dimanche 14 septembre 2008

Un prince parle aux soldats

Jean d'OrléansLe prince Jean a diffusé sur le site Gens de France une déclaration consécutive à la mort de dix soldats français tombés dans une embuscade des Talibans au mois d'août. Cette déclaration est remarquable, même si un réglage un peu plus fin était attendu. Nous vous y adressons d'un clic.

Extrayons de ce texte le motif de notre implication dans les défis occidentaux et par voie de conséquence son mode de gestion. Le motif est clair ; c'est le prince qui parle :
« Que notre pays ait, dans le monde d'aujourd'hui, des responsabilités propres impossibles à esquiver ne fait à mes yeux aucun doute. Ces responsabilités relèvent pour une part de sa longue présence dans de nombreux points du globe: en Afrique du nord, en Afrique noire, au Québec, au Proche-Orient, en Extrême-Orient, et bien sûr dans les départements et territoires d'outre-mer.
Elles relèvent également de son prestige culturel et de son image civilisatrice sans réel équivalent. Elles relèvent enfin, même si à ce titre elle est en concurrence avec un nombre croissant de pays, de la dynamique industrielle et commerciale de ses entreprises.
»

Oui, dans toutes les régions citées nous sommes connus, le plus souvent appréciés – surtout quand Dominique De Villepin tient le pupitre à l'Assemblée Générale des Nations Unies – parfois attendus au tournant, parfois jalousés, voire quelquefois oubliés si nous espaçons nos visites.
Nous avons indéniablement un ascendant moral que nous gaspillons trop souvent par une arrogance facile ou des postures un peu « populaires ». Mais Fa Guo reste le « pays de la Loi » chez les Chinois, c'est le nom qu'ils donnent depuis longtemps à la France. Il y a 3 siècles, quand Louis XIV rendit l'âme, la nouvelle fut portée au Palais impérial en un message très court : « le Roi est mort ». Le soleil montait au Ciel !

mirage français à Kaboul
A l'époque moderne quand on passe le pantographe du village global sur notre pays, on peste de le voir ramené à des proportions régionales en dépit de louables efforts d'aspiration d'air, comme en avale la grenouille de la fable. Malgré tous nos déclassements dans les compartiments du jeu international, nous pourrions néanmoins conserver notre rang, notre ascendant moral, tout simplement dans l'immatériel. Certes il faut parfois le coup de pouce matériel pour être écoutés, mais à défaut de disposer de grosses finances, de masses énormes de charbon comme les Anglais ou les Allemands, de fer à profusion, d'uranium, de cobalt ou que sais-je, nous avons d'excellents fondamentaux à faire prospérer ... dans le domaine du « vent ».

On pourrait parler du luxe qui est la manifestation la plus éclatante du « vent », mais il y a aussi la culture, la recherche scientifique, et un domaine moins couru mais très rémunérateur en terme d'image, le courtage diplomatique. Sans remonter aux calendes, il y avait autrefois deux grandes diplomaties, le Foreign Office et le Quai d'Orsay. Les deux ont abandonné le courtage, trop préoccupées à sauver leurs positions résiduelles. C'est la Norvège qui a pris cette niche, allez savoir pourquoi.
Dans l'immatériel il est aussi des domaines que nous avons bien investis comme la bancassurance, l'astrophysique et plus généralement les mathématiques. Cultivons-les avec précaution, l'immatériel est notre trésor.

Sarkozy au front
Dans son hommage aux soldats le prince Jean soumet le gouvernement du motif à 4 exigences :
« Je voudrais ici rappeler les quatre grands principes sur lesquels s'appuyaient déjà les premiers Capétiens: patience, sobriété, prudence et rigueur. La patience, c'est, dans le meilleur sens, «donner du temps au temps », ou plutôt donner sa chance au temps. La sobriété, c'est laisser l’arbre pousser tout droit pour lui permettre ensuite de mieux s'épanouir. La prudence, c'est, comme pour les offensives militaires, ne s'engager qu’à coup sûr, toutes hypothèses pesées. Enfin, et c'est le point le plus important, la rigueur doit être le souci constant de ceux qui conçoivent la politique à mener comme de ceux qui l'exécutent. »

Je ne sais si la patience est une vertu dans le monde étréci où nous manoeuvrons ; quelle patience peut-on cultiver quand les deux grands mettent subitement le feu au Caucase à notre détriment ? Mais la sobriété attendue par le prince est certainement l'ennemi de la communication du Pouvoir qui empiète trop largement sur la vraie politique ; sauf à comprendre que le gouvernement réel des gens et des choses est assuré derrière le rideau de fumée de la pipolisation et loin des aventures d'alcôves publiques du garde des Sceaux, ce qui n'est pas avéré.

le 8 RPIma
La prudence est tout à fait nécessaire dans le raisonnement et la préparation d'un mouvement quel qu'il soit ; mais elle doit céder le pas à l'audace et à la vitesse dans l'exécution du plan mûri quand vient l'heure de l'action. Hélas, un peuple qui constitutionnalise le principe de précaution est quasiment foutu pour l'histoire à écrire. Qu'on se le dise lorsqu'on reparlera d'OGM dans ce pays.
Quant à la rigueur, elle prend des visages parfois différents de l'austérité ou de la besogne lorsqu'elle mesure le mérite des hommes en charge aux résultats qu'ils ont obtenus. On disait des rois (dans un texte d'Amouretti) qu'ils avaient tous les défauts du monde sauf celui de la légèreté dans le gouvernement du royaume et qu'ils étaient consciencieux quand ils exerçaient leur charge. La persistance du gouvernement des équipes successives sur les mêmes axes politique et diplomatique est essentielle à la conservation voire l'amélioration du rang de la nation parmi toutes ; elle convoque la compétence et le patriotisme dans la matérialisation de la vista nécessaire à définir la vraie queue de trajectoire du projet national, autrefois celle qui illumina tout le projet capétien.

Le pouvoir actuel, qui est évoqué rapidement dans le texte du prince Jean, fait preuve de rigueur dans une certaine obsession de réformes promises qui avancent bon gré mal gré. Le nombre de fonctionnaires diminue, même si les taxes foisonnent, et Yves Marie Adeline relevait dans un billet récent le dégraissage du CNRS, action inimaginable par aucun esprit averti de la pétrification soviétique de ce mammouth. Il faut savoir tirer le chapeau quand c'est mérité.

du vieux matériel
J'aurais aimé que le prince Jean ose conclure sur l'inadaptation de la république parlementaire à cet exigence de rigueur en continu et de niveau. Mais peut-être a-t-il le sentiment que le corps politique de ce pays est dans l'ensemble tendu vers le meilleur avenir possible pour notre pays, qu'il y arrive ou qu'il échoue.
Quoiqu'il en soit, une critique ouverte du régime dans son essence poserait immédiatement la question de la pertinence démocratique, sujet tabou s'il en est, alors que nous cherchons à la faire entrer de force dans la gorge des pays récalcitrants.

Qu'importe aujourd'hui la démocratie, l'hommage aux soldats tombés en Afghanistan pour la France est bienvenu de la part d'un prince inquiet de notre futur, puisqu'il nous fait comprendre aussi qu'on ne se défend plus aujourd'hui aux barrières du Louvre mais devant la tanière du terrorisme, où qu'elle soit ! Tout retrait dans les circonstances actuelles nous ferait perdre la face. Or la face est notre dernier capital.

Un voyage prochain "matérialiserait" l'hommage.


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