vendredi 20 juin 2008

Carambolage des valeurs

La TNT nous offre la chaîne parlementaire où se tiennent de vrais débats. Le style de l'animateur-hachoir à la Guillaume Durand y semble proscrit. Cette placidité qui permet enfin aux uns et aux autres de développer leurs arguments sans chercher à placer le mot de cinq secondes qui fera mouche à l'Audimat, oblige aussi les intervenants à organiser leur pensée et à fluidifier son expression. C'est dans ces débats développés (la Cinq et BFMTV et d'autres en font aussi) que l'on aperçoit le mieux la collision des valeurs sociétales.

le drapeau en voileL'autre jour étaient réunis sur BFM le maire UMP de Vigneux-sur-Seine, le recteur de la mosquée du cru, la présidente de NPNS à propos de la location à huis clos du gymnase municipal à une association de femmes musulmanes pour un tournoi de basket inter-mosquées. Je dis tout de suite que ça ne me dérange en rien !
Poinsot, le maire bien-nommé, coincé par l'inpute-insoumise, invoque la laïcité positive qui lui a défendu de discriminer une association déclarée, en fonction de critères religieux. Très bien. Mais si l'association promeut la discrimination des sexes - pour ne pas dire leur hiérarchisation - elle contrevient aux lois fondamentales de la République, largement bafouées d'ailleurs par la bourgeoisie régnante depuis deux cents ans.

Une troisième valeur s'invite à la dispute après la laïcité et l'égalité des genres, c'est la liberté individuelle qui prévoit pour les femmes surtout, de ne pas être reluquées par les hommes libidineux quand elles se lâchent dans une compétition sportive. Le basket en hijab n'est pas inscrit aux JO mais ça ne saurait tarder, si ça leur plaît ainsi !

Une quatrième valeur est celle de la banalisation de l'espace public où la conscience de chacun ne peut être agressée par le comportement d'autrui. La tolérance s'exerçait jadis aux processions catholiques que la République limitait strictement à faire le tour de l'église du village. Le maire a contourné l'obstacle ici par le huis-clos. Que fera-t-il quand il aura sur son bureau un dossier pour la gay-pride de Vigneux ? Il dira oui parce que la pédale n'est pas une religion.

Une cinquième valeur surgit aussitôt dans le carambolage des valeurs, c'est le droit du citoyen (contribuable) de jouir des équipements publics qu'il finance sur les taxes. Toute restriction sauf grève entame le service public exigible et dans le cas de Vigneux s'apparente à une privatisation temporaire de l'espace commun. C'est très grave ! Surtout quand on n'a jamais l'intention d'aller faire de la gymnastique mais lorsqu'on se sent frustré de ne pouvoir éventuellement en faire au cas où ... la faculté vous y obligerait, vu la brioche que vous traînez au zinc du coin.

le maire PoinsotAlors, la présidente de NPNS, qui coupait tout le monde et chauffait surtout le recteur, véritable autocuiseur soudé à l'arc du bon sens obligatoire, interpella le maire et lui demanda de ses amis un projet de loi pour interdire le sport hallal public. Une valeur nouvelle naîtra peut-être un jour sur les tables de la loi républicaine si lourdes à porter.

La république est étouffée de lois et règlements dans tous les compartiments de la vie sociale. L'Etat se mêle de tout, ne faisant pas confiance aux édiles naturels que sont les maires, très souvent désintéressés et de bonne foi. Quand donc sera remise aux responsables politiques de premier échelon la liberté de gouverner leur territoire en fonction des moeurs locales et du jugement honnête qu'ils s'en font. Et s'il y a quelques imperfections parfois, elles nous confirmeront que la gestion est trivialement "humaine". Tout ce que nous pouvons leur demander est d'appliquer le principe connu du pot à mayonnaise, que nous vous exposons gratuitement ci-dessous :

le pot à mayonnaiseC'est l'histoire d'un pot et d'un café. Sur son bureau, un prof de philosophie avait disposé un pot à mayonnaise qu'il décida de remplir devant ses élèves de balles de golf. A ras bord, il leur demanda s'il était plein. OK.

Le prof prit ensuite dans son tiroir une boîte de graviers et la vida dans le pot. Ils se disséminèrent entre les balles, et le prof demanda s'il était plein. OK.

Il sortit ensuite une boîte de sable et le versa par dessus. Bien sûr le sable finit de remplir tout les interstices et à la question de savoir si ... Okay ! répondirent les élèves agacés.

Alors il présenta deux tasses de café cachées sous le bureau et les vida dans le pot. Tout le monde éclata de rire.

Quand le calme fut revenu il déclara : " le pot de mayonnaise est notre société" là dehors. Les balles de golf sont les valeurs importantes, la famille, la foi, la santé et la liberté. Les graviers sont les valeurs secondaires mais importantes, le travail, le logement, la voiture, etc. Le sable représente tout le reste des petites valeurs auxquelles on peut être attaché.
Si vous remplissez le pot de sable, il n'y entre plus rien d'important ou de primordial. Il faut respecter l'ordre des choses.

Or, au-delà de sa devise gravée aux frontons des édifices publics, la République nivelle les valeurs, détruit leur hiérarchie et se retrouve au centre du carambolage actuel que seul le bon sens commun peut réparer.

Denis TillinacDans l'émission de RTL "On refait le monde" du 19 juin, on parla de cette affaire du gymnase de Vigneux. Le brouhaha des valeurs enfla et le journaliste Denis Tillinac du Figaro dénonça plusieurs fois le désordre en stigmatisant "les valeurs de votre République". Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd puisque Jean-Philippe Chauvin a fait un excellent billet sur le sujet.

Ne prenons pas des vessies pour des lanternes !
Hiérarchisons.


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