Me faisant trop d'honneur, mes convives du vendredi - le jour sacré du poisson au domaine - me posèrent la question qui tue : "c'est quoi cette crise mondiale en fait ?" puis se bousculant, d'ajouter la question cachée : "et et et ... que risque la France, et et ... que peut faire Sarkozy ?". Le plus facile était in cauda, chère Médème. Réponse : "Rien !"
Les rois-mages s'appellent Ben Bernanke(1), Tim Geithner(2), et Hank Paulson(3), pas Sarkozy, ni Gordon Brown, moins encore Merkel. Dans trois mois M. Sarkozy redevient le premier producteur de pinard de la planète ; point-barre !
L'Etat n'a pas mis ses oeufs dans le bon panier ; au lieu d'acheter des châteaux de crus et des fermes à foie-gras, il a investi dans la fabrication d'automobiles (15% de Renault), celle d'avions (EADS), de navires (Chantiers de l'Atlantique), de centrales atomiques (AREVA), tous secteurs ébranlables par la crise puisqu'ils ne vivent que de la croissance, si tant est bien sûr que la crise surgisse aux rivages de l'Europe, comme chacun le pense dans les médias catastrophiques qui cherchent du tirage.
Le président des Français ne maîtrise que le train de vie de l'Elysée. Il n'a la main ni sur la monnaie, ni sur l'économie et gère la pénurie d'argent public en transférant les effets d'annonces d'une catégorie à l'autre. Aurait-il ces moyens qu'on se demanderait encore à quoi pourraient-ils lui servir, dès lors que c'est l'Etat qui a disparu en capacité, ne laissant que nuisance et prédation. "Tax-attak" est le sobriquet en vogue de notre chef. Ses opposants demandant de surtaxer les riches, ceux-ci plient les gaules. La parenthèse libérale se referme, la République retourne par force à la soviétisation puisqu'elle ne "comprend" pas autre chose. Sécurité d'abord ! Dans deux mois, nous aurons un Plan, un Emprunt national, puis la nationalisation au "franc symbolique" des secteurs manufacturiers les plus populeux, peut-être un contrôle des changes. Non ?
La crise n'est pas purement financière, elle est aussi morale. Cupidité et avidité ont gouverné le monde depuis la rénovation du capitalisme à partir de l'ère Reagan. Les sociétés financières anglo-saxonne grossirent et mutèrent jusqu'à créer à partir de rien des instruments de marchés financiers que même les honnêtes gens n'arrivaient pas à comprendre. Les législateurs chargés de la surveillance détournèrent le regard pour ne pas passer pour des cloches.
Quand plus tard, cet avant-hier, les coûts hypothécaires de l'immobilier s'enflammèrent, les plus gros acteurs de la finance sautèrent à pieds-joints dans le feu avec des fonds qu'ils empruntèrent massivement (jusqu'à 10 fois leurs fonds propres) aux épargnants, en leur plaçant toutes sortes de produits sûrs comme les assurances-vie, afin de prêter ensuite cet argent frais aux acheteurs de maisons qui ne pouvaient faire face à leurs mensualités de crédit. Peut-être pensaient-ils acquérir un parc immobilier gigantesque à vil prix à mesure des saisies judiciaires sauf qu'ils étaient deux à manger sur la bête, l'hypothèque de premier rang et sa titrisation*, .
Les prêts souscrits par des particuliers aux abois furent aussitôt divisés en tranches, titrisés et revendus sur les marchés financiers par les grosses banques comme dérivés mathématiques juteux à des spéculateurs avides de placer leur argent à des taux supérieurs à ceux des bons du Trésor américain.
Quand la défection des emprunteurs immobiliers de base fut générale, tout le secteur se retrouva à poil, et le marché financier s'effondra juste après que celui de l'immobilier en ait fait autant. Les détenteurs de ces titres fabuleux n'avaient en main que les larmes des petits accédants à la propriété, et plus aucun lien actif vers le secteur immobilier, ... en perdition.
(explication dérivée de celle donnée par Massimo Calabresi dans Time magazine)
Que risque la France ? Tout !
Non pas que notre secteur bancaire implose** même s'il encaisse des pertes sévères, mais parce que la récession américaine pèsera sur l'activité du monde entier. Les pays émergents travaillent d'abord pour l'Amérique. Les Etats-Unis concourent pour un quart au PIB mondial (la France pour moins de 5%), et les deux empires asiatiques ferment déjà des usines - pour cent raisons certes mais la tendance est à la fermeture - parce que leurs marchés de consommation intérieure n'ont pas encore atteint une taille suffisante pour contrebalancer une contraction forte des exportations. Par la globalisation, le ralentissement asiatique va métastaser sur notre secteur extérieur et comprimer le peu de croissance que nous avions encore, d'après l'INSEE (mais où la voit-on ?).
Le seul point positif est un relâchement de la pression sur les matières premières, les métaux rares et l'énergie, qui devrait détendre les prix internationaux.
Si les Etats-Unis franchissent le seuil de la récession, si la Chine et l'Inde diminuent leurs investissements industriels et repoussent nos services à plus tard, si le Japon, grand consommateur de luxe français, part en stagflation ; compte tenu que notre secteur immobilier va pratiquement stopper et que les fonds publics ne pourrons s'y investir en masse puisqu'ils ne sont plus disponibles, nous aurons de la chance de ne pas entrer en récession nous-mêmes.
Destruction de postes de travail en masse, faillites laissant des ardoises à tout le monde, crédit stoppé sauf pour les happy few qui n'en n'ont pas besoin, rentrées fiscales en chute libre. Déficit alors vite insupportable si l'on conserve à l'Etat le même périmètre de dépenses, ce déficit creusant une dette dont le paiement d'intérêts (service de la Dette) finira par manger la moitié du budget public. A partir de là, gouvernance africanisée, tutelle du FMI, etc...
Sauf à licencier massivement dans la fonction publique, séquestrer l'épargne des ménages au-delà d'un certain plafond et diminuer fortement les pensions de retraites, il n'y a pas d'issue. Dans un pays addicté comme le nôtre à l'état-providence et dont tout les ressorts sont débandés, c'est la ruine assurée, et ...... la fuite des criquets, qui par millions s'envoleront vers des terres encore en production. Nous aurons au moins gagné ça : Mourir entre nous !
Simplicité fondamentale
Et le 8 là-bas en Afghanistan, me direz-vous ? No problemo ! Les soldes seront payées par le gouvernement de Kaboul en balles de coquelicots ! On reviendra au troc et ici à la simplicité fondamentale :
- la Poste ne distribuera que du courrier et ne jouera plus à la banque ;
- les pondéreux seront acheminés par voie d'eau ;
- les Bretons feront du porc pour nourrir les Bretons, comme les Gascons en feront en Gascogne...
- les voitures auront des moteurs mixtes qui atteindront le 120 ;
- l'Assemblée nationale ne représentera que les conseils régionaux, le nombre de sièges de députés sera divisé par deux, le Sénat et le Conseil économique et social seront supprimés ;
- le lait sera fait avec des vaches à lait ;
- les banques ne prêteront pas plus d'argent qu'elles n'en possèdent ;
- la santé sera dispensée par dispensaires sans débours ;
- la loi Marthe-Richard sera abolie par l'ordre des notaires et des comptables au chômage ;
- on rétablira la peine de mort pour les plombiers indélicats et polonais ;
- Rachida Dati aura le temps de faire des croix sur son semainier ;
- les royalistes iront tous les matins à la messe pour interroger la Providence ;
et la France deviendra enfin le plus bel éco-musée du Monde.
Notes :
(1) président de la FED
(2) président de la réserve fédérale de New York
(3) secrétaire au Trésor
* la titrisation a été expliquée dans un billet précédent
** la mutualisation des pertes bancaires est un leurre en cas de crash. Elle ne fonctionne que pour secourir les déposants d'une ou deux banques en perdition à la fois.
Si l'article vous a plu ou déplu, vous pouvez aussi le faire suivre à un ami en cliquant sur la petite enveloppe ci-dessous :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.