. Mais le mythe de la reconquête nationaliste aveuglait les dirigeants de l'île. Depuis, les forces continentales ont fait des progrès, et même si leurs capacités amphibies restent douteuses, celles de bombardement sont sérieuses. La sécession de Taiwan est remisée sur les étagères de l'uchronie au motif d'une seule Chine. Dommage, en cette année de toutes les amputations, celle-ci aurait fait l'évènement avec une belle guerre derrière ! On se contentera de brûler les postes de douane du Kosovo nouveau.

Ici, la résistance à l'albanisation de l'ex-Yougoslavie se fonde exclusivement sur le droit international qui interdit ce type de dépeçage. Elle est donc vouée à l'échec, le droit international n'étant qu'un des attendus en tête de décrets ou traités signés sous la contrainte.

église MitroviçaLe vieux chancelier Bismarck avait proclamé "la force prime le droit". On y a vu toute la brutalité tudesque mais ne voulait-il pas dire simplement que le droit est conséquent des résultats acquis par la force. A l'évidence, et encore tout récemment dans la guerre de liquidation de la Yougoslavie communiste, les "rectifications" de territoires n'ont jamais été négociées entre partenaires de bonne volonté. Même le Canada montre les crocs et sort ses frégates quand les Etats Unis s'avisent de redessiner leur frontière maritime alaskienne sur le passage du Nord-Ouest que le réchauffement de la planète va ouvrir.
Ceux qui brandissent le précédent kosovar pour annoncer de grands désordres au Caucase, au Tibet, au Turkestan chinois, au Sri Lanka et en Bosnie-Herzégovine, pour faire court, s'appuient sur le droit international pour certains cas, et sur la jurisprudence créée par sa violation pour d'autres. C'est pain béni pour les exégètes de la Chicane.
Seule l'Ecosse semblerait pouvoir larguer les amarres à l'amiable vers ses champs pétroliers, encore que le marchandage ne fasse que commencer ; mais Gordon Brown est écossais et l'histoire ne repasse pas les plats.

Hormis l'Ecosse, c'est bien la force qui compte, pas le droit.
- La Serbie a perdu sa guerre. L'eut-elle gagnée comme sa préparation poussée pouvait le laisser croire, qu'elle n'aurait pas été inquiétée longtemps, la Russie aurait bloqué toute revanche occidentale. Mais voilà, la patrie de la DOT a plié. Elle le paie ! C'est un rapport de force. A voir la photo du camp américain Bondsteel au Kosovo en dit long. Les mauvaises langues l'appellent le Guantanamo balkanique. D'autres insistent sur les futures fonctions de sécurisation du pipeline transbalkans du camp qui sera rétrocédé à Messrs. Kellogg Brown & Root après le départ des boys. La Serbie est hors-jeu.

monastère de Shigatse
- Le Tibet n'est pas une menace militaire. Il ne bénéficie d'aucun appui de cette sorte, et la colonisation chinoise a mis ses habitants en minorité. Les pieds-noirs sont plus nombreux et riches que les aborigènes. C'est cuit ! A voir d'ailleurs le peu d'empressement des chancelleries donneuses de leçons de droit, on devine que les analyses diplomatiques convergent. Le Tibet est perdu. L'Empire règne.

- Taiwan, qui dans dix ans aura décroché du niveau de défense exigé par sa situation stratégique, vient de rentrer au bercail aujourd'hui. Soixante ans d'indépendance morale, physique et politique ne sont pas reconnus par le droit international ! La VII° Flotte ne viendra pas - c'est une déclaration officielle - si le gouvernement de l'île provoque le gouvernement continental ou le nargue. La déclaration ne présage en rien la vraie réaction américaine à une tentative de débarquement de l'Armée rouge, - il y aura cent motifs de faire le contraire - mais les plans taiwanais de défense doivent en tenir compte, et un comportement "responsable" du président a été plébiscité par les peuples formosans aujourd'hui. Ils jettent l'éponge !

La République serbe de Bosnie, combien de bataillons ? Le Kosovo-nord derrière la rivière Ibar, combien de bataillons ? Au-delà des grandes effusions dans les stades ou de quelques émeutes dans les rues, il ne semble pas que les Serbes puissent mobiliser leurs propres nationaux. Ils l'auraient déjà fait. Se retrancher derrière le droit international pour assigner les pays ayant reconnu le Kosovo albanais est, pour moi, le signe qu'ils acceptent le fait accompli, faute de puissance disponible.

camp US Bondsteel
Le Monde dès lors devrait être ouvertement régi par la Force qui dirait, elle, le Droit, comme il en toujours été. Rien de nouveau sous le soleil.

En aparté, ce blogue milite depuis le début pour une démarche de puissance de la France, et dénonce l'agitation souverainiste purement formelle. Les souverainistes se fourvoient entre lanternes et vessies. Nos moyens doivent être dirigés par toutes voies sans restriction aucune - même par le biais de l'Europe - vers la puissance économique qui crée la puissance militaire durable ; le reste est guignolesque.
L'affaire du Kosovo nous dessillera-t-elle les yeux ?


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