mercredi 26 mars 2008

Mammon contre Bouddha

fillette thibetaineLes Hans sont entrés au Tibet, province impériale aux marches du monde chinois, en 1950. Mus par l'idéologie communiste qui procède de la connerie en bottes-de-fer et consomme ses opposants comme du bois de poêle, les Chinois ont non seulement voulu recouvrer leur souveraineté himalayenne mais imposer aussi leur propre gestion matérialiste de la cité et des âmes qui s'y terraient. Les révoltes se succédèrent dès 1956 jusqu'au soulèvement de Lhassa en 1959 qui fit fuir le 14è Dalaï Lama aux Indes. Plus de 200 manifestations d'ampleur éclatèrent ensuite. La dernière ce mois-ci.

Soixante ans après l'arrivée des armées chinoises, on constate que Lhassa a pris le train-fantôme du développement échevelé - surtout depuis l'ouverture de la ligne de chemin de fer - et dispose de tous les éléments du progrès, cafés-Internet à foison, 240 dancings et karaokés, 650 maisons de passes ; et le Potala, "Résidence des dieux", est entouré d'un beau parc d'attractions. Deux habitants sur trois sont désormais chinois. Rien n'arrête le rouleau compresseur han. La seule voie permise à la survie de la civilisation tibétaine est celle de la conversion des pieds-noirs hans au bouddhisme, ce qui n'est pas impossible, vu l'intensité de leur superstition.
Mais leur faire admettre la souveraineté d'un dalaï lama est hors de question, le Han, sel de la Terre et fils du Ciel, ne supporte que l'empereur.

monts enneigés
Le Tibet, royaume ermite gouverné autrefois par une théocratie plutôt cruelle, entra dans l'empire du Milieu à la fin du XVIII° siècle de notre ère quand Lhassa fut attaquée par les Gurkhas népalais. Les Chinois appelés au secours n'en firent qu'une bouchée et s'installèrent. La décrépitude de l'empire des Grands Tsing au XIX° siècle invita au Tibet la confrontation des empires britannique et russe qui cherchaient une position stratégique dominante. Pour régler cette question, le colonel Francis Younghusband monta des Indes en 1904 et écrasa dans le sang la défense tibétaine. Le roi Edouard VII régnait dès lors au Tibet, les Britanniques imposèrent leurs conditions et arrachèrent privilèges commerciaux et diplomatiques. Le pays étant très inhospitalier, les troupes indo-britanniques redescendirent aux Indes en 1908, et la Chine remonta prendre le contrôle du Toit du Monde quand la place fut libre.
Le Dalaï Lama (n°13) saisit l'occasion de l'avènement de la République de Chine en 1912 pour proclamer l'indépendance et expulser les troupes Tsing.
Aussi loin de tout que vous soyez et aussi difficile à atteindre sous un climat exécrable pour la manoeuvre militaire, il faut quand même une bonne armée pour maintenir son indépendance au flanc de l'empire céleste. Les maigres ressources naturelles du Tibet ne lui permettaient pas ce que réussirent les Tonkinois en 1979 qui repoussèrent avec pertes et fracas l'Armée Populaire chinoise venue lui infliger une correction.

Le Tibet est aujourd'hui une province autonome - c-à-d. son gouverneur chinois a les pleins pouvoirs - soumise à la colonisation de masse. Nos petits-enfants n'en entendront plus parler. Quelles que soient les conséquences, et à cause d'autres forces centrifuges qui se manifestent au Xinkiang voisin et ailleurs, la Chine ne baissera pas le ton aujourd'hui tant que sa province himalayenne ne sera pas pacifiée. Un pacificateur efficace fut le résident général Hu Jintao qui gagna le surnom de "boucher de Lhassa" en 1989, aujourd'hui président de la République populaire. A son tour de menacer les menaçants à la table des grands de ce monde. On ne joue pas au chat et à la souris avec un empire d'un milliard trois cent millions d'hommes qui accumule un matelas impressionnant de bons du Trésor américain et achète trains et centrales nucléaires à la pelle. Les Occidentaux et leurs alliés asiatiques observent prudemment en multipliant les déclarations à l'intention de leurs opinions domestiques. Le Tibet indépendant ne fut jamais reconnu par la communauté internationale. C'est le motif avancé par les chancelleries.
Les Tibétains sont cuits, Mammon écrase Bouddha. Partout !

le Potala ciel rouge
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Bientôt New Thibetland, une société du groupe Disney cotée à la bourse de Shenzhen : 80$ le ticket adulte, 40$ enfant, réductions de groupes, prix valable pour une journée entière comprenant un moulin à prières souvenir, la course des yaks le matin, le cheeseburger-Coca à midi au réfectoire des moines, le concert des trompes himalayennes, la danse des rosières au ruban, une séance de Tintin au Tibet en 3D avec l'abominable homme des neiges, et la grande procession des Cymbales d'or en clôture. Chaque dimanche, élection du Panchem lama. Charters depuis Londres, Dubaï, New Delhi, Beijing, Sydney, Los Angeles, Chicago, NewYork. Frequentflyer miles acceptés.
Chez toutes les bonnes agences de voyage.


PS: Magnifiques photographies du Tibet sur le site de Wang Jian Shuo.
PPS: On peut lire aussi les deux relations du fakir chrétien Sundar Singh (1889-1929) sur le Tibet en cliquant sur les deux titres ci-dessous :
- Au Tibet ;
- Encore le Tibet.



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3 commentaires:

  1. Dixit Le Figaro :
    "Pékin a confirmé la reprise en main politique des monastères, après la visite à Lhassa du ministre de la Sécurité publique. Il s'agit d'abord de relancer «l'éducation patriotique», campagne d'intimidation et d'endoctrinement censée détourner les moines du dalaï-lama et les convaincre que la Chine est leur seule patrie. L'objectif inavoué est de s'assurer l'allégeance des «bouddhas vivants» (lamas), religieux réincarnés qui joueront un rôle décisif dans la succession du dalaï-lama. Loin du dialogue et du respect de l'identité culturelle prônés à l'étranger, les Chinois semblent ainsi résolus à marginaliser le Prix Nobel et à mettre les monastères en coupe réglée."

    Les Chinois ne lâcheront rien et leurs menaces vont devenir ouvertes comme vous le prévoyez.

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  2. Heureusement (enfin façon de dire) qu'il y a eu Tien-Am-Men déjà. Le pouvoir chinois sait jusqu'où ne pas aller trop loin, et cette retenue relative sauvera bien des moines qui sinon seraient purement et simplement dirigés vers la "nuit & brouillard" du LaoGaï où ils disparaîtraient comme la chair dans la baignoire d'acide sulfurique.
    Ils doivent apprendre à gérer ce type de crise ... et ce n'est pas leur truc.

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  3. La déclaration PESC du gouvernement slovène en charge de l'UE n'est pas ce parangon de lâcheté contre lequel se dressent les bonnes âmes. Certes, s'il appelle TOUTES les parties à la retenue, c'est aussi pour ôter à la Sécurité Chinoise les motifs d'une répression féroce.
    L'autonomie du Tibet doit être accrue, il n'est pas besoin de multiplier les morts pour y atteindre. D'autres voies seront plus efficaces.

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